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« MÉDITANT JOUR ET NUIT LA LOI DU SEIGNEUR ET VEILLANT DANS LA PRIÈRE »

16 mai, 2016

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« MÉDITANT JOUR ET NUIT LA LOI DU SEIGNEUR ET VEILLANT DANS LA PRIÈRE »  

Dieu, dans sa bonté, a voulu se faire connaître par la Parole, d’abord dite puis écrite. Ce n’est pas nous qui avons commencé le dialogue, c’est Dieu ; car il est source de tout, de toute vie, de toute connaissance, de tout amour, de toute réciprocité dans le don. On dit souvent : Dieu est silence ; et c’est profondément vrai, mais ce n’est qu’un aspect du mystère de Dieu. On pourrait aussi bien dire : Dieu est expression, puisqu’il est écrit en saint  Jean: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu ». Avant même d’être parole pour nous, le Verbe est Parole de Dieu au sein de la Trinité. Dieu est Source, Parole et Esprit. Dieu-le-Verbe est expression du Père; Dieu le Père s’exprime éternellement dans son Verbe, dans son Fils le Verbe ; et le Père aime, dans l’Esprit-Saint, le Verbe-Fils qui exprime toute sa richesse, qui est « le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance » (Hb 1). Un jour – ce fut le premier jour du temps, le premier jour du monde – Dieu décida, par un amour sans mesure, de se dire en dehors de lui-même. Et Dieu créa. Et chaque être nouveau que Dieu créait disait, à sa pauvre manière, quelque chose de la beauté, de la grandeur et de la sagesse de Dieu. Parce que tout fut créé sur le modèle du Verbe, toute créature participe un peu de ce Verbe qui, lui, exprime parfaitement le Père. Tout ce qu’a fait le Père, il l’a fait dans le Verbe, par le Verbe et d’après le Verbe ; et c’est pourquoi chaque être créé peut « balbutier un je ne sais quoi » de la richesse du Père. Le Fils est l’expression parfaite et infinie du Père ; chaque créature est une expression timide et lointaine de ce même Père, origine de toute beauté et de toute vie. Comme il est dit dans le Prologue de Jean : « Le Verbe était au commencement avec Dieu. Tout vint à l’existence par lui, et sans lui rien ne vint à l’existence »; ce que saint Paul déclare en termes équi-valents : « Le Christ est l’Image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature, car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses … Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui » (Col 1, 15ss).  Avant que l’homme n’apparût sur la terre, Dieu avait donc laissé déjà dans le cosmos des traces de lui-même, de sa tendresse et de sa gloire ; mais si pâles, et surtout si muettes ! Or Dieu voulait, par pur amour, des images vivantes de lui­même, des libertés qui puissent lui répondre, le connaître et l’aimer. Il n’avait pas besoin de ces reflets, puisque en Dieu, de toute éternité, le Verbe était Image totale et achevée ; et pourtant Dieu a créé les hommes, les icônes vivantes que nous sommes. Il nous a créés à son image et à sa ressemblance, c’est-à-dire d’après le Verbe-Image, sur le « patron » du Verbe, à la ressemblance de son Fils. « Il nous a d’avance destinés à reproduire l’image de son Fils bien-aimé ». Alors commença le dialogue de Dieu avec les hommes, de Dieu-Trinité avec les hommes créés à son image. Dieu le Père parlait aux hommes par son Fils le Verbe, de deux manières : d’abord intérieurement, car « le Verbe de Dieu nous est plus intime que l’intime de nous-mêmes » (saint Augustin) ; et puis « de l’exté-rieur », par les mille traces de lui-même qu’il avait laissées dans le monde. C’est pourquoi saint Paul peut écrire « Ce que Dieu a d’invisible, depuis la création du monde, se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres » (Rm 1, 20).  À partir des leçons intimes du Verbe de Dieu et à partir des merveilles de la création et de la Providence, les hommes pouvaient et devaient se retourner vers le Père, contempler son œuvre,  la lui rendre, la lui offrir, et s’offrir eux-mêmes à Dieu pour accomplir sa volonté. Mais pour aider les humains dans leur cheminement, pour éclairer leur histoire et y tracer son dessein, pour faire échec à toutes les forces d’illusion et d’inertie, pour dévoiler à la fois le péché et le pardon, Dieu voulut non seulement être perçu, mais se faire entendre. C’est pourquoi il parla aux hommes dans le langage des hommes ; Dieu se dit, se révéla à nous de manière que cette révélation soutînt l’homme tout au long de l’histoire et qu’elle restât comme un pain inépuisable, au service de l’humanité. Ce premier dévoilement de Dieu par Dieu en contrepoint de l’ancienne Alliance fut encore l’œuvre indivise de la Trinité. C’est encore le Verbe qui révélait le Père, non plus seulement par son action intime et insaisissable au cœur  de chaque homme, non plus seulement par « les mille grâces qu’il avait répandues en hâte » dans la création matérielle, mais par le moyen d’une parole humaine, prononcée au nom du Verbe de Dieu par des hommes remplis de l’Esprit. Le Verbe de Dieu utilisant le verbe des hommes : il semblerait que Dieu-Trinité soit allé pour nous jusqu’aux limites du possible ! Mais Dieu n’a jamais mis de bornes à son amour,et Il nous réservait une autre merveille : en s’incarnant, en prenant notre chair et notre condition de servitude, le Verbe de Dieu, grâce à Marie, vint exprimer lui-même le Père parmi les hommes. C’est désormais le Verbe incarné qui parle aux hommes du Père des lumières.  Ainsi le Verbe Incarné, Fils de Dieu devenu fils de Marie, prolonge dans le temps des hommes et au milieu des hommes ce qui constitue son œuvre éternelle : exprimer la puissance et l’amour de Dieu le Père. Verbe éternel, Verbe incarné, c’est toujours la même personne du Fils de Dieu, accomplissant le même acte : exprimer Dieu, quoique de deux manières différentes, hors du temps et dans l’histoire : « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, dira Jésus (Jn 18, 37). Quiconque est de la vérité écoute ma voix ». « Celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, et il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3, 34). « Tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (15,15); « les paroles que tu m’as données, Père, je les leur ai données, et ils ont vraiment admis que je suis sorti de toi » (17,8). « Ma parole n’est pas mienne; c’est la parole de celui qui m’a envoyé » (14, 26).  On voit quelle densité et quelle urgence nouvelles a prises la révélation avec la venue du Fils de Dieu sur la terre et l’envoi de l’Esprit de vérité. Avant Jésus les hommes n’entendaient que la révélation ; avec Jésus, ils ont entendu le Révélateur. Avant l’Incarnation, le Verbe révélait le Père par l’intermédiaire de nombreuses personnes humaines, tous les inspirés de l’ancienne Alliance ; une fois incarné, le Verbe de Dieu fait entendre une voix humaine qui était la sienne : « Nous avons entendu, nous avons vu de nos yeux, nous avons contemplé, nos mains ont touché le Verbe de vie ; car la vie s’est manifestée, nous l’avons vue, nous en rendons témoignage, et nous vous annonçons cette Vie éternelle qui était auprès du Père et qui nous est apparue » (Jn 1,1). Mystère de l’amour de Dieu, de sa condescendance pour les hommes ; mystère d’un Dieu qui est tellement venu au-devant des hommes qu’il s’est fait homme pour marcher devant eux. Mystère de l’Homme-Dieu, Parole éternelle du Père, qui nous parle du Père avec nos mots humains. Mystère de la révélation qui utilisa la voix des hommes avant de faire retentir la voix de l’Homme-Dieu. Mystère de ce Fils unique, de ce Fils éternel qui vient nous « raconter » dans le temps le Père que personne n’a jamais vu. Mystérieuse continuité du dessein d’amour de Dieu : « après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers (qui inaugurent l’âge définitif) nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles » (Hb 1,1-2). C’est cette révélation que nous avons à accueillir par la foi, comme le rappelle le Concile en insistant sur le rôle du Saint-Esprit dans la prière des croyants : « À Dieu qui révèle est due  l’obéissance de la foi (Rm 16, 26), par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle et dans un assentiment volontaire à la Révélation qu’il fait. Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le cœur de l’homme et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité ». (Dei Verbum, 5).  Les prolongements théologiques et spirituels de cette doctrine de la révélation sont d’une importance toute particulière dans la vie de prière, spécialement pour ceux et celles dont l’oraison, chaque jour, se nourrit de la parole de Dieu.  1° Par le Verbe révélateur du Père, nous entrons dans le mystère de la Trinité ou, en d’autres termes, l’accueil de la parole de Dieu, sous la mouvance de l’Esprit de Vérité, nous introduit dans l’intimité du Verbe incarné révélateur, et donc dans l’intimité de Dieu -Trinité. Se mettre à l’écoute de la révélation, humblement, filialement, c’est répondre au désir et à la volonté de Dieu qui, depuis le commencement de l’histoire humaine, se révèle à nous par son Verbe. Se pencher avec respect et amour sur le message de Dieu, ce n’est pas chose facultative, et à plusieurs reprises durant la vie terrestre de Jésus , Dieu le Père a souligné le devoir que nous avons de nous mettre à l’école du Verbe incarné : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances : écoutez-le ! »  2° On voit également qu’il est impossible de pénétrer dans la révélation si ce n’est à la suite du Révélateur. « La profonde vérité que la Révélation manifeste sur Dieu et sur le salut de l’homme resplendit pour nous dans le Christ, qui est à la fois le médiateur et la plénitude de toute la Révélation » (Dei Verbum, 1). C’est le Christ, notre Seigneur qui, par son Esprit, nous ouvre les Écritures. C’est même l’une des toutes premières grâces que Jésus ait faites à ses disciples après sa résurrection. Cheminant avec les disciples d’Emmaüs, il leur disait : « Esprits sans intelligence, lents à croire ce qu’ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans la gloire ? Et, commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait ». À la fraction du pain, ils le reconnurent, mais il avait disparu de devant eux … C’est notre lot à tous, maintenant que le Christ Jésus est glorieux auprès du Père, maintenant que « notre vie est cachée en Dieu avec le Christ ». Mais qui n’a pas fait tant soit peu l’expérience des disciples d’Emmaüs ? Qui n’a jamais dit, après une période de ferveur : « mon cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de moi, quand il me parlait en chemin et qu’il m’expliquait les Écritures ? » (Lc 24, 32). Où irions-nous chercher cette conversation, ce dialogue d’amitié avec le Seigneur, dont parle sainte Thérèse d’Avila, sinon justement dans l’Écriture qui nous conserve les paroles du Seigneur ? Quelles paroles attendons-nous encore, puisque Dieu nous a tout dit par son Fils ? Comment pourrions-nous vouloir que le Sauveur nous « parle en chemin », si nous ne prenons pas le chemin qu’il a pris, lui, pour nous parler ? « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, disait Jésus, il vous conduira vers la vérité tout entière ». Comment cela se réalisera-t-il ? – par un retour constant à l’enseignement de Jésus : « ..:il ne parlera pas de lui-même… c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part. Le Paraclet, l’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ait dit » (Jn 16, 13). 3° L’Écriture Sainte, lue dans la lumière du Verbe incarné illuminateur et sous la conduite de l’Esprit d’amour, amorce notre dialogue avec la Trinité. Elle est même une route privilégiée qui mène à ce dialogue. Préparant et prolongeant l’action des sacrements, elle assure la disponibilité du cœur chrétien aux appels de l’Esprit et le rend sans cesse plus consonant au message des Béatitudes. Les sacrements étendent jusqu’à nous les gestes sauveurs du Christ; l’Écriture nous redit chaque jour sa pensée et nous présente, à toute heure et à tout âge de la vie, des exemples de dialogue entre l’homme et son Dieu. Nous en trouvons non seulement dans les Psaumes, mais dans les livres sapientiaux et chez certains prophètes, dans les livres historiques depuis Abraham jusqu’aux Maccabées. Il nous est donné ainsi de rejoindre, dans l’Ancien Testament et plus encore dans le Nouveau, l’expérience spirituelle, explicite ou implicite, de beaucoup d’hommes de foi, qui ont connu devant Dieu tous nos enthousiasmes et toutes nos craintes, tous nos espoirs et parfois nos angoisses. Dieu, en nous gardant dans la révélation un écho de toutes ces grandes voix, nous souffle aujourd’hui les mots de notre prière et climatise l’espace de notre adoration. Chaque orant a ses préférences en ce qui concerne l’Écriture ; et c’est normal. Saint Paul ne parlait-il pas de la « sagesse multiforme » de Dieu ? et Jésus des « nombreuses demeures » de la maison du Père ? Tel chrétien priera des mois sur les Psaumes, tel autre reviendra presque toujours aux Évangiles ; sœur Elisabeth de la Trinité ne quittait guère saint Paul. L’important est que notre méditation des textes fructifie en charité fraternelle, en joie communautaire, en allégresse dans le service de l’Évangile. 4° L’amour de l’Écriture est une grâce à demander. Une grâce globale qui en contient beaucoup d’autres : grâce d’honnêteté et de courage face à cette parole parfois difficile à rejoindre, souvent ingrate à étudier; grâce d’ouverture, car Dieu souvent nous dépayse ; grâce de patience et de calme devant les difficultés de détail dont fourmillent les livres saints ; grâce de simplicité, d’humilité du cœur, pour découvrir les grandes leçons de Dieu sous les pauvres habits du langage des hommes; grâce de fraîcheur d’âme, qui nous fera aimer les symboles de l’Écriture et nous réjouir de sa profusion d’images. C’est une véritable enfance spirituelle que Dieu le Père attend de nous. À certains jours, en ouvrant notre Bible, nous sommes parfois tentés de demander des comptes à Dieu, lui reprochant presque de s’être mal expliqué. Pour un peu nous refermerions le livre de la Parole, déçus et agacés, sans nous douter peut-être que Dieu nous y attendait et que, si nous n’avions pas « endurci notre cœur comme au désert », nous aurions « entendu sa voix » . Il ne faut pas que des siècles et des siècles de pédagogie divine deviennent tout à coup caducs, comme si Dieu-Trinité avait perdu son temps en parlant pour nous notre langage !  5° Pour comprendre l’usage que l’Église fait de la Parole de Dieu dans sa liturgie et que nous sommes amenés à en faire nous aussi, dans notre prière personnelle, il faut nous souvenir qu’au sein de l’Église la Parole remplit deux fonctions. Elle est d’abord source de la foi. C’est dans l’Écriture en effet que nous allons chercher ce que nous devons croire et affirmer de Dieu, de l’homme, et des relations de Dieu avec les hommes ; et là une certaine rigueur est nécessaire dans la lecture. Mais, parce qu’elle est source et norme de la foi, l’Écriture tend à devenir de plus en plus le langage spontané du croyant. Le chrétien alors, à l’intérieur de la foi de l’Église, ne cherche plus tant à se dire ce qu’il doit croire qu’à redire à Dieu qu’il croit, qu’il espère et qu’il aime, ou à redire aux hommes ce qu’il croit, ce qu’il espère et ce qu’il aime. Ou, si l’on veut, dans l’acte même de sa foi, le chrétien se sert, pour parler à Dieu, des mots que Dieu lui-même lui a donnés. La Parole est alors le langage d’amour, le langage privilégié, convenu entre Dieu et l’homme, le langage dont l’homme habille sa foi et son espérance. C’est le langage du Christ époux à l’Église son épouse, et de l’Église épouse au Christ son Seigneur, un langage où très peu de mots, parfois, sont nécessaires, parce qu’ils sont chargés d’amour et de confiance, un langage dont les deux époux disposent, et donc un langage que l’Épouse aura le droit de transposer, au gré de son amour d’aujourd’hui, pour dire au Christ ses joies et ses souffrances avec les mots d’autrefois, lourds d’une longue fidélité. 6° On ne soulignera jamais assez le rôle primordial que Marie peut jouer dans notre découverte et notre approfondissement de l’Écriture. C’est par elle que le Verbe s’est incarné dans notre humanité et que le Révélateur s’est manifesté à nous sous les traits du Fils de l’Homme, de l’Agneau de Dieu, du Serviteur souffrant. Ne pourrait-elle nous aider puissamment à accueillir au cœur de notre vie non seulement la grâce et le pardon de son Fils, mais aussi la richesse et la force de cette Parole écrite que le Christ a remplie de son Esprit-Saint ? Dès qu’il s’agit, dans la vie spirituelle, d’accueil et de transformation évangélique, Marie est là, virginale et maternelle, pour nous ouvrir au dessein de Dieu et hâter en nous le travail de l’Esprit. Celui qui se tient constamment près de Marie se trouve constamment sous l’ombre de l’Esprit-Saint. Partout où Marie est présente, l’Esprit est à l’œuvre, le Christ grandit, et la volonté du Père s’accomplit sur la terre comme au ciel.  

BASILE DE CÉSARÉE : HOMÉLIE 4, SUR L’ACTION DE GRÂCE

16 mai, 2016

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BASILE DE CÉSARÉE : HOMÉLIE 4, SUR L’ACTION DE GRÂCE

Saint Paul recommande aux Thessaloniciens de se réjouir toujours et de prier sans cesse (1 Thess 5, 16-18). L’homélie de saint Basile de Césarée († 378) va essayer de montrer que cette exigence est effectivement pratiquable. Saint Paul recommande de se réjouir toujours. ous venez d’entendre les paroles de l’Apôtre, qui, dans la personne des fidèles de Thessalonique, donne des règles à tout le genre humain. Car les instructions de saint Paul étaient pour les fidèles qui s’adressaient à lui dans diverses circonstances, mais leur utilité s’étend sur tous les hommes. Réjouissez-vous toujours, dit-il, priez sans cesse, rendez grâces à Dieu en toutes choses (1 Th 5, 16). Nous expliquerons tout à l’heure, autant qu’il sera en nous, ce que veut dire cette joie, l’avantage qu’on en peut retirer ; comment il est possible de prier sans cesse et de rendre grâces à Dieu en toutes choses. Il faut d’abord répondre aux objections de nos adversaires qui attaquent le précepte de saint Paul comme étant impossible dans la pratique. Un tel précepte n’est pas praticable affirment les adversaires de Basile. Quelle est cette vertu, disent-ils, de livrer son âme jour et nuit à la joie et au contentement ? Est-il possible d’ailleurs d’y parvenir au milieu de cette foule de maux imprévus dont nous sommes sans cesse assaillis, qui attristent nécessairement l’âme, et qui font qu’il est plus impossible d’être joyeux et satisfait, que de ne pas sentir de douleur lorsqu’on est plongé dans une chaudière bouillante, ou qu’on est percé de la pointe d’une épée. Parmi ceux qui nous écoutent maintenant, il est peut-être quelqu’un qui déraisonne de la sorte, et qui, pour excuser sa lâcheté à observer les préceptes, reproche au législateur qu’il ordonne des choses impossibles. Puis-je, dit-il, goûter une joie perpétuelle, lorsque les sujets de me réjouir ne dépendent pas de moi ? Ce qui cause de la joie est hors de nous et ne dépend pas de nous ; la présence d’un ami, un long commerce avec ceux de qui nous tenons le jour, des richesses qu’on acquiert, des honneurs qu’on reçoit, le passage d’une maladie dangereuse à la santé, une maison qui regorge de biens, une table chargée de mets délicats, des amis qui partagent notre satisfaction, des paroles et des spectacles agréables, la santé des personnes qui nous touchent le plus près, en un mot, toutes les prospérités et tous les honneurs de la vie. Non seulement les choses fâcheuses qui nous arrivent à nous-mêmes nous chagrinent, nous sentons encore les disgrâces de nos amis et de nos proches. Ainsi la joie et le contentement de l’âme résultent du concours de tous ces objets. Outre cela, si nous voyons la chute de nos ennemis, des accidents arrivés à ceux qui nous ont fait du mal, les succès de ceux qui nous ont obligés, enfin si nous n’éprouvons ni ne craignons aucun des maux qui troublent notre vie, c’est alors que notre âme pourra être dans la joie. Comment donc nous donne-t-on un précepte qui ne dépend pas de nous, mais de causes étrangères ? Comment aussi prierai-je sans cesse, lorsque les nécessités corporelles cause à l’âme une infinité de distractions, et l’occupent tellement qu’il lui est impossible, vu les bornes de sa nature, de se livrer à d’autres soins ? Il m’est encore ordonné de rendre grâce à Dieu en toutes choses. Lui rendrai-je donc grâce étant mis à la torture, déchiré de coups de fouet, étendu sur la roue, attaché au chevalet, les yeux arrachés, diffamé par un ennemi, mourant de froid et de faim, privé tout à coup de mes enfants ou de ma femme, ruiné subitement par un naufrage, tombé entre les mains des voleurs ou des pirates, couvert de blessures, noirci de calomnies, menant une vie errante ou languissant dans une prison ? Voilà, sans parler de beaucoup d’autres, les reproches qu’on fait au législateur ; voilà comment on croit excuser ses fautes, en décriant les préceptes comme impossibles. Réfutation : il n’est pas impossible de se réjouir toujours. Que dirons-nous à cela ? Sans doute saint Paul a-t-il d’autres objets en vue, lorsqu’il s’efforce d’élever en haut et de porter à la contemplation des choses célestes nos âmes qui rampent sur la terre ; des hommes qui ne peuvent atteindre les hautes pensées du législateur, qui, semblables à des animaux vivant dans la boue, se plongent dans des passions charnelles et terrestres, demandent si les préceptes de l’Apôtre sont possibles. Saint Paul demande de se réjouir toujours, non à des hommes ordinaires, mais à ceux qui lui ressemblent, à ceux qui ne vivent plus dans leur chair, mais qui ont Jésus-Christ vivant en eux, parce que l’union étroite avec le souverain bien ne permet pas de sentir les maux qui affligent la chair. Oui, quand bien même la chair serait coupée en morceaux, le mal reste dans le corps, sans pouvoir arriver jusqu’à la partie intelligente de l’âme. Si, suivant le précepte de l’Apôtre, nous avons mortifié nos membres terrestres (Col 3, 5), si nous portons dans nos corps la mortification du Seigneur Jésus (2 Co 4, 10), il arrivera nécessairement que les coups portés à un corps mortifié ne parviendront pas jusqu’à l’âme qui n’aura plu avec le corps aucune communication. Les affronts, les pertes de biens, les morts des proches, n’iront pas jusqu’à l’âme, et ne l’abaisseront pas à s’inquiéter des maux corporels. Si ceux qui tombent dans des malheurs pensent comme l’homme parfait, ils ne lui causeront point de peine par leurs chagrins, puisqu’eux-mêmes supportent sans peine ce qui leur arrive. S’ils vivent suivant la chair, ils ne lui causeront pas encore de peine, mais ils seront jugés par lui dignes de pitié, moins à cause des disgrâces qu’ils éprouvent, qu’à cause de leur mauvaise disposition. En général, une âme parfaitement soumise aux volontés du Créateur, qui met son plaisir à contempler les beautés célestes, ne perdra point sa joie et son contentement au milieu de toute cette foule de maux qui affligent la chair ; mais ce qui est pour les autres un sujet de tristesse, sera pour elle un surcroît de satisfaction. Tel était l’Apôtre, qui se complaisait dans ses faiblesses, dans ses afflictions, dans ses persécutions, qui se glorifiait de sa pauvreté et de ses besoins. Il s’applaudissait de la faim, de la soif, du froid, de la nudité, des détresses, enfin de tous les maux qui rendent les autres insupportables à eux-mêmes et leur font trouver la vie ennuyeuse. Ceux donc qui n’entrent pas dans les sentiments de l’Apôtre, qui ne comprennent pas qu’il nous exhorte à mener une vie évangélique, ont la hardiesse de lui faire des reproches, comme s’il nous ordonnait des choses impossibles. Qu’ils sachent que, par la bonté de Dieu, nous avons mille sujets de nous réjouir. Nous sommes passés du néant à l’existence ; nous avons été faits à l’image du Créateur ; nous avons reçu l’esprit et la raison, qualités qui sont la perfection de l’homme et qui l’élèvent à la connaissance du Très-Haut. Les beautés des créatures visibles sont comme un livre ouvert à nos yeux, dans lequel nous pouvons lire et apprendre la providence universelle et la grande sagesse du Dieu au-dessus de tout. Nous avons la faculté de discerner le bien d’avec le mal, instruits par la nature même à choisir ce qui nous est convenable, et à fuir ce qui nous est nuisible. Éloignés de Dieu par le péché, nous avons été réconciliés par le sang de son Fils unique, qui nous a délivrés d’une honteuse servitude. Nous avons l’espérance de ressusciter un jour, de participer au bonheur des anges, au royaume céleste, aux biens que Dieu nous a promis, qui surpassent tout ce que la raison peut imaginer. Tous ces avantages ne sont-ils pas de nature à nous combler de joie et à nous causer une satisfaction inaltérable ? Croirons-nous que celui qui se livre aux plaisirs de la bonne chère, dont les oreilles sont flattées par les sons de la musique, qui se couche et s’endort dans un lit délicat, goûte vraiment un contentement ? Pour moi, je pense que les personnes sensées doivent déplorer le malheur d’un tel homme, et que ceux-là seulement sont heureux qui supportent les peines de la vie présente dans l’espoir d’une vie future, qui sacrifient les choses passagères pour mériter les éternelles. Quand ils seraient au milieu des flammes comme les trois enfants de Babylone, quand ils seraient enfermés avec des lions, quand ils seraient dévorés par une baleine, pourvu qu’ils soient étroitement avec Dieu, nous devons croire qu’ils jouissent d’un parfait bonheur et qu’ils vivent dans la joie, peu touchés des maux présents, réjouis par l’espérance des biens qu’ils attendent. Un généreux athlète, une fois entré dans l’arène de la piété, doit supporter avec courage les coups de ses adversaires, animés par l’espoir d’une couronne glorieuse. Dans les combats gymniques, les athlètes accoutumés à de pénibles exercices ne sont pas effrayés des blessures qu’ils peuvent recevoir, mais ils attaquent de près leurs antagonistes, et ne comptent pour rien toutes les peines qu’ils endurent par le désir d’une proclamation honorable. Ainsi, quelque malheur qui arrive à l’homme vertueux, il ne peut troubler la joie qu’il goûte, parce que, sans doute, l’affliction produit la patience, la patience l’épreuve, l’épreuve l’espérance, et que cette espérance n’est point trompeuse (Ro 5, 3). Aussi le même saint Paul nous exhorte-t-il ailleurs à être patients dans les afflictions, et à nous réjouir dans l’espérance (Ro 12, 12). Or c’est l’espérance qui rend la joie éternelle compagne de la vertu. Être dans la joie n’empêche pas d’être dans la peine. Mais le même Apôtre nous engage à pleurer ceux qui pleurent (Ro 12, 15). Écrivant aux Galates, il pleurait sur les ennemis de la croix du Christ (Ph 3, 18). Qu’est-il besoin de citer Jérémie, qui a tant pleuré ; Ézéchiel, qui, par l’ordre de Dieu, écrit les lamentations des princes (Éz 2, 9 – 7, 27), et beaucoup d’autres saints qui versent des larmes ? Hélas ! ma mère, pourquoi m’avez-vous mis au monde ? (Jr 15, 10) Hélas ! on ne trouve plus de saint sur la terre ; parmi les hommes on n’en trouve plus aucun qui agisse avec droiture. Hélas ! je suis comme un homme qui dans la moisson ne recueille qu’une vile paille (Mi 7, 1-2). En un mot, examinez les paroles des justes ; et si vous trouvez que partout ils font entendre une voix triste, vous serez convaincu que tous déplorent les misères de ce monde, et les maux de cette vie malheureuse. Hélas ! dit saint Paul avec David, pourquoi mon pèlerinage a-t-il été prolongé (Ps 119, 5) ? Il désire d’être dégagé des liens du corps et de vivre avec Jésus-Christ (Phi 1, 23) : il s’afflige donc de la durée de son pèlerinage comme étant un obstacle à la joie éternelle qu’il attend. David, dans ses cantiques, nous a laissé une lamentation sur la mort de son ami Jonathan. Il a pleuré même son ennemi. Votre mort me pénètre de douleur, ô mon frère Jonathan ! Filles d’Israël, pleurez sur Saül (2 R 1, 24.26). Il pleure ce prince comme étant mort dans le péché, et Jonathan comme lui ayant été uni étroitement durant toute sa vie. Qu’est-il nécessaire de rapporter d’autres exemples ? Le Seigneur lui-même a pleuré sur Lazare et sur Jérusalem (Jn 11, 35 ; Lc 19, 41) : il trouve heureux ceux qui s’affligent et qui pleurent (Mt 5, 5 ; Lc 6, 21). Or, dira-t-on, comment ces exemples s’accordent-ils avec le précepte de l’Apôtre : Réjouissez-vous toujours ? Les larmes et la joie ne viennent pas du même principe. Les larmes sont causées par l’impression d’un accident imprévu : c’est comme un coup qui frappe l’âme, qui la resserre, qui fait que le sang se rassemble et se presse dans le cœur. La joie est un transport de l’âme qui est agréablement flattée par quelque événement heureux. Le corps offre différents symptômes de la joie et de la tristesse. Un chagrin violent fait pâlir le visage, le rend livide et le refroidit. Dans la joie, il devient brillant, il se peint d’une couleur vermeille ; on dirait que l’âme veut s’échapper, et que le plaisir qu’elle éprouve se répand au-dehors. À cela nous dirons que les pleurs et les gémissements des saints procédaient de leur amour pour Dieu. Ainsi, les yeux toujours fixés sur cet objet de leur affection, et puisant leur joie dans cette source, ils s’occupaient de la conduite de leurs frères, pleurant sur les pécheurs, cherchant à les ramener par les larmes. Et comme des personnes sur le rivage, qui s’attendrissent en voyant des malheureux près d’être engloutis dans les flots, ne perdent pas leur sûreté propre par le tendre intérêt qu’elles prennent à leurs périls : ainsi les justes qui s’affligent à cause des péchés de leur prochain, loin d’altérer par là leur joie, ne font que la rendre plus parfaite, les larmes qu’ils répandent pour leurs frères leur méritant d’entrer dans la joie du Seigneur. Ceux qui s’affligent et qui pleurent sont heureux, parce qu’il seront consolés et qu’ils riront. Le rire dont parle l’Évangile ne consiste nullement dans le bruit et l’éclat que fait la bouche lorsque le sang s’échauffe, mais dans une joie sincère qui n’est altérée par aucun mélange de tristesse. L’Apôtre nous permet donc de pleurer avec ceux qui pleurent, parce que ces larmes sont comme la semence d’une joie éternelle, que cette joie est comme l’intérêt de ces larmes. Élevez-vous en esprit dans le ciel, pour contempler le bonheur des anges. Ce bonheur est-il autre chose que la joie et la satisfaction qu’ils éprouvent, parce qu’ils sont sans cesse en présence de Dieu, et qu’ils jouissent des beautés ineffables de la gloire de notre Créateur ? C’est à cette vie que veut nous porter le bienheureux Paul, quand il nous ordonne de nous réjouir toujours. Quant à ce que l’on objecte que le Seigneur a pleuré sur Lazare et sur Jérusalem, nous pouvons dire qu’il a mangé et qu’il a bu sans qu’il en eût besoin, mais qu’il l’a fait pour nous apprendre à régler nos affections naturelles. Ainsi il a pleuré pour montrer aux personnes qui se permettent des excès dans le deuil et les gémissements, comment elles doivent les modérer et ne pas se laisser abattre par la douleur. Car c’est surtout dans les larmes qu’on doit garder des mesures ; il faut peser toutes les circonstances, examiner les raisons pourquoi l’on pleure, le temps, le lieu, la manière. Or que le Seigneur ai pleuré, non pour manifester un sentiment, mais pour nous donner une leçon, en voici la preuve. Notre ami Lazare dort, dit-il, mais je vais le réveiller (Jn 11, 11). Qui de nous pleure un ami qui dort et qu’il sait devoir bientôt se réveiller ? Lazare, sortez de votre tombeau (Jn 11, 43), et le mort ressuscita sur le champ, il marcha quoique lié. C’est un double prodige, de ressusciter, et que les bandes qui liaient ses pieds ne l’empêchassent pas de se mouvoir. Une force supérieure faisait disparaître tout obstacle. Comment donc Jésus-Christ, qui devait opérer ce miracle, l’aurait-il jugé digne de ses larmes ? n’est-il pas clair que voulant fortifier de toutes parts notre faiblesse, il a renfermé dans de justes bornes les affections naturelles ? Il n’affecta point une insensibilité qui ne convient qu’à des bêtes féroces ; il rejeta ces excès dans les larmes et les gémissements, qui sont indignes d’un être raisonnable. Il montra qu’il était homme en pleurant la mort d’un ami ; et il nous enseigna à éviter les extrêmes, à ne pas nous laisser abattre dans les maux sans nous piquer d’être insensibles. Comme donc le Seigneur a bien voulu souffrir la faim et la soif, lorsque les aliments solides étaient digérés, ou lorsque l’humidité du corps était épuisée ; comme il a voulu sentir la lassitude, lorsque la longueur du chemin avait tendu les muscles et les nerfs outre mesure, non que la divinité fût vaincue par la fatigue, mais le corps éprouvait ce qui était une suite de sa nature : ainsi il a permis à ses larmes de couler. On pleure lorsque les concavités du cerveau étant remplies de vapeurs que la tristesse a condensées, ces vapeurs se déchargent par les yeux comme par des espèces de canaux. De là ces tintements, ces vertiges, ces éblouissements, lorsqu’on est frappé par quelque nouvelle désagréable qu’on n’attendait pas. La tête tourne par la force des vapeurs qu’élève en haut la chaleur qui se resserre. Ensuite ces vapeurs épaissies se distillent en larmes, comme l’air condensé se résout en pluie. De là, ceux qui sont dans la tristesse ont quelque plaisir à pleurer, parce que les pleurs déchargent la tête qui est appesantie. L’expérience confirme ce que nous disons. On a vu des personnes accablées des plus affreuses disgrâces, tomber dans des affections apoplectique et paralytiques, parce qu’elles s’étaient obstinées à retenir leurs larmes. On en a vu d’autres expirer et succomber sous leur chagrin, parce que leurs forces étaient dépourvues de ce faible appui. La flamme s’étouffe dans sa propre fumée, lorsque cette fumée n’ayant point d’issue pour sortir roule sur elle-même : ainsi l’on prétend qu’une douleur trop violente affaiblit et éteint les facultés vitales, lorsque cette douleur ne saurait s’exhaler au-dehors. Ceux donc qui s’abandonnent à la tristesse et aux larmes ne doivent pas s’autoriser de l’exemple du Seigneur. Les nourritures qu’il a prises ne sont pas une raison pour rechercher des mets délicats, mais plutôt une règle suprême de tempérance et de frugalité. De même les larmes qu’il a répandues ne nous imposent pas l’obligation de pleurer, mais sont la plus belle et la plus exacte mesure suivant laquelle nous devons supporter les maux avec dignité et décence, en nous tenant dans les bornes de la nature. Il n’est donc permis ni aux femmes, ni aux hommes, de se livrer aux lamentations et aux pleurs : on ne leur défend pas néanmoins de s’affliger dans leurs peines, ni même de verser quelques larmes, pourvu qu’ils le fassent doucement, sans éclats et sans cris, sans déchirer leurs vêtements, sans se rouler dans la poussière, sans se jeter dans toutes les extravagances que se permettent ceux qui ignorent les choses célestes. Quiconque est épuré par les instructions divines doit se fortifier par la droite raison comme par un mur solide, repousser avec courage les attaques de ces douleurs immodérées et trop humaines, craindre qu’elles ne viennent assaillir l’âme faible et abattue comme sur un penchant où elles la précipiteraient sans peine. C’est une marque de faiblesse et de peu de confiance en Dieu de se laisser vaincre par les maux et de succomber à l’adversité. La tristesse s’empare des âmes molles comme les vers naissent surtout dans les bois tendres. Job avait-il un cœur de diamant ? ses entrailles étaient-elles de pierre ? il perdit en un instant dix enfants, qui furent écrasés d’un seul coup dans un maison où ils célébraient un festin, et que le démon fit écrouler sur eux. Ce père infortuné vit la table teinte de sang de ses enfants malheureux ; il vit ces enfants nés à différentes époques subir à la fois le même sort. Il ne se lamenta point, il ne s’arracha point les cheveux, il ne proféra aucune parole qui marquât de la faiblesse et de la lâcheté ; mais il fit entendre ces actions de grâces si célèbres et si connues : Le Seigneur me l’a donné, le Seigneur me l’a ôté, il est arrivé ce qui a plu au Seigneur, que le nom du Seigneur soit béni (Job 1, 21). Job était-il insensible ? non, sans doute ; il disait de lui-même : J’ai pleuré sur tous ceux qui étaient dans l’affliction (Job 30, 25). Mentait-il en se rendant ce témoignage ? mais la vérité même atteste que parmi les autres vertus il possédait l’amour de la vérité. C’était, dit l’Écriture, un homme irréprochable, juste, pieux, ami de la vérité (Job 1, 1). Pour vous, vous faites retentir l’air de chants lamentables et d’élégies qui attristent davantage votre âme. Vous imitez les comédiens qui contrefont toute sorte de personnages et qui accommodent leur extérieur au rôle qu’ils jouent quand ils paraissent sur la scène. Vous voulez que la couleur de vos habits répondent à vos sentiments ; vous paraissez vêtus de noir, avec des cheveux hérissés ; vous maison est ensevelie dans les ténèbres, malpropre et remplie de cendre ; elle retentit de chants lugubres propres à nourrir votre tristesse et à rouvrir votre plaie. Laissez toutes ces folies à ceux qui n’ont point d’espérance. Vous savez ce qu’il faut croire des fidèles qui sont endormis en Jésus-Christ ; vous savez que le corps, comme une semence, est mis en terre plein de corruption pour ressusciter incorruptible, tout difforme pour ressusciter tout glorieux, privé de mouvement pour ressusciter plein de vigueur, tout animal pour ressusciter tout spirituel (1 Co 15, 42). Pourquoi donc pleurez-vous quelqu’un qui sort de la vie pour changer d’état ? Ne vous affligez pas comme si vous étiez privé d’un grand secours par sa perte : il vaut mieux, dit le Roi Prophète, se confier dans le Seigneur que dans un simple homme (Ps 117, 8). Ne vous lamentez pas comme s’il eût souffert un grand mal : la trompette céleste le réveillera bientôt de son sommeil (1 Co 15, 52), et vous le verrez devant le tribunal de Jésus-Christ. Laissez donc ces plaintes indignes d’un homme qui a de la force et de l’instruction. Hélas ! quel malheur imprévu ! qui jamais l’eût pensé ? qui l’eût dit que je dusse renfermer dans le tombeau une tête si chère ? Nous devrions rougir de honte même lorsque nous entendons les autres se plaindre de la sorte, puisque le récit du passé et l’expérience du présent nous apprennent que les disgrâces, suites de notre nature, sont inévitables. Ainsi les morts subites et tous les autres accidents qui surprennent, ne nous étonneront point si nous sommes instruits des maximes de la piété. Par exemple, j’avais un fils dans la fleur de l’âge, l’unique héritier de mes biens, la consolation de ma vieillesse, l’ornement de ma famille, la fleur et l’élite des autres jeunes gens ; c’était le soutien de ma maison, il était dans l’âge le plus aimable : la mort me l’a enlevé tout à coup ; il n’est plus que cendre et poussière, ce cher enfant qui, il n’y a que peu de jours, faisait entendre des paroles si agréables, était un spectacle si doux pour les yeux d’un père. Que ferai-je dans cette triste circonstance ? déchirerai-je mes habits ? me roulerai-je par terre ? me plaindrai-je à Dieu ? m’indignerai-je ? me comporterai-je à la vue de tout le monde comme un enfant qui crie de toute sa force et qui s’agite de toutes les manières quand on le châtie ? ou plutôt m’attachant à considérer la nécessité des événements, faisant attention qu’il est impossible d’éviter la mort, qu’elle n’épargne aucun âge, qu’elle ruine et détruit tout, prendrai-je le parti de n’être pas étonné de ce qui arrive, de conserver mon âme tranquille, sans me laisser abattre par un coup inattendu, moi qui sais depuis longtemps que mortel j’ai engendré un fils mortel ; qu’il n’y a rien de stable sur la terre ; qu’on n’y possède rien pour toujours ; que les plus grandes villes, les plus remarquables par la beauté de leurs édifices, par la force et le nombre de leurs habitants, par l’abondance qui régnait dans leurs places publiques et dans leurs campagnes, n’offrent plus que ruines, tristes reste de leur antique grandeur ? Souvent un navire, après avoir échappé à mille périls, après avoir mille fois parcouru de vastes étendues de mer, après avoir mille fois rapporté de rares marchandises, est abîmé dans les flots par un seul coup de vent et disparaît. Souvent des armées après s’être signalées par de grandes victoires, deviennent, par un changement de fortune, un objet de compassion pour ceux qui les voient ou qui en entendent parler. Des nations entières, des îles puissantes, après des triomphes remportés sur terre et sur mer, après avoir acquis d’immenses richesses par les dépouilles de leurs ennemis, ont été détruites par la suite des temps, ou du moins réduites à une malheureuse servitude. En général, il n’est point de maux, quelque affreux et quelque insupportables qu’on les suppose, dont les siècles passés ne donnent des exemples. Comme donc nous connaissons la pesanteur des corps en les mettant dans une balance, comme nous discernons le bon or d’avec le faux en le frottant à une pierre de touche : ainsi en nous rappelant les mesures prescrites par le Seigneur, nous ne nous écarterons jamais des bornes de la sagesse. S’ils vous survient quelque accident fâcheux ; d’abord votre esprit déjà préparé à ce coup ne se trouble point ; ensuite, adoucissez les maux présents par l’espoir des biens futurs. Les personnes qui ont la vue faible s’abstiennent de regarder des objets trop volumineux ; elles reposent leurs yeux sur des fleurs et sur la verdure : nous aussi ne devons pas occuper incessamment notre esprit de tristes pensées ; mais sans attacher sa vue aux disgrâces présentes, nous devons la porter vers la contemplation des biens véritables. Vous pratiquerez le précepte de vous réjouir toujours, si vos regards sont sans cesse tournés vers Dieu, et si l’espoir des récompenses qu’il vous promet adoucit en vous les peines de la vie. On vous a fait un affront : songez à la gloire qui vous attend dans le ciel, et que vous mériterez par votre patience. Vous avez essuyé des pertes de biens : envisagez les richesses éternelles, et ce vrai trésor que vous vous êtes acquis par vos bonnes œuvres. Vous avez été chassés de votre patrie : mais vous avez pour patrie la Jérusalem céleste. Vous avez perdu un fils que vous aimiez ; mais vous avez les anges avec lesquels vous vous réjouirez éternellement devant le trône de Dieu. C’est en opposant le bonheur de la vie future au malheur de la vie présente, que vous conserverez vôtre âme exempte de chagrin et de trouble, comme vous y exhorte le précepte de l’Apôtre. Ne vous livrez ni à des joies excessives dans la prospérité, ni dans l’adversité à une tristesse qui ôte à votre âme toute sa joie et toute sa vigueur. Si vous ne vous prémunissez de bons principes, vous mènerez jamais une vie tranquille et paisible. Vous n’y parviendrez qu’autant que vous aurez toujours devant les yeux le précepte qui vous exhorte à vous réjouir toujours. Il faut pour cela calmer les révoltes de la chair, recueillir les plaisirs de l’esprit, vous mettre au-dessus des maux passagers, vous remplir de l’espoir des biens éternels, dont la seule idée suffit pour réjouir nos âmes, et inonder nos cœurs de la joie des anges, en Jésus-Christ notre Seigneur, à qui sont la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen.

Sources : Homélies, discours et lettres choisis de saint Basile le Grand, traduits par M. l’Abbé Auger, Guyot, Lyon 1927, p. 130-145. Texte grec : PG 31, 217-237.

PENTECOTE ET PREDICATION

13 mai, 2016

PENTECOTE ET PREDICATION dans images sacrée 14%20PENTECOST

http://www.artbible.net/2NT/ACTS%2002%20PENTECOST%20AND%20PREACHING…PENTECOTE%20ET%20PREDICATION_/slides/14%20PENTECOST.html

PENTECÔTE 2010 – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

13 mai, 2016

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2010/documents/hf_ben-xvi_hom_20100523_pentecoste.html

CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane

Dimanche 23 mai 2010

Chers frères et sœurs,

Au cours de la célébration solennelle de la Pentecôte, nous sommes invités à professer notre foi dans la présence et dans l’action de l’Esprit Saint et à en invoquer l’effusion sur nous, sur l’Eglise et sur le monde entier. Faisons donc nôtre, et avec une intensité particulière, l’invocation de l’Eglise elle-même:  Veni, Sancte Spiritus! Une invocation si simple et immédiate, mais dans le même temps extraordinairement profonde, jaillie avant tout du cœur du Christ. En effet, l’Esprit est le don que Jésus a demandé et demande constamment au Père pour ses amis; le premier et principal don qu’il nous a obtenu avec sa Résurrection et son Ascension au Ciel. Le passage évangélique d’aujourd’hui, qui a pour cadre la Dernière Cène, nous parle de cette prière du Christ. Le Seigneur Jésus dit à ses disciples:  « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements, et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais » (Jn 14, 15-16). Ici nous est dévoilé le cœur en prière de Jésus, son cœur filial et fraternel. Cette prière atteint son sommet et son accomplissement sur la Croix, où l’invocation du Christ ne fait qu’un avec le don total qu’Il fait de lui-même, et sa prière devient donc pour ainsi dire le sceau même de son don en plénitude par amour pour le Père et pour l’humanité:  invocation et don de l’Esprit Saint se rencontrent, s’entremêlent, deviennent une unique réalité. « Et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais ». En réalité, la prière de Jésus – celle de la Dernière Cène et celle sur la croix – est une prière qui demeure également au Ciel, où le Christ siège à la droite du Père. En effet, Jésus vit toujours son sacerdoce d’intercession en faveur du peuple de Dieu et de l’humanité et prie donc pour nous tous, en demandant au Père le don de l’Esprit Saint. Le récit de la Pentecôte dans le livre des Actes des Apôtres – nous venons de l’écouter dans la première lecture (cf. Ac 2, 1-11) – présente le « nouveau cours » de l’œuvre de Dieu commencé par la résurrection du Christ, une œuvre qui touche l’homme, l’histoire et l’univers. Du Fils de Dieu mort et ressuscité et retourné au Père souffle à présent sur l’humanité, avec une énergie inédite, le souffle divin, l’Esprit Saint. Et que produit cette nouvelle et puissante communication que Dieu fait de lui-même? Là où il existe des déchirements et des séparations, il crée l’unité et la compréhension. Un processus de réunification s’instaure entre les différentes composantes de la famille humaine, divisées et dispersées; les personnes, souvent réduites à des individus en compétition ou en conflit entre eux, atteintes par l’Esprit du Christ, s’ouvrent à l’expérience de la communion, au point de faire d’elles un nouvel organisme, un nouveau sujet:  l’Eglise. Tel est l’effet de l’œuvre de Dieu:  l’unité; c’est pourquoi l’unité est le signe de reconnaissance, la « carte de visite » de l’Eglise au cours de son histoire universelle. Dès le début, depuis le jour de la Pentecôte, celle-ci parle toutes les langues. L’Eglise universelle précède les Eglises particulières, et ces dernières doivent toujours se conformer à elle, selon un critère d’unité et d’universalité. L’Eglise ne demeure jamais prisonnière de frontières politiques, raciales et culturelles; elle ne peut pas se confondre avec les Etats et pas plus avec les Fédérations d’Etats, car son unité est d’un genre divers et aspire à traverser toutes les frontières humaines. De cela, chers frères, découle un critère pratique de discernement pour la vie chrétienne:  lorsqu’une personne, ou une communauté, se renferme sur sa propre façon de penser et d’agir, c’est le signe qu’elle s’est éloignée de l’Esprit Saint. Le chemin des chrétiens et des Eglises particulières doit toujours se confronter avec celui de l’Eglise une et catholique et s’harmoniser avec lui. Cela ne signifie pas que l’unité créée par l’Esprit Saint est une sorte d’égalitarisme. Au contraire, cela est plutôt le modèle de Babel, c’est-à-dire l’imposition d’une culture de l’unité que nous pourrions qualifier de « technique ». En effet, la Bible nous dit (cf. Gn 11, 1-9) qu’à Babel, tous ne parlaient qu’une seule langue. Lors de la Pentecôte, en revanche, les apôtres parlent des langues diverses de façon à ce que chacun comprenne le message dans son propre idiome. L’unité de l’Esprit se manifeste dans la pluralité de la compréhension. L’Eglise est de par sa nature une et multiple, destinée à vivre auprès de toutes les nations, de tous les peuples et dans les contextes sociaux les plus divers. Elle répond à sa vocation d’être signe et instrument d’unité de tout le genre humain (cf. Lumen gentium, n. 1), uniquement si elle maintient son autonomie à l’égard de tout Etat ou de toute culture particulière. L’Eglise doit être toujours et en tout lieu véritablement, catholique et universelle, la maison de tous dans laquelle chacun peut se retrouver. Le récit des Actes des Apôtres nous offre aussi un autre point de départ très concret. L’universalité de l’Eglise est exprimée par l’énumération des peuples selon l’antique tradition:  « Parthes, Mèdes et Elamites… » etc. On peut observer que saint Luc va au-delà du nombre 12, qui exprime déjà et toujours une universalité. Il regarde au-delà des horizons de l’Asie et de l’Afrique nord-occidentale, et ajoute trois autres éléments:  les « Romains », c’est-à-dire le monde occidental; les « Juifs et les prosélytes », comprenant de manière nouvelle l’unité entre Israël et le monde; et enfin « Crétois et Arabes », qui représentent l’Occident et l’Orient, les îles et la terre ferme. Cette ouverture des horizons confirme ultérieurement la nouveauté du Christ dans la dimension de l’espace humain, de l’histoire des peuples:  l’Esprit Saint implique les hommes et les peuples et, à travers eux, il dépasse les murs et les barrières. A la Pentecôte, l’Esprit Saint se manifeste comme un feu. Sa flamme est descendue sur les disciples réunis, elle s’est allumée en eux et leur a donné la nouvelle ardeur de Dieu. Ainsi se réalise ce qu’avait prédit le Seigneur Jésus:  « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé » (Lc 12, 49). Les apôtres, avec les fidèles des diverses communautés, ont apporté cette flamme divine jusqu’aux extrémités de la terre; ils ont ouvert ainsi une route pour l’humanité, une route lumineuse, et ils ont collaboré avec Dieu qui, par son feu, veut renouveler la face de la terre. Combien ce feu est différent des guerres et des bombes! Combien est différent l’incendie du Christ, propagé par l’Eglise, par rapport à ceux allumés par les dictateurs de toute époque, jusqu’au siècle dernier, qui laissent derrière eux une terre brûlée. Le feu de Dieu, le feu de l’Esprit Saint, est celui du buisson qui est embrasé, mais ne se consume pas (cf. Ex 3, 2). C’est une flamme qui brûle, mais ne détruit pas; qui au contraire, en s’embrasant, fait apparaître la meilleure part de l’homme et la plus vraie; et qui comme dans une fusion fait apparaître sa forme intérieure, sa vocation à la vérité et à l’amour. Un Père de l’Eglise, Origène, dans l’une de ses homélies sur Jérémie, rapporte une parole attribuée à Jésus, qui n’est pas contenue dans les Saintes Ecritures, mais est peut-être authentique, qui dit ceci:  « Qui est à mes côtés est au côté du feu » (Homélie sur Jérémie l. I[III). Dans le Christ, en effet, habite la plénitude du Dieu, qui dans la Bible est comparée au feu. Nous avons observé il y a peu que la flamme de l’Esprit Saint embrase, mais ne brûle pas. Et celle-ci opère toutefois une transformation, et pour cela, elle doit consumer quelque chose dans l’homme, les résidus qui le corrompent et l’entravent dans ses relations avec Dieu et avec son prochain. Mais cet effet du feu divin nous effraie, nous avons peur de nous y « brûler », nous préférerions demeurer comme nous sommes. Cela dépend du fait que, très souvent, notre vie est organisée dans une logique de l’avoir, de la possession et non du don de soi. Beaucoup croient en Dieu et admirent la figure de Jésus Christ, mais quand il leur est demandé de perdre quelque chose d’eux-mêmes, alors ils font un pas en arrière, ils ont peur des exigences de la foi. Il y a la crainte de devoir renoncer à quelque chose de beau, auquel nous sommes attachés; la crainte que suivre le Christ nous prive de la liberté, de certaines expériences, d’une part de nous-mêmes. D’un côté, nous voulons être avec Jésus, le suivre de près, et de l’autre, nous avons peur des conséquences que cela entraîne. Chers frères et sœurs, nous avons toujours besoin de nous entendre dire par le Seigneur Jésus, ce qu’il répétait souvent à ses amis:  « N’ayez pas peur ». Comme Simon Pierre et les autres, nous devons laisser sa présence et sa grâce transformer notre cœur, toujours sujet aux faiblesses humaines. Nous devons savoir reconnaître que perdre quelque chose, et même soi-même pour le vrai Dieu, le Dieu de l’amour et de la vie, c’est en réalité gagner, se retrouver plus pleinement. Qui s’en remet à Jésus fait l’expérience déjà dans cette vie-là de la paix et de la joie du cœur, que le monde ne peut pas donner, et ne peut pas non plus ôter une fois que Dieu nous les a offertes. Il vaut donc la peine de se laisser toucher par le feu de l’Esprit Saint! La douleur qu’il nous procure est nécessaire à notre transformation. C’est la réalité de la croix:  ce n’est pas pour rien que dans le langage de Jésus, le « feu » est surtout une représentation du mystère de la croix, sans lequel le christianisme n’existe pas. C’est pourquoi, éclairés et réconfortés par ces paroles de vie, nous élevons notre invocation:  Viens, Esprit Saint! Allume en nous le feu de ton amour! Nous savons que c’est une prière audacieuse, par laquelle nous demandons à être touchés par la flamme de Dieu; mais nous savons surtout que cette flamme – et elle seule – a le pouvoir de nous sauver. Nous ne voulons pas, pour défendre notre vie, perdre la vie éternelle que Dieu veut nous donner. Nous avons besoin du feu de l’Esprit Saint, parce que seul l’Amour rachète. Amen.

HOMÉLIE DE LA PENTECÔTE, C

13 mai, 2016

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HOMÉLIE DE LA PENTECÔTE, C

P. Fabien Deleclos, franciscain (T) – 1925 – 2008

Ac 2, 1-11 ; Rm 8, 8-17 ou 1 Co 12, 3-13 ; Jn 14, 15-16, 23b-26 ou Jn 20, 19-23

Au synode de mai 1998, les évêques délégués des Eglises d’Asie étaient venus à Rome, souvent avec des pieds de plomb, déçus par le document préparatoire trop occidentalisé et trop romain à leur gré. Des évêques quelque peu découragés par la situation généralement ultra minoritaire de leurs Eglises. Moins d’1 % de catholiques au Japon. Moins d’1 % de catholiques au Pakistan, parmi 95 % de musulmans d’une république farouchement islamique, où sévit un fondamentalisme religieux, sectaire et violent, devenu la forme de terrorisme qui fait le plus peur. Surtout parmi les minorités religieuses, et pas seulement chrétiennes. Le fondamentalisme tue aussi à l’intérieur de l’islam. Durant ce mois synodal, l’assemblée a invoqué plus d’une fois l’Esprit Saint. Il n’y eut ni vent violent, ni apparition, ni manifestation extraordinaire. Mais, a pu dire l’un des participants : « Nous sommes arrivés délégués, nous repartons messagers ». Envoyés notamment en mission de dialogue de vérité avec les religions locales ultra majoritaires et beaucoup plus anciennes que le christianisme. Une invitation pressante à reconnaître et à saluer les valeurs spirituelles et morales de cette douzaine de grandes religions millénaires asiatiques. Plus fort encore : une invitation « à travailler ensemble pour améliorer la qualité de vie des peuples et promouvoir un triple dialogue avec les cultures, les religions et les peuples de l’Asie ». Il s’agira d’ouvrir portes et fenêtres et même de renverser des murs. Apprendre aussi à parler l’espéranto de l’amour, ce langage qui permet à chacun de garder sa culture et sa langue, et de ne pas confondre, comme trop souvent dans le passé, la foi et la culture. L’Esprit lance des défis, même avec des minorités. C’est ainsi qu’il multiplie et actualise les Pentecôte pour secouer les esprits figés, délier les langues muettes et embraser les cœurs des disciples, trop souvent glacés par la peur. Il fait se lever les fidèles assis sur leurs habitudes, installés dans leur routine et leurs certitudes étriquées, parce que trop étroitement humaines. Toute Pentecôte ouvre les frontières et fait sauter des barrières. L’Esprit ne fait pas revenir en arrière, il pousse en avant. Il élargit les horizons, alors que nous avons tendance à les rétrécir. Ou encore, comme dit la séquence : « Il assouplit ce qui est raide et réchauffe ce qui est froid. Il rend droit ce qui est tordu ». Or, nous avons souvent l’impression que la Pentecôte est une fête facile. C’est vrai, si nous nous contentons d’admirer le charme des images et de traduire les symboles en miracles et autres signes merveilleux. Il nous suffit alors d’admirer, d’applaudir et même de danser au son des alléluias. Mais au risque d’oublier le message et le témoignage. Car, après la Pentecôte, les disciples ne sont pas restés plongés dans une extase mystique affectivement gratifiante et rassurante. Au contraire, ils ont bravé des dangers, ils sont partis « jusqu’aux extrémités de la terre ». Il nous arrive aussi, très paresseusement, de lire l’extraordinaire événement de la Pentecôte uniquement avec les yeux de l’histoire, et donc de le regarder comme une expérience unique qui n’a concerné, il y a 2000 ans, qu’un petit groupe de disciples de Jésus. Il suffirait alors de célébrer un anniversaire et de s’extasier devant le merveilleux d’une époque lointaine, mais sans incidence sur la nôtre. Or, en réalité, la Pentecôte se répète constamment. Chaque célébration dominicale, par exemple, en est une, car le vent de l’Esprit souffle dans nos territoires intérieurs et la boule de feu, qui se divise en petites langues, elle aussi, est d’ordre intérieur. Elle transforme les timorés en hommes et femmes de feu. L’Esprit peut toujours enflammer les esprits et les cœurs. Au 6e siècle, dans la très florissante Eglise d’Afrique du Nord, un prédicateur disait dans son homélie de Pentecôte : « Les disciples ont parlé toutes les langues. Ainsi, Dieu a voulu manifester la présence du Saint Esprit en faisant parler toutes les langues à ceux qui l’avaient reçu. Il faut comprendre, frères très chers, qu’il s’agit bien du Saint Esprit par qui l’amour est répandu dans nos cœurs… Par conséquent, si quelqu’un dit à l’un de nous : « Est-ce que tu as reçu le Saint Esprit, car tu ne parles pas toutes les langues ? », voici ce qu’il faut répondre : « Parfaitement, je parle toutes les langues. Car je suis dans ce corps du Christ qui est l’Eglise, laquelle parle toutes les langues… ». Aussi, faisait très justement remarquer Mgr Bello, l’abbé Pierre italien (1), la Pentecôte est une fête difficile, parce qu’elle nous incite fortement à nous libérer de nos complexes. Le premier étant le complexe de l’huître. Nous sommes comme elle trop attachés à notre rocher, c’est-à-dire à nos sécurités et aux illusions gratifiantes du passé, alors que l’Esprit Saint nous appelle au contraire à la nouveauté, il nous invite au changement, il nous encourage à nous recréer. Autre complexe : celui de « l’une fois pour toutes ». Nous préférons nous installer dans la stagnation de nos habitudes, plutôt que de marcher et nous soumettre à la conversion permanente. Le fait de nous plier à la constance d’une révision critique nous effraie, alors que l’Esprit nous invite à quitter l’immobilisme confortable de nos voies de garage, pour oser prendre la route, pour oser affronter les dangers, pour oser entreprendre, pour oser inventer et adapter. Nous n’aimons pas être bousculés. Nous n’aimons pas corriger nos trajectoires, ni renoncer à des certitudes que nous avons bétonnées et monopolisées, alors que nul ne peut, à lui seul, posséder la vérité tout entière. L’Esprit nous appelle à l’acceptation du pluralisme, au respect de la multiplicité, au refus des intégrismes et des fondamentalismes, à la joie d’entrevoir qu’il unifie et compose les richesses de la diversité. Rappelons-nous le grand rassemblement interreligieux du 26 octobre 1986 à Assise. Une véritable révolution. Le dialogue interreligieux, hier combattu au nom d’une certaine vérité monopolisée et figée, mais aujourd’hui encouragé et déclaré nécessaire pour que chacun puisse se laisser guider sur la route qui donne progressivement accès « à la vérité tout entière ». L’Esprit nous éduque aussi à l’humilité.

(1) « Aux fenêtres de l’espérance », Mgr Tonino Bello, lettre d’un évêque, Ed. Médiaspaul 1998.

 

ACTS 01 THE ASCENSION…L’ASCENSION

12 mai, 2016

ACTS 01 THE ASCENSION...L'ASCENSION  dans images sacrée 13%20FRESQUE%20DE%20LA%20COUPOLE%20ASCENSION%20PECS
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ABBÉ SYLVAIN (1826-1914) : UN RAYON DU CIEL SUR LE LIT D’UN MALADE

12 mai, 2016

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LIVRES ANCIENS – BEAUX TEXTES

Sommaire

Abbé Sylvain (1826-1914) : Un rayon du ciel sur le lit d’un malade

Oui, oui, elle est venue du ciel, envoyée par vous, ô mon Dieu, cette clarté qui tout à coup a illuminé la couche où mes membres alanguis restaient sans mouvement, et m’a entouré de paix, de sérénité, de douce confiance. Ma pensée, à demi-flottante, essayait, à chaque instant, de monter vers Vous, s’arrêtant impuissante pour recommencer encore, comme la colombe blessée qui ne peut, qu’après bien des pauses, remonter à son nid. Il n’y avait pas la nuit autour de moi, mais il n’y avait pas la lumière ; j’entrevoyais, je ne voyais pas ! Oh ! la lumière ! la lumière ! mon âme la demandait ! Mon âme avait besoin de vous aspirer, ô mon Dieu, plus avide de Vous que ma poitrine n’était avide de l’air qui la vivifiait ! Et voilà qu’une nuit, l’ange qui me veillait laissa doucement tomber de ses lèvres ces simples paroles : Regardez le Cœur qui vous envoie la souffrance. Regardez 1′Œil qui vous voit souffrir. Regardez la Main qui vous mesure la douleur. Regardez le Modèle qui se montre souffrant plus que vous. Regardez le Résultat pour vous et pour tous de votre soumission complète. – Oh ! dites, dites encore, ma sœur ! Et elle prit un livre, et elle lut ces simples pages :

I – LE COEUR QUI VOUS ENVOIE LA SOUFFRANCE C’est le cœur de Dieu, le cœur de Jésus ! – Oh ! tout ce qui vient de ce cœur aimant, tout, n’est-il pas bon ? n’est-il pas saint, n’est-il pas enviable ? Si tu n’avais pas besoin de cette croix, non, non, Dieu ne te l’enverrait pas. Elle m’est donc bonne cette faiblesse, cette maladie, cette impuissance d’action. Et si je l’aime, et si je l’accepte, et si je l’embrasse comme un présent de l’amour de mon Dieu, oh ! comme elle me fera du bien ! Je te veux, ô maladie, je te veux, ô souffrance, je te veux, ô mort, toi qui me viens de Jésus, et qui doit m’unir à Jésus.

II – L’ŒIL QUI VOUS VOIT SOUFFRIR C’est l’œil de mon Dieu, l’œil de la souveraine intelligence, témoin perpétuel de mon martyre, la nuit comme le jour. L’œil du médecin expérimenté qui suit les progrès du mal, l’envahissement de la faiblesse, l’augmentation de la douleur, et qui, à l’heure voulue, apportera toujours la résignation et la paix. L’œil de la sagesse infinie qui ne me perd pas de vue et arrêtera la tristesse, la crainte, le trouble qui sont là, tourbillonnant autour de ma couche ! Je ne vois rien, je ne sais rien ; autour de moi, on ne voit rien, on ne sait rien ; mais Il voit tout, Lui, Il sait tout ! Courage, ô ma pauvre âme défaillante ! vois, comme il te plaint, ce regard de Jésus ! vois comme il t’aime !

III – LA MAIN QUI VOUS MESURE LA SOUFFRANCE C’est la main de mon Père.. de mon Père qui m’aime et qui souffre de me voir souffrir, et qui pourtant doit me faire souffrir. Oh ! qu’elle vienne s’appesantir sur mon pauvre corps ! qu’elle vienne opérer sur mes membres qu’un mal intérieur allait gangrener peut-être. Elle agira avec tant de délicatesse et tant de précautions, cette main bénie ! Mains de mon Jésus, clouées sur la croix, mains qui avez senti les douleurs les plus déchirantes, je me livre à vous, les yeux fermés ; taillez dans cette pauvre chair ! je sens, allez, à travers mes douleurs des frémissements de votre amour. Je sens qu’il vous tarde de me dire : Assez ! assez ! mon enfant… c’est fini.

IV – LE MODÈLE QUI SE MONTRE SOUFFRANT PLUS QUE TOI Ce modèle, c’est vous, ô mon Jésus crucifié ! Et c’est Marie votre mère et la mienne, Marie qui me le montre ! Laissez, laissez-moi mon crucifix, là, bien devant moi ! Que je ne puisse pas ouvrir les yeux sans me rencontrer face à face avec lui ; mon regard s’unissant à son regard, ma plainte s’unissant à sa plainte et cherchant à chacune de mes douleurs la place du corps de Jésus dans laquelle il a souffert la douleur que je souffre ! Laissez-moi l’entendre me dire : Moi aussi je l’ai eu ce déchirement cruel ! Courage, enfant ! Encore quelques minutes ; je suis là !

V – LE RÉSULTAT, POUR VOUS ET POUR TOUS, DE VOTRE SOUMISSION COMPLÈTE Ce résultat, c’est pour toi un accroissement d’amour, un accroissement de mérites, un accroissement de gloire ! Oh ! comme unie aux souffrances de Jésus, la souffrance expie, purifie, glorifie ! Doux purgatoire qu’un lit de douleur ! douce croix plantée près de la croix de Jésus d’où viennent tomber sur ton âme ces si émouvantes paroles : Aujourd’hui tu seras avec moi au Paradis ! Ce résultat c’est, pour ces êtres aimés qui te soignent, et qui près de toi pleurent et prie, une source comme intarissable des grâces les plus précieuses. Du lit d’un malade soumis, résigné, uni à Jésus-Christ, rayonnent comme de la croix du Calvaire, le salut, la conversion, la paix ! Mgr Sylvain, extrait de « Paillettes d’Or », Cueillettes de petits conseils pour la sanctification et le bonheur de la vie. Recueil des années 1892-1893-1894, Pages 17, 18, 19. Aubanel père, éditeur, Avignon.

 

GETHSÉMANI

12 mai, 2016

http://www.interbible.org/interBible/decouverte/archeologie/2005/arc_050916.htm

GETHSÉMANI

GETHSÉMANI dans Terre Sainte arc_050916b

Figure 2 : La grotte de Gethsémani

La tradition chrétienne, à Jérusalem, s’est surtout attachée au tombeau tout neuf que s’était fait tailler Joseph d’Arimathie; c’est là qu’il y déposa le corps de Jésus et, le matin de Pâques, que la Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ prit son envol. Toutefois les tristes événements de l’agonie de Jésus et de la trahison de Judas n’ont pas été effacés, pour autant, de la mémoire des premiers chrétiens.      La veille de sa mort, entre la Pâque célébrée à Jérusalem avec ses disciples et son arrestation, Jésus s’était retiré, avec Pierre, Jacques et Jean, dans un lieu sans doute assez désert, appelé Gethsémani, ou « Pressoir à huile »; cette appellation seule pourrait orienter notre attention du côté du mont des Oliviers (Mt 26,36-46; Mc 14,32-42; Lc 22,40-46). Comme Jean parle d’un « jardin » (Jn 18,1), la tradition parle aussi d’un lieu dit Gansémani (« Jardin de l’huile »).      Les témoins archéologiques que nous présentons dans la présente chronique, connus depuis assez longtemps déjà, sont bien situés sur les bords de la route romaine qui reliait le mont des Oliviers à Jérusalem; des traces de cette route sont visibles dans le jardin du monastère russe juste un peu plus haut sur la pente.      C’est Eusèbe, évêque de Césarée, qui mentionne pour la première fois, vers 330, Gethsémani comme un lieu « contre le mont des Oliviers »; peu de temps après, en 333, le Pèlerin de Bordeaux parle d’un « rocher », dans le ravin (le Cédron), où on se rassemble pour prier, ce que Cyrille, évêque de Jérusalem, confirme en 347. Ces témoignages sont donc sérieux, car ils sont contemporains de ceux que Constantin a honorés au tombeau de Joseph d’Arimathie, en y construisant l’église de la Résurrection (Anastasis), en 325.

     Saint Jérôme, en 388, nous assure qu’une église a aussi été construite à Gethsémani; elle doit être l’œuvre de Théodose (379-395), qui imita Constantin en consacrant des souvenirs évangéliques par des monuments. Les fouilles archéologiques appuient fortement cet événement.      Sous 1’église actuelle, construite en 1924 (partie hachurée de la fig. 1), se cachent les vestiges de cette église de Théodose; de fait, l’architecte moderne a voulu respecter le plan de cette première église (en noir uni sur la fig. 1). On remarque facilement que le rocher où s’était retiré Jésus, pour prier, occupe presque toute l’abside. Ce plan précis de l’édifice nous montre bien que ce rocher était l’objet de vénération à l’époque : on tailla le banc rocheux pour y fonder les murs du bâtiment, en respectant le cabochon au milieu de l’abside.      La basilique est assez modeste : elle mesure 20,15 x 16,35 m. Un atrium (cour ouverte) était aménagé devant elle; et, de chaque côté de cet atrium, on a retrouvé le tracé de deux petits enclos : servaient-ils à protéger de vieux oliviers témoins de la prière de Jésus?      Cette église primitive fut assez endommagée par les Perses, en 614, puis totalement détruite par un tremblement de terre en 745; elle fut alors abandonnée.      Vers 1170, les Croisés décident de redresser cette église, qui ne présente plus que de tristes ruines. Toutefois, pour des raisons que nous ignorons, ils la construisent selon un axe différent (partie en blanc sur la fig. 1); ils y aménagent trois petites absides, présentant chacun un éperon rocheux, en souvenir de la triple prière de Jésus que les synoptiques mentionnent de façon claire. C’était une église encore plus modeste que celle du IVe siècle. Elle fut détruite par les Arabes, et laissée en ruine depuis le XIIIe siècle; on gardait toutefois le souvenir de l’agonie de Jésus sur ces ruines transformées en un jardin planté d’oliviers. Une étude récente des très vieux oliviers qui poussent toujours dans un jardin adjacent à l’église actuelle montre bien que les racines de ces oliviers courent sur le pavement de l’église médiévale : ils sont donc presque millénaires!      À un jet de pierre (Lc 22,41) du rocher inséré dans l’église, il se trouve une grotte naturelle qui fut aussi l’objet de vénération des chrétiens de Jérusalem. Une inondation récente l’a beaucoup endommagée; on profite donc de l’occasion pour l’étudier attentivement (fig. 2). Elle est assez vaste, mesurant, en gros, 13,50 x 8,50 m. On sait maintenant qu’elle fut aménagée en lieu de culte chrétien avant la fin du IVe siècle, mais en étant agrandie (17,50 x 12 m); cet aménagement est donc contemporain de la première église. C’est là que le souvenir du lieu où reposaient les disciples y était attaché; comme ce lieu était connu de Judas, il faut penser que c’est aussi là qu’il y conduisit la troupe qui exécuta l’arrestation de Jésus. Encore faut-il ajouter que certaines particularités du sol de la grotte pourraient être interprétées comme des ouvrages de pressoir à huile, justifiant donc le nom de Gethsémani attaché à ce lieu.     Il restera toujours très difficile de prouver, par l’archéologie, que nous sommes en présence du lieu vrai et précis de l’agonie de Jésus et de son arrestation, mais il reste tout aussi vrai que c’est bien là la région où ces événements se déroulèrent, le fait bien établi que les chrétiens, dès le début du IVe siècle, en ont fixé là le souvenir ne devrait pas manquer de susciter pour nous un vif intérêt.

Guy Couturier, CSC Professeur émérite, Université de Montréal

Spirito Santo icona

11 mai, 2016

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LE SAINT ESPRIT – LES PLUS BELLES PAGES – ECRITS DU XVII° SIÈCLE – Fénelon

11 mai, 2016

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LE SAINT ESPRIT – LES PLUS BELLES PAGES – ECRITS DU XVII° SIÈCLE

François de Salignac de Lamothe-Fénelon (1651-1715)

Il est certain par l’Ecriture (Rom., 8, et Jean, 14) que l’Esprit de Dieu habite au-dedans de nous, qu’Il y agit, qu’il y prie sans cesse, qu’Il y gémit, qu’Il y désire, qu’Il y demande ce que nous ne savons pas nous-mêmes demander ; qu’Il nous pousse, nous anime, nous parle dans le silence, nous suggère toute vérité, et nous unit tellement à Lui que nous ne sommes plus qu’un même esprit avec Dieu (1 Cor., 6, 17). Voilà ce que la foi nous apprend ; voilà ce que les docteurs les plus éloignés de la vie intérieure ne peuvent s’empêcher de reconnaître. Cependant, malgré ces principes, ils tendent toujours à supposer dans la pratique que la loi extérieure, ou tout au plus une certaine lumière de doctrine et de raisonnement, nous éclaire au-dedans de nous-mêmes, et qu’ensuite c’est notre raison qui agit par elle-même sur cette instruction. On ne compte point assez sur le docteur intérieur qui est le Saint-Esprit, et qui fait tout en nous. Il est l’âme de notre âme : nous ne saurions former ni pensée ni désir que par Lui. Hélas ! quel est donc notre aveuglement ! Nous comptons comme si nous étions seuls dans ce sanctuaire intérieur ; et tout au contraire Dieu y est plus intimement que nous n’y sommes nous-mêmes. Vous me direz peut-être : Est-ce que nous sommes inspirés ? Oui, sans doute, mais non pas comme les prophètes et les apôtres. Sans l’inspiration actuelle de l’Esprit de grâce, nous ne pouvons ni faire, ni vouloir, ni croire aucun bien. Nous sommes donc toujours inspirés ; mais nous étouffons sans cesse cette inspiration. Dieu ne cesse point de parler ; mais le bruit des créatures au dehors et de nos passions au-dedans nous étourdit et nous empêche de l’entendre. Il faut faire taire toute créature, il faut se faire taire soi-même pour écouter dans ce profond silence de toute l’âme cette voix ineffable de l’époux. II faut prêter l’oreille ; car c’est une voix douce et délicate, qui n’est entendue que de ceux qui n’entendent plus tout le reste. O qu’il est rare que l’âme se taise assez pour laisser parler Dieu ! Le moindre murmure de nos vains désirs ou d’un amour-propre attentif à soi confond toutes les paroles de l’Esprit de Dieu. On entend bien qu’Il parle et qu’Il demande quelque chose ; mais on ne sait point ce qu’Il dit, et souvent on est bien aise de ne le deviner pas. La moindre réserve, le moindre retour sur soi, la moindre crainte d’entendre trop clairement que Dieu demande plus qu’on ne veut lui donner trouble cette parole intérieure. Faut-il donc s’étonner si tant de gens, même pieux, mais encore pleins d’amusements, de vains désirs, de fausse sagesse, de confiance en leurs vertus, ne peuvent l’entendre et regardent cette parole intérieure comme une chimère de fanatiques ? Hélas ! que veulent-ils donc dire avec leurs raisonnements dédaigneux ? A quoi servirait la parole extérieure des pasteurs et même de l’Ecriture s’il n’y avait une parole intérieure du Saint-Esprit même, qui donne à l’autre toute son efficace ? La parole même de l’Evangile, sans cette parole vivante et féconde de l’intérieur, ne serait qu’un vain son. C’est la lettre qui seule tue, et l’esprit seul peut nous vivifier (II Cor., 3, 6). O Verbe, ô parole éternelle et toute-puissante du Père, c’est Vous qui parlez au fond des âmes ! Cette parole, sortie de la bouche du Sauveur, pendant sa vie mortelle, n’a eu tant de vertu et n’a produit tant de fruits sur la terre qu’à cause qu’elle était animée par cette parole de vie qui est le Verbe même. De là vient que saint Pierre dit :  » A qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la Vie éternelle  » (Jean, 6, 68). Ces principes posés, il faut reconnaître que Dieu parle sans cesse en nous (Imitation de Jésus-Christ, L. III, ch. III, v. 3). Mais souvent ces personnes, pleines d’elles-mêmes et de leurs lumières, s’écoutent trop pour écouter Dieu. O mon Dieu ! je Vous rends grâces avec Jésus-Christ (Matth., 11, 25) de ce que Vous cachez vos secrets ineffables à ces grands, à ces sages tandis que Vous prenez plaisir à les révéler aux âmes faibles et petites ! Il n’y a que les enfants avec qui Vous Vous familiarisez sans réserve. Dieu, qui ne cherche qu’à se communiquer, ne sait, pour ainsi dire, où poser le pied, dans ces âmes pleines d’elles-mêmes et trop nourries de leur sagesse et de leurs vertus. Mais son entretien familier, comme dit l’Ecriture, est avec les simples (Prov., III, 32). Où sont-ils ces simples ? Je n’en vois guère. Dieu les voit ; c’est en eux qu’Il se plait à habiter : Mon Père et Moi, dit Jésus-Christ, Nous y viendrons, et Nous y ferons notre demeure (Jean, 14, 23).  » Faites-moi connaître votre voix ; qu’elle sonne à mes oreilles  » (Cant., II, 14). O quelle est donc cette voix ? elle fait tressaillir mes entrailles. Parlez, ô mon Epoux, et que nul autre que Vous n’ose parler ! Taisez-vous, mon âme : parlez, ô mon amour. Je dis qu’alors on sait tout sans rien savoir. Ce n’est pas qu’on ait la présomption de croire qu’on possède en soi toute vérité. Non, non : tout au contraire, on sent qu’on ne voit rien, qu’on ne peut rien et qu’on n’est rien. On le sent et on en est ravi. En cet état, l’Esprit enseigne toute vérité ; car toute vérité est éminemment dans ce sacrifice d’amour où l’âme s’ôte tout pour donner tout à Dieu. [...] Votre esprit est un esprit d’amour et de liberté et non un esprit de crainte et de servitude. Je renoncerai donc à tout ce qui n’est point de votre ordre pour mon état. Je porterai paisiblement toutes ces privations ; et voici ce que j’ajouterai : c’est que dans les conversations innocentes et nécessaires, je retrancherai ce que Vous me ferez sentir intérieurement n’être qu’une recherche de moi-même. Quand je me sentirai porté à faire là-dessus quelque sacrifice, je le ferai gaiement. Je me réjouirai devant le Seigneur ; je tâcherai de réjouir les autres ; j’épancherai mon cœur sans crainte dans l’Assemblée des enfants de Dieu. Je ne veux que candeur, innocence, joie du Saint-Esprit. [...] Vous avez commencé, Seigneur, par ôter à vos apôtres ce qui paraissait le plus propre à les soutenir, je veux dire la présence sensible de Jésus votre Fils : mais Vous avez tout détruit pour tout établir : Vous avez ôté tout pour rendre tout avec usure. Telle est votre méthode. Vous Vous plaisez à renverser l’ordre du sens humain. Après avoir ôté cette possession sensible de Jésus-Christ, Vous avez donné votre Saint-Esprit. O privation, que vous êtes précieuse et pleine de vertu, puisque vous opérez plus que la possession du Fils de Dieu même ! O âmes lâches ! pourquoi vous croyez-vous si pauvres dans la privation, puisqu’elle enrichit plus que la possession du plus grand trésor ? Bienheureux ceux qui manquent de tout et qui manquent de Dieu même, c’est-à-dire de Dieu goûté et aperçu ! Heureux ceux pour qui Jésus se cache et se retire ! L’Esprit consolateur viendra sur eux ; Il apaisera leur douleur et aura soin d’essuyer leurs larmes. Malheur à ceux qui ont leur consolation sur la terre, qui mettent hors de Dieu le repos, l’appui et l’attachement de leur volonté ! Ce bon Esprit promis à tous ceux qui le demandent n’est point envoyé sur eux. Le Consolateur envoyé du Ciel n’est que pour les âmes qui ne tiennent ni au monde ni à elles-mêmes. Hélas ! Seigneur, où est-il donc cet Esprit qui doit être ma vie ? Il sera l’âme de mon âme. Mais où est-Il ? Je ne le sens, je ne le trouve point. Je n’éprouve dans mes sens que fragilité, dans mon esprit que dissipation et mensonge, dans ma volonté qu’inconstance et que partage entre votre amour et mille vains amusements. Où est-il donc votre Esprit ? que ne vient-Il créer en moi un cœur nouveau selon le vôtre ? O mon Dieu, je comprends que c’est dans cette âme appauvrie que votre Esprit daignera habiter, pourvu qu’elle s’ouvre à Lui sans mesure. C’est cette absence sensible du Sauveur et de tous ses dons, qui attire l’Esprit-Saint. Venez donc, ô Esprit, Vous ne pouvez rien trouver de plus pauvre, de plus dépouillé, de plus nu, de plus abandonné, de plus faible, que mon cœur. Venez, apportez-y la paix ; non cette paix d’abondance qui coule comme un fleuve mais cette paix sèche, cette paix de patience et de sacrifice, cette paix amère, mais paix véritable pourtant, et d’autant plus pure, plus intime, plus profonde, plus intarissable, qu’elle n’est fondée que sur le renoncement sans réserve. O Esprit, O Amour ! O Vérité de mon Dieu ! O Amour lumière ! O Amour qui enseignez l’âme sans parler, qui faites tout entendre sans rien dire, qui ne demandez rien à l’âme et qui l’entraînez par le silence à tout sacrifice ! O Amour qui dégoûtez de tout autre amour, qui faites qu’on se hait, qu’on s’oublie, qu’on s’abandonne ! O Amour qui coulez au travers du cœur, comme la fontaine de vie, qui pourra Vous connaître sinon celui en qui Vous serez ? Taisez-vous, hommes aveugles ; l’amour n’est point en vous. Vous ne savez ce que vous dites : vous ne voyez rien, vous n’entendez rien. Le vrai Docteur ne vous a jamais enseignés. C’est Lui qui rassasie l’âme de Vérité sans aucune science distincte. C’est Lui qui fait naître au fond de l’âme les vérités que la parole sensible de Jésus-Christ n’avait exposées qu’aux yeux de l’esprit. On goûte, on se nourrit, on se fait une même chose avec la Vérité. Ce n’est plus elle qu’on voit comme un objet hors de soi ; c’est elle qui devient nous-mêmes et que nous sentons intimement comme l’âme se sent elle-même. O quelle puissante consolation sans chercher à se consoler ! On a Tout sans rien avoir. Là on trouve en unité le Père, le Fils et le Saint-Esprit : le Père Créateur, qui crée en nous tout ce qu’Il veut y faire pour nous rendre des enfants semblables à Lui ; le Fils, Verbe de Dieu, qui devient le Verbe et la parole intime de l’âme, qui se tait à tout pour ne plus laisser parler que Dieu ; enfin l’Esprit, qui souffle où Il veut, qui aime le Père et le Fils en nous. O mon Amour, qui êtes mon Dieu, aimez-Vous, glorifiez-Vous vous-même en moi ! Ma paix, ma joie, ma vie sont en Vous, qui êtes mon Tout, et je ne suis plus rien.

Extrait de Divers sentiments et avis chrétiens, in Œuvres, Paris, Didot, 1892

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