HOMÉLIE DU 5E DIMANCHE DE CARÊME C
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HOMÉLIE DU 5E DIMANCHE DE CARÊME C
Is 43, 16-21 ; Phil 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
Rappelez-vous l’évangile de dimanche dernier. Il nous offrait la parabole de la miséricorde et du pardon. Elle se prolonge aujourd’hui, se précise et s’amplifie à trois voix : celles d’Isaïe, de Paul et de Jean. Ne songez plus au passé, dit le prophète. Je fais un monde nouveau. D’ailleurs, regardez, il germe déjà. Parole du Seigneur. Et Paul enchaîne : Le passé, c’est le passé, « J’oublie ce qui est en arrière et je cours vers l’avant ». Avec l’Evangile de Jean, nous sommes confrontés à un fait divers très médiatique, comme s’il était filmé en pleine rue, et comme on peut encore le voir à travers des faits divers contemporains : Des femmes tondues de force pour s’être converties à une autre religion, d’autres exécutées d’une balle dans la tête pour avoir eu un enfant hors mariage, ou même d’autres encore, pour un motif similaire, enterrées jusqu’au cou et lapidées. L’Evangile, lui, nous montre, d’un côté, des hommes, fanatisés par des principes, qui en appellent aux méthodes radicales pour faire régner ce qu’ils estiment être « l’ordre », « la justice » et « la pureté des mœurs ». En face, un jeune prophète, qui prendra le contre-pied de la rigueur agressive et aveugle de ceux qui se croient des « justes ». Entre les deux, une présumée coupable, ou une victime, dont le complice ou le responsable a réussi à prendre la fuite pour échapper à la lapidation. Les accusateurs s’appuient sur des lois, coutumes et traditions très anciennes, archaïques, qui ont été sacralisées et divinisées jusque dans les moindres détails. D’où, cette morale d’interdits rigides et sans nuances. Jésus ne vient pas pour autant contredire la grande Loi originelle de Moïse, et encore moins l’abolir. Au contraire. Il vient en fait l’accomplir à la perfection, mais en montrant comment il faut la comprendre et l’accomplir, car elle est fondamentalement une loi d’Alliance et une loi d’Amour. En précisant que la loi est faite pour l’homme et non l’homme pour la loi. Comme Paul l’écrira plus tard : « Nous servons sous le signe nouveau de l’Esprit et non plus sous le régime périmé de la lettre » (Rm 7, 6). Jésus dénonce ainsi l’intransigeance de ceux qui se prétendent être des « justes ». Des modèles !, parfaitement soumis et obéissants à la loi. Or, précisément, il ne suffit pas d’obéir. Pour Jésus, ce n’est pas l’amour de la loi qui sauve, mais bien la loi de l’Amour. Et si la faute mérite jugement, il ne peut être décrété par un cœur dur. Ni uniquement et scrupuleusement en fonction de coutumes et traditions, dont certaines sont vraiment barbares, et donc périmées. Comme il le dira un jour : « Je ne suis pas venu pour condamner, mais pour sauver. Vous, au contraire, qui prétendez être des justes, vous jugez de façon purement humaine » (Jn 8, 15). Cet épisode illustre bien deux types de « justice » qui s’opposent : celui de la lettre et celui de l’esprit. D’un côté, la Loi bétonnée et pétrifiée, aveugle et impitoyable. Un jugement sans appel. De l’autre, la loi de la Bonne Nouvelle du pardon et celle des Béatitudes. Un jugement, oui, mais un jugement de la miséricorde. Dans le cas présent, il y a, certes, faute et flagrant délit. Mais les accusateurs, qui ne sont pas sans péché, sont pris eux aussi en flagrant délit d’hypocrisie et de mauvaise foi. Non seulement, ils humilient publiquement une femme sans la moindre pitié, mais ils le font moins par « respect de la Loi » que pour tendre un piège à ce jeune prophète, contestataire et novateur, qui les dérange. Ce qu’ils veulent, c’est l’éliminer. De plus, ils sont eux-mêmes des adultères. Si pas selon la chair, certainement selon l’esprit. Puisqu’en refusant la miséricorde, ils trompent le Dieu de miséricorde. Evidemment, le danger existe toujours de prêcher une foi et une morale de facilité. Cependant, le danger est plus grand encore de faire de la religion un christianisme sans évangile. Autrement dit : d’être plus préoccupé d’exiger que d’écouter, de juger que d’accueillir, de dénoncer, plutôt que d’annoncer LA Bonne Nouvelle. Remarquez que le Maître ne condamne pas. Il garde sa confiance envers l’accusée. Il lui laisse toutes ses chances de conversion. Il ne dit pas pour autant : Va et vis ta vie comme tu l’entends. Mais bien : « Va et ne pèche plus ». Jésus est un guérisseur d’âme et un avocat spirituel. Maintenant , c’est à elle de prendre l’affaire en main, d’assumer ses responsabilités et de bâtir son avenir. Elle peut à nouveau regarder en avant, sans ressasser ni ruminer ses erreurs et fautes passées. Sans broyer du noir. Ainsi, ce matin, Jésus nous invite tous à prendre le chemin de la conversion et de l’espérance. Que nous soyons ici physiquement ou, plus largement encore, en esprit, à la maison, à l’hôpital ou en voiture, nous sommes là avec nos faiblesses et nos fautes. Et, peut-être même avec nos violences intérieures et nos pierres de lapidation. Mais le Christ nous invite à déposer tous nos cailloux. Nous avons pris place à la table de la Parole qui sauve, une Parole de miséricorde. Et nous allons rompre le Pain, Corps du Christ, qui nous invite au partage, pour changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, non pas au nom d’une loi qui tue, mais d’une loi qui sauve.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T) 1925 – 2008
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