Archive pour le 9 mars, 2016

Raffaello Sanzio, Study for God the Father

9 mars, 2016

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PAPE FRANÇOIS – 9. LA MISÉRICORDE ET LA CORRECTION

9 mars, 2016

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PAPE FRANÇOIS – 9. LA MISÉRICORDE ET LA CORRECTION

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 2 mars 2016

Chers frères et sœurs, bonjour,

En parlant de la miséricorde divine, nous avons évoqué à plusieurs reprises la figure du père de famille, qui aime ses enfants, en prend soin, les pardonne. Et en tant que père, il les éduque et les corrige lorsqu’ils se trompent, favorisant leur croissance dans le bien. C’est ainsi qu’est présenté Dieu dans le premier chapitre du prophète Isaïe, dans lequel le Seigneur, en tant que père affectueux mais également attentif et sévère, s’adresse à Israël, l’accusant d’infidélité et de corruption, pour la reporter sur la voie de la justice. Notre texte commence ainsi : « Cieux écoutez, terre prête l’oreille, / car Yahvé parle. / J’ai élevé des enfants, je les ai fait grandir, / mais ils se sont révoltés contre moi. / Le bœuf connaît son possesseur, / et l’âne la crèche de son maître, / Israël ne connaît pas, / mon peuple ne comprend pas » (1, 2-3). Dieu, à travers le prophète, parle au peuple avec l’amertume d’un père déçu : il a fait grandir ses enfants, et à présent, ils se sont rebellés contre lui. Même les animaux sont fidèles à leur maître et reconnaissent la main qui les nourrit ; le peuple, en revanche, ne reconnaît plus Dieu, se refuse de comprendre. Même blessé, Dieu laisse parler l’amour, et fait appel à la conscience des enfants dégénérés afin qu’ils reconnaissent leurs torts et qu’ils se laissent à nouveau aimer. Voilà ce que fait Dieu ! Il vient à notre rencontre afin de nous laisser aimer par Lui par notre Dieu. La relation père-fils, à laquelle les prophètes font souvent référence pour parler du rapport d’alliance entre Dieu et son peuple, s’est dénaturée. La mission éducative des parents vise à les faire grandir dans la liberté, à les rendre responsables, capables d’accomplir des œuvres de bien pour eux-mêmes et pour les autres. En revanche, à cause du péché, la liberté devient prétention d’autonomie, prétention d’orgueil, et l’orgueil conduit au conflit et à l’illusion de se suffire à soi-même. Voilà alors que Dieu rappelle son peuple : « Vous vous êtes trompés de chemin ». Affectueusement et amèrement, il dit « mon » peuple. Dieu ne nous renie jamais ; nous sommes son peuple, le plus méchant des hommes, la plus méchante des femmes, les plus méchants des peuples sont ses fils. Et Dieu est comme cela: il ne nous renie jamais, jamais ! Il dit toujours : « Mon Fils, viens ». Et cela est l’amour de notre Père ; cela est la miséricorde de Dieu. Avoir un tel père nous donne espérance, nous donne confiance. Cette appartenance devrait être vécue dans la confiance et dans l’obéissance, dans la conscience que tout est un don qui vient de l’amour du Père. Et en revanche, apparaissent la vanité, la folie et l’idolâtrie.

C’est pourquoi le prophète s’adresse à présent directement à ce peuple à travers des paroles sévères pour l’aider à comprendre la gravité de sa faute : « Malheur ! nation pécheresse ! [...] fils pervertis ! / Ils ont abandonné Yahvé, / ils ont méprisé le Saint d’Israël, / ils se sont détournés de lui » (v. 4). La conséquence du péché est un état de souffrance, dont le pays subit également les conséquences, étant dévasté et transformé en désert, au point que Sion — c’est-à-dire Jérusalem — devient inhabitable. Là où se trouve le refus de Dieu, de sa paternité, il n’y a plus de vie possible, l’existence perd ses racines, tout apparaît perverti et anéanti. Toutefois, également dans ce moment douloureux le salut est en vue. L’épreuve est envoyée pour que le peuple puisse faire l’expérience de l’amertume de celui qui abandonne Dieu, et donc se confronter avec le vide désolant d’un choix de mort. La souffrance, conséquence inévitable d’une décision autodestructrice, doit faire réfléchir le pécheur pour l’ouvrir à la conversion et au pardon. Tel est le chemin de la miséricorde divine : Dieu ne nous traite pas selon nos fautes (cf. Ps 103, 10). La punition devient l’instrument pour inciter à réfléchir. On comprend ainsi que Dieu pardonne son peuple, fait grâce et ne détruit pas tout, mais laisse toujours ouverte la porte à l’espérance. Le salut implique la décision d’écouter et de se laisser convertir, mais il reste toujours un don gratuit. Dans sa miséricorde, le Seigneur indique donc une route qui n’est pas celle des sacrifices rituels, mais plutôt de la justice. Le culte est critiqué non parce qu’il est inutile en lui-même, mais parce qu’au lieu d’exprimer la conversion, il prétend la remplacer ; et il devient ainsi la recherche d’une propre justice, en créant la conviction trompeuse que ce sont les sacrifices qui sauvent et non la miséricorde divine qui pardonne le péché. Pour bien comprendre: quand quelqu’un est malade, il va chez le médecin; quand quelqu’un se sent pécheur, il va auprès du Seigneur. Mais si au lieu d’aller chez le médecin, il va chez le sorcier, il ne guérit pas. Très souvent, nous n’allons pas auprès du Seigneur, mais nous préférons emprunter de fausses routes, en cherchant en dehors de Lui une justification, une justice, une paix. Dieu, dit le prophète Isaïe, n’aime pas le sang des taureaux et des agneaux (v. 11), en particulier si l’offrande est faite avec des mains sales du sang de nos frères (v. 15). Je pense que si certains bienfaiteurs de l’Église venaient avec une offrande — « Prenez cette offrande pour l’Église » — qui est le fruit du sang de beaucoup de gens exploités, maltraités, esclavagisés par un travail mal payé, je dirai à ces gens : « S’il te plaît, reprends ton chèque, brûle-le ». Le peuple de Dieu, c’est-à-dire l’Église, n’a pas besoin d’argent sale, il a besoin de cœurs ouverts à la miséricorde de Dieu. Il est nécessaire de s’approcher de Dieu avec les mains purifiées, en évitant le mal et en pratiquant le bien et la justice. Comme la façon dont termine le prophète est belle : « Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien ! / Recherchez le droit, redressez le violent ! / Faites droit à l’orphelin, plaidez pour la veuve » (vv. 16-17). Pensez aux nombreux réfugiés qui débarquent en Europe et ne savent pas où aller. Alors, dit le Seigneur, les péchés, même s’ils étaient écarlates, deviendraient blancs comme la neige, et candides comme la laine, et le peuple pourra se nourrir des biens de la terre et vivre en paix (v. 19). C’est le miracle du pardon que Dieu, le pardon que Dieu, en tant que Père, veut donner à son peuple. La miséricorde de Dieu est offerte à tous, et ces paroles du prophète valent également aujourd’hui pour nous tous, appelés à vivre comme des enfants de Dieu. Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les groupes des diocèses de Saint-Denis, de Grenoble et de Mamfé, avec leurs évêques, ainsi que les séminaristes de Toulouse. La miséricorde de Dieu est offerte à tous. Mettons à profit ce temps du carême qui nous est donné pour regretter nos péchés, et nous engager courageusement dans une vie nouvelle.

Je vous souhaite un bon chemin vers Pâques, et que Dieu vous bénisse.

BENOÎT XVI – « (EN COMMUNION AVEC LE CHRIST NOUS POUVONS CONNAÎTRE DIEU COMME PÈRE VÉRITABLE (CF. MT 11, 27) »

9 mars, 2016

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BENOÎT XVI – « (EN COMMUNION AVEC LE CHRIST NOUS POUVONS CONNAÎTRE DIEU COMME PÈRE VÉRITABLE (CF. MT 11, 27) »

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 3 octobre 2012

Chers frères et sœurs,

Dans la dernière catéchèse j’ai commencé à parler de l’une des sources privilégiées de la prière chrétienne : la sainte liturgie, qui — comme l’affirme le Catéchisme de l’Église catholique — est « participation à la prière du Christ, adressée au Père dans l’Esprit Saint. En elle toute prière chrétienne trouve sa source et son terme » (n. 1073). Je voudrais aujourd’hui que nous nous demandions : dans ma vie, est-ce que je réserve une place suffisante à la prière et, surtout, quelle place a dans ma relation avec Dieu la prière liturgique, en particulier la Messe, comme participation à la prière commune du Corps du Christ qui est l’Église ? En répondant à cette question, nous devons nous rappeler tout d’abord que la prière est la relation vivante des fils de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus Christ et avec l’Esprit Saint (cf. ibid., n. 2565). La vie de prière consiste donc à être de manière habituelle en présence de Dieu et à en avoir conscience, à vivre en relation avec Dieu comme nous vivons les relations habituelles de notre vie, celles avec les membres les plus chers de notre famille, avec nos vrais amis ; c’est même cette relation avec le Seigneur qui donne la lumière à toutes nos autres relations. Cette communion de vie avec Dieu, Un et Trine, est possible car à travers le baptême nous avons tous été insérés dans le Christ, nous avons commencé à être un avec Lui (cf. Rm 6, 5). En effet, ce n’est qu’en Christ que nous pouvons dialoguer avec Dieu le Père comme des fils, autrement cela n’est pas possible, mais en communion avec le Fils nous pouvons nous aussi dire, comme Il l’a dit : « Abbà ». En communion avec le Christ nous pouvons connaître Dieu comme Père véritable (cf. Mt 11, 27). C’est pourquoi la prière chrétienne consiste à nous tourner constamment et de manière toujours nouvelle vers le Christ, à parler avec Lui, à demeurer en silence avec Lui, à l’écouter, à agir et à souffrir avec Lui. Le chrétien redécouvre sa véritable identité en Christ, « premier-né de toute créature », dans lequel toute chose subsiste (cf. Col 1, 15sq). En m’identifiant à Lui, en étant un avec Lui, je redécouvre mon identité personnelle, celle de véritable fils qui regarde Dieu comme un Père plein d’amour. Mais n’oublions pas : nous découvrons le Christ, nous le connaissons comme Personne vivante, dans l’Église. Celle-ci est « son Corps ». Cette corporéité peut être comprise à partir des paroles bibliques sur l’homme et sur la femme : les deux seront une seule chair (cf. Gn 2, 24 ; Ep 5, 30sq ; 1 Co 6, 16s). Le lien indissoluble entre le Christ et l’Église, à travers la force unifiante de l’amour, n’annule pas le « toi » et le « moi », mais les élève au contraire à leur unité la plus profonde. Trouver sa propre identité en Christ signifie parvenir à une communion avec Lui, qui ne m’annule pas, mais qui m’élève à la plus haute dignité, celle de fils de Dieu dans le Christ : « L’histoire d’amour entre Dieu et l’homme consiste justement dans le fait que cette communion de volonté grandit dans la communion de pensée et de sentiment, et ainsi notre vouloir et la volonté de Dieu coïncident toujours plus » (Enc. Deus caritas est, n. 17). Prier signifie s’élever à la hauteur de Dieu, à travers une transformation progressive nécessaire de notre être. Ainsi, en participant à la liturgie, nous faisons nôtre la langue de la mère Église, nous apprenons à parler en elle et pour elle. Naturellement, comme je l’ai déjà dit, cela a lieu de manière progressive, peu à peu. Je dois me plonger progressivement dans les paroles de l’Église, avec ma prière, avec ma vie, avec ma souffrance, avec ma joie, avec ma pensée. C’est un chemin qui nous transforme. Je pense alors que ces réflexions nous permettent de répondre à la question que nous nous sommes posée au début : comment puis-je apprendre à prier, comment puis-je grandir dans ma prière ? En regardant le modèle que nous a enseigné Jésus, le Notre Père, nous voyons que le premier mot est « notre » et le deuxième est « Père ». La réponse est donc claire : en apprenant à prier je nourris ma prière, en m’adressant à Dieu comme Père et en priant-avec-les-autres, en priant avec l’Église, en acceptant le don de ses mots, qui deviennent peu à peu familiers et riches de sens. Le dialogue que Dieu établit avec chacun de nous, et nous avec Lui, dans la prière inclut toujours un « avec » : on ne peut pas prier Dieu de manière individualiste. Dans la prière liturgique, surtout l’Eucharistie, et — formés par la liturgie — dans toute prière, nous ne parlons pas uniquement en tant qu’individus, mais nous entrons dans le « nous » de l’Église qui prie. Et nous devons transformer notre « moi » en entrant dans ce « nous ». Je voudrais rappeler un autre aspect important. Dans le Catéchisme de l’Église catholique nous lisons : « Dans la liturgie de la Nouvelle Alliance, toute action liturgique, spécialement la célébration de l’Eucharistie et des sacrements, est une rencontre entre le Christ et l’Église » (n. 1097) ; donc c’est le « Christ total », toute la Communauté, le Corps du Christ uni à son Chef qui célèbre. La liturgie n’est alors pas une sorte d’« auto-manifestation » d’une communauté, mais c’est en revanche une manière de sortir du simple « être-soi-même », être enfermés en soi-même, et d’accéder au grand banquet, d’entrer dans la grande communauté vivante, dans laquelle Dieu lui-même nous nourrit. La liturgie implique universalité et ce caractère universel doit entrer toujours à nouveau dans la conscience de tous. La liturgie chrétienne est le culte du temple universel qu’est le Christ ressuscité, dont les bras sont ouverts sur la croix pour attirer tous les hommes dans l’accolade d’amour éternel de Dieu. C’est le culte du ciel ouvert. Ce n’est jamais seulement l’événement d’une communauté singulière, ayant une place particulière dans le temps et dans l’espace. Il est important que tout chrétien se sente et soit réellement inséré dans ce « nous » universel, qui fournit le fondement et le refuge au « moi », dans le Corps du Christ qu’est l’Église. En cela, nous devons avoir à l’esprit et accepter la logique de l’incarnation de Dieu : il s’est fait proche, présent, en entrant dans l’histoire et dans la nature humaine, en se faisant l’un de nous. Et cette présence se poursuit dans l’Église, son Corps. La liturgie n’est alors pas le souvenir d’événements passés, mais la présence vivante dans le Mystère pascal du Christ qui transcende et unit les temps et les espaces. Si dans la célébration n’émerge pas la place centrale du Christ, nous n’aurons pas une liturgie chrétienne, totalement dépendante du Seigneur et soutenue par sa présence créatrice. Dieu agit par l’intermédiaire du Christ et nous ne pouvons agir que par son intermédiaire et en Lui. Chaque jour doit croître en nous la conviction que la liturgie n’est pas notre « action », mon « action » mais l’action de Dieu en nous et avec nous. Par conséquent, ce n’est pas l’individu — prêtre ou fidèle — ou le groupe qui célèbre la liturgie, mais elle est avant tout action de Dieu à travers l’Église, qui a son histoire, sa riche tradition et sa créativité. Cette universalité et ouverture fondamentale, qui est propre à toute la liturgie, est l’une des raisons pour laquelle elle ne peut pas être conçue ou modifiée par une communauté singulière ou par des experts, mais elle doit être fidèle aux formes de l’Église universelle. L’Église tout entière est toujours présente même dans la liturgie de la communauté la plus petite. C’est pourquoi il n’y a pas d’« étrangers » dans la communauté liturgique. L’Église tout entière, le ciel et la terre, Dieu et les hommes participent ensemble à chaque célébration liturgique. La liturgie chrétienne, même si elle est célébrée dans un lieu et un espace concret, et exprime le « oui » d’une communauté déterminée, est par sa nature catholique, provient du tout et conduit au tout, en unité avec le Pape, avec les évêques, avec les croyants de toutes les époques et de tous les lieux. Plus une célébration est animée par cette conscience, plus se réalise en elle de façon fructueuse le sens authentique de la liturgie. Chers amis, l’Église est visible de nombreuses façons : dans l’action caritative, dans les projets de mission, dans l’apostolat personnel que chaque chrétien doit réaliser dans son milieu. Mais le lieu où l’on en fait pleinement l’expérience en tant qu’Eglise est dans la liturgie: elle est l’acte par lequel nous croyons que Dieu entre dans notre réalité et nous pouvons le rencontrer, nous pouvons le toucher. C’est l’acte par lequel nous entrons en contact avec Dieu: Il vient à nous, et nous sommes illuminés par Lui. C’est pourquoi, lorsque dans les réflexions sur la liturgie, nous concentrons notre attention uniquement sur la façon de la rendre attrayante, intéressante et belle, nous risquons d’oublier l’essentiel: la liturgie se célèbre pour Dieu et non pour nous-mêmes; c’est son œuvre; c’est Lui le sujet; et nous devons nous ouvrir à Lui et nous laisser guider par Lui et par son Corps qui est l’Eglise. Demandons au Seigneur de nous enseigner chaque jour à vivre la sainte liturgie, en particulier la Célébration eucharistique, en priant dans le «nous» de l’Eglise, qui porte son regard non pas sur elle-même, mais sur Dieu et en sentant que nous sommes une partie de l’Eglise vivante de tous les lieux et de tous les temps. Merci.