HOMÉLIE DE LA SAINTE TRINITÉ, C
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HOMÉLIE DE LA SAINTE TRINITÉ, C
Pr 8, 22-31 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15
Jésus, le Nazaréen, n’était pas rabbin de la synagogue de son village ni membre de l’équipe sacerdotale au Temple de Jérusalem. Il ne nous a pas laissé un journal intime ni un traité de théologie. Pas même un petit catéchisme ou des dossiers d’animation pastorale. Il a cependant beaucoup appris à ses auditeurs. Surtout à ses proches et à ses intimes, dont certains, hommes et femmes, l’ont constamment suivi. Mais nous savons par le témoignage écrit des évangélistes que même ses disciples les plus convaincus et les plus engagés ont eu du mal à le comprendre vraiment, malgré des mois de proximité, d’enseignement, de recyclage et de signes étonnants. Il n’a jamais défini ni Dieu ni lui-même, mais il a vécu et rayonné d’une expérience profonde, intime, du mystère même de Dieu. C’est ainsi que « Jésus voit et donne à voir pour montrer comment Dieu sent et agit » (1).
Il est vrai que les croyants fidèles à la Loi de Moïse, étaient, comme tous les croyants de tous les temps, persuadés de connaître, et eux seuls, « La Vérité » que l’on confond aisément avec des idées toutes faites ou des certitudes tranquillisantes. Comme si l’infini pouvait se définir, et le plus grand des mystères se révéler dans une formule. Ni l’amour ni la foi, qui sont de la même veine, n’atteignent la plénitude en une seule démarche, en une seule étape, mais bien en se purifiant constamment. Un chemin de conversion et de dépouillement. N’est-ce pas d’ailleurs l’erreur radicale de tous les intégrismes que de vouloir sacraliser farouchement un moment particulier de l’histoire : « En ce temps-là était la vérité… » ?
Jean nous le confirme quand il évoque les dernières recommandations de Jésus à ses disciples : « J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière ». Cet Esprit qui, selon la très belle expression de saint Irénée, « nous adapte à Dieu »… alors que très souvent et inconsciemment nous voudrions plutôt que Dieu s’adapte à nous.
De plus, à toute époque et partout dans le monde, les changements font peur et « une idée nouvelle est souvent considérée a priori comme une menace ». Or, le monde est toujours et encore en genèse. Nous ne sommes pas encore à la fin de l’univers, mais à son commencement. Nous n’avons pas encore accueilli ni découvert tout l’Evangile. Son incarnation est bien loin d’être effective. Que l’on songe aux petits pas faits par Paul pour humaniser l’esclavage, cette injure à la dignité humaine, toujours pratiquée aujourd’hui, même par des chrétiens, sous d’autres formes plus discrètes mais non moins révoltantes, alors même qu’il est interdit par les lois de ce monde.
Combien de temps aussi n’a-t-il pas fallu pour qu’un concile affirme que « l’Eglise catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions » (non chrétiennes). Et même qu’elles « apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les êtres humains ». Que dire aussi du dialogue interreligieux, hier interdit et combattu au nom d’une certaine vérité monopolisée, mais aujourd’hui encouragé et déclaré nécessaire pour que chacun puisse se laisser guider sur la route qui donne accès « à la vérité tout entière ». Non pas en une seule leçon, mais bien en nous guidant par monts et par vaux, ténèbres et lumières, rochers et sables mouvants, crainte et confiance, accueils et refus… L’Esprit nous éduque à l’humilité. La progression vers la vérité tout entière n’est pas pour autant la simple acquisition de connaissances intellectuelles. Elle relève plutôt de l’intelligence pratique de la Bonne Nouvelle. Une expérience de vie. Un amour vivant. C’est la vie même de Dieu, son intimité, son être et son mystère que l’Esprit veut nous faire expérimenter. « C’est le comportement de Dieu, ce sont les options préférentielles de Dieu, les entrailles de Dieu, qu’il s’agit de rejoindre en écoutant Jésus proclamer les Béatitudes ou raconter une parabole… » (1). Dieu vit en nous qui sommes créés à son image et comme à sa ressemblance. Or, il est mystérieuse réalité de la communication parfaite, de la communion réussie, de l’éternel dialogue et de l’inépuisable réciprocité. Une Histoire d’amour. « La source de laquelle doivent jaillir l’éthique du paysan et le code déontologique du médecin, les devoirs des individus et les obligations des institutions… toute l’existence chrétienne » (Mgr T. Bello).
(1) « Au carrefour des Ecritures », J. Dupont, B. Standaert, osb, Cahiers de Clerlande.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T) 1925 – 2008
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