COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT – Premier Livre des Rois 17, 17-24
COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 5 JUIN 2016
PREMIERE LECTURE – Livre du Premier Livre des Rois 17, 17-24
En ces jours-là, 17 le fils de la femme chez qui habitait le prophète Élie tomba malade ; le mal fut si violent que l’enfant expira. 18 Alors la femme dit à Élie : « Que me veux-tu, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! » 19 Élie répondit : « Donne-moi ton fils ! » Il le prit des bras de sa mère, le porta dans sa chambre en haut de la maison et l’étendit sur son lit. 20 Puis il invoqua le SEIGNEUR : « SEIGNEUR, mon Dieu, cette veuve chez qui je loge, lui veux-tu du mal jusqu’à faire mourir son fils ? » 21 Par trois fois, il s’étendit sur l’enfant en invoquant le SEIGNEUR : « SEIGNEUR, mon Dieu, je t’en supplie, rends la vie à cet enfant ! » 22 Le SEIGNEUR entendit la prière d’Élie ; le souffle de l’enfant revint en lui : il était vivant ! 23 Élie prit alors l’enfant, de sa chambre il le descendit dans la maison, le remit à sa mère et dit : « Regarde, ton fils est vivant ! » 24 La femme lui répondit : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la parole du SEIGNEUR est véridique. »
Ceci se passe à Sarepta, sur la côte méditerranéenne, là où à l’occasion d’une grande sécheresse qui sévissait en Israël, Elie a trouvé refuge auprès d’une veuve pauvre ; il avait déjà, rappelez-vous, accompli pour elle et son fils un premier miracle : tout au long de la période de famine, les maigres réserves de farine et d’huile de la famille n’avaient pas baissé et la femme avait pu se nourrir ainsi que son fils et le prophète étranger qu’elle avait accepté d’accueillir sous son toit. Mais à quoi bon multiplier la nourriture si c’est pour mourir tout de même ? Pendant que le prophète habitait chez la veuve de Sarepta, voici que son fils tombe malade et meurt. Or, dans la mentalité de l’époque, une mort prématurée était forcément considérée comme un châtiment. Si la veuve avait perdu son mari, déjà, sans nul doute, elle était coupable, même sans le savoir ; la mort de son fils venait confirmer le verdict. C’est donc tout naturellement qu’elle dit à Elie : « Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! » Dans sa douleur, elle emploie même une formule particulièrement dure : littéralement « Qu’y a-t-il entre toi et moi ? » Petite phrase que nous connaissons bien, puisque Jésus lui-même l’a adressée à sa mère lors des noces de Cana. La traduction donnée dans notre lecture « Que me veux-tu, homme de Dieu ? » rend assez bien la révolte de la femme qui attribue à la présence d’Elie la mort de l’enfant. Cette idée que Dieu pourrait en vouloir à notre vie nous effleure parfois, peut-être ; la suite du texte prouve au contraire, que l’oeuvre de Dieu est une oeuvre de vie et de guérison. Aussi, en rendant la vie au fils de la veuve, Elie accomplit-il beaucoup plus qu’une guérison physique : il ouvre la femme à la vérité. Désormais elle saura que la mort n’est pas un châtiment ; elle saura aussi que Dieu est le Dieu de la vie. Cette païenne vient d’être libérée de ses fausses idées sur Dieu ! L’auteur du livre des Rois, quant à lui, poursuit un projet bien précis quand, des siècles après les événements, il donne cette histoire à méditer à ses contemporains : car la veuve de Sarepta est une païenne, par hypothèse ; or elle sait reconnaître l’envoyé de Dieu et elle sait reconnaître Dieu à l’oeuvre à travers lui. Pendant ce temps, le peuple élu, bénéficiaire de tant de prédication prophétique depuis si longtemps, oublie son Dieu et méconnaît Elie, son prophète. Car ceci se passe, rappelez-vous, sur fond d’idolâtrie : la reine Jézabel a entraîné le peuple dans le culte des Baals ; c’est bien le monde à l’envers : le peuple élu abandonnant l’Alliance et des païens devenus capables de reconnaître le vrai Dieu. A bon entendeur salut, semble nous dire l’auteur. Il en profite pour délivrer également un autre message qui devient de plus en plus insistant au fur et à mesure que progresse la découverte des hommes de la Bible : Dieu ne réserve pas ses bienfaits au seul peuple d’Israël, toute l’humanité est appelée à en bénéficier. « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » avait dit Dieu à Abraham (Gn 12, 3). Et depuis la révélation du buisson ardent, on sait que, partout sur toute la terre, Dieu entend les cris, Dieu voit les larmes des veuves et des orphelins ; et il envoie ses prophètes pour les soulager. Quelques siècles plus tard, Jésus aura encore besoin de rappeler cette leçon à ses contemporains : un matin de shabbat à la synagogue de Nazareth, ils l’ont entendu affirmer : « Oui, je vous le déclare, aucun prophète ne trouve accueil dans sa patrie. En toute vérité, je vous le déclare, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d’Elie, quand le ciel fut fermé (il ne plut pas) trois ans et six mois et que survint une grande famine sur tout le pays ; pourtant ce ne fut à aucune d’entre elles qu’Elie fut envoyé, mais bien dans le pays de Sidon, à une veuve de Sarepta. » Les lecteurs du livre des Rois, les auditeurs de Jésus avaient, il faut le croire, du mal à l’admettre ! Ils ont peut-être d’autant plus de mal que cette pauvre veuve, bien humble, qui n’a bénéficié d’aucun catéchisme, se permet de leur donner la véritable définition du prophète : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la parole du Seigneur est véridique. » A un moment, précisément, où les prophètes n’avaient guère d’audience, le livre du Deutéronome avait justement insisté sur la gravité de ce refus d’écouter : « C’est un prophète comme toi (Moïse) que je leur susciterai du milieu de leurs frères ; je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. Et si quelqu’un n’écoute pas mes paroles, celles que le prophète aura dites en mon nom, alors moi-même je lui en demanderai compte. » (Dt 18, 18-19). La méconnaissance des contemporains d’Elie, celle des contemporains de Jésus n’en apparaissent que plus clairement : Dieu parle par ses prophètes et personne ne les écoute. Refrain connu : Elie lui-même, dans un de ses moments de découragement, s’en plaignait à Dieu : « Je suis passionné pour le Seigneur, le Dieu des puissances : les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul et l’on cherche à m’enlever la vie. » (1 R 19, 10). Mais n’oublions pas qu’à cette plainte d’Elie, Dieu a répondu en lui faisant remarquer une présence qu’il avait peut-être tendance à sous-estimer : celle d’une multitude de croyants anonymes dont la foi n’avait pas chancelé. Réponse valable en tous temps : à plusieurs reprises, Jésus s’est émerveillé de la foi de ses interlocuteurs : à notre tour, il nous suffit peut-être d’ouvrir les yeux, nous ne sommes pas seuls, des croyants nous entourent.
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