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LA PRIÈRE, EXPÉRIENCE DE LA LIBERTÉ (PSAUME 6)
22 mars, 2016https://oratoiredulouvre.fr/predications/la-priere-experience-de-la-liberte-psaume-6.php
LA PRIÈRE, EXPÉRIENCE DE LA LIBERTÉ (PSAUME 6)
Culte du dimanche 23 juin 2013 à l’Oratoire du Louvre, prédication du pasteur James Woody
Chers frères et sœurs, il y a une multitude de récits guerriers dans la Bible qui font une large place aux massacres, aux coups fourrés et qui sont autant d’entorses à la morale. Que viennent faire toutes ces batailles dans un livre dont on aimerait qu’il ne contienne que des paroles de paix et d’harmonie, des hymnes à l’amour, des chants d’allégresse ? Je pense que tous ces récits ont leur place dans ce compagnon de vie qu’est la Bible. Pour que la Bible soit un compagnon de route utile, il faut, certes, qu’elle soit capable de donner plus d’ampleur aux bons moments, mais il faut qu’elle soit capable, également, de nous aider à traverser les mauvaises passes, ces moments où nous errons dans les vallées où planent l’ombre de la mort. C’est en abordant de front ces mauvais moment de la vie que la Bible peut nous être d’un précieux secours et c’est la raison pour laquelle je pense qu’il ne faut pas s’émouvoir outre mesure qu’il y ait tant d’horreur dans les textes bibliques : c’est que la vie, par bien des aspects, est assez horrible. Ainsi, les textes bibliques ont leur place sur les champs de bataille, qu’il s’agisse de guerres armées ou des conflits auxquels nous devons faire face au jour le jour. Pour prendre le cas le plus radical, celui de la guerre au sens militaire du terme, la Bible a été utilisée pour donner des mots à ces soldats qui étaient affrontés à l’indicible. Si nous prenons l’exemple de la première guerre mondiale, vous serez en droit de dire que les prières n’étaient pas théologiquement correctes. La haine de l’autre se versait dans ces prières au même débit que la mitraille. C’était un temps où l’on bénissait les canons pour qu’ils visent juste. Quelques années après, les aumôniers militaires de l’époque étant devenus professeurs de théologie, on aurait pu imaginer que les mentalités avaient changé et que, plus jamais, on ne demanderait à Dieu de prendre part à la violence du combat. En juillet 1942, lorsque l’aspirant Zirnheld, un SAS, fut tué en Lybie, on retrouva sur lui cette prière ainsi formulée :
Je veux l’insécurité et l’inquiétude. Je veux la tourmente et la bagarre, Et que vous me les donniez, mon Dieu, Définitivement. Que je sois sûr de les avoir toujours Car je n’aurai pas toujours le courage De vous les demander.
Ce sont les mots de cette prière désormais intitulée « prière des paras » qui ont été utilisés pour les hymnes actuels de l’Etat Major Inter-Armes et le 8ème RPIMa. « Je veux l’insécurité et l’inquiétude. Je veux la tourmente et la bagarre »… voilà des demandes pas très évangéliques, des demandes qui font froid dans le dos. Nous sentons bien que ce n’est pas ce qu’il faudrait demander à Dieu et pourtant… le livre des prières de la Bible, le livre des Psaumes, ne résonne-t-il pas de ces mêmes demandes ? Ne résonne-t-il pas de ces mots a priori pas très évangéliques et qui, pourtant, ont été retenus comme des mots et des prières dignes de figurer dans la Bible ? « Je les hais d’une haine parfaite, ils sont pour moi des ennemis » au psaume 139, « Toi, Eternel, Dieu des armées, Dieu d’Israël, lève-toi pour intervenir contre toutes les nations ! Ne fais grâce à aucun de ces traîtres injustes ! » au psaume 59, « enfonce ton pied dans le sang et que la langue de tes chiens ait sa part des ennemis » au psaume 68, « que leur route soit ténébreuse et glissante et que l’ange de l’Eternel les poursuivent, ceux qui méditent mon malheur » au psaume 35 et les psaume 94, dans lequel un croyant dit : « Dieu des vengeances, Eternel ! Dieu des vengeances, parais dans ta splendeur ! »…
1. on peut tout dire à Dieu Il y a le meilleur et le pire dans la Bible : ce qui nous fait rêver et ce qui nous réveille en nage. Le livre des prières de la Bible n’est pas exempt, non plus, de toutes ces phrases terribles qui expriment des sentiments de violence, de vengeance, de haine… avec le psaume 6 dont les mots sont moins durs, tous ces psaumes nous montrent qu’il est possible de tout dire à Dieu. Et sans fioriture. La prière n’est pas le moment où il faut dire des choses justes sur Dieu mais le moment on l’on dit à Dieu des choses justes sur soi. Et si ces choses sont terribles, il n’y a pas de raison de les dissimuler sous de belles formules consacrées. Le livre des psaumes nous apprend à prier en laissant de côté les formules rituelles, les formules toutes faites, qui sont théologiquement justes mais qui ne disent peut-être pas exactement ce que l’on a vraiment sur le cœur. Le livre des psaumes est cette école de la prière où l’on apprend qu’il est possible de tout dire à Dieu. On ne s’adresse pas à Dieu pour lui dire ce qu’on imagine qu’il aimerait entendre : on lui parle pour lui exprimer ce que l’on pense vraiment, ce que sont nos sentiments profonds. Cela signifie qu’une prière authentique est forcément unique en son genre. Si la prière est le dialogue entre une personne et Dieu, ce qui s’y dira sera forcément singulier. C’est pour cela que la prière est d’abord un acte individuel. C’est seul, dans un face à face avec le divin, autrement dit en plaçant notre existence face à l’absolu, que les choses peuvent honnêtement se dire. Parce que nous sommes uniques, notre vérité est unique et notre prière le sera aussi, nécessairement. En soi, la prière communautaire a toujours un caractère artificiel parce qu’elle gomme ces aspérités qui sont propres à chacun, depuis la manière que nous avons de nommer Dieu dans l’intimité, jusqu’à la manière de dire ce qu’on a à dire. Les Psaumes nous autorisent à sortir des prières rituelles toutes faites et nous invitent à nous exprimer en toute liberté. On est mal, on transpire de tristesse, on se sent usé : à la manière du psaume 6, nous pouvons dire tout cela dans notre prière et plus encore. Nous n’en pouvons plus, il y en a marre, on a envie de vomir tellement la vie nous écœure ? Notre vérité est bonne à dire. C’est alors que la prière est l’apprentissage de la liberté.
2. Il faut laisser Dieu nous répondre En contrepartie, il faut aussi laisser à Dieu la liberté de nous répondre. Nous pouvons tout lui dire, mais encore faut-il accepter de tout entendre en retour. Les psaumes nous apprennent que Dieu n’est pas sourd à nos prières ou, pour être plus précis, que notre prière ne reste pas sans effet, qu’elle ne laisse pas le monde indemne. Ici, le psalmiste affirme que Dieu a entendu ses pleurs, ses supplications. Le psalmiste ne dit pas ce que Dieu lui a répondu, il ne répète pas ce qu’il a compris de la réponse de Dieu. Il dit juste qu’il a perçu que sa prière avait trouvé un écho auprès de Dieu. Ce qu’il a pleuré est désormais à l’œuvre dans le cours de l’histoire. De la même manière que chaque prière est unique, la réponse ou les éléments de réponse que l’Eternel offrira seront eux aussi uniques ! Les psaumes nous apprennent que l’Eternel ne répond pas nécessairement en nous apportant ce que nous lui demandons. Lorsque la mort de l’adversaire est souhaitée, c’est plutôt la libération du psalmiste qui est offerte. Il y a souvent un déplacement entre la demande et l’exaucement. L’exaucement ne consiste pas dans une réponse symétrique à notre demande, mais dans une évolution de la situation dans laquelle nous nous trouvons. La prière ne nous fait pas retrouver l’être perdu, par exemple, mais elle transforme l’absence insupportable en nous rendant capable d’une forme de présence au monde renouvelée. Un jour une petite fille rentre à la maison avec un air plutôt maussade. Sa mère lui demande ce qu’elle a. Elle répond qu’une amie vient de casser sa poupée. Sa mère lui demande ce qu’elle a fait pour aider son amie, si elle l’a aidée à réparer la poupée. Et la petite fille lui répond que ce qu’elle a fait, c’est de s’asseoir à côté d’elle, et qu’elle l’a aidée à pleurer. Il semble que, bien souvent, c’est ainsi que la prière agit : elle nous permet de faire une place à celui qui vient à nous, comme un ami qui viendrait s’asseoir à côté de nous pour nous aider à pleurer, pour que tout sorte, pour que nous exprimions plus encore ce que nous avons au fond de nous. Répondre, ce n’est pas forcément donner une solution à un problème. Il suffit de relire ce que le livre de Job dit au sujet de ses amis pour comprendre cela.
3. Dieu retisse en nous l’espérance La prière, c’est une occasion de pouvoir tout dire à Dieu, de mettre en pleine lumière ce qui nous interroge ou ce qui nous fait mal. La prière c’est aussi laisser à l’Eternel la liberté de répondre comme il le souhaite et non comme je le souhaite. C’est accepter que ce qui sera bon pour moi n’est pas nécessairement ce que j’avais envisagé. Quelle que soit la forme de cette réponse, elle a toujours un même objectif : retisser en nous l’espérance qui nous permettra de reprendre pied dans la vie. Les méchants ne sont pas terrassés devant le psalmiste. D’ailleurs, il est fort possible que les ennemis du psalmiste ne soient pas des personnes mais des soucis, des tracas, des ennuis. Preuve en est que le psalmiste demandait à Dieu de le guérir, au verset 3 ; il est donc probable qu’il se sente malade et que l’adversité à laquelle il doit faire face soit une maladie, peut-être une dépression. Dieu a répondu au psalmiste, mais Dieu ne l’a pas guéri. Il a mis de la distance entre lui et l’adversité qui le rongeait. Dieu a mis de la distance entre le psalmiste et sa détresse qui va reculer, ainsi que nous le lisons au dernier verset. Nous ne savons pas ce que fut précisément la réponse de Dieu car il n’y a pas un mode unique de réponse à la prière. En revanche, nous voyons l’effet de la prière : ce qui semblait être une situation inextricable, ce qui apparaissait comme un malheur irrémédiable, s’est fissuré. L’espérance gagne à nouveau le cœur du croyant qui découvre un nouvel horizon, un nouvel espace. Une vie est à nouveau possible. L’adversité n’a pas disparu, mais elle n’a plus l’emprise que supposait le psalmiste. Dieu n’a pas écrasé l’adversité qui écrasait le croyant : il a révélé au croyant que l’adversité n’avait pas la force qu’on voulait bien lui prêter, que le malheur n’était pas insurmontable. Désormais, ce ne sont plus ses os qui tremblent mais ce qui était la cause de ses ennuis. La prière permet à Dieu de remettre les choses à leur place, de remettre de l’ordre dans la vie, dans notre propre vie. Chers frères et sœurs, on peut tout demander à Dieu. On peut lui demander « l’insécurité et l’inquiétude. On peut lui demander la tourmente et la bagarre », on peut vider son sac sans rien retenir, mais on doit aussi laisser à l’Eternel le soin de nous donner ce qui est bon pour nous, et accepter ce qu’il convient de faire de notre violence, de notre haine, de nos tristesses, non pas en fonction de notre humeur du moment, mais en fonction de ce qui est un bien absolu. C’est ainsi que nous pouvons permettre à l’Eternel de retisser en nous l’espérance.
Amen
LE PRIVILÈGE DE LA LIBERTÉ
22 mars, 2016http://www.info-bible.org/perrier/privileg.htm
LE PRIVILÈGE DE LA LIBERTÉ
Inspiré par l’esprit de l’Evangile, la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen rappelle l’importance de la liberté individuelle. Ce droit essentiel, auquel tout être humain aspire, est affirmé dès l’article premier : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits…! » Est-il, en effet, privilège plus grand que celui d’être libre ? Jean Jacques Rousseau l’affirmait déjà dans son Emile : « Le premier de tous les biens, c’est la liberté ». En France, nous appartenons à un petit nombre de pays – pas plus d’une trentaine au monde, paraît-il? – où la démocratie est un acquis difficilement renégociable. C’est grâce à elle, plus qu’à la Déclaration des Droits de l’Homme, que nous jouissons de libertés individuelles et collectives inestimables ; libertés que nous envient, du reste, beaucoup d’autres pays. Mais sommes-nous bien conscients du privilège que nous avons? Nous en jouissons pourtant tous les jours et de multiples manières. Il y a, par exemple, la liberté de circuler! Nous pouvons sortir de chez nous, marcher ou rouler où bon nous semble, profiter de la nature aux multiples facettes, sans que nous soyons aucunement inquiétés par les autorités. Tel n’est pas le cas pour une foule de peuples aujourd’hui. On peut évoquer ici la trop célèbre devise, celle de Hô Chi Minh qui, en son temps, était écrite en lettres rouges sur tous les murs des bâtiments publics du Vietnam : « Il n’y a rien de plus précieux que l’indépendance et la liberté » ; ce qui faisait dire aux Vietnamiens, en catimini : « La liberté est trop précieuse ; c’est pourquoi on ne nous en donne qu’un tout petit peu…! » Pouvoir se déplacer sans avoir à demander une autorisation, sans avoir à être pourvu d’un laisser passer, sans être surveillé ou suivi, nous semble naturel… c’est pourtant un privilège! Il y a aussi la liberté de s’exprimer! Nous y sommes tellement habitués que nous n’en mesurons pas l’importance. Bien entendu, cette liberté là se doit d’avoir quelques limites que le respect d’autrui, heureusement, nous impose ; et la loi est là pour nous le rappeler. Montesquieu ne le disait-il pas : « La liberté est le droit de faire ce que les lois permettent! » Mais affirmer librement ce qu’on pense, sans risquer d’être dénoncé et poursuivi, comme aux heures les plus sombres de l’occupation, lors de la dernière guerre mondiale ; ne pas avoir à parler à mots couverts, en glissant un regard ici et là pour s’assurer qu’on n’est pas épié… quel privilège! Certains, hélas, ne se gêne pas pour abuser de se privilège ; ils se permettent de dire et de publier tout et n’importe quoi, étalant sur la place publique « les choses honteuses qui se font en secret », comme le dit la Bible. C’est, là encore, l’expression de la liberté, même si sur ce point, on ne cesse d’en user et d’en abuser. Il y a encore la liberté de conscience! Elle est inscrite dans notre Constitution française et nous oublions trop souvent d’en mesurer les avantages. Elle représente pourtant l’un des biens les plus précieux que puisse posséder la conscience humaine. On peut, bien sûr, regarder ce privilège sous un aspect négatif, dans le sens ou chacun est libre de croire en qui il veut et ce qu’il veut, permettant l’invasion de toutes les sectes possibles. Mais pour le chrétien, quel privilège que de pouvoir librement croire en Dieu, en JésusChrist, en la vérité révélée par la Bible, sans être inquiété, pourchassé, comme le furent les huguenots aux heures les plus sombres de notre histoire de France. Cette liberté là n’a pas de prix! Et puis, il y a encore tant d’autres libertés dont nous pourrions parler! La liberté de vote pour tous ; la liberté de travailler… pour autant qu’il y ait, bien sûr, assez de travail pour chacun ; la liberté, pour ceux qui ont la santé, de pouvoir pratiquer leurs sports favoris ; la liberté, pour ceux qui en ont les moyens, de s’offrir tous les loisirs qu’ils veulent. La liberté d’acheter et de vendre, avec cette grande liberté de choix que nous avons en tout et pour tout, nous qui vivons dans une société d’abondance et qui, malheureusement, oublions si souvent d’être reconnaissants pour tous ce que nous avons à notre disposition. D’autant que nous savons bien que pour les habitants de beaucoup de pays, la liberté, toutes les libertés manquent cruellement. Et pour beaucoup d’autres où il y a abondance de biens, le bonheur n’est pas forcément au rendez-vous de leur libertés. Monsieur de La Fontaine écrivait dans la morale de sa fable : Le cheval s’étant voulu venger du Cerf, « Hélas! Que sert la bonne chair quand on n’a pas la liberté! » On pourrait ainsi longtemps épiloguer sur le privilège d’être des êtres libres. Or, ce que nous oublions peut-être encore plus facilement, c’est que notre liberté s’arrête aussi là où commence celle des autres. Il n’y a donc pas de « liberté » sans limites, celles du respect d’autrui, en particulier et, avant cela, celle du respect de l’auteur de la liberté : Dieu lui-même! Or c’est bien avec Lui que l’on peut connaître La vraie liberté! Jésus-Christ est venu dans le monde afin de nous faire connaître le plein sens de la liberté. Il a dit : « Quiconque se livre au péché est esclave du péché …Si le fils vous affranchit, vous serez réellement libres » (Jean 8 : 34 et 36). Parce que toute forme de liberté débridée devient rapidement licence, Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est venu mettre de l’ordre dans nos valeurs et nous révéler quelle est l’emprise de l’esclavage du péché, racine de tout débordement. C’est là ce que tout chrétien est invité à vivre en Lui, le Christ! Disons même que c’est en cela que réside la véritable vie chrétienne. L’apôtre Paul en parle comme de « la liberté glorieuse des enfants de Dieu » (Rom. 8 : 21). Seulement voilà! Le chrétien, lui aussi, peut abuser de sa liberté chrétienne. C’est ce que faisaient certains, déjà du temps de l’apôtre, qui écrivait aux Corinthiens de ne pas profiter de leur liberté pour faire tout et n’importe quoi : « Prenez garde que votre liberté ne devienne une pierre d’achoppement pour les faibles » ( 2 Cor. 8 : 9). Alors, pensons aux autres autour de nous. Ne vivons pas en égoïstes, même lorsque nous considérons que nous sommes dans nos droits. La charité chrétienne doit présider à nos désirs et à nos motivations de façon à ne faire de tort à personne. Aux Galates, Paul affirmait aussi : « C’est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude… Frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement, ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair… » (Gal. 5 : 1 et 13). Ces chrétiens se croyaient supérieurs aux autres chrétiens parce qu’ils continuaient à observer scrupuleusement la loi judaïque. Forts de leur bonne conscience, ils se permettaient certaines choses qui n’avaient plus rien à voir avec le fruit du Saint-Esprit. La chair avait vite repris le dessus sans qu’ils en aient conscience. C’est ce que l’apôtre Pierre rappellera aussi en écrivant sa première lettre aux chrétiens dispersés : « C’est la volonté de Dieu qu’en pratiquant le bien, vous réduisiez au silence les hommes ignorants et insensés, étant libres, sans faire de la liberté un voile qui couvre la méchanceté, mais agissant comme des serviteurs de Dieu! (1 Pi. 2 : 15 – 16). Il y aurait, certes, encore beaucoup à dire la dessus, quant à notre façon de parler et d’agir entre chrétiens, si souvent en désaccord avec la vérité que nous professons, mais que nous assenons sans amour. Une saine réflexion sur la question devrait permettre à chacun de mettre de l’ordre dans ses pensées et dans ses actes, si nécessaire. Laissons donc le Saint-Esprit oeuvrer en nous de façon à faire l’application pratique qui s’impose, pour que nous vivions une vie chrétienne normale. Seul ce travail de l’Esprit de Dieu dans nos coeurs peut nous éviter de tomber dans les si nombreux pièges que l’ennemi nous tend. Si le Saint-Esprit nous remplit et nous conduit ainsi, nous connaîtrons la vraie liberté : celle qui nous affranchit du péché et non de Dieu, et qui est plus précieuse que toutes les autres. Souvenons-nous de ce que dit la Bible : « Le Seigneur, c’est l’Esprit ; et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté! » (1 Cor. 3 : 17). Quel grand privilège, le plus grand alors, que celui de devenir enfant de Dieu par la foi en Jésus-Christ et de recevoir le Saint-Esprit pour vivre, et pour vivre vraiment libre, à la gloire de Dieu !
BENOÎT XVI – LE TRIDUUM PASCAL (2008)
21 mars, 2016http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080319.html
BENOÎT XVI – LE TRIDUUM PASCAL
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 19 mars 2008
Chers frères et sœurs,
Nous sommes à la veille du Triduum pascal. Les trois prochains jours sont couramment appelés « saints » car ils nous font revivre l’événement central de notre Rédemption; ils nous renvoient en effet au noyau essentiel de la foi chrétienne: la passion, la mort et la résurrection de Jésus Christ. Ce sont des jours que nous pourrions considérer comme un jour unique: ils constituent le cœur et le point fondamental de toute l’année liturgique comme de la vie de l’Eglise. Au terme de l’itinéraire quadragésimal, nous nous apprêtons nous aussi à entrer dans le climat même dans lequel Jésus a vécu à Jérusalem. Nous voulons réveiller en nous la mémoire vivante des souffrances que le Seigneur a endurées pour nous et nous préparer à célébrer avec joie, dimanche prochain « la vraie Pâque, que le Sang du Christ a couverte de gloire, la Pâque lors de laquelle l’Eglise célèbre la Fête qui est à l’origine de toutes les fêtes », comme dit la préface pour le jour de Pâques dans le rite de saint Ambroise. Demain, Jeudi Saint, l’Eglise fait mémoire de la Dernière Cène au cours de laquelle le Seigneur, la veille de sa passion et de sa mort, a institué le sacrement de l’Eucharistie et celui du sacerdoce ministériel. Lors de cette même nuit, Jésus nous a laissé le commandement nouveau, « mandatum novum », le commandement de l’amour fraternel. Avant d’entrer dans le Saint Triduum, mais déjà en lien étroit avec lui, dans chaque communauté diocésaine aura lieu, demain matin, la messe chrismale, au cours de laquelle l’évêque et les prêtres du presbyterium diocésain renouvellent les promesses de l’ordination. Sont également bénies les huiles pour la célébration des sacrements: l’huile des catéchumènes, l’huile des malades et le saint chrême. C’est un moment particulièrement important pour la vie de chaque communauté diocésaine qui, rassemblée autour de son pasteur, ressoude son unité et sa fidélité au Christ, unique Grand Prêtre Eternel. Le soir, au cours de la messe in Cena Domini, on fait mémoire de la Dernière Cène, quand le Christ s’est donné à nous tous comme nourriture de salut, comme remède d’immortalité: c’est le mystère de l’Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. Dans ce sacrement de salut, le Seigneur a offert et réalisé pour tous ceux qui croient en Lui, l’union la plus profonde possible entre notre vie et la sienne. Avec le geste humble et combien expressif du lavement des pieds, nous sommes invités à rappeler ce que le Seigneur fit à ses apôtres: en leur lavant les pieds il proclama concrètement la primauté de l’amour, l’amour qui se fait service jusqu’au don de soi, anticipant ainsi également le sacrifice suprême de sa vie qui se consumera le lendemain sur le Calvaire. Selon une belle tradition, les fidèles terminent le Jeudi Saint par une veillée de prière et d’adoration eucharistique pour vivre plus profondément l’agonie de Jésus à Gethsémani. Le Vendredi Saint est la journée qui fait mémoire de la passion, de la crucifixion et de la mort de Jésus. Ce jour-là la liturgie de l’Eglise ne prévoit pas la célébration de la messe, mais l’assemblée chrétienne se recueille pour méditer sur le grand mystère du mal et du péché qui oppriment l’humanité, pour parcourir à nouveau, à la lumière de la Parole de Dieu et avec l’aide de gestes liturgiques émouvants, les souffrances du Seigneur qui expient ce mal. Après avoir écouté le récit de la passion du Christ, la communauté prie pour tous les besoins de l’Eglise et du monde, adore la Croix et communie, en consommant les hosties conservées lors de la messe in Cena Domini du jour précédent. Comme invitation supplémentaire pour méditer sur la passion et la mort du Rédempteur et pour exprimer l’amour et la participation des fidèles aux souffrances du Christ, la tradition chrétienne a institué diverses manifestations de piété populaire, processions et représentations sacrées, qui visent à imprimer toujours plus profondément dans l’âme des fidèles des sentiments de participation véritable au sacrifice rédempteur du Christ. Parmi elles figure la Via Crucis, exercice de piété qui, au fil des années, s’est enrichi de multiples expressions spirituelles et artistiques liées à la sensibilité des diverses cultures. Dans de nombreux pays, des sanctuaires portant le nom de « Calvaire » ont ainsi été fondés, vers lesquels on monte par un chemin escarpé qui rappelle le chemin douloureux de la Passion, pour permettre aux fidèles de participer à l’ascension du Seigneur vers le Mont de la Croix, le Mont de l’Amour poussé jusqu’à l’extrême. Le Samedi Saint est marqué par un profond silence. Les Eglises sont dépouillées et aucune liturgie particulière n’est prévue. Attendant le grand événement de la Résurrection, les croyants persévèrent avec Marie dans l’attente, en priant et en méditant. Nous avons en effet besoin d’un jour de silence pour méditer sur la réalité de la vie humaine, sur les forces du mal et sur la grande force du bien issue de la Passion et de la Résurrection du Seigneur. Une grande importance est accordée, en ce jour, à la participation au sacrement de la réconciliation, chemin indispensable pour purifier le cœur et se préparer à célébrer la Pâque, profondément renouvelés. Nous avons besoin, au moins une fois par an, de cette purification intérieure, de ce renouvellement de nous-mêmes. Ce samedi de silence, de méditation, de pardon, de réconciliation, débouche sur la Veillée pascale, qui introduit dans le dimanche le plus important de l’histoire, le dimanche de la Pâque du Christ. L’Eglise veille près du feu nouveau, béni, et médite la grande promesse, contenue dans l’Ancien et le Nouveau Testament, de la libération définitive de l’ancien esclavage du péché et de la mort. Au cœur de la nuit, le cierge pascal, symbole du Christ qui ressuscite glorieux, est allumé à partir du feu nouveau. Le Christ, lumière de l’humanité, dissipe les ténèbres du cœur et de l’esprit et illumine tout homme qui vient dans le monde. Près du cierge pascal résonne dans l’Eglise la grande annonce pascale: le Christ est vraiment ressuscité, la mort n’a plus aucun pouvoir sur Lui. Par sa mort il a vaincu le mal pour toujours et a donné à tous les hommes la vie même de Dieu. Selon une ancienne tradition, au cours de la Veillée pascale, les catéchumènes reçoivent le baptême, pour souligner la participation des chrétiens au mystère de la mort et de la résurrection du Christ. A partir de la merveilleuse nuit de Pâques, la joie, la lumière et la paix du Christ se répandent dans la vie des fidèles de chaque communauté chrétienne atteignant tous les points de l’espace et du temps. Chers frères et sœurs, en ces jours uniques, orientons résolument notre vie vers une adhésion généreuse et convaincue aux desseins du Père céleste; renouvelons notre « oui » à la volonté divine comme l’a fait Jésus avec le sacrifice de la croix. Les rites suggestifs du Jeudi Saint, du Vendredi Saint, le silence riche de prière du Samedi Saint et la Veillée pascale solennelle nous offrent l’opportunité d’approfondir le sens et la valeur de notre vocation chrétienne qui naît du Mystère pascal et de la concrétiser en nous mettant fidèlement à la suite du Christ en toute circonstance, comme Il l’a fait, jusqu’au don généreux de notre vie. Faire mémoire des mystères du Christ signifie aussi vivre dans une adhésion profonde et solidaire au moment présent de l’histoire, convaincus que ce que nous célébrons est une réalité vivante et actuelle. Portons donc dans notre prière les faits et les situations dramatiques qui, ces jours-ci, affectent un grand nombre de nos frères dans toutes les régions du monde. Nous savons que la haine, les divisions, la violence, n’ont jamais le dernier mot dans les événements de l’histoire. Ces jours réaniment en nous la grande espérance: le Christ crucifié est ressuscité et a vaincu le monde. L’amour est plus fort que la haine, il a vaincu et nous devons nous associer à cette victoire de l’amour. Nous devons donc repartir du Christ et travailler en communion avec Lui pour un monde fondé sur la paix, sur la justice et sur l’amour. Dans cet engagement, qui nous concerne tous, laissons-nous guider par Marie qui a accompagné son divin Fils sur le chemin de la passion et de la croix et a participé, avec la force de la foi, à l’accomplissement de son dessein salvifique. Avec ces sentiments, je vous présente d’ores et déjà mes vœux les plus cordiaux de joyeuse et sainte Pâque à vous tous, à ceux qui vous sont chers et à vos communautés.
MEDITATION SUR LES RAMEAUX ET LA SEMAINE SAINTE
21 mars, 2016MEDITATION SUR LES RAMEAUX ET LA SEMAINE SAINTE
25 mars 2013
Chaque année, nous fêtons la fête des Rameaux, et chaque année, nous entendons ce long et beau récit de la Passion de Jésus. Chaque année, nous sommes invités à contempler ce Dieu qui s’est fait homme, ce Dieu qui a vécu comme un homme, connaissant tout de nos joies et de nos tristesses, vivant notre vie, vivant même jusqu’à notre mort. Jésus entre dans les hourras à Jérusalem, il y entre avec détermination, même s’il sait que cela va être le lieu de sa mort. Jésus ne va pas faire semblant, il ne va pas se dérober, Jésus va vraiment venir nous rejoindre dans la mort, dans chacune des morts de notre vie… Vous savez, ces morts qui jalonnent le long de notre vie : pas seulement des décès de proches, mais aussi une maladie, une séparation, la perte d’un emploi, les actes que nous pouvons commettre et qui pèsent sur notre cœur, la tristesse… tout cela ce sont des petites morts de notre âme, des choses parfois très lourdes qui nous font dire que la vie est dure, qu’elle est compliquée, et qui peuvent nous faire poser cette question « à quoi bon vivre cette vie ? » Quel sens peut-elle avoir, une vie comme cela ? Une vie où je subis telle ou telle injustice, une vie où j’ai des difficultés à avancer. Quel sens, quelle promesse peut-il y avoir dans une vie quand elle est blessée ? Ce que Dieu nous rappelle dans l’Évangile que nous venons d’entendre, c’est qu’il n’y a aucune vie qui ne soit pas blessée. Ce que Dieu nous révèle dans l’Évangile que nous entendre ce qu’il n’est pas de vie blessée, c’est qu’il n’y a pas de blessures dans notre vie qui ne soit pas rejointe par le Christ. En étant frappé, jugé, condamné, dénoncé, trahi, tué, Jésus vient, avec la faiblesse d’un homme, avec la force de Dieu, Jésus vient prendre sur lui nos blessures, il vient prendre sur lui nos croix, ce qui est trop lourd à porter dans notre vie, Jésus le prend sur lui pour l’amener jusqu’au lieu où par sa mort il détruira la mort. La croix semble être un échec, mais c’est en fait un signe éclatant d’une victoire. C’est un signe de fierté pour nous chrétiens de porter sur nous la croix du Christ, car c’est le lieu même où le Christ a sauvé le monde, c’est le lieu même où le Christ a sauvé les hommes. En mourant, Jésus rejoint les hommes dans leur ultime détresse ; le Christ prend toute l’humanité dans ses mains pour la présenter à Dieu notre Père. Et la réponse de Dieu le Père, ce sera de ressusciter Jésus au matin de Pâques, de le relever de cette mort, de le relever de cette chute, de le relever de cette détresse, mais pas Jésus seul, Jésus et à sa suite toute l’humanité, chacun d’entre nous. Dans le texte que nous avons entendu avant l’Evangile, Saint-Paul parlait du Christ et fait un résumé de la vie du Christ en deux mouvements, un premier mouvement vers le bas : « Jésus se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Il s’abaissa jusqu’à mourir, à mourir sur une croix. » Un second mouvement vers le haut : « C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout, afin que toute langue proclame que Jésus-Christ est le Seigneur ». En suivant ces deux mouvements, en vivant son chemin de croix, Jésus a vécu un passage vers la vie nouvelle, en nous entrainant à sa suite. C’est ce que signifie cette Semaine Sainte qui s’ouvre aujourd’hui et qui nous conduira jusqu’à la grande fête de Pâques. La Semaine Sainte signifie bien que la vie est un passage, un passage dans lequel nous pouvons trouver en Dieu la force de vivre, dès maintenant, de la vie éternelle. Pour nous accompagner dans notre vie, dans les difficultés dont je parlais tout à l’heure, Dieu nous donne des signes de sa présence, par telle ou telle personne qui prend soin de nous, par tel ou tel geste ou parole que nous avons reçu et qui nous aide à tenir bon dans l’épreuve. Dans nos difficultés, Dieu se fait attentif à notre prière, il y répond toujours avec ce qu’il y a de meilleur pour nous. Lorsque nous allumons un cierge dans une église, lorsque nous venons aujourd’hui chercher des rameaux, lorsque nous sommes désireux de communier, et donc de recevoir le corps du Christ, Dieu se donne à nous, il répond par son amour à notre soif de justice et de paix. Il n’est jamais trop tard pour nous de nous lever et de décider de marcher à la suite de Dieu, comme chrétien. La vie chrétienne est une pratique… jour après jour on apprend à être chrétien, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui cherchent à vivre de l’amour du bon Dieu ici et maintenant, en faisant attention aux autres, à Dieu, et à nous-mêmes. Il n’est jamais trop tard pour nous d’ouvrir notre cœur à la foi, cette foi qui nous permet de tenir la main du Christ dans les jours de bonheur comme dans les jours d’épreuves, dans la santé comme dans la maladie. Aujourd’hui, Dieu nous propose d’entrer à sa suite dans sa Pâques, vers un changement de vie. Gardons le cœur ouvert à cette Bonne Nouvelle, et suivons-le avec confiance. Thomas Poussier
Via Crucis, La Spoliation, El Greco (1541 – 1614)
18 mars, 2016COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 20 MARS 2016 – LUC 22, 14-23, 56 ; 23, 1-49
18 mars, 2016COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 20 MARS 2016
EVANGILE – SELON SAINT LUC 22, 14-23, 56 ; 23, 1-49
Commentaire de la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ selon Saint Luc
Chaque année, pour le dimanche des Rameaux, nous lisons le récit de la Passion dans l’un des trois Evangiles synoptiques ; cette année, c’est donc dans l’Evangile de Luc. En fait, dans les quelques minutes de cette émission, je ne peux pas lire en entier le récit de la Passion, mais je vous propose de nous arrêter aux épisodes qui sont propres à Luc ; bien sûr, dans les grandes lignes, les quatre récits de la Passion sont très semblables ; mais si on regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que chacun des Evangélistes a ses accents propres. Ce n’est pas étonnant : on sait bien que plusieurs témoins d’un même événement racontent les faits chacun à leur manière ; eh bien, les évangélistes rapportent l’événement de la Passion du Christ de quatre manières différentes : ils ne retiennent pas les mêmes épisodes ni les mêmes phrases ; voici donc quelques épisodes et quelques phrases que Luc est seul à rapporter. Pour commencer, vous vous rappelez qu’après le dernier repas, avant même de partir pour le jardin des Oliviers, Jésus avait annoncé à Pierre son triple reniement ; cela les quatre évangiles le racontent ; mais Luc est le seul à rapporter une phrase de Jésus à ce moment- là : « Simon, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (22, 32). Ce qui est, je pense, une suprême délicatesse de Jésus, qui aidera Pierre à se relever au lieu de sombrer dans le désespoir après sa trahison. Et Luc est le seul également à noter le regard que Jésus a posé sur Pierre après son reniement : trois fois de suite, dans la maison du Grand Prêtre, Pierre a affirmé ne rien connaître de Jésus de Nazareth ; aussitôt, Luc note : « Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre. » Dans le texte d’Isaïe que nous lisons ce dimanche en première lecture, celui que le prophète Isaïe appelait le Serviteur de Dieu disait : « Le Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. » C’est bien ce que Jésus a soin de faire avec son disciple : réconforter à l’avance celui qui l’aura renié et risquera bien de se décourager. Autre épisode propre à l’évangile de Luc dans la Passion de Jésus, la comparution devant Hérode Antipas ; vous vous rappelez que c’est Hérode le Grand qui régnait (sous l’autorité de Rome, évidemment) sur l’ensemble du territoire au moment de la naissance de Jésus ; lorsque Hérode le Grand est mort (en – 4), le territoire a été divisé en plusieurs provinces ; et au moment de la mort de Jésus (en 30 de notre ère), la Judée, c’est-à-dire la province de Jérusalem, était gouvernée par un procurateur romain, tandis que la Galilée était sous l’autorité d’un roi reconnu par Rome, qui était un fils d’Hérode le Grand, on l’appelait Hérode Antipas. Je vous lis ce récit : « Apprenant que Jésus relevait de l’autorité d’Hérode, Pilate le renvoya à ce dernier qui se trouvait lui aussi à Jérusalem en ces jours-là. A la vue de Jésus, Hérode éprouva une grande joie : depuis longtemps il désirait le voir à cause de ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire un miracle. Il lui posa beaucoup de questions, mais Jésus ne lui répondit rien. Les chefs des prêtres et les scribes étaient là et l’accusaient avec violence. Hérode, ainsi que ses gardes, le traita avec mépris : il le revêtit d’un manteau de couleur éclatante et le renvoya à Pilate. Ce jour là, Hérode et Pilate devinrent amis, alors qu’auparavant ils étaient ennemis. » Enfin, je voudrais attirer votre attention sur trois phrases qui sont propres à Luc dans le récit de la Passion ; deux sont des paroles de Jésus et si Luc les a notées, c’est parce qu’elles révèlent bien ce qui est important à ses yeux : d’abord cette prière extraordinaire de Jésus : « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » C’est au moment précis où les soldats romains viennent de crucifier Jésus : « ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Que font-ils ? Ils ont expulsé au-dehors de la Ville Sainte celui qui est le Saint par excellence. Ils ont expulsé leur Dieu ! Ils mettent à mort le Maître de la Vie. Au Nom de Dieu, le Sanhédrin, c’est-à-dire le tribunal de Jérusalem, a condamné Dieu. Que fait Jésus ? Sa seule parole est de pardon ! C’est bien dans le Christ pardonnant à ses frères ennemis que nous découvrons jusqu’où va l’amour de Dieu. (« Qui m’a vu a vu le Père » avait dit Jésus, la veille.) Deuxième phrase : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » je resitue le passage : tout le monde agresse Jésus ; trois fois retentit la même interpellation à Jésus crucifié : « Si tu es… » ; « Si tu es le Messie », ricanent les chefs… « Si tu es le roi des Juifs », se moquent les soldats romains … « Si tu es le Messie », injurie l’un des deux malfaiteurs crucifiés en même temps que lui. Et c’est là qu’intervient celui que nous appelons « le bon larron », qui n’était pourtant pas un « enfant de choeur » comme on dit ! Alors en quoi est-il admirable ? En quoi est-il un exemple ? Il commence par dire la vérité : « Pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. » Puis il s’adresse humblement à Jésus : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. » Il reconnaît Jésus comme le Sauveur, il l’appelle au secours… prière d’humilité et de confiance… Il lui dit « Souviens-toi », ce sont les mots habituels de la prière que l’on adresse à Dieu : à travers Jésus, c’est donc au Père qu’il s’adresse : « Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras inaugurer ton Règne » ; on a envie de dire « Il a tout compris ». Enfin, je voudrais attirer votre attention sur une phrase que Luc, là encore, est seul à dire : « Déjà brillaient les lumières du sabbat » (23, 54). Luc termine le récit de la Passion et de la mort du Christ par une évocation insistante du sabbat ; il précise que les femmes qui accompagnaient Jésus depuis la Galilée sont allées regarder le tombeau pour voir comment le corps de Jésus avait été placé, elles ont préparé d’avance aromates et parfums, puis elles ont observé le repos du sabbat. Le récit de ces heures terribles s’achève donc sur une note de lumière et de paix ; n’est-ce pas curieux ? Pour les Juifs, et, visiblement Luc était bien informé, le sabbat était la préfiguration du monde à venir : un jour où l’on baignait dans la grâce de Dieu ; le jour où Dieu s’était reposé de toute l’oeuvre de création qu’il avait faite, comme dit le livre de la Genèse ; le jour où, par fidélité à l’Alliance, on scrutait les Ecritures dans l’attente de la nouvelle création. « Déjà brillaient les lumières du sabbat » : combien Luc a-t-il raison d’insister ! Dans la Passion et la mort de Jésus de Nazareth, l’humanité nouvelle est née : le règne de la grâce a commencé. Désormais, nos crucifix nous montrent le chemin à suivre : celui de l’amour des autres, quoi qu’il en coûte, celui du pardon.
HOMÉLIE DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR, C
18 mars, 2016http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR, C
Lc 19, 28-40 ; Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22, 14 – 23, 56 (bref 23, 1-49)
« Nous ne pouvons isoler la parole de Dieu de la réalité historique dans laquelle elle est dite. Elle ne serait plus alors parole de Dieu. Elle serait une histoire quelconque, un livre de piété, une Bible bien rangée dans notre bibliothèque. Or, elle est parole de Dieu, c’est-à-dire qu’elle inspire, éclaire, contrecarre, rejette, magnifie, ce qui se fait aujourd’hui dans notre société. » Celui qui avait présenté ainsi le cœur même de sa réflexion théologique et pastorale avait atteint la plus haute charge ecclésiastique de son pays. Depuis peu, il s’était enfin rapproché des personnes, du peuple, et des réalités ordinaires de la vie quotidienne. C’est après avoir été longtemps en désaccord avec le clergé le plus « progressiste » de son pays et atteint l’ »âge du repos » qu’ « il s’est décidé à comprendre qu’il n’existe pas d’autre ascension que vers la terre. Et il a cheminé jusque-là… » (1). On le vit même, oh ! scandale ! « faire bon accueil aux pécheurs et manger avec eux ». Sa voix et son attitude prophétiques devinrent rapidement inacceptables pour le régime en place. Mgr Oscar Romero était devenu l’homme des pauvres, « la voix des sans voix ». Et cela « lui a valu d’être en conflit avec ses collègues évêques » durant le reste de sa vie. Il fut donc, avec bien d’autres, accusé comme le Christ « de semer le désordre dans la nation et de soulever le peuple en enseignant dans tout le pays ». La parole, l’attitude, les gestes dérangeants de ce parfait disciple du Juste ne pouvaient plaire « en haut lieu ». Le 24 mars 1980, Mgr Romero était cloué d’une balle sur la table de l’amour partagé, sur l’autel même du sacrifice eucharistique. « Il a couronné par son sang son ministère en faveur des plus pauvres », dira plus tard Jean Paul II en saluant la mort de celui que les latino-américains nomment familièrement « saint Romero des Amériques ». Ces grands témoins d’aujourd’hui nous rappellent et nous révèlent le Grand Témoin que fut et reste le charpentier de Nazareth, prêchant la Bonne Nouvelle aux pauvres, guérissant les malades, libérant les cœurs et les esprits. Lui, qui s’est vu constamment critiquer par « quelques pharisiens pieux et méfiants », inquiets et agacés devant ses déclarations pertinentes mais critiques. D’autant plus que « le succès » de ce rénovateur renforçait leur aveuglement et excitait leur jalousie. Troublante réaction d’une élite croyante, informée, éduquée, cultivée et fervente. Ainsi, à l’époque de Jésus comme en d’autres temps, ceux qui prétendent posséder la vérité tout entière, qui « savent », enseignent, jugent et tranchent, ont peine à comprendre le message, à recevoir et analyser le témoignage inédit du Nazaréen. Cœurs durs et esprits incrédules, ils avaient cependant d’excellents yeux et ils n’ont point vu, des oreilles ultra sensibles et ils n’ont rien entendu. « Maître, arrête tes disciples ! ». Mais Jésus leur renvoie la balle : « S’ils se taisent, les pierres crieront ». Ce Fils de Dieu, ce Juste, cet Innocent, chez qui Pilate ne trouvera aucun motif de condamnation, sera cependant condamné. Ce « prophète », crieront-ils, s’oppose systématiquement et publiquement à l’enseignement de Moïse et provoque la confusion. Nous l’avons même trouvé « en train de semer le désordre dans notre nation ». Il va jusqu’à empêcher « de payer l’impôt à l’empereur » et « soulève le peuple en enseignant dans tout le pays » (Lc 23, 2-5). L’éternel refrain ! Il faudra qu’il soit condamné, torturé et mis à mort, pour qu’un « païen » reconnaisse que « sûrement, cet homme était un juste ! ». Mais serons-nous comme ces gens, témoins de la crucifixion et qui « voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine » ? N’étaient-ils pas un peu coupables de l’avoir mal compris et de ne pas l’avoir défendu ? C’était hier, c’est encore vrai aujourd’hui.
(1) Maria Lopez Vigil, Eléments pour un portrait de Mgr Romero.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008