SAINT PAUL – IL N’Y A PLUS NI ESCLAVE NI HOMME LIBRE.
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SAINT PAUL – IL N’Y A PLUS NI ESCLAVE NI HOMME LIBRE.
par José Miguel Garcia
20/05/2014 -
Saint Paul demande à Philémon de traiter son serviteur Onésime comme un frère. Ses courriers étaient des lettres adressées à des amis. Dans ces lignes, il y avait une semence destinée à révolutionner l’histoire. Il y a quelques années, alors que je donnais un cours à l’université sur Les origines du christianisme, un étudiant avait mis en évidence des incohérences et contradictions présumées du christianisme, dans le but de montrer la fausseté de la proposition de vie de l’Église. Entre autres, il pointait du doigt le problème de l’esclavage. On pourrait résumer ainsi sa question, assez hautaine: «Comment est-ce possible que le christianisme prêche l’égalité entre les hommes et que, en même temps, il justifie l’esclavage? Car saint Paul, dans ses lettres, rappelle les esclaves à l’obéissance et à la fidélité envers leurs maîtres». En effet, en plusieurs passages de ses lettres (aux Colossiens, à Timothée), l’Apôtre conseille aux esclaves de bien se comporter avec leurs maîtres: «Vous, les esclaves, obéissez à vos maîtres d’ici-bas comme au Christ, avec crainte et profond respect, dans la simplicité de votre cœur. Ne le faites pas seulement d’une obéissance toute extérieure qui cherche à plaire aux hommes, mais comme des esclaves du Christ qui accomplissent la volonté de Dieu de tout leur cœur, et qui font leur travail d’esclaves volontiers, pour le Seigneur et non pour des hommes» (Éph 6,5-7). QUELLE SOLUTION? Cependant, c’est justement en regardant ces lettres, qu’on peut voir avec clarté une des dynamiques les plus marquantes de la présence chrétienne dans le monde. Il s’agit d’écrits “privés”, envoyés à des amis ou des communautés d’amis. Un rien, face à la toute-puissance de l’apparat culturel et juridique de l’Empire. Pourtant, il y avait dans ces lettres quelque chose qui, dans les siècles, était destiné à changer l’histoire, même sur ce point décisif. Pour saisir la pensée de saint Paul, il est nécessaire de comprendre le contexte de l’institution sociale de l’esclavage dans le monde ancien. Les historiens estiment qu’environ la moitié de la population de l’époque était constituée d’esclaves, la plupart d’entre eux venant de butins de guerres. L’économie était régie en grande partie par les travaux réalisés par les esclaves. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer que le christianisme naissant eût pu ressentir l’urgence de s’attaquer à l’institution de l’esclavage. Il s’agissait d’un problème énorme, dont la solution impliquait un changement radical de la société. Il suffit de penser à la révolte des esclaves, guidée par Spartacus, contre laquelle Rome déchaîna toute sa fureur, jusqu’à la faire disparaître complètement. LA SUPPLICATION. Néanmoins, le christianisme naissant introduisait dans le monde une nouveauté qui, avec le temps, allait changer la société. La nouveauté était la personne du Christ, qui révèle la dignité de tout homme, et réalise ainsi l’égalité. C’est pour cela que, dans ses lettres, saint Paul non seulement conseille aux esclaves l’obéissance à leurs maîtres par amour du Christ, mais, en même temps, il invite ces maîtres à bien traiter leurs esclaves, au nom du Christ: «Et vous, les maîtres, agissez de même avec vos esclaves, laissez de côté les menaces. Car vous savez bien que, pour eux comme pour vous, le Maître est dans le ciel, et qu’il ne fait pas de différence selon les personnes» (Éph 6,9). Mais le texte paulinien le plus significatif au sujet de l’esclavage, est certainement la lettre à Philémon. Quand il l’écrit, saint Paul est en prison. Onésime, l’esclave fugitif de la maison de Philémon, venait de Colosses (comme on peut lire en Col 4,9). La raison de la fuite d’Onésime n’est pas indiquée dans le texte, mais on peut comprendre qu’en quelque sorte, il avait causé du tort à son maître. Et il est probable que le dégât provoqué fut assez grave, si bien qu’Onésime va demander l’aide d’un ami de son maître, en allant le chercher jusqu’en prison. Il était certainement au courant de la grande influence de saint Paul sur son maître. Après la salutation et l’action de grâce, le contenu de ce courrier est une intercession pour Onésime. Dans sa lettre, Paul affirme clairement la conversion au christianisme d’Onésime, qui est même devenu son collaborateur dans la prédication de l’Évangile (v. 13; Col 4,9). Sachant que tout esclave fugitif devait être rendu à son maître, Paul le renvoie de nouveau à Philémon, le suppliant de l’accueillir non seulement en tant qu’esclave, mais en tant que frère. Dans cette lettre, nous ne trouvons pas une réflexion au sujet de l’esclavage; cependant, la manière d’aborder le problème concret de la fuite d’Onésime nous montre avec clarté que la foi introduit une nouvelle conception de la réalité, et donc une nouvelle façon de la vivre. Saint Paul ne fait aucune allusion à l’abolition de l’esclavage, mais sa manière de traiter Onésime, ainsi que le rappel fait à son maître Philémon de l’accueillir comme un frère, introduit un nouvel ordre, un lien social différent de celui que l’on vivait à l’époque. En abordant ainsi le problème d’Onésime, Paul dépasse les grandes barrières de la société de son temps. C’est le Christ, qui élimine ces barrières: «Vous tous que le Baptême a uni au Christ, vous avez revêtu le Christ; il n’y a plus ni Juif ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus» (Gal 3,27-28). Dans ce texte, Paul exprime avec clarté le fait que la foi engendre une nouvelle relation entre les hommes: «J’ai quelque chose à te demander pour Onésime, mon enfant à qui, en prison, j’ai donné la vie dans le Christ […] S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé: il l’est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur» (v. 10.15-16). Cette nouveauté dans les relations les plus proches, c’est le début d’un changement social. Comme nous le rappelle don Giussani, «le monde ne peut être changé que par un fragment de monde déjà changé. Toute autre tentative de changement du monde qui nous entoure, s’il ne part pas de ce qui est le plus proche, est velléitaire; et la proximité la plus proche est celle de se retrouver les uns avec les autres, émus par le même accent de l’annonce chrétienne, c’est-à-dire de la même vocation». Le grand souci de Paul est aussi que tous les chrétiens regardent et affirment le Christ, au-dessus de toute chose. C’est pour cela, qu’il arrive à dire: «Chacun doit rester dans la situation où il a été appelé. Toi qui étais esclave quand tu as été appelé, ne t’en inquiète pas; même si tu as la possibilité de devenir libre, tire plutôt profit de ta situation. En effet, l’esclave qui a été appelé par le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même, l’homme libre qui a été appelé est un esclave du Christ. Vous avez été achetés à un grand prix, ne devenez pas esclaves des hommes. Frères, chacun doit rester devant Dieu dans la situation où il a été appelé» (1Cor 7,20-24). JUSQU’A LA LOI. Dans notre vie, le point décisif est de suivre Jésus, dans la situation vécue par chacun. Tous sont un dans le Christ, qui est le Seigneur de tous. Dans la communauté chrétienne, ce n’est pas le statut social ou ce que l’on possède qui définit la personne, mais bien l’appartenance au Christ. C’est pour cela que des esclaves seront ordonnés prêtres, et pourront exercer des activités de gouvernement. Nous savons que Pie 1er (IIe siècle) et Calliste 1er (IIIe siècle) étaient des esclaves, et qu’ils furent élus Évêques de Rome. Dans les siècles suivants, on voit bien que cette conception va changer aussi ce qui est autour, jusqu’à la société. Jusqu’à combattre l’esclavage, même légalement. Elles apparaissaient comme bien peu de chose, ces lettres de saint Paul. Mais le vrai changement de l’homme, la possibilité de construire une société plus juste, prend son origine dans le Christ, puisque ce n’est qu’en Lui que l’humanité se révèle et s’accomplit. En dehors de cette relation, n’importe quelle tentative de solution des problèmes humains n’est que mensonge, et introduit une violence encore plus grande. Sa Présence, par contre, change l’histoire.
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