Archive pour le 19 avril, 2016

UNKNOWN WEAVER, Spanish The Creation, 11th century Tapestry Cathedral Treasury, Gerona

19 avril, 2016

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BENOÎT XVI – JE CROIS EN DIEU: LE CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE, LE CRÉATEUR DE L’ÊTRE HUMAIN

19 avril, 2016

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BENOÎT XVI – JE CROIS EN DIEU: LE CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE, LE CRÉATEUR DE L’ÊTRE HUMAIN

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 6 février 2013

Chers frères et sœurs !

Le Credo, qui commence en qualifiant Dieu de « Père tout-puissant », comme nous avons médité la semaine dernière, ajoute ensuite qu’Il est le « Créateur du ciel et de la terre », et il reprend ainsi l’affirmation avec laquelle commence la Bible. Dans le premier verset de l’Écriture Sainte, en effet, on lit : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1, 1) : c’est Dieu l’origine de toutes les choses et dans la beauté de la création se déploie sa toute-puissance de Père qui aime. Dieu se manifeste comme Père dans la création, en tant qu’origine de la vie, et, en créant, il montre sa toute-puissance. Les images utilisées par l’Écriture Sainte sont à cet égard suggestives (cf. Is 40, 12 ; 45, 18 ; 48, 13 ; Ps 104, 2.5 ; 135 ,7 ; Pr 8, 27-29 ; Jb 38-39). Comme un Père bon et puissant, il prend soin de ce qu’il a créé avec un amour et une fidélité qui ne font jamais défaut, disent les Psaumes à plusieurs reprises (cf. Ps 57, 11 ; 108, 5 ; 36, 6). Ainsi la création devient-elle le lieu où connaître et reconnaître la toute-puissance de Dieu et sa bonté et elle devient un appel à notre foi de croyants pour que nous proclamions Dieu comme Créateur. « Grâce à la foi — écrit l’auteur de la Lettre aux Hébreux —, nous comprenons que les mondes ont été organisés par la parole de Dieu, si bien que l’univers visible provient de ce qui n’apparaît pas au regard » (11, 3). La foi implique donc de savoir reconnaître l’invisible en en découvrant la trace dans le monde visible. Le croyant peut lire le grand livre de la nature et en comprendre le langage (cf. Ps 19, 2-5) ; mais la Parole de la révélation, qui suscite la foi, est nécessaire pour que l’homme puisse parvenir à la pleine conscience de la réalité de Dieu comme Créateur et Père. C’est dans le livre de l’Écriture Sainte que l’intelligence humaine peut trouver, à la lumière de la foi, la clé d’interprétation pour comprendre le monde. En particulier, le premier chapitre de la Genèse occupe une place spéciale, avec la présentation solennelle de l’œuvre créatrice divine qui se déploie au fil de sept jours : en six jours, Dieu porte à son achèvement la création et le septième jour, le samedi, il cesse toute activité et se repose. Jour de la liberté pour tous, jour de la communion avec Dieu. Et ainsi, avec cette image, le livre de la Genèse nous indique que la première pensée de Dieu était de trouver un amour qui réponde à son amour. La deuxième pensée est ensuite de créer un monde matériel où placer cet amour, ces créatures qui en liberté lui répondent. Une telle structure, donc, fait en sorte que le texte soit scandé par certaines répétitions significatives. Par six fois, par exemple, est répétée la phrase: « Et Dieu vit que cela était bon » (vv. 4.10.12. 18.21.25), pour conclure, la septième fois, après la création de l’homme : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait : c’était très bon » (v. 31). Tout ce que Dieu crée est beau, plein de sagesse et d’amour ; l’action créatrice de Dieu porte de l’ordre, elle insère de l’harmonie, elle donne de la beauté. Dans le récit de la Genèse, il apparaît ensuite que le Seigneur crée avec sa parole : par dix fois on lit dans le texte l’expression « Dieu dit » (vv. 3.6.9.11.14. 20.24.26. 28.29). C’est le mot, le Logos de Dieu qui est à l’origine de la réalité du monde et en disant : « Dieu dit » fut ainsi soulignée la puissance efficace de la Parole divine. Ainsi chante le Psalmiste : « Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche… Il parla, et ce qu’il dit exista ; il commanda, et ce qu’il dit survint » (33, 6.9). La vie apparaît, le monde existe, parce que tout obéit à la Parole divine. Mais notre question aujourd’hui est : à l’époque de la science et de la technique, cela a-t-il encore un sens de parler de création ? Comment devons-nous comprendre les récits de la Genèse ? La Bible ne se veut pas un livre de sciences naturelles ; elle veut en revanche faire comprendre la vérité authentique et profonde des choses. La vérité fondamentale que les récits de la Genèse nous révèlent est que le monde n’est pas un ensemble de forces opposées entre elles, mais il a son origine et sa stabilité dans le Logos, dans la Raison éternelle de Dieu, qui continue à soutenir l’univers. Il y a un dessein sur le monde qui naît de cette Raison, de l’Esprit créateur. Croire qu’à la base de tout il y aurait cela, éclaire chaque aspect de l’existence et donne le courage d’affronter avec confiance et avec espérance l’aventure de la vie. Donc l’Écriture nous dit que l’origine de l’être, du monde, notre origine n’est pas l’irrationnel et la nécessité, mais la raison et l’amour et la liberté. D’où l’alternative : ou la priorité à l’irrationnel, à la nécessité, ou la priorité à la raison, à liberté, à l’amour. Nous croyons en cette dernière position. Mais je voudrais dire un mot également sur ce qui est le sommet de toute la création : l’homme et la femme, l’être humain, l’unique « capable de connaître et d’aimer son Créateur » (Gaudium et spes, n. 12). Le Psalmiste, en regardant les cieux, se demande : « À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » (8, 4-5). L’être humain, créé avec amour par Dieu, est une bien petite chose devant l’immensité de l’univers ; parfois, en regardant fascinés les immenses étendues du firmament, nous aussi, nous avons perçu nos limites. L’être humain est habité par ce paradoxe : notre petitesse et notre finitude coexistent avec la grandeur de ce que l’amour éternel de Dieu a voulu pour lui. Les récits de la création dans le Livre de la Genèse nous introduisent également dans ce domaine mystérieux, en nous aidant à connaître le projet de Dieu sur l’homme. Ils affirment avant tout que Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol (cf. Gn 2, 7). Cela signifie que nous ne sommes pas Dieu, nous ne nous sommes pas faits seuls, nous sommes terre ; mais cela signifie aussi que nous venons de la bonne terre, grâce à l’œuvre du bon Créateur. À cela s’ajoute une autre réalité fondamentale : tous les êtres humains sont poussière, au-delà des distinctions opérées par la culture et par l’histoire, au-delà de toute différence sociale ; nous sommes une unique humanité modelée avec l’unique terre de Dieu. Il y a ensuite un deuxième élément: l’être humain a origine parce que Dieu insuffle le souffle de vie dans le corps modelé de la terre (cf. Gn 2, 7). L’être humain est fait à l’image et ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27). Nous portons alors tous en nous le souffle vital de Dieu et chaque vie humaine — nous dit la Bible — est placée sous la protection particulière de Dieu. C’est la raison la plus profonde du caractère inviolable de la dignité humaine contre toute tentation de juger la personne selon des critères utilitaristes et de pouvoir. Être à l’image et ressemblance de Dieu indique également que l’homme n’est pas refermé sur lui, mais a une référence essentielle en Dieu. Dans les premiers chapitres du Livre de la Genèse, nous trouvons deux images significatives : le jardin avec l’arbre de la connaissance du bien et du mal et le serpent (cf. 2, 15-17 ; 31 1-5). Le jardin nous dit que la réalité dans laquelle Dieu a placé l’être humain n’est pas une forêt sauvage, mais un lieu qui protège, nourrit et soutient ; et l’homme doit reconnaître le monde non pas comme une propriété à piller et à exploiter, mais comme don du Créateur, signe de sa volonté salvifique, don à cultiver et à protéger, à faire croître et développer dans le respect, dans l’harmonie, en en suivant les rythmes et la logique, selon le dessein de Dieu (cf. Gn 2, 8-15). Puis, le serpent est une figure qui dérive des cultes orientaux de la fécondité, qui fascinaient Israël et constituaient une tentation constante d’abandonner l’alliance mystérieuse avec Dieu. À la lumière de cela, l’Écriture Sainte présente la tentation que subissent Adam et Ève comme le cœur de la tentation et du péché. Que dit en effet le serpent ? Il ne nie pas Dieu, mais il insinue une question dissimulée : « Alors, Dieu vous a dit : “Vous ne mangerez le fruit d’aucun arbre du jardin ?”» (Gn 3, 1). De cette façon, le serpent suscite le doute que l’alliance avec Dieu est comme une chaîne qui lie, qui prive de la liberté et des choses plus belles et précieuses de la vie. La tentation devient celle de construire tout seul le monde dans lequel vivre, de ne pas accepter les limites du fait d’être créature, les limites du bien et du mal, de la moralité ; la dépendance de l’amour créateur de Dieu est vue comme un poids dont il faut se libérer. Cela est toujours le cœur de la tentation. Mais lorsque le rapport avec Dieu est faussé, à travers un mensonge, en se substituant à lui, tous les autres rapports sont altérés. Alors, l’autre devient un rival, une menace : Adam, après avoir cédé à la tentation, accuse immédiatement Ève (cf. Gn 3, 12) : les deux se cachent de la vue de ce Dieu avec lequel ils conversaient en toute amitié (cf. 3, 8-10) ; le monde n’est plus le jardin dans lequel vivre en harmonie, mais un lieu à exploiter et dans lequel se cachent des pièges (cf. 3, 14-19). La jalousie et la haine envers l’autre pénètrent dans le cœur de l’homme : un exemple en est Caïn, qui tue son frère Abel (cf. 4, 3-9). En allant contre son créateur, en réalité l’homme va contre lui-même, il renie son origine et donc sa vérité : et le mal entre dans le monde, avec sa lourde chaîne de douleur et de mort. Et ainsi, ce que Dieu avait créé était bon, même très bon, après ce libre de choix de l’homme en faveur du mensonge contre la vérité, le mal entre dans le monde. Je voudrais souligner un dernier enseignement des récits de la création: le péché engendre le péché et tous les péchés de l’histoire sont liés entre eux. Cet aspect nous pousse à parler de celui qu’on appelle le « péché originel ». Quelle est la signification de cette réalité, difficile à comprendre ? Je voudrais seulement donner quelques éléments. Tout d’abord, nous devons considérer qu’aucun homme n’est refermé sur lui-même, personne ne peut vivre uniquement de lui et pour lui. Nous recevons la vie de l’autre et pas seulement au moment de la naissance, mais chaque jour. L’être humain est relation : je ne suis moi-même que dans le toi et à travers le toi, dans la relation de l’amour avec le Toi de Dieu et le toi des autres. Eh bien, le péché signifie perturber ou détruire la relation avec Dieu, c’est là son essence : détruire la relation avec Dieu, la relation fondamentale, se mettre à la place de Dieu. Le Catéchisme de l’Église catholique affirme qu’avec le premier péché l’homme « s’est préféré lui-même à Dieu, et par là même, il a méprisé Dieu : il a fait le choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature et dès lors contre son propre bien » (n. 398). Une fois la relation fondamentale perturbée, les autres pôles de la relation sont eux aussi compromis ou détruits, le péché détruit les relations, et ainsi il détruit tout, car nous sommes relation. Or, si la structure relationnelle de l’humanité est perturbée dès le début, chaque homme entre dans un monde marqué par cette perturbation des relations, il entre dans un monde perturbé par le péché, par lequel il est personnellement marqué ; le péché initial porte atteinte à la nature humaine et la blesse (cf. Catéchisme de l’Église catholique, nn. 404-406). Et l’homme tout seul, une seule personne ne peut pas sortir de cette situation, elle ne peut pas se racheter toute seule ; ce n’est que le Créateur lui-même qui peut rétablir les justes relations. Ce n’est que si Celui dont nous nous sommes éloignés vient vers nous et nous tend la main avec amour, que les justes relations peuvent être renouées. Cela a lieu en Jésus Christ, qui accomplit exactement le parcours inverse de celui d’Adam, comme le décrit l’hymne dans le deuxième chapitre de la Lettre de saint Paul aux Philippiens (2, 5-11) : alors qu’Adam ne reconnaît pas qu’il est une créature et veut se mettre à la place de Dieu, Jésus, le Fils de Dieu, est dans une relation filiale parfaite avec le Père, il s’abaisse, il devient le serviteur, il parcourt la voie de l’amour en s’humiliant jusqu’à la mort en croix, pour remettre en ordre les relations avec Dieu. La Croix du Christ devient ainsi le nouvel arbre de la vie. Chers frères et sœurs, vivre de foi signifie reconnaître la grandeur de Dieu et accepter notre petitesse, notre condition de créature en laissant le Seigneur la combler de son amour, pour qu’ainsi s’accroisse notre véritable grandeur. Le mal, avec son poids de douleur et de souffrance, est un mystère qui est illuminé par la lumière de la foi, qui nous donne la certitude de pouvoir en être libérés : la certitude qu’être un homme est un bien.

 

LA RENCONTRE AVEC LE COSMOS

19 avril, 2016

http://www.pagesorthodoxes.net/pages-choisies/contemplation-de-dieu-dans-la-creation.htm#delvasto

LA RENCONTRE AVEC LE COSMOS

par Nicolas Berdiaev

La distinction fondamentale établie entre l’esprit et la nature, comme entre des réalités et des ordres qualitativement différents, n’implique pas la négation du cosmos, la séparation de l’homme spirituel et de la vie cosmique. Le cosmos, le monde divin, la nature divine, ne se révèlent que dans l’expérience spirituelle, dans la vie spirituelle. La rencontre avec le cosmos n’a lieu qu’en esprit, et l’homme n’est pas séparé de lui, mais lui est uni. La spiritualité concrète comporte en elle la plénitude de la vie cosmique, tous les degrés hiérarchiques du cosmos. Ce n’est que dans le monde spirituel intérieur que le cosmos est donné dans sa vie intérieure, dans sa beauté. Dans le monde naturel, l’homme isolé considère le cosmos comme lui étant extérieur, impénétrable, étranger, comme un objet pouvant être soumis à l’action technique et à l’étude des sciences mathématiques et physiques ; il voit dans le cosmos son propre asservissement aux éléments inférieurs et sensibles. La contemplation de la beauté et de l’harmonie dans la nature constitue déjà une expérience spirituelle, une pénétration dans la vie intérieure du cosmos, qui se révèle dans l’esprit. L’amour envers la nature, envers les minéraux, les végétaux, les animaux est déjà une expérience spirituelle, une victoire sur la désunion et l’ » extrincésisme « . La doctrine mystique et théosophique de la nature, telle que nous la trouvons chez Paracelse, Jacob Boehme, Fr. Baader, et en partie chez Schelling, considère la nature en esprit, comme la vie intérieure de l’esprit, comme l’insertion de la nature dans l’esprit et de l’esprit dans la nature. Le cosmos est conçu comme un certain degré de l’esprit, comme la symbolique de sa vie intérieure. La naturalisation de l’esprit chez Boehme n’est que la contrepartie de l’absorption de la nature dans l’esprit. Les éléments de la nature et du cosmos sont aussi des dimensions spirituelles de l’homme, ils sont unis dans le monde spirituel. Le microcosme et le macrocosme se révèlent, dans la vie spirituelle, non pas selon la séparation et l’ » extrincésisme « , mais dans l’unité et la pénétration réciproque. La perte du paradis par l’humanité signifie la séparation d’avec le cosmos, d’avec la nature divine, la formation d’une nature extérieure, étrangère, la dissension et l’asservissement. L’obtention du paradis est le retour du cosmos vers l’homme et de l’homme vers le cosmos. Elle ne se réalise que dans une vie spirituelle réelle, dans le Royaume de Dieu. Cette expérience commence dans l’expérience de l’amour, dans la contemplation de la beauté. La nature extérieure est l’induration de l’esprit. Or, le cosmos est la vie, et non un ensemble d’objets matériels endurcis et de substances inertes. L’ » acosmisme  » de la spiritualité abstraite est totalement étranger au christianisme, qui connaît une spiritualité concrète contenant la plénitude du monde de Dieu. Le  » monde  » pris au sens évangélique, le monde pour lequel nous devons avoir de l’inimitié, ne représente pas la création divine, le cosmos, que nous devons au contraire aimer et avec lequel nous devons être unis. Le  » monde « , la  » nature  » constituent, dans ce cas, l’engourdissement par le péché, l’induration par les passions, l’asservissement aux éléments inférieurs, la déformation du monde de Dieu et non pas le cosmos lui-même.

Extrait de Nicolas Berdiaev, Esprit et liberté, Desclée de Brouwer, 1984