Archive pour avril, 2016
Abraham and the Angels by Aert de Gelder (c. 1680–85)
28 avril, 2016L’ENSEIGNEMENT DE L’ESPRIT, ET NON DE LA SAGESSE HUMAINE
28 avril, 2016http://www.bible-notes.org/article-549-l-enseignement-de-l-esprit-et-non-de-la-sagesse.html
L’ENSEIGNEMENT DE L’ESPRIT, ET NON DE LA SAGESSE HUMAINE
Une assemblée abondamment pourvue de dons spirituels et enrichie en toute connaissance, mais où il y avait beaucoup de désordres
Les caractères du vrai chrétien rappelés par Paul au début de l’épître
L’incapacité de discerner les choses de Dieu par la sagesse du monde et les dons de l’homme naturel
L’exemple de l’apôtre, un « homme en Christ » n’ayant aucune confiance en la chair
La communication de la sagesse divine par le Saint Esprit
Lire : 1 Corinthiens 1 et 2
Cette épître de l’apôtre Paul s’adresse non seulement à l’assemblée locale à Corinthe, mais également « aux sanctifiés dans le Christ Jésus, saints par appel, avec tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, et leur Seigneur et le nôtre » (1 : 2). Il n’y a donc là aucune limitation de lieu, de personne ni de temps. La lettre est destinée à tous les chrétiens qui reconnaissent l’autorité de Jésus Christ et de sa Parole. Tous ceux qui désirent Le servir fidèlement doivent serrer dans leur coeur les commandements qui se trouvent dans l’Ecriture et les mettre en pratique.
Les Corinthiens étaient tombés dans plusieurs pièges. Toutefois, à leur décharge, il convient de signaler qu’ils ne connaissaient pas encore toute la pensée révélée de Dieu. Etant plus instruits qu’eux, nous ne sommes que plus coupables si nous nous laissons surprendre par les ruses de l’ennemi.
Une assemblée abondamment pourvue de dons spirituels et enrichie en toute connaissance, mais où il y avait beaucoup de désordres
Ce qui distinguait nettement les Corinthiens des croyants actuels, c’est qu’ils ne manquaient d’aucun don. Ils avaient été enrichis, non seulement des dons miraculeux aujourd’hui perdus, mais en toute parole et toute connaissance. Cependant, hélas, ils se servaient de toutes ces bénédictions divines pour satisfaire leur orgueil spirituel. A plusieurs reprises, l’apôtre leur répète : « Vous êtes enflés d’orgueil ».
Il y avait aussi malheureusement parmi eux des fautes graves, à commencer par des dissensions et des divisions. Ce qui doit avoir du prix pour tous les chrétiens, c’est d’avoir la pensée de Christ. Il est la vérité – et cette vérité est indivisible.
A Corinthe, foyer d’idolâtrie et d’immoralité proverbiale, toutes sortes de maux avaient été manifestés au milieu de l’assemblée. Il y avait, par exemple, une fornication telle qu’elle n’existait pas même parmi les nations d’alors (5 : 1). Une tendance évidente à l’ivrognerie se manifestait aussi ; les fréquentes disputes finissaient devant les tribunaux de ce monde. De fausses doctrines avaient été introduites dans l’assemblée, niant en particulier la résurrection. Tout cela se déroulait paradoxalement au milieu d’une activité spirituelle tout à fait remarquable.
Or, malgré tant de choses humiliantes qui auraient dû peser sur leurs consciences, les Corinthiens cherchaient à s’instruire quant à des « points de détail ». Ils avaient posé des questions et l’apôtre Paul leur répond au cours de cette épître, sans manquer l’occasion de s’adresser à leur conscience et à leur coeur !
L’Esprit de Dieu, qui nous a conservé cette épître, se sert du désordre qui s’était développé parmi ces croyants pour nous instruire sur l’ordre qui convient dans l’Assemblée de Dieu. Nous proposons ci-après quelques réflexions à ce sujet en nous limitant essentiellement aux deux premiers chapitres.
Les caractères du vrai chrétien rappelés par Paul au début de l’épître
L’apôtre commence par définir ce qu’il faut entendre par un vrai chrétien : c’est un homme complètement condamné quant à sa vie précédente. Son existence, comme homme dans la chair, est terminée à la suite de l’oeuvre de Christ à la croix. Là, un jugement complet a eu lieu : Jésus a été « fait péché » à notre place et nous sommes « morts avec Lui » (2 Cor. 5 : 21 ; Rom. 6 : 8).
L’apôtre considère les Corinthiens comme étant sauvés, mais il estime qu’ils sont de « petits enfants » en Christ : « Je n’ai pas jugé bon de savoir quoique ce soit parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié », dit-il (2 : 2). Si nous réalisons que nous avons été jugés et définitivement condamnés à la croix, nous ne chercherons pas à nous donner de l’importance. La croix de Christ est la fin de l’homme pécheur.
A la fin du premier chapitre, on trouve un autre caractère du chrétien : « Vous êtes de lui dans le Christ Jésus, qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice et sainteté, et rédemption, afin que comme il est écrit, celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur » (v. 30-31). Sauvés, nous sommes une nouvelle création dans le Christ Jésus. Telle est notre position intouchable. Tout ce que possède chaque croyant lui a été donné par Dieu, en Christ et par Christ. Il n’y a plus de place pour le « vieil homme » et ses mauvais fruits.
Au chapitre 2, on trouve encore un autre caractère du croyant, sur lequel nous désirons insister : il possède l’Esprit de Dieu, cette puissance de la vie nouvelle. Elle le rend capable en particulier de comprendre les choses divines, qui sont révélées par la Parole de Dieu. L’homme « nouveau » a reçu cette puissance nouvelle : elle le conduit à se soumettre aux enseignements de la Parole.
L’état moral des Corinthiens n’était pas, hélas, en rapport avec les riches dons reçus. A ce sujet, il faut se souvenir que Dieu peut parfois agir par son Esprit au milieu des siens, sans que leur état spirituel soit à la hauteur de leurs dons !
L’incapacité de discerner les choses de Dieu par la sagesse du monde et les dons de l’homme naturel
A Corinthe, on se montrait souvent pleins d’admiration devant les capacités de l’homme « dans la chair » et de la sagesse « humaine » (Jac. 3 : 15). Même chez ces croyants, il existait des « écoles » comme dans le monde environnant, d’où un « esprit de parti » parmi eux. Certains s’attachaient plutôt à l’enseignement d’un homme instruit, tel que Paul ; d’autres étaient particulièrement attirés par un prédicateur éloquent, tel qu’Apollos, ou encore par un apôtre très énergique, comme l’était Pierre. D’aucuns même se réclamaient de Christ, considéré à leurs yeux simplement comme un chef d’école, de qualité – il est vrai- exceptionnelle !
Visiblement, on ne réalisait pas l’origine de tous les dons reçus (Eph. 4 : 8). D’où le désir, exprimé plus loin par Paul, que les croyants apprennent à ne pas s’enfler pour l’un contre l’autre. Il rappelle à chacun : « Qu’as-tu, que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Cor. 4 : 6-7). Les mêmes tendances sont vivaces dans chacun de nos coeurs !
Si l’on prétend se servir des « capacités » de la sagesse de l’homme naturel pour prouver à des âmes la véracité des choses révélées par l’Ecriture, la croix de Christ est rendue vaine. Les Corinthiens étaient charnels – nous le sommes souvent aussi. Ils n’avaient pas encore compris que toute la sagesse du monde, tous les dons de l’homme naturel ne sont d’aucune valeur pour discerner les choses de Dieu. Celui qui a compris cela est affranchi : il ne s’enfle pas, il n’a plus de confiance en lui-même.
Justement, l’apôtre présente d’abord la croix : si elle est faiblesse et folie de Dieu (1 : 18-25) – du moins aux yeux des hommes -, elle est en réalité l’expression parfaite de sa sagesse et de sa puissance à salut ! Paul précise quels sont ceux que Dieu a voulu sauver par cette oeuvre merveilleuse : « Dieu a choisi les choses folles du monde pour couvrir de honte les hommes sages ; et Dieu a choisi les choses faibles du monde pour couvrir de honte les choses fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde, celles qui sont méprisées et celles qui ne sont pas, pour annuler celles qui sont » (1 : 27-29). Une telle énumération est de nature à rabaisser toutes les prétentions, celles des Corinthiens et de l’homme en général !
L’exemple de l’apôtre, un « homme en Christ » n’ayant aucune confiance en la chair
L’apôtre Paul se donne lui-même à tous comme exemple des effets de la grâce dans un coeur. Dieu l’avait amené à réaliser son propre néant, au début de sa carrière. Il avait alors compris, sur le chemin de Damas, que tout Juif zélé et orthodoxe qu’il soit, il était plongé dans d’épaisses ténèbres. De ses yeux étaient tombées comme des écailles et, création nouvelle, il avait été rempli du Saint Esprit.
Il peut rappeler aux Corinthiens : « Quand je suis allé auprès de vous, frères, je ne suis pas allé avec excellence de parole ou de sagesse, en vous annonçant le témoignage de Dieu « (2 : 1). La croix était le caractère de Christ qu’il prêchait avant tout, et qui mettait fin à toute prétention du côté de l’homme.
Paul était donc venu dans la faiblesse, la crainte et un grand tremblement (2 : 3). Aussi, peut-il affirmer qu’ils n’ont pu rien trouver ni dans sa personne ni dans ses paroles qui puissent les amener à penser qu’il avait confiance en la chair et dans la puissance de l’homme naturel. Ailleurs il peut dire : « Je connais un homme en Christ » (2 Cor. 12 : 2). Il n’y avait plus pour lui une autre place qu’il désire occuper !
La communication de la sagesse divine par le Saint Esprit
Le caractère essentiel du chrétien est bien de posséder cette puissance de la vie nouvelle : le Saint Esprit, qui seul peut sonder toutes choses, « même les choses profondes de Dieu » (2 : 10).
Mais avant d’en parler, l’apôtre évoque le mystère caché dès les siècles en Dieu – cette sagesse que seuls les « parfaits » – c’est-à-dire les hommes « faits », adultes, en contraste avec les petits enfants-, peuvent saisir. Dieu a donné au croyant une nature nouvelle, Sa propre nature. Nous sommes élus en Christ pour être « saints et irréprochables devant Dieu en amour » (Eph. 1 : 4). L’amour de Dieu repose sur nous comme il repose sur Christ, et selon la même mesure illimitée !
Ne pensons pas toutefois qu’un homme « parfait » soit à ce point affranchi du péché qu’il ne pèche plus du tout. Il sait que Dieu l’a introduit dans sa présence comme un nouvel homme en Christ, qu’il est uni à Lui, de sorte que Dieu voit son racheté en Christ ! Toutefois il convient de veiller constamment au jugement de soi-même ; alors on découvre ce qu’il y a dans son coeur – la vieille nature est toujours là. Nous sommes profondément humiliés des fruits qu’elle produit encore, et en constatant la manière insuffisante dont nous réalisons notre position céleste dès ici-bas.
Dieu nous a fait connaître et même sonder, par son Esprit, les desseins mystérieux de son coeur. Il a révélé à l’apôtre Paul plusieurs trésors de la vraie connaissance jusqu’alors cachés. Le Saint Esprit est le seul agent qui peut les faire aussi comprendre au coeur et à l’intelligence des croyants. « Celui qui est spirituel discerne tout » ; il reçoit les choses spirituelles par des moyens spirituels (2 : 13-15).
Que ton divin Esprit nous enseigne et nous guide,
Par ta sainte Parole agissant dans nos coeurs !
Les paroles et les écrits de l’apôtre lui ont été dictés par l’Esprit. Son enseignement ne contient rien qui soit le fruit de la sagesse de l’homme. C’est encore par l’Esprit que nous pouvons serrer dans nos coeurs et chérir ces vérités divines. Pour qu’il en soit ainsi, il faut que notre marche ne soit pas boiteuse, mais qu’elle glorifie Celui qui nous a appelés à son propre royaume et à sa propre gloire. L’Esprit peut ainsi prendre librement de ce qui est à Christ et nous le communiquer ; toutefois, si notre état ne convient pas, il doit premièrement travailler à nous amener à reconnaître et à confesser notre péché. Dans son amour, Il s’y emploie.
Quelle part bénie si nous pouvons avoir la pensée de Christ – la faculté intelligente de Christ avec ses pensées, comme le précise une note ! Possédant sa vie et son Esprit, nous pouvons comprendre, penser, jouir comme Lui. Nous sommes rendus capables d’avoir les mêmes affections, les mêmes désirs et la même joie que Lui.
Nous pouvons véritablement rendre culte « par l’Esprit de Dieu », nous qui « nous glorifions dans le Christ Jésus et n’avons pas confiance en la chair » (Phil. 3 : 3). C’est ainsi que Dieu est glorifié lorsqu’il nous rassemble autour du Seigneur pour lui offrir la louange (Ps. 50 : 23a) ; le souhait de l’apôtre Paul pour les Romains peut se réaliser aussi pour nous : « que, d’un commun accord, d’une même bouche, vous glorifiiez le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ » (Rom. 15 : 6).
Quelle douceur dans ce culte de frères,
Où l’Esprit saint est notre directeur !
Dans ce concert de chants et de prières,
Par tous offert d’un accord et d’un coeur !
Que pouvons-nous instamment demander à notre Père, sinon d’être « remplis de l’Esprit », étant véritablement spirituels et non plus charnels ? Autrement, c’est l’ensemble du Corps de Christ qui souffrira et le Seigneur sera déshonoré. Dieu veut donner à chacun de ses enfants la manifestation de l’Esprit en vue de l’utilité (1 Cor. 12 : 7). Le désordre actuel dans l’Eglise montre à quel point l’Esprit Saint est attristé. Le fidèle en est affligé, il désire aider ses frères, mais il veille aussi à remplir le service que le Seigneur lui confie. C’est son privilège d’obéir en tout et malgré tout ; c’est ainsi qu’il lui sera donné de goûter aux choses profondes de Dieu, dès ici-bas !
LA FIN DE L’EMPIRE NÉO-BABYLONIEN SOUS NABONIDE
28 avril, 2016http://www.mythes-religions.com/tag/empire-neo-babylonien/
LA FIN DE L’EMPIRE NÉO-BABYLONIEN SOUS NABONIDE
http://www.mythes-religions.com/wp-content/uploads/2012/03/Empire_neo_babylonien.png
mars 19, 2012
Nabonide est le dernier des souverains de l’Empire néo-babylonien qui a succédé à l’Assyrie ; bien qu’ignoré dans la Bible, plusieurs documents nous confirment son existence. Son règne de 18 ans est atypique par rapport à ses prédécesseurs, notamment en ce qui concerne le culte des divinités majeures. Le règne de Nabonide sera le déclencheur d’une nouvelle réorganisation au Moyen-Orient et permettra l’émergence de l’Empire Perse. Cet article s’attachera à mettre en évidence les particularités de sa vie, au travers des traces écrites, et tentera d’éclaircir certains points de la situation politico-religieuse de cette époque. Nabonide est une des plus énigmatiques figures babyloniennes. Il a remagné d’anciennes traditions. On dit qu’il a usurpé le trône de LabašiMarduk, le petit fils de Nabuchodonosor II. (célèbre pour la déportation des Juifs de Jérusalem, celui-ci est un roi babylonien de l’Ancien Testament). Plusieurs textes précisent que Nabonide vénérait le dieu lune Nanna-Sîn (Su’en en Sumérien, Shahar en araméen), à l’instar de la plupart de ses prédécesseurs vouant un culte particulier à Mardouk. Les détails manquent pour retracer précisément sa vie, néanmoins les écrits découverts sont pour la plupart surprenants. Comme base de recherche, les documents principaux que j’ai identifiés sont les suivants : 1) Le cylindre de Nabonide : un cylindre découvert à Sippar précisant les travaux réalisés au temple de Nanna-Sîn à Ur par Nabonide. Le texte se termine par une dédicace à son fils Balthazar. 2) L’autobiographie d’Adad-guppi (une prêtresse vénérant Ningal, Nusku, Sardannunna et tout particulièrement Nanna-Sîn): ce texte contient la plus explicite description concernant l’origine de la famille de Nabonide. Adad-guppi, la mère de Nabonide, aurait introduit son fils après de Nabuchodonosor II et auprès du roi de Babylone Nériglissar, suite à un appel lancé par le dieu Nanna-Sîn. Selon ce récit, Harran aurait été détruit suite à l’abandon de cette ville par Nanna-Sîn. 3) Le cylindre de Cyrus : un cylindre circulaire en limon conservé au British Museum. Ce texte critique violemment Nabonide. Marduk cherche un roi pour le remplacer. Il s’agira de Cyrus II. L’entrée de Cyrus II dans la ville est décrite comme pacifique. L’auteur de ce document considère Cyrus II comme le roi légitime. Celui-ci est qualifié de bien-aimé de Marduk (l’Enlil des dieux) et le bien-aimé de Nabu, le dieu mésopotamien de l’écriture. 4) La chronique de Nabonide : ce texte babylonien conservé au British Museum nous apprend que Nabonide a séjourné dans la cité de Tema (Taima, cf carte ci-dessus) et que son absence à Babylone empêchait la célébration d’un festival annuel appelé akītu. La prise pacifique de Babylone par Cyrus II est également mentionnée. Nabonide sera capturé et les dieux retourneront dans leurs lieux saints. 5) Verse Account of Nabonidus : cette tablette mal conservée du British Museum décrit les actions et les effets négatifs du règne de Nabonide. En effet, nous apprenons que le commerce a été interrompu car les routes sont bloquées, la joie du peuple a disparu, Nabonide s’est livré à l’impiété. Il a décidé de créer une statue non traditionnelle en l’honneur du dieu Nanna-Sîn à Harran. De plus, la reconstruction du temple Ehulhul (pour abriter cette statue) de Nanna-Sîn à Harran empêche la réalisation d’une fête sacrée : le festival akītu le jour du nouvel An mésopotamien. Nabonide a également placé un taureau sauvage devant ce temple tout comme l’Esagil, le célèbre temple babylonien, ce qui est considéré comme un sacrilège. Tout comme dans l’autobiographie d’Adad-guppi, Nabonide a été désigné par Nanna-Sîn pour exercer la royauté. Il confiera le pouvoir à son fils Balthazar en son absence en Arabie. Il y tuera le prince de la ville de Tema qu’il fortifiera ensuite. Il y construit un temple comparable à celui de Babylone en forçant les habitants à réaliser de grands travaux. Le texte se termine par l’intervention de Cyrus II qui détruit tout ce que Nabonide a construit par les flammes et les habitants de Babylone sont dès lors joyeux. Un passage étrange précise que le dieu Ilte’ri lui aurait montré une vision et lui aurait permis de tout connaître. Il faut peut-être voir cette divinité comme Nanna-Sîn et/ou le dieu lunaire araméen.« (L’image) est ornée de […] en lapis lazuli, couronné d’une tiare, son apparence est celle de la lune d’éclipse ( ?), le geste de sa main est celui du dieu lugal SHUDU, ses cheveux atteignent le piédestal et devant elle se trouve le Dragon Tempête et le Taureau sauvage ». (Source : LACKENBACHER S., 1992.) 6) L’installation d’En-nigaldi-Nanna, fille de Nabonide, comme prêtresse de Nanna à Ur : Texte qui concerne la reconstruction de l’Egipar, le quartier résidentiel de Nanna-Sîn à Ur et l’installation de la fille de Nabonide comme prêtresse de Nanna-Sîn à Ur. 7) La prière de Nabonide : ce texte nous précise la véritable raison du séjour de Nabonide à Tema en Arabie. Celui-ci aurait été malade. Dan’el, un prophète au service de Yavhé lui apprend que sa maladie est une punition de Yavhé. Nabonide confesserait alors ses péchés mais son fils Balthazar serait finalement tué. 8.) Le livre de Daniel : ce texte de l’Ancien Testament est plus qu’énigmatique car il reprend des passages de la vie de Nabonide sans pour autant le citer. Il semblerait que les scribes glorifiant Yavhé auraient omis délibérément de mentionner Nabonide et l’aurait amalgamé dans la vie de Nabuchodonosor II. En effet, nous retrouvons un passage concernant la construction d’une statue colossale de 60 coudées. De plus Balthazar serait le fils de Nabuchodonosor II et non plus de Nabonide. Le livre de Daniel préciserait la cause de la mort de Balthazar lors de la prise de Babylone : il aurait profané les vases sacrés provenant de Jérusalem. La royauté de Nabonide est légitimisée par le dieu Nanna-Sîn, une série d’évènements obscurs concernant cette divinité va déclencher la montée au pouvoir de ce nouveau roi. Dans la 16ème année du règne de Nabopolossar (fondateur de l’Empire néo-babylonien), Nanna-Sîn en colère abandonne sa cité Harran et son temple. Il s’envole dès lors pour les cieux. La mère de Nabonide Adad-guppi qui était dévouée à ce roi (par la suite également à Nebuchodonosor II et Nériglissar) mentionne qu’elle a réalisé de maints efforts pour maintenir le culte de Nanna-Sîn et pour apaiser sa colère. Elle vénérait également les divinités suivantes Ningal, Nusku, Sardanunna, Shamash et Ishtar. Sa dévotion pour Nanna-Sîn était telle que ce dieu a entendu ses prières et sa rage était alors apaisée. Nabonide a été appelé par Nanna-Sîn afin qu’il devienne roi. Bien que les premières années de son règne soient dans la lignée de ses prédécesseurs, Nabonide réalise de profondes réformes. Il rénove dans la 2ème année de son règne l’Egipar, le quartier résidentiel de Nanna à Ur et il installe sa fille En-nigaldi-Nanna comme prêtresse. Nanna-Sîn décide de retourner dans son temple Ehulhul à Harran (ville archéologique localisée dans le sud-est de la Turquie actuelle). Nabonide restaure cette ville. Il sollicite l’aide de Cyrus II, le roi d’Anshan, pour conquérir la ville. Le roi des Mèdes, Astyage, est au courant et tente de convoquer son petit-fils Cyrus II mais il refuse. Harran est finalement conquis. Le texte « Verse Account of Nabonidus » précise le changement de politique de Nabonide par rapport à ses prédécesseurs. Il déplace plusieurs divinités à Babylone, il bloque les routes commerciales ; à Harran, il fait bâtir une statue colossale dédiée à Nanna-Sîn, il force ses habitants à des travaux forcés et il réaménage les plans du temple de l’Ehulhul à sa convenance. Cet ensemble de réformes est très mal perçu car Nabonide modifie considérablement les traditions ancestrales. Dans la 7ème année de son règne, Nabonide s’exile pour la cité de Tema, tandis que son fils Balthazar et son armée restaient dans le pays d’Akkad. C’est à cette époque que le festival akītu célébré le jour du nouvel An est interrompu par Nabonide. Au cours de cet évènement, Marduk et Nabu étaient célébrés. Le « cylindre de Nabonide » évoque un complot de Nabonide pour empêcher la vénération de Marduk. Malgré le peu de recoupements disponibles, cette idée est plausible. L’absence de célébration de l’akītu devait être vue comme un haut sacrilège par le clergé de Marduk. L’Enlil des dieux, Marduk, est terriblement en colère en entendant les plaintes des habitants (cette colère est clairement décrite dans le « cylindre de Cyrus »). Les dieux ont quitté leurs lieux saints pour être emmenés à Babylone par Nabonide. Marduk cherche à travers tous les pays un roi. Il appelle Cyrus II, le roi d’Anshan, le fils de Cambyse, qui était alors nommé roi de l’univers. Le Pays de Guti et les Mèdes s’inclinent à ses pieds. Ce n’est que le début d’une lutte pour le pouvoir. En l’absence de Nabonide à Babylone, son fils Balthazar assure le maintient de l’ordre et de discipline à sa place. Nabonide retourne à Babylone au cours de la 17 ème année de son règne. La raison de son départ est mentionnée dans l’écrit apocryphe appelé « la prière à Nabonide ». Il se serait exilé pendant 10 ans à Tema car il était souffrant. Sa raison de sa maladie est, selon ce texte, divine. Il s’agirait d’une punition de Yavhé, le dieu de l’ancien Testament. Dan’el, un prophète, lui explique cette sanction et Nabonide confesse ses pêchés. De retour à Babylone, la fête de l’akītu est à nouveau célébrée. Contrairement aux textes qui ne font que mentionner le retour de cette célébration, « la prière de Nabonide » le justifie. En effet, Nabonide s’est excusé pour son affront envers Yavhé et la fête de l’akītu peut à nouveau être réalisée. Il faut se rendre compte qu’à cette époque les Juifs vénérant Yavhé avaient subi de nombreux troubles. Ce peuple avait été disséminé dans tous le Moyen-Orient notamment à cause de Nabuchodonosor II. Le sort des Juifs était entre les mains de Yavhé qui avait provoqué la destruction de son berceau initial. L’Ancien Testament précise que la population s’était écartée des règles imposées par Yavhé. Le clergé de celui-ci ne voyait certainement pas d’un bon œil le blasphème de Nabonide à son encontre lorsqu’il considéra Nanna-Sîn comme le seul et unique Dieu, modifiant ainsi les traditions séculaires. Cyrus II légitime aux yeux de Marduk, conquiert Sippar et Babylone de manière pacifique. Il capture Nabonide. La conquête pacifique de Babylone n’est qu’évoqué que dans 3 textes : « La Chronique de Nabonide », The Persian Verse Account » et le « Cylindre de Cyrus ». Ce dernier mentionne l’entrée de Cyrus II dans Babylone grâce à Marduk. Le sort du fils de Nabonide, Balthazar, est tout autre. Il sera tué car son affront envers Yavhé a été intolérable. En effet, le « Livre de Daniel » mentionne qu’il a profané les vases sacrés en provenance de Jérusalem. Les dieux (les statues des dieux) que Nabonide a emportés à Babylone sont replacés dans leurs lieux saints. Nabonide, bien qu’éphémère à l’échelle de l’histoire du Moyen-Orient, a bouleversé les peuples de cette région. Sa vénération pour le dieu Nanna-Sîn lui a causé sa perte. C’est comme si une autorité suprême (Yavhé) détenait le monopole des décisions et avait décidé de changer la situation politique dans cette région. Le règne de Nabonide a marqué un revirement de la suprématie des villes mésopotamiennes sur cette région. Marduk a donné les règnes du pouvoir à Cyrus II et la Perse sera l’un des plus grands et des plus puissants Empires que le Moyen-Orient n’est jamais connu.
desert fathers – the stylites
27 avril, 2016SAINT SYMÉON : QUARANTE ANS SUR UNE COLONNE
27 avril, 2016https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/saint_symeon_quarante_ans_sur_une_colonne.asp
SAINT SYMÉON : QUARANTE ANS SUR UNE COLONNE
Christian Marquant Directeur du Centre international d’histoire religieuse (CIHR)
Les ascètes chrétiens orientaux ouvrirent une bien curieuse voie dans l’exercice de la vie solitaire au Ve siècle, saint Syméon fut ainsi l’initiateur du stylitisme, qui consistait à s’isoler au sommet d’une tour ou d’une colonne. Après sa mort, une efflorescence de constructions jaillit dans le village de Qalat Seeman. Et les pierres aujourd’hui parlent encore du saint homme. Le sanctuaire de Qalat Seeman fut érigé à la fin du Ve siècle en l’honneur de l’un des plus prestigieux ascètes de Syrie, le stylite Syméon. Seule l’histoire de sa vie et de son apostolat pourrait faire comprendre les raisons qui poussèrent des milliers d’hommes à venir en pèlerinage sur le lieu de sa vie. « Syméon le fameux, le grand prodige de la terre habitée » est bien connu grâce à son biographe l’évêque syrien Théodoret de Cyr, l’une des sources les plus fiables de nos connaissances de l’ancien Proche-Orient chrétien. Cependant, bien que connue par ce témoignage de qualité, la vie de Syméon reste si exceptionnelle que même son contemporain hésitait à croire que l’on pourrait donner quelques créances à son récit. « Quant à moi, dit-il, qui ai pour ainsi dire tous les hommes pour témoins, je redoute de faire le récit de sa vie de peur qu’aux gens à venir il ne paraisse une fable totalement dénuée de vérité. Car il y a des choses qui dépassent la nature humaine ». Si cela était exact au Ve siècle, combien cela est encore plus vrai pour un Occidental de la fin du XXe siècle. Et pourtant, ce que dit Théodoret, il affirme le tenir de la bouche même du saint ou de ce qu’il a vu. « Syméon naquit en 389 à Sis, aux confins de la Cilicie et de la Syrie. Ses parents étaient chrétiens et le firent baptiser au berceau. Un jour que la neige avait tenu le troupeau renfermé à l’étable, Syméon accompagna ses parents à l’église et entendit les paroles de l’Évangile qui déclare bienheureux ceux qui pleurent et sont dans le deuil mais traite de malheureux ceux qui rient et nomme digne d’envie ceux qui possèdent une âme pure. Il demanda à une personne qui était là ce qu’il fallait faire pour gagner chacun de ces biens : elle lui suggéra la vie solitaire. « Ayant reçu les germes de la parole divine et les ayant enfouis soigneusement dans les profonds sillons de son âme il courut au sanctuaire des martyrs du voisinage. Là, prosterné, il supplia Celui qui veut sauver tous les hommes de le mener vers le chemin de la piété. S’étant levé il se rendit dans une retraite d’ascète du voisinage. Après avoir passé deux ans en leur compagnie et s’être épris d’une vertu plus parfaite, il se rendit au bourg de Teleda pour entrer au monastère dirigé par l’admirable Héliodore. Syméon passa là dix ans à combatte contre le péché. Il avait quatre-vingts compagnons de lutte et les surpassait tous. « Après avoir passé quelque temps chez ces moines il se rendit au bourg de Telanissos (aujourd’hui Deir Seeman) où il demeura enfermé trois ans. Après cela, il vint occuper ce fameux sommet où il s’enferma dans un espace entouré d’une clôture circulaire. « Les visiteurs venaient donc en nombre incalculable. Tous essayaient de le toucher et de récolter quelques bénédictions. Au début, il trouva ces excès d’honneur déplacés, puis la chose lui causant même une fatigue insupportable il imagina de se tenir debout sur une colonne. Il la fit d’abord tailler de 6 coudées, ensuite de 12 après cela de 22 et enfin de 36… » (ce qui représente une hauteur d’environ 12 mètres). C’est ainsi que débuta sa carrière de « stylite » qui dura 42 ans. Il vécut ainsi jusqu’à sa mort, survenue vraisemblablement le 24 juillet 459.
Un orateur aux étonnants succès L’Égypte avait vu naître à la fin du IVe siècle le monachisme avec saint Antoine, le père des moines. Ce mouvement s’était rapidement développé dans tout l’Orient, mais avait acquis en Syrie des formes et des aspects particuliers dont les stylites confirment le caractère. Les moines syriens, loin de fuir le monde qui les entourait, voulaient pour la plupart d’entre eux rester en contact avec celui-ci et devenir pour leurs frères, comme un levain dans la pâte. Leur vie devait donc concilier l’isolement et la discipline la plus sévère avec la participation la plus directe à toutes les manifestations de la vie temporelle, en contact journalier avec le peuple. Le stylitisme créé par Syméon correspond bien à cet objectif. Pour Syméon, le fait d’être exposé constamment aux regards de la foule était ressenti comme la part la plus notable de sa pénitence. Cependant, celle-ci était liée d’une manière directe à la vocation qu’il avait choisie. Cette vocation s’exprime d’abord par la prédication. «… En plus de sa modestie, il est des plus accessibles, doux, gracieux, répondant à chacun de ceux qui lui adressent la parole, que ce soit un artisan, un mendiant ou un paysan. D’ailleurs, il a reçu du Maître le don de l’enseignement. Deux fois par jour, en donnant ses exhortations, il verse dans les oreilles de ses auditeurs, le flot d’une parole abondante et charmante et leur offre la science de l’esprit divin : il leur recommande de lever la tête vers le ciel, et de prendre leur vol, de se détacher de la terre et de se représenter le Royaume qu’on espère… ». Ce rôle de prédicateur, Syméon l’avait volontairement choisi en installant son enclos, puis sa colonne, non pas en quelque lieu désert pris au hasard, mais en un endroit surplombant directement l’un des plus grands axes de communication de la Syrie du Nord : la route par où d’Apamée on se rend en Asie Mineure, et quotidiennement empruntée par des centaines de paysans, de voyageurs et de pèlerins. Théodoret dit que son apostolat fut particulièrement fécond auprès des Sarrasins, transcription d’un mot grec qui signifie « ceux qui vivaient sous la tente » et qui évoque les nomades arabes qui vivaient nombreux en bordure du désert syrien et qui étaient encore païens au milieu du Ve siècle. «… Ils arrivent par bande de deux cents ou trois cents à la fois, parfois même par mille, ils renient à grands cris leurs erreurs ancestrales, brisant devant ce grand luminaire les idoles qu’adoraient leurs pères, ils participent au mystère divin, acceptent des lois de cette bouche sacrée, disent adieu aux coutumes de leurs pères… » Quotidiennement, ces païens demandent à Syméon de formuler une prière, de trancher un conflit, de guérir un chef malade. Syméon, loin de vivre hors du temps, s’intéresse également à la vie de l’Église et aux grandes querelles du moment : «… Il lutte contre l’impiété des Grecs, pourfend les hérétiques. Un jour il écrit à l’empereur à ce sujet, un autre jour, il exhorte les fonctionnaires à prendre à cœur les intérêts de Dieu, d’autres fois, c’est même aux pasteurs des églises qu’il recommande de prendre plus de soin de leurs troupeaux… »
On se dispute la sainte dépouille Toujours exposé aux regards, Syméon apparaissait aux yeux des foules comme un modèle surhumain de force d’âme et de constance. Tout le jour, il se tenait debout sans abri, exposé à toutes les rigueurs d’un climat souvent redoutable. Dans les grandes solennités, de l’aurore jusqu’au coucher du soleil, il demeurait les mains levées au ciel, sans se laisser vaincre par la chaleur ou la fatigue. « Pour ma part, affirmait Théodoret, je ne crois pas que ce soit sans une particulière disposition de Dieu que s’est produit cette station. C’est précisément pourquoi j’invite les critiques à réfréner leur langue et à ne pas la laisser s’emporter au hasard, mais, à considérer que souvent le Christ a imaginé de telles choses pour le bien des gens trop nonchalants. Il a commandé, par exemple à Isaïe de marcher nu, à Jérémie de se mettre un pagne autour des reins, à Osée de prendre pour femme une prostituée, et d’annoncer ainsi la prophétie aux incrédules. » La gloire de Syméon éclata le jour de ses funérailles. L’évêque d’Antioche Martyrius accourut, accompagné de six évêques et du maître de la milice d’Antioche suivi de six cents soldats pour empêcher qu’on enlevât le corps. La dépouille fut descendue de la colonne et mise dans un cercueil de plomb. C’est à ce moment que se répandit dans le peuple la nouvelle de la mort du stylite. Aussitôt, arrivèrent sur les chameaux les Sarrasins en armes, décidés à s’emparer du corps saint. Mais Ardaburius, le maître de la milice était là avec une force suffisante. Une foule énorme faisait retentir l’air de ses gémissements. On déposa le cercueil sur un char et le cortège se mit en marche, suivi de la foule portant les cierges, de l’encens et chantant des psalmodies. En chemin, le passage de la sainte dépouille provoquait de nombreux miracles. Toute la population d’Antioche se porta à sa rencontre en habits blancs, avec des cierges et des torches. Déposée d’abord dans l’église de Kassianos, elle fut portée un mois après dans la cathédrale. L’empereur byzantin Léon réclama bientôt pour Constantinople ces précieuses reliques, mais les habitants d’Antioche le supplièrent de ne pas les priver de ce trésor : « Notre ville n’a plus de murailles lui dirent-ils, nous l’avons cherché pour nous en tenir lieu et pour nous protéger de ses prières. » L’empereur renonça à son projet pour ne pas indisposer les habitants d’Antioche dont la ville venait d’être détruite par un tremblement de terre. Ce qui semble évident aujourd’hui aux archéologues qui ont travaillé sur le site, c’est que malgré l’ampleur des pèlerinages, aucune construction ne fut réalisée autour de la colonne pendant un quart de siècle tandis qu’il existait déjà deux centres officiels de culte, l’un à Antioche et l’autre à Constantinople. D’un seul coup, vraisemblablement à partir de 476, jaillirent de terre autour de la colonne du stylite, d’immenses constructions : le martyrium cruciforme de saint Syméon qui couvre à lui seul une surface de près de 5 000 mètres carrés, entouré d’un monastère, d’une église et d’un grand tombeau conventuel. Plus au sud, à l’entrée du sanctuaire, c’est un baptistère avec ses annexes qui jaillit du sol. L’ensemble de la construction se réalisa pendant une période très courte.
Sept siècles de pèlerinages chrétiens Cette réalisation n’est pas due à l’initiative des moines de Télanissos, l’importance des sommes requises pour une telle construction dépassant leurs moyens. Elle ne pouvait non plus revenir au clergé d’Antioche qui, possédant les reliques du saint, n’avait aucun intérêt à créer un autre centre de pèlerinage. C’est vers Constantinople qu’il faut se tourner. L’empereur Zénon, très influencé par le stylite Daniel, l’un des anciens disciples de Syméon, avait pensé, par le biais de cette construction, s’attirer les faveurs des populations syriennes. L’érection d’un grand martyrium en l’honneur d’un saint syrien, si populaire dans les provinces orientales et si célèbre dans tout l’empire, peut avoir été conçue comme un moyen d’apaiser les discordes, en Syrie tout particulièrement. L’édifice consiste en un vaste sanctuaire cruciforme bâti autour d’un octogone entourant la colonne de Syméon. L’octogone est formé de huit grands arcs dont quatre basiliques à trois nefs donnant vers les quatre points cardinaux. La basilique orientale plus longue que les autres contient le sanctuaire formé de trois absides saillantes à l’extérieur. La basilique méridionale, servant d’entrée principale, est précédée d’un porche monumental où se répète le décor de l’octogone. Certains archéologues pensent aujourd’hui que cet octogone était autrefois couvert d’une charpente, mais après le tremblement de terre de 528 – qui détruisit complètement Antioche et ébranla vraisemblablement le sanctuaire de saint Syméon – cette couverture ne fut pas restaurée, l’octogone gardant dès lors ce caractère de cour qu’il prit dès le VIe siècle. La forme architecturale, l’idée d’ensemble, vint vraisemblablement d’Antioche. L’octogone et le sanctuaire cruciforme sont d’ailleurs composés d’éléments architecturaux que l’on retrouve dans cette région, même si par ailleurs, l’apparition d’autres éléments décoratifs (riches moulures des archivoltes, colonnes détachées) laisse apparaître que le projet était bien d’origine impériale. C’est à Telanissos d’abord que se regroupaient les pèlerins. Agglomération paysanne à l’origine, le village ne possédait jusqu’au Ve siècle aucune construction monumentale. Déjà très fréquenté durant la vie de saint Syméon, il ne s’organisa pour la réception en masse des pèlerins qu’après sa mort en 459. Les premières auberges qui s’élevèrent sur le bord de la route, encore très modestes et de style rustique, sont de cette période. Les nouveaux quartiers datent de l’ouverture, après 476, du grand chantier. L’afflux de milliers d’ouvriers et l’intense circulation des matériaux de construction et de ravitaillement acheminés par Telanissos vers la colline ont dû transformer le village pendant des années en un grand centre d’hébergement, de commerce et de transport. Sa prospérité et son extension rapide à partir de cette époque sont attestées par le nombre et la qualité des constructions. La fin des gros travaux sur la colline n’arrêta pas son développement. Fut alors bâti le plus ancien couvent conservé dans le village, celui du nord-ouest auquel s’ajouteront au cours du VIe siècle, de nombreux autres bâtiments : couvent, église et hôtelleries. Devenue alors la ville du pèlerinage, elle prit à ce moment son nom actuel de Deir Seeman. Ce sont ces vestiges encore très bien conservés que l’on découvre aujourd’hui. De Telanissos, les pèlerins empruntaient la voie processionnelle qu’aujourd’hui les visiteurs se contentent de descendre… Les portes monumentales qui jalonnent cette voie ne correspondent pas à des enceintes successives précédant un sanctuaire fortifié, mais à des stations ayant chacune leur caractère. L’arc triomphal, à la sortie de Deir Seeman, annonce l’ascension de la montagne, les trois arcs doubles du propylée donnent accès au sanctuaire, une double arcade monumentale permet la traversée des hôtelleries et l’accès au baptistère, enfin un porche à trois arcs marque l’entrée du martyrium. À l’intérieur de l’église, les huit arcs de l’octogone terminent autour de la colonne du saint cette voie triomphale. L’histoire reste muette sur ce qu’il advint du sanctuaire après la conquête musulmane, sans doute fut-il pillé et abandonné. Le pèlerinage, lui, survécut un temps, et les historiens s’accordent à penser que le village de Telanissos continua à accueillir moines et pèlerins au moins jusqu’au XIe siècle. Au Xe siècle, lors de la reconquête byzantine du nord de la Syrie, le sanctuaire fut momentanément restauré et surtout transformé en forteresse. C’est de cette époque que date le mur d’enceinte qui l’entoure encore aujourd’hui et lui a donné son nom moderne : Qalat Seeman – le château de Syméon. Cependant en 1017, après trente-huit ans d’occupation le site fut définitivement abandonné par les Byzantins après qu’il eut été attaqué et pillé par une armée égyptienne. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’époque des croisades, le site était totalement abandonné et que pour de longs siècles, il disparut, à quelques exceptions près, de la mémoire chrétienne. Ainsi au XVIIe siècle la colonne, réduite aujourd’hui à un simple tambour jeté sur le sol, était aux dires de Frantz Ferdinand Von Troilo encore debout. Au XIXe siècle, lorsque pour la première fois il fut reconnu par un visiteur occidental, le marquis de Voguë, il servait de résidence à un prince kurde. Le sanctuaire ruiné n’était plus que l’ombre de sa grandeur passée, abandonné dans une zone semi-désertique. Néanmoins il était parvenu jusqu’à nous comme témoin de la gloire de Syméon.
Christian Marquant Septembre 1988
PAPE FRANÇOIS – 14. JE VEUX LA MISÉRICORDE ET NON LE SACRIFICE ( MT 9,13 )
27 avril, 2016PAPE FRANÇOIS – 14. JE VEUX LA MISÉRICORDE ET NON LE SACRIFICE ( MT 9,13 )
(Je mets la dernière catéchèse avec la traduction en français )
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 13 avril 2016
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous avons écouté l’Évangile de l’appel de Matthieu. Matthieu était un « publicain », c’est-à-dire un percepteur d’impôts pour le compte de l’empire romain, et était considéré pour cela comme un pécheur public. Mais Jésus l’appelle à le suivre et à devenir son disciple. Matthieu accepte et il l’invite à dîner chez lui avec ses disciples. C’est alors que naît une discussion entre les pharisiens et les disciples de Jésus pour le fait que ces derniers partagent leur repas avec les publicains et les pécheurs. « Mais tu ne peux pas aller chez ces gens ! », disaient les pharisiens. Jésus, en effet, ne les éloigne pas, il fréquente même leurs maisons et s’assied à côté d’eux ; cela signifie qu’eux aussi peuvent devenir ses disciples. Et il est tout aussi vrai qu’être chrétiens ne nous rend pas sans péchés. Comme le publicain Matthieu, chacun d’entre nous s’en remet à la grâce du Seigneur en dépit de ses péchés. Nous sommes tous pécheurs, nous avons tous des péchés. En appelant Matthieu, Jésus montre aux pécheurs qu’il ne regarde pas leur passé, leur condition sociale, les conventions extérieures, mais ouvre plutôt les portes à un avenir nouveau. Un jour, j’ai entendu un beau dicton : « Il n’y a pas de saint sans passé et il n’y a pas de pécheur sans avenir ». C’est ce que fait Jésus. Il n’y a pas de saint sans passé, ni de pécheur sans avenir. Il suffit de répondre à l’invitation avec le cœur humble et sincère. L’Église n’est pas une communauté de parfaits, mais de disciples en chemin, qui suivent le Seigneur car ils se reconnaissent pécheurs et ayant besoin de son pardon. La vie chrétienne est par conséquent une école d’humilité qui nous ouvre à la grâce.
Un tel comportement n’est pas compris par celui qui a la présomption de se croire « juste » et de penser être meilleur que les autres. Vanité et orgueil ne permettent pas que l’on reconnaisse avoir besoin de salut, plus encore, ils empêchent de voir le visage miséricordieux de Dieu et d’agir avec miséricorde. Ils sont un mur. La vanité et l’orgueil sont un mur qui empêchent la relation avec Dieu. Pourtant, la mission de Jésus est précisément celle-là : aller à la recherche de chacun d’entre nous, pour panser nos blessures et nous appeler à le suivre avec amour. Il le dit clairement : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades » (v. 12). Jésus se présente comme un bon médecin ! Il annonce le Royaume de Dieu, et les signes de sa venue sont évidents : Il guérit les maladies, libère de la peur, de la mort et du démon. Face à Jésus, aucun pécheur ne doit être exclu — aucun pécheur ne doit être exclu ! — car le pouvoir purificateur de Dieu ne connaît pas de maladies qui ne puissent être guéries ; et cela doit nous donner confiance et ouvrir notre cœur au Seigneur afin qu’il vienne et nous guérisse. En appelant les pécheurs à sa table, il les purifie en les rétablissant dans cette vocation qu’ils croyaient perdue et que les pharisiens ont oubliée : celle d’invités au banquet de Dieu. D’après la prophétie d’Isaïe : « Yahvé Sabaot prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes moelleuses, de vins dépouillés [...] Et on dira, en ce jour-là : Voyez, c’est notre Dieu, en lui nous espérions pour qu’il nous sauve ; c’est Yahvé, nous espérions en lui. Exultons, réjouissons-nous du salut qu’il nous a donné » (25, 6-9).
Si les pharisiens voient chez les invités uniquement des pécheurs et refusent de s’asseoir à côté d’eux, Jésus leur rappelle au contraire qu’eux aussi sont les convives de Dieu. De cette façon, s’asseoir à table avec Jésus signifie être transformés et sauvés par Lui. Dans la communauté chrétienne, la table de Jésus est double : il y a la table de la Parole et il y a la table de l’Eucharistie (cf. Dei Verbum, n. 21). Tels sont les médicaments avec lesquels le Médecin divin nous soigne et nous nourrit. Avec le premier — la Parole — Il se révèle et nous invite à un dialogue entre amis. Jésus n’avait pas peur de dialoguer avec les pécheurs, les publicains, les prostituées… Non, il n’avait pas peur: il aimait tout le monde! Sa Parole pénètre en nous et, comme un bistouri, œuvre en profondeur pour nous libérer du mal qui se niche dans notre vie. Parfois, cette Parole est douloureuse, car elle a des répercussions sur les hypocrisies, elle démasque les fausses excuses, met à nu les vérité dissimulées ; mais dans le même temps, elle illumine et purifie, procure force et espérance, c’est un reconstituant précieux sur notre chemin de foi. L’Eucharistie, pour sa part, nous nourrit de la vie de Jésus et, comme un très puissant remède, de manière mystérieuse, elle renouvelle continuellement la grâce de notre baptême. En nous approchant de l’Eucharistie, nous nous nourrissons du Corps et du Sang de Jésus, pourtant, en venant en nous, c’est Jésus qui nous unit à son Corps !
En concluant ce dialogue avec les pharisiens, Jésus leur rappelle une parole du prophète Osée (6, 6) : « Allez donc apprendre ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice » (Mt 9, 13). En s’adressant au peuple d’Israël, le prophète lui adresse des reproches, car les prières qu’il élevait étaient des paroles vides et incohérentes. Malgré l’alliance de Dieu et la miséricorde, le peuple vivait souvent selon une religiosité « de façade », sans vivre en profondeur le commandement du Seigneur. Voilà pourquoi le prophète insiste : « C’est la miséricorde que je veux », c’est-à-dire la loyauté d’un cœur qui reconnaît ses propres péchés, qui se repent et recommence à être fidèle à l’alliance avec Dieu. « Et non le sacrifice » : sans un cœur repenti toute action religieuse est inefficace ! Jésus applique cette phrase prophétique également aux relations humaines: ces pharisiens étaient très religieux dans la forme, mais ils n’étaient pas disposés à partager leur table avec les publicains et les pécheurs ; ils ne reconnaissaient pas la possibilité d’un repentir et donc d’une guérison ; ils ne mettaient pas la miséricorde à la première place : bien qu’étant de fidèles gardiens de la Loi, ils démontraient qu’ils ne connaissaient pas le cœur de Dieu ! C’est comme si on t’offrait un paquet contenant un cadeau et que toi, au lieu de prendre le cadeau, tu ne t’intéresses qu’au papier dans lequel il est emballé : seulement les apparences, la forme, et pas le noyau de la grâce, du don qui est fait ! Chers frères et sœurs, nous sommes tous invités à la table du Seigneur. Faisons nôtre l’invitation à nous asseoir à côté de Lui avec ses disciples. Apprenons à regarder avec miséricorde et à reconnaître dans chacun d’eux notre hôte. Nous sommes tous des disciples qui avons besoin de faire l’expérience et de vivre de la parole consolatrice de Jésus. Nous avons tous besoin de nous nourrir de la miséricorde de Dieu, car c’est de cette source que jaillit notre salut. Merci !
PRIÈRE DU PÈRE JOSEPH WRESINSKI POUR L’EGLISE CATHOLIQUE
26 avril, 2016PRIÈRE DU PÈRE JOSEPH WRESINSKI POUR L’EGLISE CATHOLIQUE
Voici une Prière-méditation sur le monde des plus pauvres et sur l’Église Catholique « Avons-nous le même Dieu ? » du Père Joseph Wresinski (1917-1988), Prêtre diocésain français fondateur du Mouvement des droits de l’homme ATD Quart Monde.
La Prière du Père Joseph Wresinski « Avons-nous le même Dieu ? » : « La vie des hommes frappés de misère est tellement déconcertante, tellement étrangère à ce qu’on nous a affirmé dans les écrits spirituels, et souvent dans les prônes, qu’il nous est apparu absolument impossible que les pauvres puissent partager notre foi. Il nous a semblé impossible que le Dieu que le pauvre rencontrait, priait et adorait dans cet univers si éloigné, si insoupçonné dans lequel il survit soit le Dieu que nous aimons, que nous adorons. Est-il possible d’avoir un prochain quand on est réduit à être un objet, à être abandonné, à vivre dans la peur en permanence, à vivre sans valeur reconnue, sans rôle, sans statut, vivant constamment dans l’instabilité et l’insécurité, sans avenir, comment, dans cette condition que nous lui avons faite, serait-il un homme comme les autres ? Or « notre Dieu à nous », le Dieu que nous adorons dans nos Eglises, ne peut pas être celui des gens pauvres, puisque justement, notre Dieu est le Dieu de demain, le Dieu de l’avenir, le Dieu de l’espoir. « Notre Dieu à nous » est aussi un Dieu qui sait. Comment un Dieu qui sait, pourrait-il être le Dieu d’hommes que nous avons systématiquement condamnés à ne pas savoir ? Comment ces hommes connaîtraient-ils notre Dieu qui n’est pas le Dieu des ignorants, qui est le Dieu du savoir qui affranchit, le Dieu qui rend libre ? Notre Dieu est liberté. Or, il n’y a pas de liberté, là où il n’y a pas de savoir, pas de connaissances. Vivre au milieu de ce vertige de la misère inadmissible et monstrueuse, amène à comprendre que nous ne connaissons pas ces hommes et qu’ils sont non seulement des inconnus mais qu’il sont, pour nous chrétiens, des inconnaissables. D’ailleurs, nous ne voulons pas être de ceux-là, comme si cette condition-là n’était pas une condition d’Eglise, comme si elle n’était pas possible pour des baptisés. C’est ce refus de partage rencontré un peu partout autour de nous qui nous a fait comprendre la difficulté de l’évangélisation du monde des plus pauvres. Dans cette misère-là que nous réprouvons, « notre Dieu à nous » peut-il exister ? Aujourd’hui, les pauvres ne sont plus évangélisés, ils ne rencontrent plus l’Eglise. Ils sont déçus d’elle autant qu’ils le sont de la société. C’est pourquoi ils ne lui demandent plus rien. Elle n’est pas plus de leur monde que cette société dont ils sont exclus et dont, désespérément, ils souhaitent être reconnus. Pour que l’Eglise soit l’Eglise des pauvres à nouveau, il faudrait revenir en arrière et retrouver la seule et unique voie : « Quitte ce que tu as et va dans un pays que je te montrerai »… va au milieu de ceux qui n’ont rien, de ceux qui pleurent, de ceux qui souffrent, de ceux qui sont épuisés, anéantis, là où ils sont, là où l’Eglise ne pénètre plus. Dans la Parole que nous enseignons, le milieu des exclus ne retrouve pas son expérience et il ne peut donc pas y retrouver Dieu. Dans la vie que lui-même mène, le précaire ne trouve plus de chrétiens ; il ne peut donc plus partager Dieu dans un face à face humain. Comment partager avec l’Eglise si elle est absente de ce monde-là ? L’Eglise a la tâche de les aider à prendre conscience de ce droit à être membres et artisans du Royaume, à reconnaître Dieu tel qu’ils peuvent Le comprendre et non pas tel que nous L’avons compris. Ne sont-ils pas mieux placés que quiconque d’entre nous pour aider l’Eglise à accomplir sa mission d’être l’Eglise en milieu de pauvreté, pour que le plus misérable participe avant tous les autres à ce grand rassemblement de tous qui est le Royaume ? Non, le Royaume ne se fera pas sans eux. Ils en sont les premiers missionnaires, ils en sont les premiers témoins. Plus que d’autres, ils ont partagé l’expérience de la disponibilité du Christ au Golgotha, et plus que d’autres, ils ont espéré la Résurrection. Mais s’il est vrai que les pauvres sont les premiers artisans du Royaume en terre de pauvreté, il est vrai aussi que le chemin pour aller vers eux, pour bâtir avec eux se fera de plus en plus dur et de plus en plus ardu. En quoi Dieu les concerne-t-il encore dans l’état où ils se trouvent ? Comment pourraient-ils trouver Dieu dans un monde dont ceux qui pourraient Le proclamer sont absents ? Comme nous ne partageons plus leur expérience de vie, comme nous ne vivons plus Dieu parmi eux, l’Eglise ne peut plus se faire comprendre par eux. Les exclus ne savent plus de quel Dieu nous leur parlons, ils ne savent pas de quelle Eglise il s’agit. Si nous restons à l’écart de leur vie et de leur milieu nous demeurerons incapables de rencontrer leur Dieu, le Dieu des Evangiles, incapables de leur apporter Jésus-Christ. Nous ne pourrons rien pour leur évangélisation, si nous ne partageons pas leur expérience de vie de misère, qui remet en cause notre propre vie avec Dieu. Il faudra bien que des hommes de l’Eglise viennent partager à nouveau le destin terrestre du misérable si nous voulons que le Dieu des pauvres, que nous avons écartés de notre chemin, soit réellement le Dieu de l’Eglise. Sinon comment aurons-nous jamais un seul Dieu avec les pauvres, un seul Dieu, le nôtre et le leur ? L’Eglise ne pourrait en aucun cas évangéliser les plus pauvres, tant que leur misère demeurerait inconnue et même rejetée, tant que tout ce qu’il y a de Dieu en ce monde de la misère ne concerne pas notre Dieu à nous. Pour aller au Dieu des pauvres, au Seigneur des pauvres, il faut apprendre ce chemin qui nous fera tout quitter. Il nécessite un engagement non pas (seulement) à titre individuel mais en communauté d’Eglise car il s’agit de s’engager non pour un temps mais pour la vie. Il est vrai que nous ne pouvons pas réellement partager la vie des plus pauvres. C’est là le drame pour nous : l’évangile n’est pas proclamé par des hommes dont la vie est liée à celle des pauvres comme la vie du Christ était liée à l’histoire des hommes au milieu desquels il vivait. Mais nous devons leur permettre (au moins) d’avoir confiance en nous, de savoir que nous nous sentons solidaires d’eux. Misérable, tel a voulu être le Christ, tel il a voulu se donner à son Eglise. Mais ce Jésus-Christ misérable et ressuscité, l’Eglise a du mal à le reconnaître, et elle risque de le rencontrer de moins en moins, si elle ne s’engage pas à ce que les plus pauvres eux-mêmes puissent le rencontrer et le révéler. Alors humblement, nous apprendrons des pauvres ce qui est l’essentiel. Nous l’introduirons en nous, nous nous laisserons transfigurer par lui. Alors l’Eglise, connaîtra objectivement, réellement, concrètement, dans la réalité quotidienne, quel est le Dieu des hommes de misère. A ce moment-là, nous pourrions, me semble-t-il, commencer à comprendre l’incompréhensible mystère de la relation de Dieu avec les pauvres. Amen »
Père Joseph Wresinski (1917-1988)
LA PAROLE EN PHILOSOPHIE : LES ANCIENS AVAIENT TOUT DIT
26 avril, 2016http://www.garriguesetsentiers.org/article-2427028.html
LA PAROLE EN PHILOSOPHIE : LES ANCIENS AVAIENT TOUT DIT
(Je ne mets que l’introduction , vous pouvez telecharger tout l’article )
Publié le 13 avril 2006 par Garrigues et Sentiers
SOMMAIRE DE L’ARTICLE
I – LA PAROLE POÉTIQUE
Introduction
- Une parole orale et théâtrale
- Une parole poétique
- La parole d’une catégorie sociale
- Une parole efficace : la mise en ordre du monde ; l’ambiguïté de la parole poétique ; la vérité dans la parole poétique
II – LA PAROLE PHILOSOPHIQUE
Introduction
A – La parole, instrument des rapports sociaux
- La persuasion
- La cohérence
- La parole qui fait naître
B – La parole et le Réel
- La question du réel
- Physique grecque et physique chinoise : la matière ; la mécanique.
III – LA PAROLE THÉRAPEUTIQUE
Un préalable : l’invention de la conscience
A – L’ignorance
B – La faute
C – La souffrance
CONCLUSION
———————————–
INTRODUCTION
Les situations banales sont parfois riches de sens. En voici deux.
Pour la mère (par convention, ne parlons pas du père), l’enfant qu’elle tient dans ses bras balbutie, s’agite, grimace. Le plus souvent, ses gesticulations et mimiques ne sont que rictus et mouvements involontaires. L’enfant a le cri, la mère la parole. Bientôt, sur cette grimace, elle mettra le mot « sourire » et sur ce cri, le mot « faim ». La parole est d’abord un corps à corps. La mise en sens va suivre la mise en chair. En désignant un geste ou un bruit du corps par des paroles, la mère fait accéder le petit d’homme au monde des représentations. Et, un jour, lorsque les mots « faim » ou « sourire » seront les siens, l’homme se distancie et de la faim ou de la satisfaction qu’il ressent et de la mère, qui le nourrit. Ils sont autres, l’autre. Ainsi, la parole de la mère a séparé l’adulte qu’il est de sa contiguïté et de sa continuité avec son monde.
Pour que quelqu’un existe il faut lui parler, le désigner par le nom et dans le corps. On connaît.
Une chambre d’hôpital. D’abord seul, puis une cohabitation. C’était un jeune homme, traumatisé de la route. Il avait perdu l’usage de ses jambes et de sa parole. Je lui parlais. À peine, parfois un léger mouvement de sa tête bandée et, par moment, les larmes du corps qui a trop mal. Je redoublais de paroles : pas d’échos. Ma parole ne faisait pas rencontre. Elle me renvoyait à l’angoisse du non-savoir et, avec le temps, ce mutisme faisait régresser ma propre parole. Certes, autre chose se donnait à entendre, au-delà de la compassion facile et de la gêne rassurante. On connaît aussi, plus ou moins. Benveniste, ici encore, avait vu juste : « Nous parlons à d’autres qui parlent, telle est la réalité humaine ». En d’autres termes, pour que quelqu’un existe, il ne suffit pas qu’on lui parle ; il faut qu’il parle à son tour. Sinon rien ne fait corps, ni histoire. Bien sûr, le corps peut parler, devenir parole. On a tous lu (ou on doit lire) la vie de Helen Keller, aveugle, sourde et muette dès les premiers mois de sa vie et qui, selon l’appréciation de mon fils « a pu être, et être unique, sans parler ».
La communication n’est pas dans la seule formalisation par la parole. Il y a une communication d’outre mots. C’est une évidence largement analysée depuis que, dans le sillage de l’anthropologie et des phénoménologues, les linguistes et les philosophes (Saussure, Jakobson, Chomsky et d’autres), ont ouvert la voie aux théories systémiques. L’accent est mis, dans la relation humaine, sur l’échange analogique, ce qu’il y a de non verbal, plus que sur le message digital, verbalisé. Bien qu’il faille un message, un support formel et informatif, communiquer c’est faire naître la personne non dans les choses mais dans le sens. Ce qui n’est absolument pas une nouveauté.
Essayons de dégager brièvement, dans ce qu’on appelle l’Antiquité, quelques aspects du statut de la parole, c’est-à-dire telle qu’elle a été pensée et pratiquée. Le point de vue (mais il y en a d’autres) est simple et donc réducteur : la parole est cause et signe de ce qu’elle invente, d’une part. Cause (ce qui répond à la question pourquoi et non comment) parce que, sauf dans la métaphore, « le langage des fleurs » par exemple, il n’y a de parole qu’humaine, comme s’évertuent à le dire les philosophes, Descartes en tête, et les paléologues. C’est donc cette parole humaine qui invente et rien d’autre, seul un disant parle et il n’est pas d’autre disant que l’homme disait Aristote. Mais la parole, parce qu’elle fait langage, ne fait pas que se désigner elle-même. Elle est échange sémantique et non seulement le clair-obscur de la pensée consciente ou inconsciente, d’un sujet. Elle recèle toujours la présence d’un « tu » ou d’un « il » qu’elle manifeste, à distance, par son opération même. L’enfant autiste qui ne parle pas, comprend ce qui lui est dit, mais ne comprend pas que l’autre peut comprendre, il ne traite pas, parce qu’il ne le peut, l’autre comme signe. Dès lors, on peut s’interroger sur ce qui est attesté par les productions de la parole humaine, par ce qu’elle dit et invente. Invention n’étant pas ici chimère mais découverte, reconnaissance, voire origine, pour résumer le latin de Cicéron sur le sujet. D’autre part, le statut de la parole est historique, c’est-à-dire connexe des formes sociales de sa circulation. Or, ces formes sont toujours et en quelques façons, hiérarchisées par le juridique, l’économique, le rituel, le mental, les conventions. Dans une classe, le statut de la parole du professeur est d’emblée défini par la profession du locuteur, sa situation dans l’espace de la classe et dans le mental de ses auditeurs ; la parole de celui qui est dans l’agora, le centre, n’est pas celle de l’esclave ; lorsque le Christ ressuscité apparaît à ses disciples, il est « au milieu » d’eux, ce qui voulait déjà tout dire.
Longtemps, les notions de « droit de parole » et de « liberté de parole » ont articulé, dans la typographie même, la dialectique du jeu social, des solidarités et des ruptures symboliques et, bien sûr, le rapport de la loi et du désir. Préciser brièvement le dire de cette parole revient donc à s’interroger sur la manière dont nous avons construit nos représentations, notre monde et finalement une part de la réalité, (une part seulement, car l’équation algébrique et la formule chimique disent aussi la réalité) et, en retour, comment ce que nous avons produit nous construit.
Pour cela, j’évoquerai trois aspects de la parole antique : la parole poétique, philosophique et thérapeutique, celle-ci adossée à celles-là.