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ACTES DES APÔTRES 5, 27B-32. 40B-41 – COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT
8 avril, 2016COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 10 AVRIL 2016
PREMIERE LECTURE – ACTES DES APÔTRES 5, 27B-32. 40B-41
En ces jours-là, les Apôtres comparaissaient devant le Conseil suprême ; 27 le grand prêtre les interrogea : 28 « Nous vous avions formellement interdit d’enseigner au nom de celui-là, et voilà que vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme ! » 29 En réponse, Pierre et les Apôtres déclarèrent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. 30 Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice. 31 C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. 32 Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. »
40 Après avoir fait fouetter les Apôtres, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. 41 Quant à eux, quittant le Conseil Suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.
Les Apôtres viennent d’être flagellés à cause de leur prise de parole sur Jésus. On les relâche et, voilà qu’en sortant du tribunal, Saint Luc nous dit : « Ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus ». Comme s’ils avaient été décorés… décorés du titre de « prophètes ». Peut-être ont-ils alors repensé à la parole de Jésus : « Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent, et qu’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme. Réjouissez-vous ce jour-là et bondissez de joie, car voici, votre récompense est grande dans le ciel ; c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les prophètes. » (Lc 6, 22-23). Ils se rappellent aussi cette phrase que Jésus leur avait dite : « Ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront, vous aussi. » (Jn 15, 20). Ici, que s’est-il passé ? Ce n’est pas la première fois que les Apôtres Pierre et Jean comparaissent devant le Sanhédrin, c’est-à-dire le tribunal de Jérusalem, le même qui a condamné Jésus quelques semaines plus tôt ; déjà, une fois, après la guérison du boiteux de la Belle Porte, un miracle qui avait fait beaucoup de bruit dans la ville, ils avaient été arrêtés, emprisonnés une nuit, puis interrogés et interdits de parole ; mais on les avait finalement relâchés. Dès leur remise en liberté, ils avaient recommencé à prêcher et à faire des miracles. Ils ont donc été arrêtés une deuxième fois, mis en prison… mais ils ont été délivrés miraculeusement pendant la nuit par un Ange du Seigneur. Evidemment, cette délivrance miraculeuse n’a fait que galvaniser leurs énergies ! Et ils ont recommencé à prêcher de plus belle. Et c’est là que nous en sommes avec la lecture de ce dimanche. Ils sont donc de nouveau arrêtés et traduits devant le tribunal. Le grand prêtre les interroge, ce qui nous vaut la très belle réponse de Pierre : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » Et Pierre adresse au tribunal un petit résumé de ses discours précédents ; il leur dit à peu près ceci : il y a deux logiques, la logique de Dieu et celle des hommes ; la logique des hommes (sous-entendu la vôtre, vous tribunal juif), consiste à dire : un malfaiteur, on le supprime, et après sa mort, on ne va quand même pas lui faire de la publicité ! Jésus, aux yeux des autorités religieuses, était un imposteur, on l’a supprimé, c’est logique ! C’est même un devoir de l’empêcher d’endoctriner un peuple trop enclin à se fier à n’importe quel prétendu Messie. Condamné, exécuté, suspendu à la Croix, c’est un maudit : même de Dieu il est maudit. C’était écrit dans la Loi. Seulement voilà, la logique de Dieu, c’est autre chose : oui, vous l’avez exécuté, pendu au gibet de la croix… Mais, contre toute attente, non seulement il n’est pas maudit par Dieu, mais au contraire, il est élevé par Dieu, il devient le Chef, le Sauveur : « C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. » Cette dernière phrase est une énormité pour des oreilles juives : si la conversion et le pardon des péchés sont apportés à Israël, cela signifie que les promesses sont accomplies. Cette assurance des Apôtres, que rien ne semble faire taire, ne peut qu’exaspérer les juges ; et plusieurs d’entre eux ne voient plus qu’une solution : les supprimer comme on a supprimé Jésus ; c’est là qu’intervient un homme extraordinaire, Gamaliel, dont le raisonnement devrait être un modèle pour nous, quand nous nous trouvons face à des initiatives qui ne nous plaisent pas. Malheureusement, la lecture liturgique de ce dimanche ne retient pas l’épisode de Gamaliel : on passe directement des paroles de Pierre à la décision du tribunal ; les apôtres ne sont pas condamnés à mort comme certains le voudraient, on se contente de les fouetter et on les relâche. Mais prenons le temps de lire les versets qui manquent ; Pierre vient donc de dire : « Nous sommes témoins de tout cela avec l’Esprit Saint que Dieu donne à ceux qui lui obéissent » (sous-entendu, vous, en ce moment, vous n’obéissez pas à Dieu). Luc raconte : « Exaspérés par ces paroles, ils projetaient de les faire mourir. Mais un homme se leva dans le Sanhédrin ; c’était un Pharisien du nom de Gamaliel, un docteur de la Loi estimé de tout le peuple » ; (entre parenthèses, c’est lui qui fut le professeur de Saül de Tarse, le futur Saint Paul ; cf Ac 22, 3) ; il ordonne de faire sortir un moment Pierre et Jean, et il s’adresse aux autres juges ; en substance, son raisonnement est le suivant : de deux choses l’une, ou bien leur entreprise vient de Dieu… ou bien non, ce sont des imposteurs ; et voici la fin de son discours : « Si c’est des hommes que vient leur entreprise, elle disparaîtra d’elle-même… si c’est de Dieu, vous ne pourrez pas les faire disparaître. N’allez pas risquer de vous trouver en guerre avec Dieu ! » (Ac 5, 38-39). Si Gamaliel prenait la parole aujourd’hui, sans doute reconnaîtrait-il que l’Eglise est bien une entreprise de Dieu : depuis deux mille ans, elle a résisté à tout, même à nos faiblesses et à nos insuffisances ! ———————— Complément Gamaliel est un bel exemple de Pharisien et nous donne l’occasion de rendre justice à la majorité d’entre eux qui étaient des hommes de foi et de bonne volonté. A travers cet épisode, nous approchons la réalité historique des débats au sein du Judaïsme à propos de la jeune communauté chrétienne.
HOMÉLIE DU 3ÈME DIMANCHE DE PÂQUES. -10/04/2016
8 avril, 2016http://preparonsdimanche.puiseralasource.org/
HOMÉLIE DU 3ÈME DIMANCHE DE PÂQUES. -10/04/2016
Les lectures du jour http://levangileauquotidien.org/main.php?module=read&date=2016-04-10&language=FR
Tu es là, au cœur de nos vies…
Dimanche dernier, l’Évangile nous a parlé du passage à la foi de l’apôtre Thomas. Il est passé d’une foi qui demande des preuves à une foi qui dit : « Mon seigneur et mon Dieu ». Aujourd’hui, c’est de Pierre qu’il est question : au départ sa foi était très volontariste ; aujourd’hui elle devient une réponse à la confiance que Jésus lui témoigne. Tout commence par une décision d’aller à la pêche, une pêche qui s’est avérée infructueuse. C’est dans cette situation d’échec que Jésus rejoint ses disciples. Il leur fait recommencer leur pêche ; et là, le résultat dépasse toutes leurs espérances. L’Évangile nous parle de 153 poissons. Ce chiffre correspond au nombre d’espèces de poissons connues à cette époque. Il vient symboliser l’autorité et la mission universelle des apôtres. Pierre sera confirmé dans sa mission de pêcheurs d’hommes. Mais il devra comprendre que le principal travail c’est Jésus qui le fait. Et c’est toujours vrai pour nous aujourd’hui : il est à l’œuvre ; nous, nous ne sommes que les manœuvres. Pierre était un homme très fougueux. Il devra accepter qu’un autre que lui-même dirige sa vie. C’est Jésus qui a l’initiative. Il ne demande qu’une chose à Pierre, c’est de l’aimer plus que tous les autres disciples et être prêt à souffrir pour le suivre. Lui-même, qui avait renié son Maître trois fois de suite, se trouvait dans une situation très inconfortable. Mais Jésus va lui offrir d’en sortir ; Pierre va pouvoir lui dire trois fois de suite son amour ; Jésus fera de lui le berger de son troupeau. La miséricorde du Christ n’a pas changé. Elle nous est offerte à tous. Quand tout va mal, il est là sur le rivage. Bien souvent, nous ne le reconnaissons pas. Pour le reconnaître, il faut avoir fait le passage de la foi pascale, comme Thomas et comme Pierre. Si nous sommes trop encombrés par nos soucis et par tout ce qui nous retient loin de lui, nous serons incapables de le reconnaître. Mais la miséricorde du Christ ne connaît pas de limites. Il est toujours là où nous en sommes pour raviver notre espérance. Comme Pierre nous somme invités à plonger et à lui faire confiance sur parole. Avec lui, nous sommes envoyés dans le monde pour témoigner de cette foi qui nous anime. C’est à tous les hommes du monde entier que le Christ ressuscité veut manifester sa miséricorde. Lui-même nous a dit qu’il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. S’il a donné sa vie sur la croix, c’est pour nous et pour la multitude. La première lecture nous montre les apôtres dans cette mission que le Christ leur a confiée. Aujourd’hui, nous les voyons devant le même tribunal qui a condamné Jésus. De lourdes de menaces pèsent sur eux. Mais ils n’hésitent pas à affirmer leur foi en Jésus ressuscité. Ils choisissent d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Ils témoignent de la victoire du Christ sur la mort. Dieu l’a élevé au rang de chef et de sauveur de son peuple. C’est ainsi que l’Esprit Saint a fait de ces hommes peureux des missionnaires courageux. Dans la 2ème lecture, nous avons entendu un passage de l’apocalypse de Saint Jean. Ce livre a été écrit pour des chrétiens persécutés. Il nous invite à rendre gloire à l’Agneau immolé, vainqueur de la mort et du péché. Il y a, bien sûr, des catastrophes et des violences de toutes sortes. Aujourd’hui, encore plus qu’autrefois, les chrétiens sont persécutés ou tournés en dérision. Mais la puissance de l’amour est une force contagieuse que rien ni personne ne peut arrêter. En définitive c’est l’amour et non le mal qui aura le dernier mot. Le grand message de ces trois lectures bibliques c’est que le Christ ressuscité est toujours là, même si nous ne le voyons pas. Il nous rejoint au cœur de nos vies, de nos doutes et de nos épreuves. Quand tout va mal, il est là. Il vient nous pardonner et nous faire renaître à la confiance. Avec lui, nous pouvons repartir pour une vie renouvelée. La nourriture qu’il nous propose pour refaire nos forces, ce n’est plus du poisson grillé, mais son Corps et son Sang. Comme Pierre, nous sommes confirmés dans l’amour ; nous sommes envoyés pour en être les témoins et les messagers. Avec tous les chrétiens du monde entier, nous recevons cette mission : « Allez-vous en sur les places et sur le parvis ! Allez-vous en sur les places y chercher mes amis… » Sources : revues Signes et Feu nouveau – missel dimanche trois années (nouvelle traduction liturgique) sous la direction de Michel Wackenheim – célébrerons dimanche (Assemblées de la Parole, dimanche et fêtes année C, éditions du Signe).
BENOÎT XVI – PIERRE, LE PÊCHEUR
7 avril, 2016https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20060517.html
BENOÎT XVI – PIERRE, LE PÊCHEUR
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 17 mai 2006
Pierre, le pêcheur
Chers frères et soeurs,
Dans la nouvelle série de catéchèses, nous avons tout d’abord cherché à mieux comprendre ce qu’est l’Eglise, quelle est l’idée que le Seigneur se fait de cette nouvelle famille. Nous avons ensuite dit que l’Eglise existe dans les personnes. Et nous avons vu que le Seigneur a confié cette nouvelle réalité, l’Eglise, aux douze Apôtres. A présent, nous voulons les voir un par un, pour comprendre à travers les personnes ce que signifie vivre l’Eglise, ce que signifie suivre Jésus. Commençons par saint Pierre. Après Jésus, Pierre est le personnage le plus célèbre et le plus cité dans les écrits du Nouveau Testament: il est mentionné 154 fois avec le surnom de Pétros, « pierre », « roc », qui est la traduction en grec du nom araméen qui lui a été directement donné par Jésus, Kefa, attesté neuf fois, en particulier dans les lettres de Paul; on doit ensuite ajouter le nom fréquemment utilisé Simòn (75 fois), qui est la forme grécisée de son nom juif original Simeòn (2 fois: Actes 15, 14; 2 P 1, 1). Fils de Jean (cf. Jn 1, 42) ou, dans la forme araméenne, bar-Jona, fils de Jonas (cf. Mt 16, 17), Simon était de Béthsaïde (cf. Jn 1, 44), une petite ville à l’est de la mer de Galilée, dont provenaient également Philippe et naturellement André, frère de Simon. Sa façon de parler trahissait l’accent de Galilée. Lui aussi, comme son frère, était pêcheur: avec la famille de Zébédée, père de Jacques et de Jean, il dirigeait une petite activité de pêche sur le Lac de Génésareth (cf. Lc 5, 10). Il devait donc jouir d’une certaine aisance économique et était animé par un intérêt religieux sincère, par un désir de Dieu – il désirait que Dieu intervienne dans le monde – un désir qui le poussa à se rendre avec son frère jusqu’en Judée pour suivre la prédication de Jean le Baptiste (Jn 1, 35-42). C’était un juif croyant, pratiquant, confiant dans la présence agissante de Dieu dans l’histoire de son peuple, et attristé de ne pas en voir l’action puissante dans les événements dont il était alors le témoin. Il était marié et sa belle-mère, guérie un jour par Jésus, vivait dans la ville de Capharnaüm, dans la maison où Simon logeait lui aussi lorsqu’il était dans cette ville (cf. Mt 8, 14sq; Mc 1, 29sq; Lc 4, 38sq). De récentes fouilles archéologiques ont permis de mettre à jour, sous le pavement en mosaïque octogonal d’une petite église byzantine, les traces d’une église plus antique installée dans cette maison, comme l’attestent les inscriptions comportant des invocations à Pierre. Les Evangiles nous informent que Pierre appartient aux quatre premiers disciples du Nazaréen (cf. Lc 5, 1-11), auxquels s’en ajoute un cinquième, selon la coutume de chaque Rabbi d’avoir cinq disciples (cf. Lc 5, 27: appel de Levi). Lorsque Jésus passera de cinq à douze disciples (cf. Lc 9, 1-6), la nouveauté de sa mission sera claire: Il n’est pas un rabbin parmi tant d’autres, mais il est venu rassembler l’Israël eschatologique, symbolisé par le nombre douze, qui était celui des tribus d’Israël. Simon apparaît dans les Evangiles avec un caractère décidé et impulsif; il est disposé à faire valoir ses propres raisons, même par la force (que l’on pense à l’usage de l’épée au Jardin des Oliviers: cf. Jn 18, 10sq). Dans le même temps, il est parfois naïf et peureux, mais cependant honnête, jusqu’au repentir le plus sincère (cf. Mt 26, 75). Les Evangiles permettent d’en suivre pas à pas l’itinéraire spirituel. Le point de départ est l’appel de Jésus. Il a lieu un jour quelconque, alors que Pierre est occupé à son travail de pêcheur. Jésus se trouve sur les rives du lac de Génésareth et la foule se bouscule autour de lui pour l’écouter. Le nombre des auditeurs crée un certain malaise. Le Maître voit deux barques ancrées au bord de la rive; les pêcheurs sont descendus et lavent les filets. Il demande alors à monter sur la barque, celle de Simon, et le prie de s’éloigner de la terre. S’étant assis sur cette chaire improvisée, il se met à enseigner les foules de la barque (cf. Lc 5, 1-3). Et ainsi, la barque de Pierre devient la Chaire de Jésus. Lorsqu’il a fini de parler, il dit à Simon: « Avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson ». Simon répond: « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets » (Lc 5, 4-5). Jésus, qui était menuisier, n’était pas un expert en pêche: pourtant, Simon le pêcheur se fie à ce Rabbi, qui ne lui donne pas de réponse mais l’appelle à avoir confiance. Sa réaction devant la pêche miraculeuse est d’émerveillement et d’agitation: « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur » (Lc 5, 8). Jésus répond en l’invitant à la confiance et à s’ouvrir à un projet qui dépasse toutes ses perspectives: « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras » (Lc 5, 10). Pierre ne pouvait pas encore imaginer qu’un jour, il serait arrivé à Rome et aurait été ici « pêcheur d’hommes », pour le Seigneur. Il accepte cet appel surprenant, de se laisser entraîner dans cette grande aventure: il est généreux, il reconnaît ses limites, mais il croit en celui qui l’appelle et suit le rêve de son coeur. Il dit oui – un oui courageux et généreux -, et devient le disciple de Jésus. Pierre vivra un autre moment significatif de son chemin spirituel aux alentours de Césarée de Philippe, lorsque Jésus pose une question précise aux disciples: « Pour les gens, qui suis-je? » (Mc 8, 27). Jésus ne se contente cependant pas de la réponse par ouï-dire. Il attend de la part de ceux qui ont accepté de s’engager personnellement avec Lui une prise de position personnelle. C’est pourquoi, il insiste: « Pour vous, qui suis-je? » (Mc 8, 29). Et Pierre répond également au nom des autres: « Tu es le Christ » (ibid.), c’est-à-dire le Messie. Cette réponse de Pierre, « ce n’est pas la chair et le sang qui [lui] ont révélé cela », mais elle lui fut donnée par le Père qui est aux cieux (cf. Mt 16, 17), et elle contient comme en germe la future confession de foi de l’Eglise. Toutefois, Pierre n’avait pas encore compris le contenu profond de la mission messianique de Jésus, le nouveau sens de cette parole: Messie. Il le démontre peu après, en laissant comprendre que le Messie qu’il poursuit dans ses rêves est très différent du véritable projet de Dieu. Devant l’annonce de la passion, il se scandalise et proteste en suscitant la vive réaction de Jésus (cf. Mc 8, 32-33). Pierre veut un Messie « homme divin », qui accomplisse les attentes des gens en imposant sa puissance à tous: c’est également notre désir que le Seigneur impose sa puissance et transforme immédiatement le monde; Jésus se présente comme le « Dieu humain », le serviteur de Dieu, qui bouleverse les attentes de la foule en prenant un chemin d’humilité et de souffrance. C’est la grande alternative, que nous aussi, nous devons toujours apprendre à nouveau: privilégier nos propres attentes en repoussant Jésus ou accueillir Jésus dans la vérité de sa mission et mettre de côté les attentes trop humaines. Pierre – impulsif comme il l’est – n’hésite pas à prendre Jésus à part et à lui faire des reproches. La réponse de Jésus anéantit toutes ses fausses attentes, lorsqu’il le rappelle à la conversion et à le suivre: « Passe derrière moi, Satan! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mc 8, 33). Ce n’est pas à toi de m’indiquer la route, moi, je choisis mon chemin, et toi, remets-toi à ma suite. Pierre apprend ainsi ce que signifie véritablement suivre Jésus. C’est son deuxième appel, semblable à celui d’Abraham dans Gn 22, après celui de Gn 12: « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Evangile la sauvera » (Mc 8, 34-35). C’est la loi exigeante de la sequela Christi: il faut savoir renoncer, si nécessaire, au monde entier pour sauver les vraies valeurs, pour sauver son âme, pour sauver la présence de Dieu dans le monde (cf. Mc 8, 36-37). Bien qu’avec difficulté, Pierre accueille l’invitation et poursuit son chemin sur les traces du Maître. Et il me semble que ces diverses conversions de saint Pierre et sa figure tout entière sont un grand réconfort et un grand enseignement pour nous. Nous aussi, nous avons le désir de Dieu, nous aussi, nous voulons être généreux, mais nous aussi, nous attendons que Dieu soit fort dans le monde et transforme immédiatement le monde selon nos idées, selon les besoins que nous constatons. Dieu choisit une autre voie. Dieu choisit la voie de la transformation des coeurs dans la souffrance et dans l’humilité. Et nous, comme Pierre, nous devons toujours nous convertir à nouveau. Nous devons suivre Jésus et non pas le précéder: c’est Lui qui nous montre la route. Ainsi, Pierre nous dit: Tu penses connaître la recette et devoir transformer le christianisme, mais c’est le Seigneur qui connaît le chemin. C’est le Seigneur qui me dit, qui te dit: Suis-moi! Et nous devons avoir le courage et l’humilité de suivre Jésus, car Il est le Chemin, la Vérité, et la Vie.
CHRISTIANISME ET CRÉATION LITTÉRAIRE: CHATEAUBRIAND ET DOSTOÏEVSKI [1].
7 avril, 2016http://www.samizdat.qc.ca/arts/lit/c&d_al.htm
CHRISTIANISME ET CRÉATION LITTÉRAIRE: CHATEAUBRIAND ET DOSTOÏEVSKI [1].
Andrea Link
Beaucoup de contrastes frappent le regard lorsqu’on compare les vies de François René de Chateaubriand (1768-1848) et Fiodor Dostoïevski (1822-1881). Ils venaient d’époques, de cultures et de traditions de famille différentes. Leurs tempéraments différaient beaucoup aussi. Chateaubriand grandit aristocrate et royaliste à Combourg à l’aube de la Révolution française. Toute au cours de sa vie, des sentiments de mélancolie et de désillusion au sujet du monde pesaient lourdement dans son cœur. Comme co-fondateur du romanticisme français il vivait comme héros romantique dont les souffrances devenaient une source de « fierté qui se limite elle-même » (Jackson, p. 29). Fiodor DostoïevskiDostoïevski, appartenait à la basse aristocratie et fut élevé de manière modeste à Moscou. Il grandit sous l’ombre de l’insurrection décembriste de 1825 qui incita le tsar Nicolas I de gouverner avec une discipline militaire et bureaucratique sévère. Contrairement à Chateaubriand, Dostoïevski avait un tempérament énergique et une fierté « nerveuse et qui s’illuminait elle-même » (Jackson, p. 29). Dostoïevski tentait de la comprendre par un examen profond de soi-même, des personnes qui l’entouraient ainsi que de leur environnement. Par conséquent Dostoïevski devenait un écrivain post-romantique ou romantique-réaliste. Tout de même, ces deux auteurs partagent un point commun: leur développement spirituel et religieux suivit un cheminement similaire. Chacun fut élevé dans une tradition religieuse; Chateaubriand était catholique romain et Dostoïevski un orthodoxe russe. Leurs mères servaient comme les modèles pleins de foi, dévots et religieux de leurs familles et c’était leur foi qui planta la semence de foi dans les cœurs de ces jeunes écrivains. Pourtant lorsqu’ils furent de jeunes hommes, Chateaubriand et Dostoïevski éprouvaient des périodes de doute. Au lieu de s’attacher fortement à leurs traditions chrétiennes, ils devenaient des rêveurs ardents, recherchant des notions idéales comme la beauté et la justice. Leurs désirs de trouver la vérité les attirait a étudier les idéologies courantes de leur époque. Par exemple, Chateaubriand embrassait quelques-unes des idées de Rousseau, et Dostoïevski s’engagea dans un groupe d’utopistes socialistes. Mais leurs quêtes romantiques laissèrent Chateaubriand et Dostoïevski déçus et désillusionnés lorsqu’ils comprirent que ces idéologies courantes ne leur apportait pas la vérité. Ces deux hommes éprouvaient une pauvreté humiliante et des souffrances psychique lorsqu’ils furent exilés de leurs patries. En tant qu’aristocrate, Chateaubriand était considéré un ennemi de la Révolution franchise et pour sauver sa vie il devint un émigré en Angleterre au début des années 1790. Tsar Nicolas I exila Dostoïevski en 1849 pour son engagement politique. À cause de leurs souffrances extrêmes, les deux écrivains eurent des expériences de conversion qui les conduisirent à embrasser la foi chrétienne. Quand la mère de Chateaubriand mourut, le chagrin le fit accepter la foi de sa mère. De manière similaire, lorsque Dostoïevski se trouva en face de la vie de prisonnier, il eut une renaissance de son âme. François René de ChateaubriandTandis que tous deux éprouvaient des transformations similaires de leurs cœurs par leur foi en Christ, Chateaubriand et Dostoïevski développèrent des perspectives différentes du monde chrétiennes. Chateaubriand développait une perspective dualiste du christianisme. Le monde déchu qui est gouverné par Satan demeure séparé du monde spirituel de Dieu, le royaume des cieux. Ainsi la vie dans ce monde déchu d’ici-bas est tout à fait pénible, plein de désespoir et sans signification. Les idéaux du christianisme, y compris l’amour, la paix et la joie, ne seront réalisés qu’aux cieux. Chateaubriand croyait que « le chrétien se considère comme rien de plus qu’un pèlerin voyageant ici-bas à travers une vallée de larmes et qui ne trouve aucun repos jusqu’a ce qu’il arrive à la tombe » (Chateaubriand, 1976, p. 297). Les chrétiens peuvent espérer seulement qu’ils mourront bientôt et entreront aux cieux ou ils recevront leur rédemption et le bonheur éternel en communion avec Dieu. À l’encontre de Chateaubriand, Dostoïevski développa une vue de la christianisme réconciliée. Ce monde-ci est déchu et les chrétiens éprouveront a la fin de toutes choses l’abondance complète du Royaume des cieux lorsqu’ils mouront. Pourtant un chrétien peut commencer d’éprouver la communion avec Dieu même tandis qu’il vit dans un monde déchu. Pour Dostoïevski, les mots du Christ, « Repentissez-vous, car le royaume des cieux est proche » (Matthieu 4: 17) impliquait qu’une réconciliation avec Dieu commence lorsqu’une personne se repens et accepte la mort de Christ comme sacrifice pour ses péchés. Dostoïevski croyait que le chrétien peut commencer d’éprouver le royaume des cieux dans son cœur. L’esprit de Dieu, Son amour et Son pouvoir peuvent commencer à sanctifier et transformer les cœurs de ceux qui ont foi. Bien que tous les deux embrassaient la foi chrétienne, des questions de doute continuaient à attaquer leurs convictions. P. L. Jackson écrit que Chateaubriand et Dostoïevski partageaient « une affirmation de foi paradoxale (Jackson, p. 30). À la fin de sa vie, Chateaubriand dit, « quand elle grandissait, ma conviction religieuse a dévoré mes autres convictions, (mais) dans ce monde-ci il n’y a pas de chrétien plus croyant et plus remplis de doutes que moi » (ibid.) D’une manière similaire Dostoïevski écrivit en 1854: « Si quelqu’un prouvait pour moi que Christ était en dehors de la vérité, et si c’était ainsi que la vérité était en dehors de Christ, alors je resterais plutôt avec Christ qu’avec la vérité. Je suis un enfant de cet âge, un enfant du manque de foi et de doute jusqu’a maintenant et (je le sais bien) ce sera vrai jusqu’à ce que ma bière soit fermée … » (ibid.). Comme Chateaubriand et Dostoïevski comprenaient la dynamique d’être à la fois un fort croyant et un douteur vacillant, ils etaient capables de décrire vivement cette bataille intérieure éprouvée par les caractères dans leurs livres lorsqu’ils sont confrontés avec la foi chrétienne (par exemple, Chactas, René, et Raskolnikov). Par conséquent, les batailles spirituelles de Chateaubriand et de Dostoïevski les aidèrent à discuter des idéologies de leurs temps qui sapaient le christianisme. Puisque Chateaubriand et Dostoïevski croyaient que leurs pays éprouvaient des crises spirituelles, ils voyaient leur mission comme celle d’apologistes de la foi chrétienne. Chateaubriand grandit à une époque de doute religieux et l’athéisme des Lumières, comme il le décrit dans Le Génie du christianisme: « La religion fut attaquée par tous les genres d’armes, du pamphlet au folio, de l’épigramme au sophisme. Aussitôt qu’un livre religieux apparut, l’auteur fut couvert de ridicule, tandis que des œuvres que Voltaire lui-même était le premier à moquer parmi ses amis furent louées jusqu’au ciel » (Chateaubriand, 1899, p. 124). Beaucoup de philosophes, comme Denis Diderot, Jean le Pond d’Alembert et Voltaire, etaient sceptiques envers la foi chrétienne parce qu’ils croyaient qu’elle était fondée sur la superstition et l’irrationnelle. Les Lumières supposaient que les problèmes de l’humanité et de la société pouvaient être résolus simplement par l’application de lois et de réformes fondées sur la raison humaine. Un grand nombre de penseurs au cours de « l’age de raison » aspiraient au positivisme et au scientisme au lieu de la foi en Dieu comme l’espoir de l’humanité. Lorsqu’éclata la Révolution française en 1789, des révolutionnaires furieux détruirent des vitraux, des statues religieuses et des cathédrales entières pour affirmer que l’Église Catholique doit être extirpée parce qu’elle représentait l’oppression et la corruption de la monarchie déchue. Chateaubriand s’opposait à la notion des Lumières que l’humanité est rationnelle par nature. Il dit, « Le cœur de l’homme est le jouet de tout; et personne ne peut dire quelle circonstance frivole peut causer ses joies et ses chagrins » (Chateaubriand, 1899, p. 124). Il était en désaccord complet avec l’idée que des réformes rationnelles résoudraient les problèmes de l’humanité car il avait observé la violence inhumaine de la Révolution Française. Chateaubriand croyait que c’était sa mission de montrer que le christianisme était une religion inspirée par Dieu. Il raisonnait que la beauté esthétique du Christianisme y compris les rituels mystiques et les cathédrales ornées prouvait que Dieu seul pouvait avoir inspiré le christianisme. Par ses écrits, Chateaubriand appelait la France à retourner à sa foi chrétienne, ses valeurs et ses traditions. Au cours de la dernière partie du dix-huitième siècle et la première partie du dix-neuvième siècle le scepticisme des Lumières dominait les idéologies des intellectuels russes. La pensée matérialiste devenait dominante parmi les fondateurs du socialisme russe (qui fondaient aussi la critique littéraire russe), y compris Vissarion Belinsky, Alexandre Herzen, Nicolay Chernyshevsky et Nicolay Dobrolyubov. Ils acceptaient les idéaux du positivisme, du scientisme, du matérialisme et de l’utilitarisme de l’occident européen. Par ses œuvres, comme Souvenirs de la maison des morts et Crime et châtiment, Dostoïevski s’opposait à l’idéal des Lumières qui affirme que l’humanité est rationnelle, perfectible et que toute la connaissance peut être atteint par la science. Pour Dostoïevski, le seul salut de l’humanité est dans la foi chrétienne; il considérait le rejet de Dieu et de Christ dangereuse puisqu’elle conduisait les gens à « s’engager dans l’impossible et dans la destruction de soi-même » pour transcender leur condition de vie (Frank, 1986, p. 198). Dostoïevski supposait que la crise spirituelle de l’Europe de l’ouest finirait par mener à son déclin et à son autodestruction et que la foi orthodoxe de la Russie deviendrait la grâce qui sauverait l’Europe. Comme Chateaubriand, Dostoïevski estimait que la beauté esthétique et la perfection morale du christianisme prouvait que Dieu l’inspirait divinement. Ainsi la mission d’évangélisation de Dostoïevski était d’appeler son pays à retourner et à demeurer fidèle à son héritage orthodoxe. Chateaubriand et Dostoïevski incarnaient leur défense du christianisme dans des personnages féminines. Atala et Amelia dans les récits de Chateaubriand Atala et René, et Sonia dans le roman Crime et châtiment de Dostoïevski montrent la foi chrétienne. La symbolisation de femmes comme des figures rédemptrices dans les œuvres de Chateaubriand et de Dostoïevski peut être expliqué en partie par le fait que des femmes jouèrent un rôle majeur dans leur propre conversion au christianisme. Leurs mères étaient les gardiennes de la foi chrétienne puisqu’elles transmettaient la foi à leurs enfants. De plus, l’âme féminine à été décrit de manière traditionnelle dans la littérature comme incarnant les vertus chrétiennes de la compassion, le sacrifice de soi, la gentillesse, la fidélité, la dévotion et l’amour. Chateaubriand et Dostoïevski utilisèrent ces personnages pour défendre l’idée que les vérités transcendantes de Dieu ne sont pas révélées par la raison humaine. Atala, Amelia, et Sonia sont des femmes dont la foi passionnée domine leur raison, mais toutefois elles possèdent la sagesse de Dieu. Chateaubriand et Dostoïevski décrivent la foi de ces femmes comme divinement belles, ce qui coïncide avec leur vue de la perfection esthétique du christianisme comme la base de l’inspiration divine. Néanmoins, la description de ces femmes par Chateaubriand et Dostoïevski diffère à cause de leurs perspectives du monde chrétien différentes. Atala et Amelia désirent la mort pour quitter le désespoir de ce monde et pour aller au ciel. Les désirs charnels d’Atala et d’Amelia, surtout le désir d’aimer un homme, les tourmentent parce qu’elles croient que ces désirs sont mauvais et inférieurs à un désir spirituel pour Dieu. Elles espèrent que le jour arrivera lorsqu’elles seront libérées de leurs désirs charnels. Seule leur réunion spirituelle avec Dieu au ciel soulagera la peine de leurs cœurs d’être profondément aimées. De l’autre côté, Sonia voit que sa vie éternelle a commencé sur la terre. Ainsi sa foi en Dieu lui donne de l’inspiration et de l’espoir au milieu de la peine et du chagrin qui l’entourent. Sa communion avec Dieu lui donne la force de persévérer même au milieu de l’humiliation, de la pauvreté et de la prostitution. Sonia connaît bien sa nature pécheresse, mais puisqu’elle accepte la rédemption de Dieu, elle peut éprouver Son amour, donné sans conditions et Sa compassion ici-bas dans ce monde déchu. Atala, Amelia et Sonia servent toutes les trois comme messagères de la vérité de Dieu pour les personnages masculins incroyants, Chactus, René, et Raskolnikov. Tandis qu’Atala et Amelia communiquent leur foi ferme à Chactus et à René, leurs témoignages n’ont pas d’effet transformant sur eux. Chactus et René sont emprisonnés dans ce monde d’ici-bas, ce qui les empêche d’éprouver le royaume spirituel et éternel de Dieu. Chez Dostoïevski, Sonia, en tant que messagère du salut de Dieu, conduit Raskolnikov à la foi et au salut. Ses paroles, ses prières et ses actions reflètent l’amour et le pardon de Dieu, et c’est son témoignage qui aide à produire un changement de cœur chez Raskolnikov. D’après la perspective chrétienne de Dostoïevski, l’esprit de Dieu peut transformer le cœur humain dans un monde déchu. Ainsi Chateaubriand et Dostoïevski répondent aux crises spirituelles de leurs pays par la création littéraire. Ces deux écrivains utilisèrent des voix féminines de foi dans l’espoir de combattre le scepticisme grandissant de leurs époques.
Saint François d’Assise – religious statues
6 avril, 2016LA FORCE D’AIMER, DE MARTIN LUTHER KING
6 avril, 2016http://www.leconflit.com/article-la-force-d-aimer-de-martin-luther-king-113797298.html
LA FORCE D’AIMER, DE MARTIN LUTHER KING
décembre 2012
Martin Luther KING Jr (1929-1968), pasteur baptiste afro-américain, militant non-violent pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, rédige maints sermons tout au long de son combat. Parmi ses ouvrages, La force d’aimer, publié en 1963 (Strenght to Love), se situe vers le début de son activité politique, après Stride toward freedom : the montgoemry story (1958) et The Measure of a Man (1959), avant Wy We Can’t Wait de 1964 (traduit en 1969 en français sous le titre Révolution non-violente). Il se compose de seize sermons prononcés durant ou après le boycottage des autobus à Montgomery en Alabama. Trois sermons : « L’amour en acte », « Aimer vos ennemis » et Rêves détruits » sont écrits dans les prisons de Géorgie. « Pèlerinage vers la non-violence » chapitre qui clôt de livre, est une refonte et une mise à jour d’un sujet traité dans The christian Century et dans Stride Toward Freedom. Tous ces sermons, qui pour l’auteur s’adressent surtout à l’oreille de l’auditeur, sont rassemblés dans ce livre à la demande de l’éditeur et peuvent être lus séparément.
Ces sermons remontent aux sources de l’inspiration du combat du pasteur pour l’égalité des droits dans son pays et dans le monde, mais aussi de son combat contre la course aux armements, la guerre du VietNam et la pauvreté. Ces dix-sept chapitres, qui suivent une courte préface, très inspirés par la lecture de l’Evangile, constituent autant d’exhortations à l’action contre toute résignation envers les injustices : – Un esprit ferme et un coeur tendre ; – Non-conformiste transformé ; – Etre un bon prochain ; – L’amour en acte ; – Aimer vos ennemis ; – Minuit…quelqu’un frappe à la porte ; – L’homme insensé ; – La mort du mal sur le rivage de la mer ; – Trois dimensions d’une vie achevée ; – Rêves détruits ; – Qu’est-ce que l’homme? – Comment un chrétien voit le communisme ; – Ce que peut notre Dieu ; – Antidotes de la peur ; – Réponse à une question embarrassante ; – Lettre de Paul aux chrétiens d’Amérique ; – Pélerinage à la non-violence, postface.
Le premier sermon reproduit dans La force d’aimer commence ainsi : « Un philosophe français (lequel?, l’auteur ne le dit pas et nous ne le retrouvons pas…) déclare : nul homme n’est fort s’il ne porte dans son caractère des antithèses fortement marquées. » Largement autoprésentation de sa pensée, cette « citation » indique que les tensions et opposition se trouvent non seulement autour de lui, mais aussi en lui. Dans la suite du texte il décrit trois voies par rapport à l’injustice, qu’elle frappe son entourage ou lui-même, la passivité, (préférer l’oppression au combat), la violence (qui ne donne que des victoires passagères) et la résistance non-violente. S’inspirant des Ecritures (surtout l’Evangile selon St Mathieu), il présente cette troisième voie comme celle qui ouvre à l’espérance. « Lorsque les jours deviennent ténébreux, écrit-il, et les nuits lugubres, nous pouvons être heureux que notre Dieu combine en sa matière une synthèse créatrice d’amour et de justice, qui nous conduira par les vallées sombres de la vie jusqu’aux sentiers lumineux de l’espérance et de l’accomplissement. En dépit de la tendance prédominante au conformisme, les chrétiens ont pour mission d’être non conformistes. Malgré l’appel des Evangiles à vivre différemment, « nous avons cultivé un esprit de masse et nous avons évolué de cet extrême qu’est l’individualisme farouche vers cet extrême plus grand encore qu’est le collectivisme farouche ». Il se réfère à Thomas JEFFERSON lorsque celui-ci écrit : « J’ai juré sur l’autel de Dieu hostilité éternelle à toute forme de tyrannie sur l’esprit de l’homme ». Contre les conformistes et les modeleurs de la mentalité conformiste, il appelle au renouvellement, à la transformation de l’esprit. Etre un bon prochain, pour Martin Luther KING, c’est non avoir une bonté fondée sur une confiance passive, en un credo particulier, mais sur une action salvatrice de vie. Il se livre à une très courte exégèse sur le notion de prochain, s’appuyant entre autres sur la parabole du bon Samaritain, cet homme capable d’un altruisme universel, capable d’une altruisme dangereux (sauver sa vis pour sauver celle de son frère, capable d’un altruisme excessif (faire plus que son devoir). « La grandeur d’âme de Jésus est rarement exprimée dans le Nouveau Testament avec plus de clarté et de solennité que dans ces paroles tombées de la crois : « Père, pardonnez-leur, cars ils ne savent pas ce qu’ils font ». C’est le sommet de l’amour. » Mais il fait comprendre ces paroles en fonction d’un contexte situé auparavant, dans la mise au crucifix, entre deux condamnés à mort. Il s’agit là d’une « merveilleuse expression de l’habileté de Jésus à joindre parole et action, et c’est aussi une expression de la conscience qu’a Jésus de l’aveuglement intellectuel et spirituel de l’homme. Aimer vos ennemis est un des commandements les plus difficile à suivre. Comme aimer nos ennemis? « En premier lieu, nous devons développer et entretenir notre aptitude au pardon. Celui qui est incapable de pardonner est incapable d’aimer. Il est impossible de seulement commencer à aimer ses ennemis sans avoir accepté d’abord la nécessité, sans cesse renouvelée, de pardonner à ceux qui nous infligent le mal et l’injustice. (…) Pardonner, ne signifie pas ignorer ce qui a été fait ou coller une étiquette fausse sur un acte mauvais. Cela signifie plutôt que cet acte mauvais cesse d’être un obstacle aux relations. Le pardon est un catalyseur, qui crée l’ambiance nécessaire à un nouveau départ et à un recommencement. (…) En deuxième lieu, nous devons reconnaître que l’acte mauvais de notre prochain-ennemi, ce qui nous a blessé, n’exprime jamais adéquatement, ce qu’il est lui-même. » Ce qui ouvre la voie, disons-le ici, à la réconciliation, mais aussi au centrage de l’action sur le mal et non sur celui par qui vient le mal. Revenons à l’auteur : « A nos adversaires les plus farouches, nous disons : « A votre capacité d’infliger la souffrance, nous opposerons notre capacité d’endurer la souffrance. A votre force physique nous répondrons par la force de nos âmes. Faites-nous ce que vous voulez, et nous continuerons à vous aimer. Nous ne pouvons, en tout bonne conscience, obéir à vos lois injustes, car la non-ccopération avec le mal est autant que la coopération avec le bien une obligation morale. Jetez-nous en prison, et nous vous aimerons encore. Envoyez à minuit dans nos communautés vos cagoulards perpétrer la violence et nous laisser à demi morts, et nous vous aimerons encore. Mais soyez assurés que nous vous conduisons à l’épuisement par notre capacité de souffrir. Un jour nous gagnerons la liberté, mais pas pour nous seuls. Nous lancerons à vos coeurs et à vos consciences un tel appel que nous aurons gagnés en chemin et que notre victoire sera un double victoire ». Minuit… quelqu’un frappe à la porte est un des sermons les plus dramatiques prononcés par le pasteur baptiste. Il y passe en revue tout ce qui ne va pas dans la société du temps : crise morale, sociale, psychologique, familiale, politique, internationale, dans une ambiance nocturne effrayante. Dans cette nuit, les Eglises, les Eglises noires en premier, faillissent : les hommes frappent à leur porte, mais elles restent sourdes. Puis tout se retourne, il y a l’espoir malgré tout. Il est minuit dans l’ordre social, puis sonne des déclarations comme celle de la Cour Suprême des Etats-Unis qui déclare anticonstitutionnelle la ségrégation dans les autobus à Montgomery en Alabama. Dans le sermon « L’homme insensé », il veut partager avec ceux qui l’écoutent « une petite histoire dramatique, dont les implications sont remarquablement pertinentes et les conclusions profondément significatives. « C’est l’histoire d’un homme qui, selon les normes modernes, serait considéré comme ayant réussi d’une manière éminente. Mais Jésus l’a traité d’insensé ». Il s’agit d’un homme riche, l’homme riche en question étant insensé « parce qu’il permettait aux fins pour lesquelles il vivait de se confondre avec les moyens par lesquels il vivait. La structure économique de sa vie absorbait sa destinée ». Ce qui est finalement, pensons-nous, un attaque frontale contre l’homo economicus tant célébré dans la société capitaliste libérale. « Notre espoir d’une vie créatrice repose sur notre aptitude à rétablir les fins spirituelles de nos vies dans le caractère personnel et dans la justice sociale. Sans ce réveil spirituel et moral, nous détruisons nous-mêmes par le mauvais usage de nos propres instruments. Notre génération ne peut éluder la question de notre Seigneur : Que sert à l’homme de gagner l’univers des choses extérieures – avion, lumière, automobile et télévision en couleurs – s’il perd la réalité intérieure : sa propre âme? » Dans La mort du mal sur le rivage de la mer, l’auteur discute de l’existence et de l’origine du mal. Reprenant l’histoire des Egyptiens et du peuple hébreu qui traverse la Mer Rouge (Hebreux 12, 11), et la rapporochant d’autres textes plus récents (Hamlet, The Present Crisis, de LOWELL) ou de In Memoriam, de TENNYSON, ou encore de GANDHI…) suivant en cela une méthode que l’on retrouve beaucoup dans ses sermons, il entend montrer l’ampleur de la présence du mal, mais aussi la présence de Dieu, de Dieu consolateur : « car Dieu a deux lumière : l’une pour nous guider dans la clarté du jour, lorsque nos espoirs sont réalisés et les circonstances favorables ; l’autre pour nous conduire dans l’obscurité de la nuit, lorsque nous sommes contrariés et que les géants endormis de la tristesse et du désespoir se réveillent dans nos âmes. » C’est la foi qui soutient dans la lutte pour échapper à la captivité « de toute Egypte du mal ». Dans Trois dimensions d’une vie achevée, il expose les réflexions que lui inspirent le Livre de l’Apocalypse (de l’apôtre Jean). « Je crains, termine-ti-il, que beaucoup d’entre nous tâtonnent encore dans des projets qui sont volumineux en quantité mais réduits en qualité, des projets qui s’étalent au plan horizontal du temps au lieu de s’élever au plan vertical de l’éternité. (…). Quelle est donc note conclusion? Aimez-vous vous-mêmes, si cela veut dire un intérêt propre raisonnable et sain ; vous avez reçu commandement de le faire ; c’est la longue de la vie. Aimez votre prochain comme vous-mêmes ; vous avez aussi reçu commandement de la faire ; c’est la largeur de la vie. Mais n’oubliez jamais qu’il y a un premier commandement, plus important encore : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit » ; c’est la hauteur de la vie. Ce n’est que par un développement actif de chacune de ces trois dimensions que vous pouvez vous attendre à vivre une vie vraiment achevée.(…) ». Dans Qu’est-ce que l’homme? il pose la question : « Toute la structure politique, sociale et économique de la société est largement déterminé par sa réponse à cette question vitale. En effet, le conflit dont nous sommes témoins entre le totalitarisme et la démocratie est fondamentalement centré sur ceci : l’homme est-il une personne ou un pion? Ets-ti une dent des rouages de l’Etat ou un être libre et créateur capable de responsabilité? Cette question est aussi vieille que l’homme et aussi récente que le journal de ce monde. Bien qu’il y ait accord très large sur la question, il y a désaccord aigu sur la réponse. » Sa « réponse », en tant que bon pasteur, il la trouve dans une vision chrétienne, une certaine vision chrétien, puisqu’il affirme que l’homme est fondamentalement bon, mais que par sa trop grande inclination au mal, l’homme « a terriblement défiguré l’image de Dieu ». Après une « réponse » morale, il aborde dans le sermon placé juste après « Comment un chrétien voit le communisme », la question issue au coeur même de son combat puisque les accusations de « communisme » n’ont cessé de fuser, avec l’attention particulière de grands médias et des services secrets américains (nous sommes alors en pleine guerre froide). Question importante puisqu’elle touche des milliards d’êtres humains, parce que le communisme est le seul rival sérieux du christianisme et parce « qu’il est incorrect et certainement non scientifique de condamner un système avant de savoir ce que ce système enseigne et pourquoi il se trompe. » Il veut affirmer fortement en tête de ce sermon, que « le communisme et le christianisme sont fondamentalement incompatibles. » Pourquoi ? Parce que « le communisme se fonde sur une vision matérialiste et humaniste de la vie et de l’histoire ». Ceci dit « la théorie, mais sûrement pas la pratique du communisme, nous incite à nous vouloir davantage concernés par la justice sociale. et finalement « nous devons honnêtement reconnaître que la vérité ne se trouve ni dans le capitalisme traditionnel ni dans le marxisme. » « En dernier lieu, nous sommes mis au défi d’engager nos vies pour la cause du Christ, exactement comme les communistes engagent les leurs pour le communisme ». La postface, Pèlerinage à la non-violence, retrace brièvement les étapes de son cheminement aussi bien intellectuel que spirituel : « pendant ma dernière année au séminaire de théologie, j’entrepris la lecture excitante de diverses théories théologiques. J’avais été éduqué dans une tradition fondamentaliste assez stricte ; il m’arriva donc d’être choqué, lorsque mon voyage intellectuel me faisait traverser des pays doctrinaux nouveaux pour moi et parfois complexes. Mais le pèlerinage fut toujours stimulant ; il me donna une estime nouvelle pour le jugement objectif et l’analyse critique, il me réveilla de mon sommeil dogmatique. Le libéralisme me procura une satisfaction intellectuelle que je n’avais jamais trouvée dans le fondamentalisme. Je m’entichais tellement de l’optique libérale que je faillis tomber dans le piège et accepter sans esprit critique tout ce qu’englobait le libéralisme. J’étais absolu convaincu de la bonté naturelle de l’homme et du pouvoir de la raison humaine. » Tout en gardant l’ardeur dans la recherche de la vérité, l’insistance sur un esprit d’ouverture et d’analyse de la vérité et le refus de renoncer aux meilleures clartés de la raison, il remet en question la doctrine libérale de l’homme par la lecture notamment des oeuvre de Reinhold NIEBUHR qui le fait rendre compte « de la complexité des implications sociales de l’homme et de la réalité évidente du mal collectif ». Un des aspects un peu oublié lorsqu’on parle de Martin Luther KING est évoqué, alors qu’il reste insatisfait du libéralisme sur la question de la nature humaine : « Entre-temps, j’avais acquis une connaissance meilleure de la philosophie existentielles », avec les oeuvres de KIERKEGAARD et de NIETSZCHE, mais aussi de JASPERS, HEIDEGGER et de SARTRE, puis de celles de Paul TILLICH, alors très en vogue à l’époque. « Mes études proprement dites avaient pour objet la théologie et la philosophie systématiques, mais je m’intéressai de plus en plus à la morale sociale. » Déjà profondément concerné par le problème de l’injustice raciale, la lecture de Chrétienté et la crise sociale de Wlater RAUSCHENBUSCH précipite cet intérêt qui l’amène à prendre connaissance des écrits de GANDHI. Bien entendu reprendre connaissance avec La désobéissance civile de David Henri THOREAU, auteur très lu à l’école aux Etats-Unis, le conforte dans cette direction En fin de parcours intellectuel (étant donné qu’il est assassiné à l’âge de 38 ans), « je ne suis pas un doctrinaire du pacifisme, mais j’ai essayé d’embrasser un pacifisme réaliste qui voit dans dans la position pacifiste le moindre mal pour les circonstances actuelles. je ne prétends pas être libéré du dilemme moral auquel est affronté le non-pacifiste chrétien, mais je suis convaincu que l’Eglise ne peut rester silencieuse alors que le genre humain est sous la menace d’un anéantissement nucléaire. Si l’Eglise est fidèle à sa mission, elle doit réclamer la fin de la course aux armements. » Très diffusé, traduit en de nombreuses langues, le livre de Martin luther KING est l’objet de nombreuses lectures. Des auteurs estiment toujours valable son discours, même à presque cinquante ans de distance. Frédérick de CONINCK estime par exemple qu’il est possible d’actualiser son message qui reste un appel très fort aux chrétiens. « Nous avons eu ou nous avons, écrit-il, autour de nous, plusieurs exemples de luttes non-violentes qui ont permis de faire avancer les choses. Un exemple majeur fut la chute du mur de Berlin en 1989. La transformation des pays de l’Est a obéi à une série de facteurs, mais, entre autres, vers la fin, à une action non-violente de protestation. Les Eglises y jouèrent d’ailleurs, un rôle tout à fait actif. D’une manière générale dans les relations internationales, il y a une conviction assez générale qui veut que la négociation soit plus efficace que les conflits armés? Cela dit c’est une conviction qui fait son chemin lentement.(…). Dans ls affaires intérieures, il y a aussi la conviction encore plus partagée que la démocratie vaut mieux que les pouvoirs militaires. Or la démocratie est une vaste organisation de confrontations, de combats non-violentes. (…) ». Bernice KING, fille de Martin Luther, fait le parallèle entre 1968 et 2008, entre la guerre du VietNam et la guerre en Irak : « Trois maux, disait (mon) père, rongent l’Amérique : la pauvreté, le racisme et le militarisme. je fais le même constat… Ce n’est pas par les « terroristes » que sont terrorisés la plupart des Américains. C’est par leur santé et la perspective de mourir isolés et sans soins médicaux, faute d’en avoir les moyens! ». Le chemin emprunté par Martin Luther King, dont La force d’aimer constitue une grande indication, « est toujours ouvert et nous invite. Sa leçon permanente ne concerne pas les seuls Noirs ni les seuls Américains mais nous concerne tous : elle est double : – il n’est pas possible qu’une partie de l’humanité soit durablement humiliée, discriminée et soumise par les autres, il est toujours nécessaire que les opprimés se mettent debouts et luttent pour leur vie et leur dignité ; – L’injustice ne peut être vaincue pr l’injustice, la violence par la violence. Dans la perspective évangélique, Dieu ne veut pas d’un monde domine par les riches et les puissants : il choisit les pauvres, comme l’exprime la version des béatitudes dans l’Evangile de Luc (Lc, 6, 20). Mais Jésus a pris un chemin de non-violence pour changer le monde en changeant les coeurs. Il appelle toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté à se faire les alliés des pauvres (Evangile selon Saint Mathieu).
Vincent ROUSSEL résume les aspects souvent repris après lui dans maintes luttes non-violentes : – La résistance non-violente n’est pas destinées aux peureux ; c’est une véritable résistance ; – La non-violence ne cherche pas à vaincre ni à humilier l’adversaire, mais à conquérir sa compréhension et son amitié ; – C’est une méthode qui s’attaque aux forces du mal, et non aux personnes qui se trouvent être les instruments du mal ; – La résistance non-violente implique la volonté de savoir accepter la souffrance sans esprit de représailles, de savoir recevoir les coups sans les rendre. Le non-violent ne cherchera pas à éviter la prison ; – La non-violence refuse non seulement la violence extérieure, physique, mais aussi la violence intérieure ; – La résistance non-violente se fonde sur la conviction que la loi qui régit l’univers est une loi de justice
Martin Luther KING, La force d’aimer, Casterman, 1964, 235 pages. Avant-propos de Jean BRULS.
Vincent ROUSSEL, Martin Luther King, combats pour la liberté, Alternatives non-violentes, Les luttes non-violentes au XXe siècle (tome 1), n°119-120, Eté-Automne 2001 ; Jean Marie FAUX, Documents d’analyse du Centre Avec, Le rêve de Martin Luther KING, Février 2008 ; Frédéric de CONINCK, Martin Luther KING, 40 ans après, Comment actualiser son message?, 1990.
PAPE FRANÇOIS – 12. LA MISÉRICORDE ANNULE LE PÉCHÉ
6 avril, 2016PAPE FRANÇOIS – 12. LA MISÉRICORDE ANNULE LE PÉCHÉ
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 30 mars 2016
Chers frères et sœurs, bonjour!
Nous terminons aujourd’hui les catéchèses sur la miséricorde dans l’Ancien Testament, et nous le faisons en méditant sur le psaume 51, appelé Miserere. Il s’agit d’une prière pénitentielle dans laquelle la demande de pardon est précédée par la confession de la faute et dans laquelle la personne qui prie, se laissant purifier par l’amour du Seigneur, devient une nouvelle créature, capable d’obéissance, de fermeté d’esprit, et de louange sincère. Le «titre» que la tradition juive antique a attribué à ce psaume fait référence au roi David et à son péché avec Bethsabée, la femme d’Urie le Hittite. Nous connaissons bien l’histoire. Le roi David, appelé par Dieu à paître le peuple et à le guider sur les chemins de l’obéissance à la Loi divine, trahit sa mission et, après avoir commis l’adultère avec Bethsabée, fait tuer son mari. Terrible péché! Le prophète Nathan lui révèle sa faute et l’aide à la reconnaître. C’est le moment de la réconciliation avec Dieu, dans la confession de son péché. Et ici, David a été humble, il a été grand! Celui qui prie avec ce psaume est invité à avoir les mêmes sentiments de repentir et de confiance en Dieu qu’a eus David lorsqu’il s’est ravisé et, bien qu’étant roi, il s’est humilié sans craindre de confesser sa faute et de montrer sa misère au Seigneur, convaincu toutefois de la certitude de sa miséricorde. Et ce qu’il avait fait n’était pas un petit péché, un petit mensonge: il avait commis l’adultère et un assassinat! Le psaume commence par ces paroles de supplication: «Pitié pour moi, Dieu, en ta bonté; en ta grande tendresse efface mon péché. Lave-moi tout entier de mon mal et de ma faute purifie-moi» (vv 1-2). L’invocation est adressée au Dieu de miséricorde afin que, mû par un amour grand comme celui d’un père ou d’une mère, il ait pitié, c’est-à-dire qu’il accorde sa grâce, montre sa faveur avec bienveillance et compréhension. C’est un appel vibrant à Dieu, le seul qui puisse libérer du péché. Des images très plastiques sont utilisées: efface, lave-moi, rends-moi pur. Le vrai besoin de l’homme se manifeste, dans cette prière: l’unique chose dont nous avons vraiment besoin dans notre vie est celle d’être pardonnés, libérés du mal et de ses conséquences de mort. Hélas, la vie nous confronte souvent à ces situations; et dans celles-ci avant tout, nous devons avoir confiance dans la miséricorde. Dieu est plus grand que notre péché. N’oublions pas cela: Dieu est plus grand que notre péché! «Père, je ne peux pas le dire, j’en ai commis tellement et de gros!». Dieu est plus grand que tous les péchés que nous pouvons faire. Dieu est plus grand que notre péché. Nous le disons ensemble? Tous ensemble: «Dieu est plus grand que notre péché!». Encore une fois: «Dieu est plus grand que notre péché!». Une autre fois: «Dieu est plus grand que notre péché!». Et son amour est un océan dans lequel nous pouvons nous immerger sans peur d’être submergés: pardonner signifie pour Dieu nous donner la certitude qu’Il ne nous abandonne jamais. Peu importe ce que nous avons à nous reprocher, Il est encore et toujours plus grand que tout (cf. 1 Jn 3, 20), car Dieu est plus grand que notre péché. En ce sens, celui qui prie avec ce psaume recherche le pardon, confesse sa faute, mais en la reconnaissant, il célèbre la justice et la sainteté de Dieu. Et ensuite, il demande encore la grâce et la miséricorde. Le psalmiste a confiance en la bonté de Dieu, il sait que le pardon divin est éminemment efficace, car il crée ce qu’il dit. Il ne cache pas le péché, mais le détruit et l’efface; mais il l’efface précisément à la racine, pas comme on le fait à la teinturerie lorsque nous apportons un vêtement et qu’ils enlèvent la tache. Non! Dieu efface notre péché à la racine, tout! C’est pourquoi le pénitent redevient pur, toute tache est éliminée et il est alors plus blanc que la neige encore vierge. Nous tous sommes pécheurs. N’est-ce pas vrai? Si l’un d’entre vous ne se sent pas pécheur, qu’il lève la main… Personne! Nous le sommes tous. Nous pécheurs, avec le pardon, devenons des créatures nouvelles, remplies par l’esprit et pleines de joie. A présent, une nouvelle réalité commence pour nous: un nouveau cœur, un nouvel esprit, une nouvelle vie. Nous, pécheurs pardonnés, qui avons accueilli la grâce divine, nous pouvons même enseigner aux autres à ne plus pécher. «Mais Père, je suis faible, je tombe, je tombe». «Mais si tu tombes, lève-toi! Lève-toi!». Quand un enfant tombe, que fait-il? Il tend la main à sa maman, à son papa, pour qu’il l’aide à se relever. Faisons la même chose! Si tu tombes par faiblesse dans le péché, tend la main: le Seigneur la prend et t’aidera à te relever. Telle est la dignité du pardon de Dieu! La dignité que nous confère le pardon de Dieu est celle de nous relever, de nous mettre toujours debout, car Il a créé l’homme et la femme afin qu’ils soient debout. Le psalmiste dit: «Dieu, crée pour moi un cœur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme. [...] Aux pécheurs j’enseignerai tes voies, à toi se rendront les égarés» (vv. 10-13). Chers frères et sœurs, le pardon de Dieu est celui dont nous avons tous besoin, il est le signe le plus grand de sa miséricorde. Un don que tout pécheur pardonné est appelé à partager avec chaque frère et sœur qu’il rencontre. Tous ceux que le Seigneur a placés à nos côtés, notre famille, les amis, les collègues, les paroissiens… Tous ont, comme nous, besoin de la miséricorde de Dieu. Il est beau d’être pardonné, mais toi aussi, si tu veux être pardonné, pardonne à ton tour. Pardonne! Que le Seigneur nous concède, par l’intercession de Marie, Mère de miséricorde, d’être les témoins de son pardon, qui purifie le cœur et transforme la vie. Merci. Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les groupes venus de Suisse, du Luxembourg, de Belgique, du Canada et de France. Dans la lumière de la résurrection rendons grâce au Seigneur de sa miséricorde envers nous. Il nous pardonne nos péchés et fait de nous des créatures nouvelles. Je vous invite à être témoins de cette bonne nouvelle tout autour de vous.