Archive pour mars, 2016
OLIVIER CLÉMENT, PHILOSOPHE DE LA LUMIÈRE
31 mars, 2016http://www.pagesorthodoxes.net/theologiens/clement/olivier-clement-intro.htm
OLIVIER CLÉMENT, PHILOSOPHE DE LA LUMIÈRE
par Rafaël Mathieu
Ce portrait d’Olivier Clément est extrait d’un recueil d’une trentaine de textes réunis par Rafaël Mathieu sous le titre Les identités remarquables, qui vient de paraître aux éditions du Moulin de l’Étoile (1). On le sait : l’art du portrait est tout entier dans l’alchimie d’une rencontre, qui suppose, de la part du chroniqueur, autant d’humilité que de psychologie et d’intelligence des situations — outre une parfaite connaissance de l’œuvre de la personnalité qui lui ouvre sa porte. Journaliste aux talents multiples, Rafaël Mathieu se fait ici tour à tour peintre, écrivain, romancier, photographe, architecte, hermétiste ou métaphysicien pour mieux nous donner à découvrir et comprendre l’itinéraire et l’œuvre d’une trentaine d’artistes, au sens premier du terme. Tous sont très éloignés des circuits balisés d’une certaine notoriété frelatée, mais tous, ou presque, sont auteurs d’une œuvre forte et originale, faite « de main d’ouvrier » — et, chacun dans son domaine, une voix libre parmi lesquels plusieurs sont de proches collaborateurs de Symbole, de Frédérick Tristan à Gérard de Sorval et de Jean Biès à Michel Random… (Jean-Marie Beaume)
« J’aime écouter les autres parler d’eux. Je n’aime pas parler de moi », écrivait Olivier Clément il y a trente ans dans l’un de ses maîtres livres, L’Autre soleil. Alors que paraissent ses Mémoires d’espérance, l’homme n’a pas tellement changé. Il a vieilli, bien sûr, les jambes ne le portent plus guère, mais l’esprit a conservé sa fraîcheur. Tellement moins préoccupé par ses propres rides « que de celles qui marquent le visage du christianisme ». Le visage, le christianisme, ces deux mots résument d’ailleurs, pour ses lecteurs, l’oeuvre de ce personnage à part dont la seule autobiographie possible semble être spirituelle. Sa vie est pourtant exemplaire. De tous les penseurs chrétiens de son temps, Olivier Clément est l’un des rares à avoir vécu le christianisme comme une nouveauté. À avoir éprouvé aussi toutes les angoisses et les contradictions du siècle, à être passé par « le grand creuset du doute ». Pour paraphraser Chesterton, l’immense avantage d’Olivier Clément sur les autres théologiens, c’est que lui a un jour été athée…
Un christianisme « libérateur »
Il est né en 1921 en pays combiste, le Languedoc, « dans une famille qui ne parlait jamais de Dieu ». Son enfance telle qu’il l’a évoquée dans L’autre soleil est celle d’un « païen méditerranéen », bercé par une culture oublieuse de ses racines chrétiennes mais vivace. « Les êtres dit-il, étaient portés, ils vivaient, sans le savoir, sur une ancienne et savoureuse cuisson des choses de la terre au feu de l’Évangile. »
Même le socialisme de son grand-père, « n’était pas une haine de classe, mais une exigence morale. Il ignorait le ressentiment. Mon grand-père était socialiste à l’intérieur d’une civilisation. » Par certains côtés, son parcours fait écho à celui des chrétiens convertis des premiers siècles : la Méditerranée, une culture laïque ou plutôt publique, des hommes enracinés dans leur terre, et puis ici et là, la marque du christianisme, autrefois naissant, désormais disparaissant, malgré les églises romanes de Saint-Guilhem-le-Désert ou de Maguelone. Lui revient un lointain souvenir, une immense croix vert-de-grisée. Sur la croix, un homme mort. Au-dessus de sa tête, une inscription : I.N.R.I. « Je pensais que c’était le nom de l’homme. » Pourtant c’est aussi ce monde qui l’éveille au premier stade de sa vie spirituelle, la découverte de la beauté : « Comme j’ai pu haïr la trop verte Île-de-France, où tout est végétal, mouillé, même la roche, même le ciel – une chair opaque, omnipotente. Tandis qu’en pays méditerranéen, dès qu’on accède aux plateaux solitaires, c’est le feu qui se cristallise. La chair elle-même est céleste. »
Pour passer de cette lumière de l’enfance, à celle, incréée, des Pères de l’Église, il devra pourtant encore se libérer des « maîtres du soupçon » (Marx, Nietzsche, Freud), vaincre son nihilisme, surmonter la tentation du suicide. Si certains doutent encore qu’un livre peut changer une vie, il faut l’entendre parler de sa découverte, pendant la guerre, d’Esprit et Liberté du philosophe russe Nicolas Berdiaev. Le jeune homme s’apprêtait à rejoindre la Résistance. Le germe de sa re-naissance était planté même si toutes les digues de son éducation « laïciste » n’étaient pas encore rompues à commencer par cette « répugnance instinctive et qui s’enracinait dans (s)on enfance ».
« Le catholicisme, on me l’avait présenté comme une énorme et sournoise puissance terrestre, répressive, castratrice. La lecture de Nicolas Berdiaev a été pour moi déterminante car elle m’a permis d’entrevoir un christianisme non pas moralisateur – tel que mes parents et tant d’autres l’imaginaient –, mais profondément libérateur ». Ce n’est donc pas vers le catholicisme qu’il se tournera, ni vers le protestantisme de ses ancêtres cévenols, mais vers cette église orthodoxe et ses grands penseurs (Berdiaev, Lossky, Boulgakov…) exilés par la révolution d’Octobre, dont il est devenu – ironie du destin – l’un des principaux continuateurs.
Une relation charnelle avec le divin
Olivier Clément reçoit le baptême à trente ans (« désormais la lumière était en dedans »); l’agrégé d’histoire – il enseignera longtemps au lycée Louis-le-Grand – se révèle un philosophe religieux de premier plan, affranchi des scléroses et des tabous du christianisme occidental. Le sien passe par le mystère des visages, une relation presque charnelle avec le divin comme dans ses traditions de l’Inde au sein desquelles il dit s’être un temps « dilaté ». Car Olivier Clément n’a rien du penseur en chambre, rien d’éthéré. Chez lui la révélation chrétienne est d’abord une révélation de l’humain, l’avènement de la personne, « un accomplissement de l’humain dans le divin ». Il n’est pas sûr d’ailleurs qu’au sein même du monde orthodoxe, ses audaces aient toujours été jugées très canoniques à commencer par son rejet du confessionnalisme… Peu importe d’ailleurs, c’est à travers lui que toute une tradition théologique négligée a été diffusée en France. De même que la découverte de ses livres et d’un christianisme débarrassé des scories de l’histoire ou des pesanteurs sociologiques a été pour beaucoup une décisive révélation. Mais Olivier Clément est plus qu’un passeur. Son œuvre est une invitation à revenir à la source, souvent ignorée des chrétiens eux-mêmes, du message évangélique. Dans une perspective de sursaut créateur.
Ses contemporains se tournent-ils vers les philosophies orientales, qu’il y puise une nouvelle espérance : « On peut imaginer un christianisme renouvelé par cette connaissance des Orients, comme les Pères de l’Église ont été irrigués par la pensée antique… » Dans les dernières pages des Mémoires d’espérance il évoque Plotin. « Âgé, malade, il parlait de la beauté d’une telle manière que les disciples affluaient. »
Olivier Clément n’est peut-être pas Plotin mais de la beauté, ce vieil homme irradié du dedans en parle comme personne. Témoin ce jour en Grèce, où, dit-il, « baigné par une lumière encore plus intense que celle de mon enfance, je suis entré dans la fraîcheur d’une église : la coupole reprenait la ronde bénédiction du ciel, mais un visage s’y inscrivait. Entrer dans cette église avait résumé mon chemin : de l’azur vide à l’azur plein, de l’azur fermé sur sa propre beauté, mais au-delà tout est ténèbres, à l’azur rayonnant autour du Visage des visages. De la lumière à l’autre Lumière. »
HYMNE DE LA RECONNAISSANCE
31 mars, 2016http://www.biblisem.net/meditat/addihyre.htm
HYMNE DE LA RECONNAISSANCE
Joseph ADDISON.
Lorsqu’élevant vers toi ma méditation,
Je repasse, ô mon Dieu, tes bienfaits en silence,
Je me perds absorbé dans un sujet immense
De louange, d’amour et d’admiration.
Oh ! quel langage alors, dans l’ardeur qui m’enflamme,
Pourrait de mes pensées égaler la grandeur ?
Mais qui sait, mieux que toi, lire au fond de mon cœur ?…
Qui sait mieux pénétrer les secrets de mon âme ?
Avec combien de zèle, avec quels tendres soins,
Même avant ma naissance, ô très généreux père,
Quand je dormais encor dans le sein de ma mère,
Tu veillas sur ma vie et prévins mes besoins.
Incapable à la fois de désir et de crainte,
Je ne pouvais prier, ni former aucun son ;
Et déjà cependant d’un faible nourrisson
Ton oreille entendait le langage et la plainte.
Ce n’était point assez de protéger mes jours :
Dès l’enfance, mon cœur à la douleur en proie,
Par toi seul consolé, renaissait à la joie,
Avant qu’il pût savoir d’où venait ce secours.
Dans les sentiers glissants où l’aveugle jeunesse
Va se précipitant de faux pas en faux pas,
Avançant à l’appui d’un invisible bras,
J’atteignis sans tomber l’âge de la sagesse.
Combien de fois trouvai-je un asile en ton sein !
À travers les périls, la mort, les précipices,
Les pièges séduisants dont m’entouraient les vices,
Tu savais me frayer un facile chemin.
De mes jours consumés par la fièvre en furie,
C’est toi qui rallumas le languissant flambeau ;
C’est toi qui rappelas mon âme du tombeau
Où la mort du péché l’avait ensevelie.
Ta main à chaque instant prodigue de bienfaits,
Multipliait pour moi les dons de la nature ;
De nectar remplissant ma coupe sans mesure,
Ton amour se plaisait à combler mes souhaits.
De tous ces biens, Seigneur, qu’avec tant d’abondance
Ta libéralité ne cesse de m’offrir,
Le plus grand est un cœur capable de sentir,
Un cœur né pour l’amour et la reconnaissance.
Je veux donc publier ta gloire chaque jour :
Je redirai ton nom du couchant à l’aurore ;
Même après le trépas, je veux le dire encor
Parmi les habitants du céleste séjour.
Quand replongeant les cieux dans une nuit profonde,
Et d’un souffle éteignant leurs antiques flambeaux,
Tu confondras le feu, l’air la terre et les eaux,
Je te célébrerai sur les débris du monde.
Je l’ai juré, je veux durant l’éternité
Mêler ma faible voix aux cantiques des anges ;
Mais qui pourrait jamais suffire à tes louanges ?
L’éternité se perd dans ton immensité.
Traduit de l’anglais par Kérivalant.
The Last Supper
30 mars, 2016L’EXULTET, CHANTER L’ÉVÉNEMENT PASCAL
30 mars, 2016http://www.liturgiecatholique.fr/L-Exultet-chanter-l-evenement.html
L’EXULTET, CHANTER L’ÉVÉNEMENT PASCAL
Proclamé auprès du cierge pascal après la procession des lumières, l’Exultet débute par « Exultez de joie multitude des anges » (forme longue) et « Qu’éclate dans le ciel la joie des anges » (forme courte). Plusieurs versions avec répons d’assemblée sont simples à mettre en œuvre si un diacre, prêtre ou chantre s’y entend quelque peu en musique et, par sa voix, transmet beauté et joie de la résurrection : « Qu’éclate… » I 111 – 1 ou « Exultet de Berthier IL 20 – 18, « Exultet » de Keur Moussa IL 20 – 18 – 2, « Exultet » de Gouzes M 120. A défaut de cantor, le texte, simplement psalmodié, rendra la proclamation plus solennelle que s’il est lu. Agnès Minier Exultet !
Nous te louons, splendeur du Père. Jésus, Fils de Dieu. Qu’éclate dans le ciel la joie des anges ! Qu’éclate de partout la joie du monde Qu’éclate dans l’Eglise la joie des fils de Dieu La lumière éclaire l’Eglise, La lumière éclaire la terre, peuples, chantez ! Voici pour tous les temps l’unique Pâque, Voici pour Israël le grand passage, Voici la longue marche vers la terre de liberté ! Ta lumière éclaire la route, Dans la nuit ton peuple s’avance, libre, vainqueur ! Voici maintenant la Victoire, Voici pour Israël le grand passage, Voici la longue marche vers la terre de liberté ! Ta lumière éclaire la route, Dans la nuit ton peuple s’avance, libre, vainqueur ! Voici maintenant la Victoire, Voici la liberté pour tous les peuples, Le Christ ressuscité triomphe de la mort. Ô nuit qui nous rend la lumière, Ô nuit qui vit dans sa Gloire le Christ Seigneur ! Amour infini de notre Père, suprême témoignage de tendresse, Pour libérer l’esclave, tu as livré le Fils ! Bienheureuse faute de l’homme, Qui valut au monde en détresse le seul Sauveur ! Victoire qui rassemble ciel et terre, Victoire où Dieu se donne un nouveau peuple Victoire de l’Amour, victoire de la Vie. Ô Père, accueille la flamme, Qui vers toi s’élève en offrande, feu de nos cœurs ! Que brille devant toi cette lumière ! Demain se lèvera l’aube nouvelle D’un monde rajeuni dans la Pâque de ton Fils ! Et que règnent la Paix, la Justice et l’Amour, Et que passent tous les hommes De cette terre à ta grande maison, par Jésus Christ !
VEILLÉE PASCALE EN LA NUIT SAINTE – HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS
30 mars, 2016VEILLÉE PASCALE EN LA NUIT SAINTE – HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS
Basilique vaticane
Samedi Saint 26 mars 2016 « Pierre courut au tombeau » (Lc 24, 12). Quelles pensées pouvaient donc agiter l’esprit et le cœur de Pierre pendant cette course ? L’Evangile nous dit que les Onze, parmi lesquels Pierre, n’avaient pas cru au témoignage des femmes, à leur annonce pascale. Plus encore, « ces propos leur semblèrent délirants » (v. 11). Il y avait donc le doute dans le cœur de Pierre, accompagné de nombreuses pensées négatives : la tristesse pour la mort du Maître aimé, et la déception de l’avoir trahi trois fois pendant la Passion. Mais il y a un détail qui marque un tournant : Pierre, après avoir écouté les femmes et ne pas les avoir cru, cependant « se leva » (v. 12). Il n’est pas resté assis à réfléchir, il n’est pas resté enfermé à la maison comme les autres. Il ne s’est pas laissé prendre par l’atmosphère morose de ces journées, ni emporter par ses doutes ; il ne s’est pas laissé accaparer par les remords, par la peur ni par les bavardages permanents qui ne mènent à rien. Il a cherché Jésus, pas lui-même. Il a préféré la voie de la rencontre et de la confiance et, tel qu’il était, il s’est levé et a couru au tombeau, d’où il revint « tout étonné » (v. 12 ). Cela a été le début de la « résurrection » de Pierre, la résurrection de son cœur. Sans céder à la tristesse ni à l’obscurité, il a laissé place à la voix de l’espérance : il a permis que la lumière de Dieu entre dans son cœur, sans l’éteindre. Les femmes aussi, qui étaient sorties tôt le matin pour accomplir une œuvre de miséricorde, pour porter les aromates à la tombe, avaient vécu la même expérience. Elles étaient « saisies de crainte et gardaient le visage incliné vers le sol », mais elles ont été troublées en entendant les paroles de l’ange : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (v. 5). Nous aussi, comme Pierre et les femmes, nous ne pouvons pas trouver la vie en restant tristes, sans espérance, et en demeurant prisonniers de nous-mêmes. Mais ouvrons au Seigneur nos tombeaux scellés – chacun de nous les connais –, pour que Jésus entre et donne vie ; portons-lui les pierres des rancunes et les amas du passé, les lourds rochers des faiblesses et des chutes. Il souhaite venir et nous prendre par la main, pour nous tirer de l’angoisse. Mais la première pierre à faire rouler au loin cette nuit, c’est le manque d’espérance qui nous enferme en nous-mêmes. Que le Seigneur nous libère de ce terrible piège d’être des chrétiens sans espérance, qui vivent comme si le Seigneur n’était pas ressuscité et comme si nos problèmes étaient le centre de la vie. Nous voyons et nous verrons continuellement des problèmes autour de nous et en nous. Il y en aura toujours. Mais, cette nuit, il faut éclairer ces problèmes de la lumière du Ressuscité, en un certain sens, les « évangéliser ». Evangéliser les problèmes. Les obscurités et les peurs ne doivent pas accrocher le regard de l’âme et prendre possession du cœur ; mais écoutons la parole de l’Ange : le Seigneur « n’est pas ici, il est ressuscité » (v. 6), il est notre plus grande joie, il est toujours à nos côtés et ne nous décevra jamais. Voilà le fondement de l’espérance, qui n’est pas un simple optimisme, ni une attitude psychologique ou une bonne invitation à nous donner du courage. L’espérance chrétienne est un don que Dieu nous fait, si nous sortons de nous-mêmes et nous ouvrons à lui. Cette espérance ne déçoit pas car l’Esprit Saint a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5). Le Consolateur ne rend pas tout beau, il ne supprime pas le mal d’un coup de baguette magique, mais il infuse la vraie force de la vie, qui n’est pas une absence de problèmes mais la certitude d’être toujours aimés et pardonnés par le Christ qui, pour nous, a vaincu le péché, a vaincu la mort, a vaincu la peur. Aujourd’hui c’est la fête de notre espérance, la célébration de cette certitude : rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de son amour (cf. Rm 8, 39). Le Seigneur est vivant et veut être cherché parmi les vivants. Après l’avoir rencontré, il envoie chacun porter l’annonce de Pâques, susciter et ressusciter l’espérance dans les cœurs appesantis par la tristesse, chez celui qui peine à trouver la lumière de la vie. Il y en a tellement besoin aujourd’hui. Oublieux de nous-mêmes, comme des serviteurs joyeux de l’espérance, nous sommes appelés à annoncer le Ressuscité avec la vie et par l’amour ; autrement nous serions une structure internationale avec un grand nombre d’adeptes et de bonnes règles, mais incapables de donner l’espérance dont le monde est assoiffé. Comment pouvons-nous nourrir notre espérance ? La liturgie de cette nuit nous donne un bon conseil. Elle nous apprend à faire mémoire des œuvres de Dieu. Les lectures nous ont raconté, en effet, sa fidélité, l’histoire de son amour envers nous. La Parole vivante de Dieu est capable de nous associer à cette histoire d’amour, en alimentant l’espérance et en ravivant la joie. L’Évangile que nous avons entendu nous le rappelle aussi : les anges, pour insuffler l’espérance aux femmes, disent : « Rappelez-vous ce qu’il vous a dit » (v. 6). Faire mémoire des paroles de Jésus, faire mémoire de tout ce qu’il a fait dans notre vie. N’oublions pas sa Parole ni ses œuvres, autrement nous perdrions l’espérance et deviendrions des chrétiens sans espérance ; au contraire, faisons mémoire du Seigneur, de sa bonté et de ses paroles de vie qui nous ont touchés ; rappelons-les et faisons-les nôtres, pour être les sentinelles du matin qui sachent découvrir les signes du Ressuscité. Chers frères et sœurs, le Christ est ressuscité ! Et nous avons la possibilité de nous ouvrir et de recevoir son don d’espérance. Ouvrons-nous à l’espérance et mettons-nous en route ; que la mémoire de ses œuvres et de ses paroles soit une lumière éclatante qui guide nos pas dans la confiance, vers cette Pâque qui n’aura pas de fin.
BENOÎT XVI – L’OCTAVE DE PÂQUES
29 mars, 2016http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2007/documents/hf_ben-xvi_aud_20070411.html
BENOÎT XVI – L’OCTAVE DE PÂQUES
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 11 avril 2007
Chers frères et sœurs!
Nous nous retrouvons aujourd’hui, après les célébrations solennelles de la Pâque, pour la rencontre habituelle du mercredi, et mon désir est tout d’abord de renouveler à chacun de vous mes vœux les plus fervents. Je vous remercie de votre présence si nombreuse et je rends grâce au Seigneur pour le beau soleil qu’il nous donne aujourd’hui. Au cours de la Veillée pascale, l’annonce suivante a retenti: « Le Seigneur est vraiment ressuscité, alléluia! ». A présent, c’est lui-même qui nous parle: « Je ne mourrai pas – proclame-t-il – je resterai en vie ». Il dit aux pécheurs: « Recevez la rémission des péchés. En effet, c’est moi qui suis votre rémission ». Enfin, il répète à tous: « Je suis la Pâque du salut, l’Agneau immolé pour vous, moi votre rachat, moi votre vie, moi votre résurrection, moi votre lumière, moi votre salut, moi votre roi. Moi, je vous montrerai le Père ». Ainsi s’exprime un écrivain du II siècle, Méliton de Sardes, en interprétant avec réalisme les paroles et la pensée du Ressuscité (Méliton de Sardes, Sur la Pâque, 102-103). Au cours de ces journées, la liturgie rappelle plusieurs rencontres que Jésus eut après sa résurrection: avec Marie-Madeleine et les autres femmes qui étaient allées au sépulcre de bon matin, le jour suivant le samedi; avec les Apôtres réunis incrédules au Cénacle; avec Thomas et les autres disciples. Ces diverses apparitions constituent également pour nous une invitation à approfondir le message fondamental de la Pâque. Elles nous incitent à reparcourir l’itinéraire spirituel de ceux qui ont rencontré le Christ et qui l’ont reconnu lors des premiers jours après les événements pascals. L’évangéliste Jean rapporte que Pierre et lui-même, ayant entendu la nouvelle annoncée par Marie-Madeleine, étaient accourus, presque en compétition, vers le sépulcre (cf. Jn 20, 3sq). Les Pères de l’Eglise ont vu dans leur hâte à se presser vers la tombe vide une exhortation à l’unique compétition légitime entre les croyants: la compétition dans la recherche du Christ. Et que dire de Marie-Madeleine? En pleurs, elle reste à côté de la tombe vide avec l’unique désir de savoir où l’on a emporté son Maître. Elle le retrouve et le reconnaît lorsqu’Il l’appelle par son nom (cf. Jn 20, 11-18). Nous aussi, si nous cherchons le Seigneur avec une âme simple et sincère, nous le rencontrerons, ce sera même Lui qui viendra à notre rencontre; il se fera reconnaître, il nous appellera par notre nom, c’est-à-dire qu’il nous fera entrer dans l’intimité de son amour. Aujourd’hui, Mercredi de l’Octave de Pâques, la liturgie nous fait méditer sur une aure rencontre singulière du Ressuscité, celle avec les deux disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35). Alors qu’ils rentraient chez eux, inconsolables, le Seigneur se mit en marche avec eux sans qu’ils le reconnaissent. Ses paroles, commentant les Ecritures qui le concernaient, rendirent ardents le cœur des deux disciples qui, parvenus à destination, lui demandèrent de rester avec eux. A la fin, lorsqu’Il « prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna » (v. 30), leurs yeux s’ouvrirent. Mais à cet instant même, Jésus disparut de leur vue. Ils le reconnurent donc lorsqu’il disparut. Commentant cet épisode évangélique, saint Augustin observe: « Jésus partage le pain, ils le reconnaissent. Alors, ne disons plus que nous ne connaissons pas le Christ ! Si nous croyons, nous le connaissons! Mieux encore, si nous croyons, nous l’avons! Ils avaient le Christ à leur table, nous l’avons dans notre âme! ». Et il conclut: « Avoir le Christ dans son cœur représente beaucoup plus que l’avoir dans sa propre demeure: en effet, notre cœur est plus proche de nous-mêmes que notre maison » (Discours 232, VII, 7). Cherchons vraiment à porter Jésus dans notre cœur. Dans le prologue des Actes des Apôtres, saint Luc affirme que le Seigneur ressuscité « c’est à eux [les apôtres] qu’il s’était montré vivant après sa Passion: il leur en avait donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur était apparu » (1, 3). Il faut bien comprendre: lorsque l’auteur saint dit « qu’il s’était montré vivant » cela ne veut pas dire que Jésus était revenu à la vie d’avant, comme Lazare. La Pâque que nous célébrons, observe saint Bernard, signifie « passage » et non « retour », car Jésus n’est pas revenu dans la situation précédente, mais « il a franchi une frontière vers une condition plus glorieuse », nouvelle et définitive. C’est pourquoi, il ajoute, « à présent, le Christ est vraiment passé à une vie nouvelle » (cf. Discours sur la Pâque). Le Seigneur avait dit à Marie-Madeleine: « Cesse de me tenir, je ne suis pas encore monté vers le Père » (Jn 20, 17). C’est une expression, qui nous surprend, surtout si on la compare avec ce qui se passe, en revanche, avec Thomas l’incrédule. Là, au Cénacle, ce fut le Ressuscité lui-même qui présenta ses mains et son côté à l’Apôtre pour qu’il les touche et en tire la certitude que c’était vraiment Lui (cf. Jn 20, 27). En réalité, les deux épisodes ne sont pas en opposition; au contraire, l’un aide à comprendre l’autre. Marie-Madeleine voudrait à nouveau avoir son Maître comme avant, considérant la croix comme un souvenir dramatique à oublier. Mais désormais il n’y a plus de place pour une relation avec le Ressuscité qui soit purement humaine. Pour le rencontrer il ne faut pas revenir en arrière, mais se mettre d’une nouvelle façon en relation avec Lui: il faut aller de l’avant! C’est ce que souligne saint Bernard: Jésus « nous invite tous à cette vie nouvelle, à ce passage… Nous ne verrons pas le Christ en nous tournant en arrière » (Discours sur la Pâque). C’est ce qui s’est passé pour Thomas. Jésus lui montre ses blessures non pour oublier la croix, mais pour la rendre inoubliable également à l’avenir. En effet, c’est vers l’avenir que le regard est désormais tourné. Le devoir du disciple est de témoigner de la mort et de la résurrection de son Maître et de sa vie nouvelle. C’est pourquoi Jésus invite son ami incrédule à « le toucher »: il veut en faire un témoin direct de sa résurrection. Chers frères et sœurs, nous aussi, comme Marie Madeleine, Thomas et les autres apôtres, nous sommes appelés à être des témoins de la mort et de la résurrection du Christ. Nous ne pouvons pas garder la grande nouvelle pour nous. Nous devons l’apporter au monde entier: « Nous avons vu le Seigneur! » (Jn 20, 25). Que la Vierge Marie nous aide à goûter pleinement la joie pascale, pour que, soutenus par la force de l’Esprit Saint, nous devenions capables de la diffuser à notre tour partout où nous vivons et nous œuvrons. Encore une fois, Bonne Pâques à vous tous!
MÉDITATIONS POUR LE TEMPS PASCAL – P. MICHEL HUBAUT, FRANCISCAIN
29 mars, 2016http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Paques/Meditations-pour-le-temps-pascal
MÉDITATIONS POUR LE TEMPS PASCAL – P. MICHEL HUBAUT, FRANCISCAIN
Pour approfondir le sens de la Résurrection dans nos vies, voici quelques textes de croyants contemporains.
Chaque fête de Pâques est l’occasion de se rappeler que la résurrection n’est pas ce qui doit arriver après notre mort, mais une réalité nouvelle qui commence aujourd’hui. Chacun de nous façonne, jour après jour, son visage d’éternité. Comme pour le papillon qui sort de sa chrysalide, il faut du temps pour que l’homme ressuscite, émerge de sa gangue de terre et devienne un fils de Dieu, un enfant de lumière. Maurice Zundel se demandait souvent combien d’hommes et de femmes émergent consciemment de leur « moi » biologique préfabriqué pour devenir réellement des hommes vivants, des personnes libres et responsables de leur destin. Sans doute, toutes leurs potentialités spirituelles arriveront-elles, un jour, à maturité, mais probablement pas sur terre ! Il est inutile de chercher à imaginer ce que nous devenons après notre mort, si, en accueillant le Christ pascal, nous ne commençons pas dès maintenant à devenir des vivants. Rappelons-nous que dans la tradition chrétienne il y a deux naissances. La première, biologique, que nous n’avons pas choisie, qui nous est donnée. Et une « seconde naissance », celle dont parle le Christ, quand il nous dit qu’il nous faut « renaître d’en-haut » par l’accueil et la croissance de son Esprit. La résurrection est une victoire quotidienne sur les forces de mort. L’au-delà est une réalité déjà présente, intérieure à nous-mêmes. Cette vie nouvelle du Christ ressuscité doit devenir « l’au-dedans » de notre vie quotidienne. Se convertir, c’est sans cesse passer du dehors, de l’écorce superficielle des choses au « dedans », rencontrer l’intimité de Dieu au plus intime de nous-mêmes, lui qui est la vie de notre vie. Rencontrer le Christ de Pâques, c’est déjà re-naître, c’est s’affranchir de toutes nos servitudes. L’homme qui accueille, jour après jour son amour vivant et créateur, devient lui aussi un vivant et un créateur. Notre avenir se joue dans notre réponse à cet amour victorieux qui s’offre gratuitement à nous. C’est ce don de nous-mêmes qui nous construit, nous structure comme homme, nous ressuscite comme fils de Dieu. La résurrection, l’au-delà, c’est Dieu intime à nous-mêmes qui nous intériorise et nous libère du moi préfabriqué. Devenir un homme, une personne, sortir de son moi infantile, biologique, égocentrique et mortel, c’est rencontrer le Dieu vivant. Naître, c’est centrer toutes ses énergies pour aimer comme lui, faire de toute son existence un don de soi-même. La Résurrection de l’homme s’enracine dans ce dynamisme de l’amour qui « humanise » notre moi biologique, nous fait « passer » du moi possessif, fermé sur lui-même, au moi oblatif. Celui qui naît à l’amour, par l’amour, devient immortel puisque l’amour est l’être même de Dieu. Cet amour est notre devenir. C’est lui qui personnalise et divinise l’homme qui, comme saint François, n’est plus terrorisé par la mort biologique, car elle n’est plus qu’un « passage » de notre liberté d’aimer à un autre niveau, d’une ampleur nouvelle. Dieu nous a créés pour devenir des créateurs. Nous devons nous libérer de la pesanteur des déterminismes pour devenir le sanctuaire de la lumière et de l’amour. Telle est le mystère de la transfiguration chrétienne, qui est un mystère d’intériorisation, de personnalisation, de divinisation. Il s’agit de devenir véritablement un « homme » dont l’espace intérieur est devenu assez grand pour accueillir la vie même de Dieu. Et accueillir Dieu, c’est devenir un vivant qui possède en lui tout l’univers. L’immortalité n’est pas ce qui arrive après la mort, elle advient, aujourd’hui et maintenant, chaque fois que l’homme se dépasse pour aimer. C’est chaque jour que nous « immortalisons » notre vie. C’est chaque jour que nous ressuscitons un peu plus. Voilà la nouvelle naissance à laquelle le Christ nous invite quand on atteint sa maturité spirituelle. Maturité qui entraînera aussi notre corps, car les énergies de l’amour vont aussi transfigurer notre corps, comme celui du Christ, libéré des contraintes de notre univers, sans être pour autant désincarné. Notre mort n’est pas un anéantissement, mais un mûrissement, un accomplissement, un passage -une Pâque- vers notre véritable identité.