PIERRE CHRYSOLOGUE (LE ROYAME DE DIEU…)

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PIERRE CHRYSOLOGUE (LE ROYAME DE DIEU…)

« Le Royaume de Dieu est semblable à du levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine (Mt 13, 33). La femme qui avait reçu du démon le levain de la perfidie reçoit de Dieu le levain de la foi, elle l’enfouit dans trois mesures de farine, qui représentent les trois ères de l’humanité, d’Adam à Noé, de Noé à Moïse et de Moïse au Christ. Car si le Christ a voulu naître, c’est pour que, dans cette humanité où Eve avait semé la mort, Marie ramenât la vie. Marie nous offre la parfaite image de ce levain, elle nous en propose la parabole, nous en dessine la figure quand en son sein elle reçoit du ciel le levain du Verbe et le répand en son sein virginal sur la chair humaine, que dis-je ? sur une chair qui, en son sein virginal, est toute céleste et qu’elle fait ainsi lever… Donnons à présent le sens profond de cette parabole. La femme qui a pris du levain, c’est l’Eglise, le levain qu’elle a pris, c’est la révélation de la doctrine céleste, les trois mesures dans lesquelles elle a, nous dit-on, enfoui le levain sont la Loi, les Prophètes et les Evangiles, où le sens divin s’enfouit et se cache sous des termes symboliques, afin d’être saisi du fidèle et d’échapper à l’infidèle. La science divine est maintenant dans la pâte, elle se répand sur les sens, elle gonfle les coeurs, augmente les intelligences et, comme tout enseignement, les élargit, les soulève et les épanouit aux dimensions de la sagesse céleste. Tout sera bientôt levé. Quand ? A l’avènement du Christ. » (Sermon 99, in La femme. Les grands textes des Pères de l’Eglise, coll. Ichtus, Lettres chrétiennes 12, Le Centurion / Grasset, 1968, pp. 288-289).

« Dans son amour pour les siens, le Christ, notre bon Maître, multiplie les images de son royaume, en varie les paraboles. Il ne va pas les prendre dans ses mystères, ni les chercher dans les sphères célestes ; il les puise dans l’expérience quotidienne. Il les emprunte à la vie commune, afin que toutes les classes d’hommes puissent y trouver leur profit, selon la parole du prophète : Ecoutez, tous les peuples, entendez, tous les habitants du monde, gens du commun et gens de condition, riches et pauvres ensemble (Ps 48, 2-3). S’il puisait dans les arcanes de sa divinité, dans les mystères des rois, ou les secrets des riches, le pauvre ne comprendrait pas, l’homme moyen serait décontenancé, le simple désemparé. Mais il tient un langage qui est familier au riche comme au pauvre et qui s’enracine au coeur de toute vie, car le Dieu qui nous appelle cherche tous les hommes sans faire acception de personne. Mais reprenons la lecture de la parabole. A quoi puis-je comparer, dit-il, le royaume de Dieu ? (Lc 13, 21). Cette question frappe les auditeurs, les remplit de stupeur et d’étonnement. Que peut-on en effet comparer au royaume de Dieu, au divin empire ? Et tandis que leur esprit s’égare dans l’infini des cieux, le Seigneur trouve et dessine l’image de son royaume : le toit du pauvre, la main de la ménagère qui cuit son pain ! » (Sermon 99, in Les grands textes des Pères de l’Eglise, Ichtus, « Les Lettres chrétiennes », Ed. Le Centurion / Grasset, 1968, pp. 285-286).

« Ô homme, pourquoi es-tu si vil à tes propres yeux, alors que tu es si précieux aux yeux de Dieu ? Pourquoi te déshonores-tu à ce point quand Dieu t’a tellement honoré ? Pourquoi te demandes-tu avec quoi tu es créé, et négliges-tu de rechercher pour quel destin ? Cette demeure du monde que tu vois, n’est-elle pas tout entière bâtie pour toi ? Pour toi la lumière a jailli, afin de chasser les ténèbres environnantes, pour toi la nuit est disposée et le jour mesuré ; pour toi le ciel brille de l’éclat diapré du soleil, de la lune et des étoiles ; pour toi la terre s’émaille de fleurs, de forêts, de fruits ; pour toi vit dans l’air, dans les champs, dans l’eau la multitude merveilleuse de tous les animaux, de peur que tristesse et solitude n’assombrissent la joie de la création naissante. Dieu t’a façonné à partir de la terre, afin que tu sois le maître des réalités terrestres, tout en partageant avec elles une nature commune. Dieu t’a fait don d’une âme céleste et d’un corps terrestre ; ainsi en toi se noue une union permanente entre ciel et terre… » (Sermon 147, in L’année en fêtes, Bibliothèque 3, Migne, 2000, pp. 50-51).

« Si le Seigneur revient avec le même corps, présente ses blessures, montre à nouveau les trous mêmes des clous, et donne comme preuves de sa résurrection les témoignages de la Passion, pourquoi l’homme croit-il qu’il doit quant à lui revenir dans un autre corps et non dans le sien ? Ou peut-être le serviteur méprise-t-il son corps alors que le Seigneur a gardé le nôtre ? Homme, accepte de croire que tu vivras à nouveau dans ton propre corps, sauf à n’être pas toi-même, si tu ressuscites dans un corps étranger. » (Sermon 76, 1).

« Il y a trois actes, mes frères, trois actes en lesquels la foi se tient, la piété consiste, la vertu se maintient : la prière, le jeûne, la miséricorde. La prière frappe à la porte, le jeûne obtient, la miséricorde reçoit. Prière, miséricorde, jeûne, les trois ne font qu’un et se donnent mutuellement la vie. En effet, le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Que personne ne les divise : les trois ne peuvent se séparer. Celui qui en pratique seulement un ou deux, celui-là n’a rien. Donc, celui qui prie doit jeûner ; celui qui jeûne doit avoir pitié ; qu’il écoute l’homme qui demande, et qui en demandant souhaite être écouté ; il se fait entendre de Dieu, celui qui ne refuse pas d’entendre lorqu’on le supplie. Celui qui pratique le jeûne doit comprendre le jeûne : il doit sympathiser avec l’homme qui a faim, s’il veut que Dieu sympathise avec sa propre faim ; il doit faire miséricorde, celui qui espère obtenir miséricorde ; celui qui veut bénéficier de la bonté doit la pratiquer ; celui qui veut qu’on lui donne doit donner. C’est être un solliciteur insolent, que demander pour soi-même ce qu’on refuse à autrui. » (Homélie sur la prière, le jeûne et l’aumône, 43)

« Dieu, que le monde ne peut contenir, comment le regard humain, si étroit, pouvait-il le saisir ? Mais le code de l’amour ne considère pas ce que celui-ci peut être, ce qu’il doit et ce qu’il peut faire. L’amour ignore le jugement, il manque de raison, il ignore la mesure. L’amour ne se laisse pas consoler par l’impossibilité, il n’admet pas que la difficulté soit un remède. [...] Il est impossible que l’amour ne voie pas ce qu’il aime ; voilà pourquoi tous les saints ont jugé sans valeur tout ce qu’ils avaient obtenu, s’ils ne voyaient pas le Seigneur … » (Sermon sur le mystère de l’Incarnation, (I), 147 : Dieu veut répondre à l’amour de l’homme qui désire voir Dieu)

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