HOMÉLIE DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR, C
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HOMÉLIE DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR, C
Lc 19, 28-40 ; Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22, 14 – 23, 56 (bref 23, 1-49)
« Nous ne pouvons isoler la parole de Dieu de la réalité historique dans laquelle elle est dite. Elle ne serait plus alors parole de Dieu. Elle serait une histoire quelconque, un livre de piété, une Bible bien rangée dans notre bibliothèque. Or, elle est parole de Dieu, c’est-à-dire qu’elle inspire, éclaire, contrecarre, rejette, magnifie, ce qui se fait aujourd’hui dans notre société. » Celui qui avait présenté ainsi le cœur même de sa réflexion théologique et pastorale avait atteint la plus haute charge ecclésiastique de son pays. Depuis peu, il s’était enfin rapproché des personnes, du peuple, et des réalités ordinaires de la vie quotidienne. C’est après avoir été longtemps en désaccord avec le clergé le plus « progressiste » de son pays et atteint l’ »âge du repos » qu’ « il s’est décidé à comprendre qu’il n’existe pas d’autre ascension que vers la terre. Et il a cheminé jusque-là… » (1). On le vit même, oh ! scandale ! « faire bon accueil aux pécheurs et manger avec eux ». Sa voix et son attitude prophétiques devinrent rapidement inacceptables pour le régime en place. Mgr Oscar Romero était devenu l’homme des pauvres, « la voix des sans voix ». Et cela « lui a valu d’être en conflit avec ses collègues évêques » durant le reste de sa vie. Il fut donc, avec bien d’autres, accusé comme le Christ « de semer le désordre dans la nation et de soulever le peuple en enseignant dans tout le pays ». La parole, l’attitude, les gestes dérangeants de ce parfait disciple du Juste ne pouvaient plaire « en haut lieu ». Le 24 mars 1980, Mgr Romero était cloué d’une balle sur la table de l’amour partagé, sur l’autel même du sacrifice eucharistique. « Il a couronné par son sang son ministère en faveur des plus pauvres », dira plus tard Jean Paul II en saluant la mort de celui que les latino-américains nomment familièrement « saint Romero des Amériques ». Ces grands témoins d’aujourd’hui nous rappellent et nous révèlent le Grand Témoin que fut et reste le charpentier de Nazareth, prêchant la Bonne Nouvelle aux pauvres, guérissant les malades, libérant les cœurs et les esprits. Lui, qui s’est vu constamment critiquer par « quelques pharisiens pieux et méfiants », inquiets et agacés devant ses déclarations pertinentes mais critiques. D’autant plus que « le succès » de ce rénovateur renforçait leur aveuglement et excitait leur jalousie. Troublante réaction d’une élite croyante, informée, éduquée, cultivée et fervente. Ainsi, à l’époque de Jésus comme en d’autres temps, ceux qui prétendent posséder la vérité tout entière, qui « savent », enseignent, jugent et tranchent, ont peine à comprendre le message, à recevoir et analyser le témoignage inédit du Nazaréen. Cœurs durs et esprits incrédules, ils avaient cependant d’excellents yeux et ils n’ont point vu, des oreilles ultra sensibles et ils n’ont rien entendu. « Maître, arrête tes disciples ! ». Mais Jésus leur renvoie la balle : « S’ils se taisent, les pierres crieront ». Ce Fils de Dieu, ce Juste, cet Innocent, chez qui Pilate ne trouvera aucun motif de condamnation, sera cependant condamné. Ce « prophète », crieront-ils, s’oppose systématiquement et publiquement à l’enseignement de Moïse et provoque la confusion. Nous l’avons même trouvé « en train de semer le désordre dans notre nation ». Il va jusqu’à empêcher « de payer l’impôt à l’empereur » et « soulève le peuple en enseignant dans tout le pays » (Lc 23, 2-5). L’éternel refrain ! Il faudra qu’il soit condamné, torturé et mis à mort, pour qu’un « païen » reconnaisse que « sûrement, cet homme était un juste ! ». Mais serons-nous comme ces gens, témoins de la crucifixion et qui « voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine » ? N’étaient-ils pas un peu coupables de l’avoir mal compris et de ne pas l’avoir défendu ? C’était hier, c’est encore vrai aujourd’hui.
(1) Maria Lopez Vigil, Eléments pour un portrait de Mgr Romero.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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