HOMÉLIE DU 19E DIMANCHE ORDINAIRE C

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

HOMÉLIE DU 19E DIMANCHE ORDINAIRE C

Sg 18, 6-9 ; He 11, 1-2, 8-19 ; Lc 12, 32-48

Voici donc Jésus qui nous invite à faire de bons placements. A gérer intelligemment nos biens. A protéger nos richesses des voleurs, de la dévaluation et autres mauvaises surprises. Conseil de bonne gérance également… Etre attentif aux échéances, tenir ses comptes en ordre, ne pas puiser dans la caisse ni trop facilement « emprunter » pour satisfaire sa passion du jeu ou autres drogues.  Et cependant, il y a des risques à prendre. Vendre à temps, acheter à bon escient, surveiller le mouvement des capitaux, la température de la Bourse, les intuitions et estimations des experts. Il faut aussi du courage, de l’intelligence, de l’esprit d’initiative, de l’audace et pas mal de confiance. De toute manière, l’investissement prioritaire est à faire dans la construction du royaume tel qu’il a été conçu et présenté par le prophète de Nazareth. Une entreprise de grande envergure, royalement assurée contre toute faillite ou destruction. Il ne faut donc pas hésiter à vendre du périssable pour de l’impérissable, du fragile pour du solide, du provisoire pour du définitif. Ces placements miracles ne sont pas pour autant mépris ou suppression des investissements ordinaires « de père de famille ». Le « vendez ce que vous avez… », ce n’est pas uniquement renoncer à tout son avoir pour s’engager dans un « régime de pauvreté » volontaire, pour être davantage riche en son « être »… Vendre, c’est aussi sortir son cœur du coffre-fort, emprisonné qu’il est au milieu des titres et des bijoux, des pièces d’or et des couverts d’argent… Vendre, c’est bien user de la richesse périssable « en intendant et non en jouisseur », comme l’enseignait Jean Chrysostome. C’est « user justement des biens qui sont dans notre main comme des outils. Ils servent à la justice » (selon Clément d’Alexandrie). Vendre, c’est encore se souvenir efficacement et très concrètement que tous les biens dont nous sommes bénéficiaires, richesse de cœur et d’esprit, de foi et de culture, d’héritage et d’économie, sont des dons de Dieu, confiés à notre charité pour qu’ils puissent rendre d’autres heureux. Que l’on aie des bien en abondance ou que l’on soit réduit à la portion congrue par circonstances ou par vocation, il y a toujours quelque chose à gérer, à donner et à partager, pour exprimer la solidarité des fils et filles de Dieu. L’intendant et le serviteur intelligents et fidèles mettent tout en œuvre pour que tous puissent disposer du nécessaire et exister vraiment. Le royaume n’est-il pas la société de la communion fraternelle où l’être humain vaut plus que l’argent ? Il faut être désintoxiqué de la drogue de l’avoir pour acquérir un cœur vraiment fraternel et pouvoir ainsi travailler passionnément et patiemment dans le champ ou la vigne du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne de nuit ou de jour, annoncé ou à l’improviste. Nous voici donc réinvités à retrousser nos manches, à nous dépouiller de tout ce qui alourdit notre marche. Le Maître nous a confié la gérance de biens innombrables et très divers pour qu’ils produisent des fruits en abondance. Nous voici rendus au courage et à l’espérance, arrachés aux nostalgies paralysantes et projetés vers l’avenir. La vie et le paradis sont devant et non derrière nous. Depuis Abraham, les aventuriers de la foi sont « à la recherche d’une autre patrie » (2e lecture) et refusent ainsi de fixer l’ancre en terre passagère. C’est en se libérant constamment des entraves, en se dépossédant de tous les carcans, qu’ils avancent, guidés par « des réalités qu’on ne voit pas », mais qui permettent de « posséder déjà ce qu’on espère ». « Seigneur, ton esprit, feu et tempête de l’amour, nous bouscule, secoue nos léthargies, nous donne un regard vigilant sur notre environnement familial, notre quartier, notre pays et sur le monde entier… », écrit Michel Hubaut en priant cette parabole (1). « Seigneur, arrache-nous à l’assoupissement, à l’habitude, à la médiocrité, à l’éparpillement. Ne nous laisse pas anesthésier par la surabondance, chloroformer par les discours des bateleurs publics, assourdir par le vacarme des slogans à la mode » (…) « Seigneur, rends-nous disponibles au murmure de ton esprit qui sans cesse nous redit : Où l’amour n’est-il pas aimé ? Où la vie est-elle piétinée ? Où l’être humain est-il méprisé ? Où l’espérance est-elle menacée ? Où le règne de Dieu n’est-il pas encore manifesté ? » Qui oserait dire qu’il n’a pas de réponse à donner lui-même à ces questions

(1) « Prier les paraboles : accueillir le Royaume de Dieu », Michel Hubaut, DDB 2008, 269 pp.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

Laisser un commentaire