LE TRAVAIL ET LA BIBLE – LE TRAVAIL, UN MANDAT DE DIEU POUR L’HOMME
LE TRAVAIL ET LA BIBLE – LE TRAVAIL, UN MANDAT DE DIEU POUR L’HOMME
LE TRAVAIL SELON LA BIBLE
Dans notre société sécularisée, rejetant l’héritage qu’elle tire du christianisme, baignée dans un relativisme ambiant donc dans une confusion des valeurs, nous avons besoin de références, de points d’ancrage solides pour ne pas être ballotés par tous les « vents médiatiques » et par tous les vents émotionnels. Les vents émotionnels sont ceux qui font crier « hosanna » un jour et « crucifie » le lendemain. Nos références doivent se trouver enracinées dans la Bible. 1 : 1 « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. » 1 : 25b-28 : « Dieu vit que cela était bon. 26 Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. 27 Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. 28 Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. » 2 : 2 : « Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite : et il se reposa au septième jour de toute son œuvre, qu’il avait faite. » 2 : 15 : « L’éternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’éden pour le cultiver et pour le garder. » 3 : 17 : « Il dit à l’homme : Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre : Tu n’en mangeras point ! le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie… » 3 : 19 : « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain… » De ces versets, deux perspectives bibliques du travail se dégagent : – Le travail est une bonne chose voulue par Dieu. – Le travail est une source de souffrance. Le travail est un mandat confié par Dieu à l’homme (Genèse 1 et 2) mais, à cause de la chute, le travail est devenu pénible (Genèse 3).
LE TRAVAIL : UN MANDAT DIVIN Quelques aspects Le travail n’est pas une conséquence du péché. D’ailleurs, le premier verset de la Bible nous montre Dieu au travail et Jésus dira : « Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille. » (Jean 5 : 14) Le verset 28 du premier chapitre de la Genèse « … remplissez la terre, assujettissez-la ; et dominez… » est un appel pour l’homme à transformer le monde par son intelligence, son savoir-faire et son industrie. Créé à l’image de Dieu, l’homme est appelé à donner à son activité un sens créatif. Par le verset : « Et l’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et pour le garder. » (Genèse 2 : 15), nous comprenons que l’homme est le gérant de la création. C’est pourquoi le monde où l’homme vit porte la marque de son activité transformatrice. (Selon « L’éthique du travail » – Robert Sommerville – Les Editions Sator © 1989 page 30) En donnant à l’homme, toute la richesse de la création, Dieu lui montre son amour et sa confiance. Le travail est une réponse à ce don. Malheureusement, aujourd’hui, l’homme martyrise la création. Le travail est aussi une réponse à notre condition incarnée : notre activité n’est pas purement intérieure ; elle est aussi extérieure. Par mon corps, mon travail exprime ma personne géographiquement, en un lieu déterminé. L’homme est un être « de géographie » – l’homme n’est pas un pur esprit – et le travail est l’expression de l’homme dans son espace géographique. Dit dans des termes plus simples : par mon travail j’exprime ce que je suis sur les lieux de mon activité et j’y apporte mon empreinte. Dès le commencement, le travail a une dimension sociale évidente : un homme seul ne peut assujettir la terre. Il doit s’associer à d’autres hommes et, par là, participer à un œuvre commune. Le travail est un facteur de socialisation, un principe de vie communautaire. On comprend que le chômage puisse être ressenti durement : avec lui est éprouvé un sentiment d’inutilité sociale. Calvin considérait que priver quelqu’un de travail était un crime. D’autres aspects : Le Créateur et la création – L’homme et son travail L’homme est créé à l’image de Dieu. Il est une personne (dans le sens le plus fort) dotée d’intelligence, de raison et de volonté libre, de liberté – l’homme n’est pas placé sur un rail ; l’arbre de la connaissance du bien et du mal en est la preuve – et conséquemment de responsabilité, responsabilité, entre autre morale, de chercher la vérité. Il est doté de quête de sens – parce qu’il est « celui qui se souvient » donc doté d’une histoire dans laquelle il s ‘inscrit –, doté, dans son cœur, « d’un vide en forme de Dieu » (Pascal)… A propos de l’histoire : un peuple qui n’a pas de souvenir est un peuple sans avenir. Songeons aux fêtes de l’ancien testament et à la Sainte Cène : « Faites ceci en mémoire de moi. » Enfin, l’homme ne peut vivre sans amour reçu et partagé. Sa dignité repose sur sa capacité de se donner, de se livrer pour l’autre, de donner sa vie pour les autres. Jésus-Christ est l’Homme Parfait. L’homme reçoit sa dignité de ce qu’il est créé à l’image de Dieu (Livre de la Genèse) et de ce que Dieu s’est fait homme en Jésus. L’homme est donc plus que tout ce qu’il crée et ce qu’il fait (productions, institutions, systèmes) : sa valeur transcende celle de son travail.
En conséquence : • Le premier fondement de la valeur du travail est l’homme lui-même. • Le travail ne peut avoir plus de dignité que celui qui l’exécute : une personne. • Le but de tout travail exécuté par l’homme, quel que puisse être ce travail, doit toujours être l’homme lui-même ou le Seigneur. • L’homme et la valeur de son travail ne se réduisent pas à la sphère économique et à la satisfaction des « besoins » matériels.
AU PLAN ETHIQUE : Nous ne pouvons pas accepter que : – le travail soit une force anonyme nécessaire à la production (il faut soustraire le travail de la condition de « marchandises ») ; – que l’homme soit traité comme un instrument, comme un facteur de production parmi d’autres (les autres étant les machines, les bâtiments, les matières premières…). Redisons-le encore : L’homme doit être traité selon la vraie dignité de son travail, c’est-à-dire comme acteur et auteur, comme but de toute production.
AU PLAN IDEOLOGIQUE : Le libéralisme est un système centré sur lui-même qui, souvent, oublie sa fin : l’homme, le service de l’homme. La « loi du marché » avec son vocabulaire – productivité, efficacité, performance, rendement, profitabilité, compétitivité… – s’élève au dessus de tout et de tous les principes éthiques : qu’en pensons-nous ? Que pensons-nous de la loi du plus fort, du plus efficace, d’une loi, celle du marché, qui s’impose comme inévitable, incontournable ? Une seule loi est « inévitable », « incontournable » : celle d’aimer Dieu et son corollaire, aimer son prochain comme soi-même. Un seul est Seigneur : Jésus-Christ. Aimer son prochain, ce n’est pas voir en lui, une « ressource humaine » qui complète les ressources financières et les matières premières ; ce n’est pas voir en lui, au final, un consommateur. L’Evangile ne nous montre pas un modèle de vie (et de travail) fondé sur la richesse et l’efficacité. Il nous montre un modèle fondé sur l’amour de Dieu et du prochain. Les injustices créés contiennent des semences de violence et donc de déstabilisation profonde à long terme : la « démocratie », en tant que système politique, est en danger quant elle n’est plus fondée sur des valeurs justes. Ajoutons encore : – « la capacité d’acheter ne peut être un critère de dignité » ; – « la dignité humaine est indépendante des conditions sociales. » On relira avec intérêt l’épître de Jacques (2 : 1-13) : « Mes frères, ne mêlez pas à des considérations de personnes votre foi en notre Seigneur de gloire, Jésus-Christ. » – La dignité humaine implique le respect et, conséquemment, la solidarité . On ne traite pas les hommes comme des animaux. (Inspiré de « Vers la justice de l’Evangile » de Pierre De Charentenay – Desclée De Brouwer © 2008 pages 86 à 88) Ce qui me touche profondément et m’exaspère, c’est que le travail, chose bonne, voulue par Dieu, soit détournée de son but premier. J’insiste : le travail ne trouve pas sa valeur dans la loi du marché ou dans l’économie. Elle se trouve dans le mandat que Dieu donne à l’homme et dans la dignité de celui qui l’accomplit : l’homme lui-même.
A PROPOS DU TRAVAIL MANUEL : Le travail des mains n’est pas méprisable, il n’est pas destiné aux esclaves des temps modernes. Jésus a consacré la plus grande partie de sa vie terrestre à son établi de charpentier. Le texte qui suit, tiré du livre de l’Exode, montre ce que nous avons déjà sans doute observé : il y a plusieurs formes d’intelligence. L’intelligence ne s’exprime pas que dans le monde de la pensée, que dans « l’intellectualisme » (influence de la pensée grecque) mais aussi dans l’habileté, dans les savoir-faire manuels. Exode 35 : 30-35 : « Et Moïse dit aux fils d’Israël : Voyez, l’Éternel a appelé par son nom Betsaléel… 31 et il l’a rempli d’esprit divin, d’habileté, d’intelligence, de savoir pour toutes sortes d’ouvrages, 32 pour faire des combinaisons, pour travailler l’or, l’argent et l’airain, 33 pour graver des pierres à enchâsser, pour sculpter le bois de manière à exécuter toute espèce de travaux d’art. 34 Il lui a accordé aussi le don d’enseigner, de même qu’à Oholiab… 35 Il les a remplis d’intelligence, pour exécuter toutes sortes de travaux de sculpture et d’art, pour broder et tisser la pourpre violette, la pourpre écarlate, le cramoisi et le lin, pour exécuter toutes sortes de travaux et pour faire des combinaisons. » Dans notre pays, l’enseignement dispensé au collège est essentiellement axé sur les savoirs intellectuels. A mon sens, c’est fort dommage : nous ne développons pas l’intelligence manuelle, les élèves non scolaires se sentent dévalorisés, ce qui explique (entre autre) la violence qu’expriment les jeunes vis à vis des écoles.
QUAND IL TRAVAILLE, L’HOMME IMITE DIEU L’activité de l’homme reflète et imite celle du Dieu créateur. « Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. 9 Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. 10 Mais le septième jour est le jour du repos de l’éternel, ton Dieu… 11 Car en six jours l’éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi l’éternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié. » (Exode 20 : 8-10a) Dans ce texte, il y a clairement un parallèle entre les six jours de la création et les six jours de travail des humains, entre le jour de repos de Dieu et celui de l’homme. Le verset 9 du passage précité « Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. » démontre que le travail est une œuvre qui doit être accomplie. Dans le Nouveau testament, Paul écrit aux Thessaloniciens en condamnant la paresse et le désordre : 2 Th. 3 : 6-13 : « 7 Vous savez vous-mêmes comment il faut nous imiter, car nous n’avons pas vécu parmi vous dans le désordre. 8 Nous n’avons mangé gratuitement le pain de personne; mais, dans le travail et dans la peine, nous avons été nuit et jour à l’œuvre, pour n’être à charge à aucun de vous. 9 Ce n’est pas que nous n’en eussions le droit, mais nous avons voulu vous donner en nous-mêmes un modèle à imiter. 10 Car, lorsque nous étions chez vous, nous vous disions expressément : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. 11 Nous apprenons, cependant, qu’il y en a parmi vous quelques-uns qui vivent dans le désordre, qui ne travaillent pas, mais qui s’occupent de futilités. 12 Nous invitons ces gens-là, et nous les exhortons par le Seigneur Jésus Christ, à manger leur propre pain, en travaillant paisiblement. 13 Pour vous, frères, ne vous lassez pas de faire le bien. »
REMARQUEZ LES PARALLELES : – entre « vivre dans le désordre » et « manger gratuitement le pain de quelqu’un » (verset 7) – entre « vivre dans le désordre » et « ne pas travailler » (verset 11) – entre « manger de son propre pain en travaillant paisiblement » et « ne pas se lasser de faire le bien ». (verset 13) Les Thessaloniciens, avec leur culture grecque, pensaient que le travail est un mal à éviter si possible. De plus, pensant à un retour imminent du Seigneur, ils n’accordaient aucune valeur à la vie terrestre.
QUEL EST LE SENS DU TRAVAIL ? Faire du bien, c’est-à-dire rechercher ce qui est utile aux autres au lieu de vivre en parasite, à leurs dépens. Pensons à la condamnation de la paresse dans le livre des Proverbes. Participer à la construction, au patrimoine de la communauté humaine, œuvrer pour le « bien commun ». Calvin parle du travail en tant qu’action en vue de l’utilité commune. Développer la vie sociale car, par son travail, l’homme participe à une œuvre commune. Créer des richesses, matérielles à partir des matières premières fournies par la création de Dieu et immatérielles : des services tels l’éducation, le commerce, la communication, la médecine ; des richesses personnelles mais aussi des richesses communautaires : les routes, les écoles, les hôpitaux… Il est clair que la mentalité qui encourage l’épanouissement personnel plutôt que l’engagement social explique le recul de la « valeur travail ».
Servir Le saviez-vous ? Le mot « Métier » vient du latin « ministerium » (service). Tout métier est un ministère, un service. En tant que service des hommes et de Dieu, le travail garde sa valeur, même accompli dans des conditions pénibles et inintéressantes. Le service grandit l’homme. Nous sommes tous à temps plein pour le Seigneur ; certains sont à temps pleins pour l’Eglise. Dans son épître aux Colossiens, Paul écrit : « Et quoi que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces à Dieu le Père. » (Col. 3 : 17) Qui n’a pas rêvé un jour d’être à temps plein… pour l’Eglise ? Il y a une idéalisation du service pour l’Eglise. N’oublions jamais que l’Eglise n’est pas constituée de personnes parfaites, que d’elle peuvent venir les plus grandes bénédictions et les plus grandes blessures. Ne pas être à la charge d’autrui, ce qui serait le contraire du service. Le travail peut contribuer à l’estime de soi quand il permet de mettre en valeur et de développer nos dons. Mais une telle optique comporte des dangers : le soi autonome, l’individualisme ambiant et la volonté de réalisation de soi coupent les liens de chacun avec la communauté humaine. L’ « esprit de compétition » prend le dessus. La conséquence, c’est un retour à l’état de nature dans la violence la plus immédiate ; c’est ce que nous observons dans certains milieux professionnels. Un verset s’applique fort bien ici : Galates 5 : 15 : « Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde de ne pas être détruits les une par les autres. »
A propos du repos Faire du travail une idole, une drogue, c’est devenir « workoolic ». Le repos garde de la tentation de tout attendre du travail. Le repos est à la fois un commandement, une nécessité et un droit. Il nous rappelle que la vie ne dépend pas de notre travail mais avant tout de l’amour de Dieu. L’homme ne vit pas que pour travailler. Un équilibre entre vie professionnelle d’une part, et vie personnelle et familiale d’autre part est à trouver. « Les cimetières sont plein de gens indispensables. » (Clémenceau) « Celui qui ne se repose jamais, finit par fatiguer les autres. »
LE TRAVAIL, L’ARGENT, LE CAPITAL ET L’ECONOMIE Le travail ne doit pas être considéré « exclusivement sous le rapport de sa finalité économique » : ce serait commettre l’erreur de l’ « économisme » (selon Jean-Paul II). « L’importance exorbitante prise par le problème économique dans les préoccupations de tous est le signe d’une maladie sociale. L’économie a étouffé le reste de la société. » (Emmanuel MOUNIER) L’éducation des enfants, le travail bénévole ou le travail de la femme à la maison seraient-ils sans valeur car non rémunérés ? La valeur d’un travail se mesure-t-elle au salaire qu’il génère ? Haut salaire, forte valeur / Pas de salaire, valeur nulle ? « Un cynique est un homme qui connaît le prix de tout et la valeur de rien. » (Oscar Wilde )
Travail et capital « Le travail est antérieur au capital et indépendant de celui-ci. Le capital n’est que le fruit du travail et n’aurait jamais pu exister si le travail n’avait pas existé avant lui. Le travail est supérieur au capital et mérite de loin la plus grande considération. » (Abraham Lincoln)
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