Archive pour février, 2016

L’EAU, UN DON DE DIEU

24 février, 2016

http://www.apostolat-priere.org/chemins-spirituels-du-mois/au-coeur-de-la-bible/812-leau-un-don-de-dieu.html

L’EAU, UN DON DE DIEU

Pour l’homme biblique, l’eau est un don de DIEU ; elle apparaît dans le monde grâce au geste créateur (Livre de la Genèse, chapitre 1) et sa venue apporte la vie. Au début de l’organisation du globe terrestre par le Créateur, « l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux » ; l’eau est donc la réalité primordiale à partir de laquelle DIEU agit. Mais, tout au long de la Bible, l’eau est présentée à travers un double symbolisme : elle peut être destructrice ou elle peut être bienfaisante. A l’époque du déluge, « tous les réservoirs du grand Abîme furent rompus et les ouvertures du ciel furent béantes » (Livre de la Genèse chapitre 7, v.11), et seuls les habitants de l’arche furent sauvés – Prier avec le récit du Déluge. Les « eaux monstrueuses » ou « grandes eaux » sont donc un danger pour l’homme : eaux de la mer, sans cesse agitées, qui menacent les navigateurs (Psaume107, v.23-30), au point de les engloutir (Livre de Jonas chap.1, v.4-15) ; eaux fantastiques… Pourtant, ces eaux, DIEU les domine, fixant à la mer les limites de ses ébats frénétiques (Livre de Job chap.38, v.8-11). Le salut que DIEU accomplit au bénéfice de son peuple est exprimé par l’eau : le Seigneur sauve Moïse des eaux (Livre de l’Exode chapitre 2, v.3-10) ; il agit pour Israël en troublant les eaux de l’Egypte (chap.7, v.20) ou encore en divisant la mer qui engloutit les Egyptiens et libère les Hébreux (chap.14, v.21-30). Ce sont aussi des eaux bienfaisantes, si désirées parce que nécessaires à la vie : eaux de sources (Deutéronome chap.8, v.7), humidité offerte par l’aurore avec la rosée (Livre de l’Exode chapitre 16, v.13), eaux de pluie apportées par l’orage (1er Livre des Rois chapitre 18, v. 45). Occupant une telle place dans la vie et la pensée des Israélites, l’eau constitue naturellement l’un des symboles les plus expressifs mis en scène dans l’action cultuelle. Les sanctuaires sont construits à côté d’une source par laquelle est signifiée la puissance de vie que Dieu met en œuvre. Les fidèles sont les premiers à en ressentir les effets ; cette eau, répandue sur eux, les purifie de toutes leurs impuretés et de toutes leurs idoles (Livre d’Ezéchiel chap.36, v.25). Quand à l’Israélite éloigné du Seigneur, il est comme un désert aride (Psaume 63, v.2), car le Seigneur est source d’eau vive. Prier avec la Samaritaine. C’est cette eau que boivent avidement les Sages, eau de la Sagesse, qui ne sature jamais celui qui s’y abreuve (Livre du Siracide chap. 24, v.21).

Jean-Marie, Equipe AP

PAPE FRANÇOIS – 7. LE JUBILÉ DANS LA BIBLE. LA JUSTICE ET LE PARTAGE

24 février, 2016

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2016/documents/papa-francesco_20160210_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – 7. LE JUBILÉ DANS LA BIBLE. LA JUSTICE ET LE PARTAGE

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 10 février 2016

Chers frères et sœurs, bonjour et bon chemin de Carême !

Il est beau et aussi significatif d’avoir cette audience précisément en ce Mercredi des Cendres. Nous commençons le chemin de Carême et aujourd’hui, nous évoquerons l’institution antique du « jubilé » ; c’est une chose antique, attestée dans l’Écriture Sainte. Nous la trouvons en particulier dans le Livre du Lévitique, qui la présente comme un moment culminant de la vie religieuse et sociale du peuple d’Israël. Tous les 50 ans, « au jour des Expiations » (Lv 25, 9), quand la miséricorde du Seigneur était invoquée sur le peuple entier, le son de la corne annonçait un grand événement de libération. Nous lisons en effet dans le livre du Lévitique : « Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé : chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan [...]. En cette année jubilaire, vous rentrerez chacun dans votre patrimoine » (25, 10-13). D’après ces dispositions, si quelqu’un avait été contraint de vendre ses terres, sa maison, durant le jubilé, il pouvait en reprendre possession; et si quelqu’un avait contracté des dettes et, dans l’impossibilité de les payer, avait été contraint de se mettre au service du créancier, il pouvait rentrer libre dans sa famille et récupérer toutes ses propriétés. C’était une espèce d’« amnistie générale », qui permettait à tout le monde de retourner à sa situation d’origine, avec l’effacement de toutes les dettes, la restitution de la terre, et la possibilité pour les membres du peuple de Dieu de jouir à nouveau de la liberté. Un peuple « saint », où des prescriptions comme celle du jubilé servaient à combattre la pauvreté et les inégalités, garantissant une vie digne pour tous et une égale distribution de la terre sur laquelle habiter et où cultiver de quoi se nourrir. L’idée centrale est que la terre appartient à l’origine à Dieu et a été confiée aux hommes (cf. Gn 1, 28-29) et c’est pour cette raison que personne ne peut s’en arroger la possession exclusive, créant des situations d’inégalité. Nous pouvons le penser aujourd’hui et le repenser; que chacun de nous se demande dans son cœur s’il n’a pas trop de choses. Mais pourquoi ne pas laisser quelque chose à ceux qui n’ont rien ? Dix pour cent, cinquante pour cent… Je dis : que l’Esprit Saint inspire chacun d’entre vous. Avec le jubilé, ceux qui étaient devenus pauvres récupéraient le nécessaire pour vivre, et ceux qui étaient riches restituaient au pauvre ce qu’ils lui avaient pris. L’objectif était une société basée sur l’égalité et la solidarité, où la liberté, la terre et l’argent redevenaient un bien pour tous et non seulement pour quelques uns, comme c’est le cas aujourd’hui, si je ne me trompe pas… Plus ou moins, les chiffres ne sont pas sûrs, mais quatre-vingts pour cent des richesses de l’humanité sont entre les mains de moins de vingt pour cent de la population. C’est un jubilé — et je dis cela en rappelant notre histoire de salut — pour se convertir, afin que notre cœur devienne plus grand, plus généreux, davantage Fils de Dieu, avec plus d’amour. Je vous dis une chose : si ce désir, si le jubilé n’arrive pas jusque dans les poches, ce n’est pas un vrai jubilé. Avez-vous compris ? Et cela est dans la Bible ! Ce n’est pas ce Pape qui l’invente : c’est dans la Bible. La finalité — comme je l’ai dit — était une société basée sur l’égalité et la solidarité, où la liberté, la terre et l’argent deviennent un bien pour tous et non pour quelques uns. En effet, le jubilé avait la fonction d’aider le peuple à vivre une fraternité concrète, faite d’aide réciproque. Nous pouvons dire que le jubilé biblique était un « jubilé de miséricorde », car il était vécu dans la recherche sincère du bien du frère dans le besoin. Dans la même ligne, également d’autres institutions et d’autres lois gouvernaient la vie du peuple de Dieu, pour qu’il puisse faire l’expérience de la miséricorde du Seigneur à travers celle des hommes. Dans ces normes, nous trouvons des indications valables aujourd’hui aussi, qui font réfléchir. Par exemple, la loi biblique prescrivait le versement des « dîmes » qui étaient destinées aux Lévites, chargés du culte, qui étaient sans terre, et aux pauvres, aux orphelins, aux veuves (cf. Dt 14, 22-29). C’est-à-dire que l’on prévoyait que la dixième partie de la récolte, ou des revenus d’autres activités, soit donnée à ceux qui étaient sans protection ou en état de nécessité, de manière à favoriser des conditions de relative égalité à l’intérieur d’un peuple où tous devaient se comporter en frères. Il existe également la loi concernant les « prémices ». Qu’est-ce donc ? La première partie de la récolte, la partie la plus précieuse, devait être partagée avec les Lévites et les étrangers (cf. Dt 18, 4-5; 26, 1-11), qui ne possédaient pas de champs, de manière à ce que pour eux aussi, la terre soit source de nourriture et de vie. « La terre m’appartient et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes », dit le Seigneur (Lv 25, 23). Nous sommes tous des hôtes du Seigneur, dans l’attente de la patrie céleste (cf. He 11, 13-16 ; 1 P 2, 11), appelés à rendre le monde qui nous accueille habitable et humain. Et combien de « prémices » celui qui est le plus chanceux pourrait-il donner à celui qui est en difficulté ! Combien de prémices ! Des prémices qui ne sont pas seulement les fruits des champs ; mais de tout autre produit du travail, des salaires, des économies, des nombreuses choses que l’on possède et que l’on gaspille parfois. Cela arrive aujourd’hui aussi. À l’Aumônerie apostolique, de nombreuses lettres arrivent avec un peu d’argent : « Cela est une partie de mon salaire pour aider les autres ». Et cela est beau ; aider les autres, les institutions de bienfaisance, les hôpitaux, les maisons de repos… ; donner également aux étrangers, à ceux qui sont étrangers et sont de passage. Jésus a été de passage en Égypte. Et c’est précisément en pensant à cela que l’Écriture Sainte nous exhorte avec insistance à répondre généreusement aux demandes de prêts, sans faire de calculs mesquins et sans prétendre des intérêts impossibles : « Si ton frère qui vit avec toi tombe dans la gêne et s’avère défaillant dans ses rapports avec toi, tu le soutiendras à titre d’étranger ou d’hôte et il vivra avec toi. Ne lui prends ni travail, ni intérêts, mais aie la crainte de ton Dieu et que ton frère vive avec toi. Tu ne lui donneras pas d’argent pour en tirer du profit ni de la nourriture pour en percevoir des intérêts » (Lv 25, 35-37). Cet enseignement est toujours actuel. Combien de familles sont dans la rue, victimes de l’usure ! S’il vous plaît prions, pour que pendant ce jubilé le Seigneur ôte de notre cœur à tous cette envie de posséder davantage, l’usure. Que nous redevenions généreux, grands. Combien de situations d’usure sommes-nous obligés de voir et que de souffrance et d’angoisse causent-elles aux familles ! Et très souvent, dans le désespoir, ces hommes finissent par se suicider car ils n’y arrivent plus et n’ont plus l’espérance, n’ont pas de main tendue qui les aide ; seulement la main qui vient leur faire payer des intérêts. L’usure est un grave péché, c’est un péché qui crie devant Dieu. Le Seigneur a en revanche promis sa bénédiction à qui tend la main pour donner avec largesse (cf. Dt 15, 10). Il te donnera le double, peut-être pas en argent, mais en d’autres choses, le Seigneur te donnera toujours le double. Chers frères et sœurs, le message biblique est très clair : s’ouvrir avec courage au partage, cela est la miséricorde ! Et si nous voulons la miséricorde de Dieu, commençons par la faire nous-mêmes. C’est cela : commençons à la faire parmi nos concitoyens, dans les familles, sur les continents. Contribuer à réaliser une terre sans pauvres veut dire construire une société sans discriminations, fondée sur la solidarité qui conduit à partager ce qu’on possède, une répartition des ressources fondée sur la fraternité et sur la justice. Merci. Demain, mémoire de la Bienheureuse Vierge Marie de Lourdes, on fêtera la XXIVe Journée mondiale du malade, dont la célébration la plus importante se tiendra à Nazareth. Dans le message de cette année, nous avons réfléchi sur le rôle irremplaçable de Marie aux noces de Cana : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Dans la sollicitude de Marie se reflète la tendresse de Dieu et l’immense bonté de Jésus miséricordieux. J’invite à prier pour les malades et à leur faire sentir notre amour. Que cette même tendresse de Marie soit présente dans la vie des nombreuses personnes qui sont aux côtés des malades, sachant saisir leurs besoins, également les plus imperceptibles, car ils sont vus avec des yeux pleins d’amour. Après-demain commencera mon voyage apostolique au Mexique, mais auparavant, je me rendrai à La Havane pour rencontrer mon cher frère Cyrille. Je confie à vos prières à tous la rencontre avec le patriarche Cyrille, ainsi que le voyage au Mexique. Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes venus de Suisse et de France. Nous entrons aujourd’hui en Carême. Je vous invite à prier les uns pour les autres en ce temps de conversion afin que nous puissions ensemble expérimenter la miséricorde du Seigneur et la transmettre aux plus pauvres d’entre nous.

Que Dieu vous bénisse.

Icons in Church of Saint Titus in Heraklion, Crete, Greece

23 février, 2016

 Icons in Church of Saint Titus in Heraklion, Crete, Greece dans images sacrée uec_gr_crete_heraklion_titus_epistle-1

http://www.uec.eu/greece.html

« I HAVE A DREAM » PAR MARTIN LUTHER KING

23 février, 2016

http://felina.pagesperso-orange.fr/doc/decl/luther_king.htm

« I HAVE A DREAM » PAR MARTIN LUTHER KING

« J’ai fait un rêve » discours prononcé par Martin Luther King au Lincoln Memorial de Washington D.C., le 28 août 1963.

Je suis heureux de participer avec vous aujourd’hui à ce rassemblement qui restera dans l’histoire comme la plus grande manifestation que notre pays ait connu en faveur de la liberté. Il y a un siècle de cela, un grand américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre acte d’émancipation. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l’espérance aux yeux de millions d’esclaves noirs marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité. Mais cent ans ont passé et le Noir n’est pas encore libre. Cent ans ont passé et l’existence du Noir est toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l’île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marches de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays. C’est pourquoi nous sommes accourus aujourd’hui en ce lieu pour rendre manifeste cette honteuse situation. En ce sens, nous sommes montés à la capitale de notre pays pour toucher un chèque. En traçant les mots magnifiques qui forment notre constitution et notre déclaration d’indépendance, les architectes de notre république signaient une promesse dont héritaient chaque Américain. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. Il est aujourd’hui évident que l’Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur; un chèque qui est revenu avec la mention « Provisions insuffisantes ». Nous ne pouvons croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice. Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler à l’Amérique les exigeantes urgences de l’heure présente. Il n’est plus temps de se laisser aller au luxe d’attendre ni de pendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie; le moment est venu d’émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale; le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de l’injustice raciale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation d’ignorer qu’il y a péril en la demeure. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité. 1963 n’est pas une fin mais un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de laisser fuser la vapeur et se montrera désormais satisfait se préparent à un rude réveil si le pays retourne à ses affaires comme devant. Il n’y aura plus ni repos ni tranquillité en Amérique tant que le Noir n’aura pas obtenu ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte continueront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’au jour où naîtra l’aube brillante de la justice. Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d’agissements répréhensibles. Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Livrons toujours notre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l’âme à la force matérielle. Le merveilleux militantisme qui s’est nouvellement emparé de la communauté noire ne doit pas nous conduire à nous méfier de tous les Blancs. Comme l’atteste leur présence aujourd’hui en ce lieu, nombre de nos frères de race blanche ont compris que leur destinée est liée à notre destinée. Ils ont compris que leur liberté est inextricablement liée à notre liberté. L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée biraciale. Nous ne pouvons marcher tout seuls au combat. Et au cours de notre progression, il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Il en est qui demandent aux tenants des droits civiques : « Quand serez vous enfin satisfaits ? » Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que le Noir sera victime des indicibles horreurs de la brutalité policière. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos corps recrus de la fatigue du voyage ne trouveront pas un abris dans les motels des grand routes ou les hôtels des villes. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d’aller d’un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos enfants seront dépouillés de leur identité et privés de leur dignité par des pancartes qui indiquent : « Seuls les Blancs sont admis. » Nous ne pourrons être satisfaits tant qu’un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu’un Noir de New York croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable. Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduits ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine de l’étroite cellule d’une prison. D’autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battus par les tempêtes de la persécution, secoués par les vents de la brutalité policière. Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice. Poursuivez votre tache, convaincus que cette souffrance imméritée vous sera rédemption. Retournez au Mississippi; retournez en Alabama; retournez en Caroline du Sud; retournez en Géorgie; retournez en Louisiane, retournez à vos taudis et à vos ghettos dans les villes du Nord, en sachant que, d’une façon ou d’une autre cette situation peut changer et changera. Ne nous vautrons pas dans les vallées du désespoir. Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux. » Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve que, un jour, l’État du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux de l’injustice, tout brûlant des feux de l’oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve ! Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots « interposition » et « nullification », un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve ! Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une pleine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois. Telle est mon espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud. Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans les montagnes de désespoir, un caillou d’espérance. Avec une telle foi nous serons capables de transformer la cacophonie de notre nation discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité. Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le jour où les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle - »Mon pays c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante, pays où reposent nos pères, orgueil du pèlerin, au flanc de chaque montagne que sonne la cloche de la liberté »- et si l’Amérique doit être une grande nation, il faut qu’il en soit ainsi. Aussi faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets du New Hampshire.

Faites la sonner sur les puissantes montagnes de l’État de New York. Faites la sonner sur les hauteurs des Alleghanys en Pennsylvanie. Faites la sonner sur les neiges des Rocheuses, au Colorado. Faites la sonner sur les collines ondulantes de la Californie. Mais cela ne suffit pas.

Faites la sonner sur la Stone Mountain de Géorgie. Faites la sonner sur la Lookout Mountain du Tennessee. Faites la sonner sur chaque colline et chaque butte du Mississippi, faites la sonner au flanc de chaque montagne.

Quand nous ferons en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand nous la laisserons carillonner dans chaque village et chaque hameau, dans chaque État et dans chaque cité, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les gentils, les catholiques et les protestants, pourront se tenir par la main et chanter les paroles du vieux « spiritual » noir : « Libres enfin. Libres enfin. Merci Dieu tout-puissant, nous voilà libres enfin. »

L’ESPÉRANCE ET LA JOIE

23 février, 2016

http://www.ethiquechretienne.com/l-esperance-et-la-joie-a107770176

L’ESPÉRANCE ET LA JOIE

Par Ethique Chrétienne dans Ressources spirituelles le 3 Mai 2014

Un texte écrit par Alain LEDAIN

Il est inspiré du livre de Chantal DELSOL, Les pierres d’angles – A quoi tenons-nous ?, paru aux éditions du Cerf, © 2014

« L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des risques. » Georges BERNANOS

Aborder le thème de l’espérance peut sembler bien inapproprié dans une période de désillusion, de désenchantement, de désespérance. Il est vrai que les espérances politiques par exemple ont apporté, et apportent encore, bien des déceptions. Alors, par peur d’être de nouveau déçus, beaucoup de nos contemporains préfèrent mettre leur ardeur au service de petites affaires afin de se calmer des grandes[1] : La recherche du bien-être prévaut sur celle du Bien commun. C’est ainsi que l’on assiste au développement du matérialisme avec sa course effrénée au confort et à la sécurité. Parallèlement, les questions existentielles et les préoccupations métaphysiques ont été écartées. Les seules questions importantes tiennent dans le lieu de vacances et l’achat du dernier téléphone mobile… qui, par ailleurs, ne restera pas le dernier bien longtemps ! Pourquoi subir ce que l’on estime être d’inutiles souffrances : ces grandes questions angoissantes et sans réponses ? La tranquillité et la mise à l’écart des questions dernières qui obsèdent, imposent d’ignorer l’espérance, de ne pas vouloir davantage que ce que le monde propose, quitte à se réduire en mettant sous le boisseau toute passion, toute ambition – sinon individuelle ou professionnelle – et en évitant toute idée élevée. Bien sûr, le sentiment de sécurité, de bonne conscience et d’autosatisfaction qui en découle garantit une certaine douceur de vivre mais sans joie, avec cette sensation désagréable de l’ennui que l’on conjure par le divertissement et le goût du changement. Ceci étant, l’idée du changement, même si elle occupe une place importante parmi les priorités, n’amène qu’à prendre des risques fort modérés : dans les sociétés démocratiques, on a peur de se risquer ; on veut tout savoir et tout prévoir. Quand on cherche à tout prévoir, il n’y a pas l’espérance, mais le calcul. Oser l’espérance… savons-nous encore ce que cela signifie ? Et nous qui sommes chrétiens, savons-nous « quelle est l’espérance qui s’attache à notre appel » ? (Ep 1 : 18) Dans ce qui suit, je tenterai dans un premier temps de définir les caractéristiques de l’espérance et dans un deuxième temps de cerner les spécificités de l’espérance chrétienne.

L’espérance a partie liée avec l’aventure. Espérer, c’est refuser de se satisfaire de ce qui est et de croire que tout se limite au fini, au visible, au connu. Espérer, c’est marcher comme Abraham vers une terre promise inconnue, étrangère, porter la « nostalgie du pays qu’on ignore »[2] , se laisser emparer par l’angoisse de la curiosité. Espérer, c’est aimer l’aurore, c’est aimer les commencements. L’espérance ressemble aussi à ces départs en montagne par un matin neuf. Voyez ce chemin : je l’emprunte et il vire… Mon cœur bat plus vite, mon attente de l’inconnu s’éveille. Alors que j’y marche, quel nouveau paysage s’offrira à mon regard ? Je ne sais mais je me prépare à l’émerveillement. Mû par l’espérance, l’inattendu devient désirable, devient une promesse d’aventures qui suscite la soif de vivre. C’est aussi ce que nous éprouvons à la naissance d’un enfant : une espérance mêlée de la joie d’un commencement où tout est possible. Mais pour être vécue dans sa plénitude, l’espérance doit être ouverte sur l’infini que seul le Dieu transcendant peut offrir. Avec Lui, tout devient envisageable. Comme l’écrit le philosophe Emmanuel Levinas in De l’évasion, « l’espérance, c’est le refus de rester là assigné à résidence, ce que font les païens, c’est à dire ceux dont les dieux vivent ici-bas, dans le monde immanent. »

L’espérance est un risque à prendre et qui nous grandit. Le principe de précaution est emblématique de notre époque. On ne veut plus prendre de risques. L’incertitude est crainte, la décision est difficile. En effet, toute décision est un saut dans le vide et qui peut prétendre connaître à l’avance tou les risques ? La connaissance est préférée à la confiance et à l’espérance. On préfère être protégés de tout, quitte à se voir tout interdire. En définitive, on appelle une société maternante, infantilisante sans mesurer un autre risque : celui d’un état totalitaire, d’un despotisme doux prétendant se préoccuper du bonheur de ses sujets. L’espérance, à l’inverse, assume l’incertitude. Elle grandit à sa mesure celui qui la porte et l’honore ; elle ne le laisse pas dans le monde clos et chaud de l’enfance ; elle l’incite à entreprendre dans l’avenir inconnu. L’espérance ne laisse pas inactif, ne rend pas attentiste : elle pousse à l’engagement. Si l’espérance est à la mesure du Dieu infini, combien grandi sera l’homme qui espère[3] !

L’espérance a partie liée avec la joie. La joie est toujours du côté de l’espérance. Contrairement à la douceur, la joie est un élan, un tressaillement. Toute réalité, même banale peut être transfigurée par la joie. Chantal DELSOL écrit : « Il y a la joie des commencements et celle des accomplissements, celle de la rencontre et celle de la réalisation de soi, et aussi, plus rare, cette source ininterrompue par laquelle l’existence tout entière est considérée comme une grâce. » Même un présent pénible peut être vécu et accepté s’il est habité par la joie de l’espérance d’un terme grand, élevé qui justifie les efforts du chemin.

Espérer, c’est attendre, voir de loin. Or nous ne voulons plus attendre. Nous voulons tout, tout de suite, au claquement de doigt. La tension de l’attente nous est devenue insupportable. C’est pourquoi nous avons donné congé à l’espérance. Développons maintenant quelques spécificités de l’espérance chrétienne. Face à la question existentielle de la mort et quelles que soient les difficultés de sa vie présente, le chrétien sait que sa vie ne finira pas dans le néant ; il espère en la résurrection des morts (Ac 23 : 6 et 24 : 15). De fait, il peut affronter le martyre et la mort. Il a un avenir et une espérance (Jr 29 : 11). Cette espérance trouve sa source en Dieu, dans Son amour, dans Sa fidélité à Ses promesses. Il se sait connu, aimé inconditionnellement, attendu par Dieu et son Fils : Jésus dit : « Je vais vous préparer une place. Et, lorsque je m’en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi. » (Jn 14 : 2b-3) Dès à présent, nous qui suivons le Christ, nous goûtons les prémices, les arrhes de l’Esprit (Rm 8 : 23, 2Co 5 : 5), les puissances du siècle à venir (He 6 : 4). Le royaume de Dieu est au milieu de nous mais nous en attendons la plénitude ; nous attendons « de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera. » (2P 3 : 13). Nous aspirons à entrer dans notre héritage dont la marque sur nous du sceau du Saint-Esprit est le gage (Ep 1 : 13-14). Avec la création, nous gémissons… du fond du cœur. Nous avons reçu l’Esprit comme avant-goût de la gloire, « en attendant d’être pleinement établis dans notre condition de fils adoptifs de Dieu par la pleine libération de notre corps. » (Rm 3 : 23, traduction Semeur) Quand d’autres se meurent « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (Ep 2 : 12), nous soupirons dans cette tension entre le déjà et le pas encore. Notre espérance nous porte vers l’avant et donne sens à nos vies, même au sein de l’adversité. Nos biens matériels peuvent être spoliés, nous savons que nous sommes « en possession de richesses plus précieuses, et qui durent toujours. » (He 10 : 24) Notre héritage, ceux sont nos « trésors dans le ciel » (Mt 7 : 20), et l’importance de nos revenus matériels s’en trouve ainsi relativisée. Notre héritage, c’est de vivre la vie du Christ dans sa totalité, d’avoir part à Sa gloire (Rm 8 : 17). Notre héritage, c’est la vie éternelle, la vraie vie, une vie pleinement déployée, une vie comblée de joie. Nous l’attendons ardemment. Pour l’instant, nous ne la vivons que très partiellement. Nous éprouvons tout à la fois la soif d’éternité et la prison du temps, l’enthousiasme et l’ennui, le contentement et la frustration, le dynamisme et la fatigue… Une grande espérance habite notre cœur mais nous avons besoin de demander à Dieu qu’il illumine notre intelligence pour (mieux) comprendre en quoi elle consiste (Ep 1 : 17s). Malgré le voile qui couvre encore nos pensées, nous attendons avec persévérance ce que nous espérons, au milieu de la souffrance inhérente à notre siècle, persuadés que « notre espérance ne risque pas d’être déçue » (Rm 5 : 5), une conviction qui vient de ce que déjà, « Dieu a versé son amour dans nos cœurs par l’Esprit Saint qu’il nous a donné ».

Espérance et espérances La grande espérance dont nous avons esquissé les contours produit des espérances, nécessairement plus petites mais qui donnent aussi du sens à notre vie terrestre. Le Dieu transcendant « crée une ouverture qui élargit à l’infini le champ des possibles. A vrai dire, tout devient envisageable. » (Chantal DELSOL, Les pierres d’angle, p. 145) Dans le Premier Testament, l’Eternel se révèle comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob : le Dieu d’une lignée intergénérationnelle. C’est pourquoi, Il transmet des espérances allant au-delà de notre seule génération, au-delà de notre seule vie individuelle. L’espérance chrétienne n’est pas individualiste. Viennent alors ces questions : Quelles espérances peut-on nourrir pour notre société et pour notre monde ? Comment y manifester la grande espérance ?

Espérance et société Il faut l’affirmer d’emblée, même si ce qui précède le démontre : L’espérance chrétienne n’est pas politique. Jésus ne fut pas un combattant de l’occupation romaine d’Israël. Par contre, après son procès, la foule et les autorités religieuses qui ont choisi la libération du meurtrier Barabbas, un instigateur d’un soulèvement contre l’autorité romaine, ont en fait opté pour une réponse (une espérance) politique à leur oppression. Le Christ propose premièrement la liberté de l’être intérieur. Ensuite, par une transformation de la culture « de bas en haut », du cœur de chaque homme vers ses communautés d’appartenance, il se produit une transformation sociétale. La question de l’esclavage en est une bonne illustration. Les chrétiens des premiers siècles, et l’apôtre Paul en particulier, n’ont nullement réclamé l’abolition de l’esclavage. Dans la première épître aux Corinthiens, on peut lire : « 20 Que chacun demeure dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé. 21 As-tu été appelé étant esclave, ne t’en inquiète pas… » (1Co 7 : 20-21a) Ceci étant, le même apôtre Paul écrira à Philémon, le maître de l’esclave Onésime, que ce dernier est « ses propres entrailles » (Phm 1 : 12), « un frère bien-aimé » de lui particulièrement et de Philémon son maître chrétien, à plus forte raison (Phm 1 : 16). C’est montrer qu’en instaurant de nouveaux rapports humains fondés sur l’amour, sur la fraternité, sur la bienveillance, l’Evangile vécu ne pouvait qu’amener l’abolition de l’esclavage sur le long terme.

L’Evangile transforme la culture de l’intérieur. Nous abandonnons donc les fausses espérances ; d’autant que nous savons que des conditions politiques ou économiques favorables ne peuvent guérir le cœur de l’homme. Est-ce à dire que nous renonçons à toute amélioration notre environnement culturel ? Est-ce à dire que l’engagement public des chrétiens est une erreur, une incompréhension profonde de l’Evangile ? Non, et pour au moins  une raison : l’amour pour nos prochains qui pousse à la bienveillance active, qui pousse à ne pas aimer en paroles seulement mais en actes (1Jn 3 : 18). Cependant, nous avons une pleine conscience des limites de ce que l’on appelle progrès, quelle qu’en soit sa nature. Une autre raison justifie l’engagement public des chrétiens : Par leur vie individuelle et communautaire, ils sont appelés à révéler le Royaume de Dieu ; ils sont conduits à poser, « ici et maintenant […] des signes d’un autre avenir, des semences d’un monde renouvelé qui, le moment venu, porteront leur fruit. »[4] Nous nous tenons à la fois dans la société présente dont nous savons qu’elle sera toujours imparfaite – nous y sommes des étrangers et des voyageurs (He 11 : 13) –, et le Royaume de Dieu – la patrie céleste, la cité aux fondements inébranlables (He 11 : 10). Par la foi et nos engagements qu’elle porte, nous manifestons cette nouvelle cité dans le temps présent si bien que notre temps est touché par la réalité future. « En créant du lien social, en tissant des liens humains et humanisants, en rendant la société plus solidaire, les chrétiens traduisent dans l’aujourd’hui ce qui a été inauguré par la Pâque du Christ, ce qui est déjà acquis mais n’est pas encore pleinement réalisé. » (Alphonse Borras) Enfin, l’attente du jugement dernier n’est pas terrifiante pour nous, disciples du Christ, mais une espérance de justice qui nous responsabilisent. « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice car ils seront rassasiés. » (Mt 5 : 6) L’injustice ne sera pas la fin ultime de l’Histoire. A nous de le manifester individuellement et communautairement, dès maintenant, par nos façons d’être et nos engagements. L’espérance ne rend pas passif, au contraire ! Elle donne de l’élan, nous met en marche, sans que nous ne  sachions parfois où nous allons (Cf. Abraham, He 11 : 8).

Pour conclure…L’espérance ne nous dégage ni du présent, ni de la réalité. Elle se vit au quotidien, dans l’aujourd’hui de Dieu, les yeux ouverts, dans la vérité. Comme l’écrivait Bernanos, « L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges… » (Georges Bernanos, La liberté pour quoi faire?, Paris, Gallimard, « Idées », 1953, p. 107) Après un XX° siècle ravagé par les utopies messianiques (et/ou millénaristes), dans un siècle où chacun se demande « comment vivre ? » plutôt que « pourquoi vivre ? », l’espérance est désormais un acte de résistance face au fatalisme, au destin, à la résignation, aux « A quoi bon ! ». Un défi aussi à une époque qui préfère l’instantanéité (« Je veux tout, tout de suite ! »). A ce propos, Bernanos écrivait : « le monde vit beaucoup trop vite, le monde n’a plus le temps d’espérer. La vie intérieure de l’homme moderne a un rythme trop rapide pour que s’y forme et mûrisse un sentiment si ardent et si tendre, il hausse les épaules à l’idée de ces chastes fiançailles avec l’avenir. » Quel écrivain talentueux ce Bernanos !… L’espérance comme de « chastes fiançailles avec l’avenir »… A méditer. Avons-nous encore une vie intérieure pour être capable d’espérer ?… L’hyper-connectivité, l’hyperactivité ou au contraire la passivité devant la télévision sont les produits d’une civilisation moderne qui saccage toute vie intérieure. Comme l’écrivait déjà Pascal  au XVII° siècle, « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Briser la monotonie du temps pour différencier temps connectés et temps d’intériorité est une nécessité pour nourrir nos espérances. Si nous n’espérons plus – par oubli ou parce qu’il y a tant d’autres choses à faire – alors notre foi chrétienne est sans objet car « la foi est la substance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. » (He 11 : 1) Enfin, comme nous l’écrivions plus haut, l’espérance a partie liée avec la joie. L’une et l’autre, espérance et joie, devraient être les caractéristiques du peuple chrétien. N’oublions pas ce qu’affirmaient Gilbert K. Chesterton, « le contraire du christianisme n’est pas l’athéisme, mais la tristesse ». Alors, même si nous vivons dans une société sinistr(é)e où la foi est piétinée, ne perdons pas les marques de notre appartenance au Christ : la joie et l’espérance.

Parmi les sources de la partie sur l’espérance chrétienne : – La lettre encyclique SPE SALVI de Benoît XVI (disponible à l’adresse http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20071130_spe-salvi_fr.html) – La paroisse, foyer d’espérance – Alphonse Borras – http://beta.ecdq.org/wp-content/uploads/2012/09/La-paroisse-foyer-d%E2%80%99esp%C3%A9rance-Borras.pdf

[1] Je fais ici allusion à ce texte d’Alexis de Tocqueville in De la démocratie en Amérique (Vol. II, chap. III § 21) : « Les violentes passions politiques ont peu de prise sur des hommes qui ont attaché toute leur âme à la poursuite du bien-être. L’ardeur qu’ils mettent aux petites affaires les calme sur les grandes. » [2] Charles Baudelaire, L’invitation au voyage [3] « L’homme grandit si Dieu infini devient sa mesure. » (Søren Kierkegaard) [4] Frère Roger de la Communauté de Taizé

Résurrection , miniature dall’Exultet manuscrit I, XI siècle , Chapitre Archive , Bari .

22 février, 2016

Résurrection , miniature dall'Exultet manuscrit I, XI siècle , Chapitre Archive , Bari . dans images sacrée Pasqua
http://francescobonomo.blogspot.it/2015_04_01_archive.html

GRATITUDE, PATIENCE, ATTENTE. TROIS MOTS POUR L’ÉGLISE DE CHINE

22 février, 2016

http://www.30giorni.it/articoli_id_78301_l4.htm

GRATITUDE, PATIENCE, ATTENTE. TROIS MOTS POUR L’ÉGLISE DE CHINE

interview du cardinal John Tong Hon par Gianni Valente

Le cardinal John Tong Hon se présente comme une personne simple et souriante. Il privilégie les rapports paisibles et un style low profile. Parmi les nouveaux cardinaux créés par Benoît XVI dans le Consistoire du 18 février 2012, il se distingue par plus d’un trait: c’est en particulier un joueur de basket, un spécialiste de la pensée taoïste et confucéenne et un chrétien de “deuxième génération”. Mais l’actuel évêque de Hong Kong sera surtout, désormais, pour tout le monde, le septième cardinal chinois dans l’histoire de l’Église. Un cardinal appelé à offrir, du haut de son autorité, de nombreux conseils et des évaluations équilibrées concernant la question cruciale des rapports entre le Saint-Siège, l’Église de Chine et le gouvernement chinois.. JOHN TONG HON: Oui c’est vrai. C’est ma mère qui a eu, la première, l’occasion d’entrer en contact avec la foi catholique. Quand elle était adolescente, elle fréquentait le lycée tenu par les sœurs canossiennes et, parmi ces sœurs, se trouvaient de nombreuses religieuses italiennes. Il lui est arrivé une fois de rencontrer le nonce en Chine, qui était en visite dans son école. Les sœurs l’avaient choisie pour offrir des fleurs au représentant du Pape et elle en était très fière. Elle avait aussi commencé à étudier le catéchisme, mais elle n’avait pas reçu tout de suite le baptême parce que, dans sa famille, il n’y avait jamais eu aucun catholique. Elle s’est fait baptiser seulement après la Seconde Guerre mondiale, quand j’étais déjà né et avais six ans. Les années de votre enfance ont été des années terribles. Quand les Japonais ont conquis Hong Kong, nous avons fui à Macao. J’ai ensuite été confié à ma grand-mère paternelle qui vivait dans un village du Guangdong. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que j’ai pu retrouver mes parents à Canton. C’étaient les années de la guerre civile. Les communistes et les nationalistes se battaient au nord tandis que, dans les provinces du sud, arrivaient les réfugiés et les soldats blessés. Les missionnaires américains qui étaient à Canton accueillaient et aidaient tous ceux qui en avaient besoin, quelque fût le côté dont ils provenaient. Ma mère et moi, nous les aidions à porter secours aux rescapés et aux réfugiés. En regardant le témoignage du curé de ma paroisse Bernard Meyer et de ses confrères missionnaires de Maryknoll, j’ai commencé à penser que moi aussi, quand je serais grand, je pourrais devenir prêtre. Il se trouve que vous étiez à Rome pour faire vos études justement pendant les années du Concile Vatican II. Le Concile m’a beaucoup aidé à élargir mon horizon. J’ai été ordonné prêtre quelques semaines après la fin du Concile par le pape Paul VI, le 6 janvier 1966, avec soixante et un autres diacres de 23 pays de mission, tous étudiants de Propaganda Fide. Presque un demi-siècle plus tard, au dernier Consistoire, c’est vous qui avez fait une intervention devant le Sacré Collège pour expliquer la situation de l’Église en Chine. Qu’avez-vous dit à vos collègues cardinaux? Pour décrire la situation en Chine, j’ai utilisé trois mots. Le premier est wonderful, surprenant. C’est un fait surprenant que, dans les dernières décennies, l’Église de Chine ait grandi et qu’elle continue à grandir, même si elle est soumise à un grand nombre de pressions et de restrictions. C’est une donnée objective que l’on peut vérifier à l’aide des chiffres. En 1949, les catholiques en Chine étaient 3 millions, ils sont aujourd’hui au moins 12 millions. En 1980, après le début de la réouverture voulue par Deng Xiaoping, il y avait 1300 prêtres. Aujourd’hui ils sont 3500. Et puis, il y a 5000 sœurs dont les deux tiers appartiennent aux communautés enregistrées auprès du gouvernement. On compte aussi 1400 séminaristes dont mille sont en formation dans les séminaires financés par le gouvernement. Il y a dix grands séminaires reconnus par le gouvernement et six établissements similaires liés aux communautés clandestines. De 1980 à aujourd’hui, trois mille prêtres ont été ordonnés et 4500 sœurs ont prononcé leurs vœux. 90% des prêtres a un âge compris entre vingt-cinq et cinquante ans. Tout va donc bien? Le second mot dont je me suis servi pour décrire la situation de l’Église en Chine est difficult, difficile. Et l’épreuve la plus difficile que doit affronter l’Église est celle du contrôle de la vie ecclésiale imposé par le gouvernement à travers l’Association patriotique des catholiques chinois (AP). J’ai cité une lettre qui m’a été envoyée par un évêque très respecté en Chine continentale, qui a écrit: «Dans chaque pays socialiste, le gouvernement recourt à la même méthode qui consiste à se servir de quelques prétendus chrétiens pour donner vie à des organisations étrangères aux structures propres de l’Église et leur confier le contrôle de l’Église elle-même». L’Association patriotique est un exemple de cette façon de faire. Et dans la Lettre du Pape aux catholiques chinois publiée en juin 2007, il est écrit que ces organismes ne sont pas compatibles avec la doctrine catholique. On l’a vu de nouveau dans les ordinations épiscopales illégitimes imposées à l’Église entre 2010 et 2011. John Tong Hon pendant la procession du Dimanche des Rameaux de 2010, devant la cathédrale Immaculée Conception de Hong Kong John Tong Hon pendant la procession du Dimanche des Rameaux de 2010, devant la cathédrale Immaculée Conception de Hong Kong Mais pourquoi la superpuissance chinoise sent-elle encore le besoin de contrôler si étroitement la vie de l’Église? Selon les analyses de Leo Goodstadt – le célèbre chercheur de Hong Kong qui a été aussi conseiller du dernier gouverneur britannique Chris Patten –, il y a à cela différentes raisons. Les régimes communistes craignent la compétition de la religion pour ce qui est de l’influence exercée sur les esprits, les idées et éventuellement les actions des gens. Ils s’aperçoivent que les religions ne sont pas en train de disparaître de l’horizon des sociétés humaines et qu’au contraire le nombre des adeptes des religions ne fait qu’augmenter. Et après le 11 septembre, l’inquiétude a grandi parce qu’on a vu de nouveau que les idées religieuses peuvent pousser à faire la guerre. Et, pour finir, les nouveaux leaders qui s’apprêtent à entrer en charge en 2012 doivent donner la preuve en ce moment qu’ils sont de loyaux communistes. Comme l’a écrit clairement le Pape dans sa Lettre aux catholiques chinois, «l’Église catholique qui est en Chine a la mission, non de changer la structure ou l’administration de l’État, mais d’annoncer aux hommes le Christ». Comment est-il possible que le gouvernement d’un pays aussi puissant que la Chine ait peur des ingérences politiques du Vatican? Nous vivons dans la société et notre vie réelle a nécessairement à voir avec la dimension politique. Mais L’Église n’est sûrement pas une entité politique. Ce n’est vraiment pas notre problème de changer les systèmes politiques. Et, de plus, dans notre cas, ce serait totalement impossible. Revenons à votre intervention au Consistoire. Quel est le troisième mot dont vous vous êtes servi? Le troisième mot que j’ai utilisé pour décrire la situation de l’Église en Chine est le mot possible, possible. Pour faire comprendre le motif de ce choix, j’ai lu d’autres passages de la lettre de l’évêque dont j’ai parlé précédemment. Cet évêque se déclarait serein et confiant face au présent, entre autres parce que le regard qu’il jetait sur les problèmes d’aujourd’hui était en partie fondé sur les expériences qu’il avait vécues dans les décennies orageuses de la persécution, entre 1951 et 1979. Durant ces dures épreuves du passé, il avait fait l’expérience que toute chose est dans les mains de Dieu. Et Dieu peut disposer les choses de manière que les difficultés puissent elles-mêmes, pour finir, concourir au bien de l’Église. Nous voyons ainsi que ce n’est pas l’augmentation des contrôles qui peut éteindre la foi. Il peut arriver au contraire que les contrôles aient pour effet de renforcer l’unité de l’Église, et, dans ce cas, l’avenir peut apparaître lumineux. Et nous pouvons attendre avec confiance la grâce de Dieu. La solution de certains problèmes n’arrivera peut-être pas demain mais il ne faudra pas non plus attendre des temps très lointains. Selon certains, il faut, pour affronter les problèmes, choisir entre deux voies: celle du dialogue et celle de la défense des principes. Mais, selon vous, ces deux voies sont-elle vraiment incompatibles? J’essaie, en ce qui me concerne, d’être modéré. Il vaut mieux être patient et ouvert au dialogue avec tous, y compris avec les communistes. Je suis persuadé que, sans le dialogue, aucun problème ne peut être vraiment résolu. Mais tout en dialoguant avec tous, nous devons continuer à être fermes sur les principes, ne pas les sacrifier. Cela veut dire, par exemple, qu’un évêque ne peut accepter son ordination épiscopale que si le Pape y consent. Nous ne pouvons pas renoncer à ce principe. Il fait partie de notre Credo dans lequel nous confessons l’Église comme une, sainte, catholique et apostolique. Et puis, il y a aussi la défense de la vie, les droits inviolables de la personne, l’indissolubilité du mariage… Nous ne pouvons renoncer aux vérités de foi et de morale telles qu’elles sont exposées dans le Catéchisme de l’Église catholique. On a parfois l’impression que certains milieux catholiques de Hong Kong ont pour tâche de “mesurer” le degré de catholicité de l’Église de Chine. L’Église de Hong Kong a-t-elle cette mission? La foi ne vient pas de nous. Elle vient toujours de Jésus. Et nous, nous ne sommes ni les contrôleurs ni les juges de la foi de nos frères. Nous sommes simplement un diocèse frère des diocèses du continent. Si ceux-ci le désirent, nous serons heureux de partager avec eux notre chemin et notre travail pastoral. Et s’ils se trouvent dans une situation plus difficile que la nôtre et que nous jouissons d’une plus grande liberté, nous n’avons d’autre intention que d’essayer de les aider en priant que tout les fidèles puissent garder la foi, même quand ils sont soumis à des pressions. Certains commentaires laissent entendre qu’une vaste zone ecclésiale en Chine est en marge de la fidélité à l’Église. La grande dévotion des catholiques chinois est, par ailleurs, reconnue. Comment ces deux constatations peuvent-elles se concilier? Il ne me semble jamais approprié de parler de la Chine, qui est si grande, de façon aussi globale que générique. Je ne suis en effet pas convaincu par les affirmations selon lesquelles «en Chine, la foi est forte», mais pas non plus par celles qui exagèrent en sens contraire. Tout dépend des personnes. Il y a beaucoup de bons témoins de la foi qui offrent leur vie et aussi leurs souffrances à Jésus. Et puis on trouve aussi quelques personnes qui, sous l’effet de la pression du milieu, sacrifient les principes. Ces personnes ne sont pas nombreuses. Par exemple, ces prêtres qui ont accepté de recevoir l’ordination épiscopale sans l’approbation du Pape. Ça, ça ne va pas et nous devons le dire. L’attention de beaucoup de gens se concentre justement sur les jeunes évêques. Selon certains observateurs, ils seraient fragiles et il y aurait dans leurs rangs quelques opportunistes. Que faut-il faire de ces jeunes-là? Les isoler? Les condamner? Les justifier toujours et partout? Non, non, pas d’isolement. Notre première action est de prier pour eux et aussi pour ceux qui ont commis des erreurs évidentes. Et si quelqu’un peut s’approcher d’eux et être leur ami, qu’il les exhorte à reconnaître ce qu’il y a eu d’incorrect dans leurs choix. Qu’il les exhorte aussi à envoyer une lettre aux autorités pour expliquer ce qui s’est passé et éventuellement demander pardon. C’est simplement-là une forme de correction fraternelle. Les divisions entre les deux groupes de catholiques, ceux qu’on appelle “officiels” et ceux qu’on appelle “clandestins” sont-elles dues seulement aux pressions du gouvernement et aux soumissions qu’il exige? Malheureusement, non. Il y a aussi beaucoup d’autres raisons. En Chine aussi croît le phénomène des sites internet qui attaquent les catholiques – à commencer par les évêques – avec des arguments doctrinaux et moraux. On les accuse d’avoir cédé aux prétentions illicites du régime et d’avoir ainsi trahi la foi et l’Église par opportunisme ou couardise. Qu’en pensez-vous? Je pense que la correction fraternelle dont je parlais tout à l’heureexige le dialogue et refuse les attaques via internet. Les difficultés dans lesquelles vit l’Église de Chine peuvent se répercuter sur le lien de communion avec l’évêque de Rome. Pensez-vous qu’avec le temps ce lien risque d’être perçu dans le clergé et chez les fidèles avec moins d’intensité? Je continue à noter en Chine une grande dévotion pour le Pape. Les Chinois aiment le Saint-Père, c’est sûr. Mais sur ce point, ils sont soumis à des pressions. Leur désir d’avoir des contacts normaux avec le successeur de Pierre est contrarié, ce qui ne fait que rendre plus fort ce désir; c’est une réaction presque naturelle, selon moi. John Tong Hon salue les cardinaux dans la basilique Saint-Pierre, après avoir reçu la barrette cardinalice des mains de Benoît XVI, dans le Consistoire du 18 février 2012 <BR>[© Reuters/Contrasto] John Tong Hon salue les cardinaux dans la basilique Saint-Pierre, après avoir reçu la barrette cardinalice des mains de Benoît XVI, dans le Consistoire du 18 février 2012 [© Reuters/Contrasto] Je voudrais vous poser une question sur une histoire désormais ancienne. Est-il vrai, Éminence, que vous étiez présent, il y a maintenant vingt-sept ans, à l’ordination épiscopale de l’évêque Aloysius Jin Luxian? Oui, j’étais présent à cette messe. C’était en 1985. J’étais alors un prêtre du diocèse de Hong Kong et je dirigeais depuis 1980 l’Holy Spirit Study Centre [l’éminent centre de recherche sur la vie de l’Église en Chine]. Jin m’a demandé d’être présent. Il voulait avoir mon soutien dans cette circonstance. Il m’a raconté qu’il avait été en prison, qu’il voulait garder la foi et la communion avec l’Église universelle et qu’il allait envoyer des lettres à Rome pour réaffirmer sa soumission au Siège apostolique et à la primauté du Pape. Il disait avoir tout pesé en conscience et que, dans ce moment historique, il lui semblait qu’il n’y avait pas d’autre voie que d’accepter l’ordination épiscopale. Vu les circonstances, il lui semblait qu’il devait faire ce choix pour que le diocèse de Shanghai puisse continuer à vivre et pour sauver le séminaire. Il y a sept ans, le Saint-Siège a accueilli ses requêtes et l’a reconnu comme évêque légitime de Shanghai. Mais ça, c’est le passé. Il faut maintenant regarder vers l’avenir… À propos d’avenir, quelles leçons avez-vous tirées des expériences de ces temps-là? J’ai appris que time can prove, le temps peut permettre de juger les choses. Parfois, ce n’est qu’avec le temps que l’on ne peut comprendre si une chose a été juste ou non, si les raisons qui ont dicté un choix étaient bonnes ou non. Dans l’immédiat, au moment où les choses se passent, on ne peut juger clairement des situations. Dans la longue durée, en revanche, on arrive au moins à voir si l’intention du cœur était bonne. Parfois, en Chine, les situations sont compliquées. On est soumis à des pressions, on n’a personne avec qui confronter ses idées. Mais si l’on fait des choix en ayant dans le cœur l’amour de Jésus et de l’Église, tout le monde peut, à la longue, vérifier que les intentions étaient droites. Et cela, par rapport aux événements controversés dans lesquels est impliquée la catholicité chinoise, qu’est-ce que ça comporte? On ne peut se fixer sur des points particuliers, on ne peut contrôler toutes les décisions et prétendre que tous les gestes, tous les choix opérés par les membres de l’Église en Chine soient toujours parfaits, à tout instant, dans toutes les situations. Nous sommes des êtres humains, nous sommes des êtres humains! Nous faisons tous des erreurs et nous tombons bien des fois le long de notre chemin. Mais après, on peut demander pardon. Si, au contraire, chaque erreur est isolée et devient un motif de condamnation sans appel, qui peut être sauvé? C’est avec le temps que l’on voit si un prêtre ou un évêque ont dans le cœur de bonnes résolutions. On voit si ce qu’ils font, ils le font par amour de Dieu, de l’Église et du peuple, malgré toutes leurs erreurs humaines. Voici ce qui est important: découvrir que les gens persévèrent dans la fidélité, parce qu’ils sont animés, même dans les situations difficiles, par l’amour de Jésus. À la fin, tout le monde le verra. Et assurément Dieu, qui scrute les cœurs de chacun de nous, le voit.

ABBÉ SYLVAIN (1826-1914) : UN RAYON DU CIEL SUR LE LIT D’UN MALADE

22 février, 2016

http://www.spiritualite-chretienne.com/livres/sylvain.html

ABBÉ SYLVAIN (1826-1914) : UN RAYON DU CIEL SUR LE LIT D’UN MALADE

Oui, oui, elle est venue du ciel, envoyée par vous, ô mon Dieu, cette clarté qui tout à coup a illuminé la couche où mes membres alanguis restaient sans mouvement, et m’a entouré de paix, de sérénité, de douce confiance. Ma pensée, à demi-flottante, essayait, à chaque instant, de monter vers Vous, s’arrêtant impuissante pour recommencer encore, comme la colombe blessée qui ne peut, qu’après bien des pauses, remonter à son nid. Il n’y avait pas la nuit autour de moi, mais il n’y avait pas la lumière ; j’entrevoyais, je ne voyais pas ! Oh ! la lumière ! la lumière ! mon âme la demandait ! Mon âme avait besoin de vous aspirer, ô mon Dieu, plus avide de Vous que ma poitrine n’était avide de l’air qui la vivifiait ! Et voilà qu’une nuit, l’ange qui me veillait laissa doucement tomber de ses lèvres ces simples paroles : Regardez le Cœur qui vous envoie la souffrance. Regardez 1′Œil qui vous voit souffrir. Regardez la Main qui vous mesure la douleur. Regardez le Modèle qui se montre souffrant plus que vous. Regardez le Résultat pour vous et pour tous de votre soumission complète. – Oh ! dites, dites encore, ma sœur ! Et elle prit un livre, et elle lut ces simples pages :

I – LE COEUR QUI VOUS ENVOIE LA SOUFFRANCE C’est le cœur de Dieu, le cœur de Jésus ! – Oh ! tout ce qui vient de ce cœur aimant, tout, n’est-il pas bon ? n’est-il pas saint, n’est-il pas enviable ? Si tu n’avais pas besoin de cette croix, non, non, Dieu ne te l’enverrait pas. Elle m’est donc bonne cette faiblesse, cette maladie, cette impuissance d’action. Et si je l’aime, et si je l’accepte, et si je l’embrasse comme un présent de l’amour de mon Dieu, oh ! comme elle me fera du bien ! Je te veux, ô maladie, je te veux, ô souffrance, je te veux, ô mort, toi qui me viens de Jésus, et qui doit m’unir à Jésus.

II – L’ŒIL QUI VOUS VOIT SOUFFRIR C’est l’œil de mon Dieu, l’œil de la souveraine intelligence, témoin perpétuel de mon martyre, la nuit comme le jour. L’œil du médecin expérimenté qui suit les progrès du mal, l’envahissement de la faiblesse, l’augmentation de la douleur, et qui, à l’heure voulue, apportera toujours la résignation et la paix. L’œil de la sagesse infinie qui ne me perd pas de vue et arrêtera la tristesse, la crainte, le trouble qui sont là, tourbillonnant autour de ma couche ! Je ne vois rien, je ne sais rien ; autour de moi, on ne voit rien, on ne sait rien ; mais Il voit tout, Lui, Il sait tout ! Courage, ô ma pauvre âme défaillante ! vois, comme il te plaint, ce regard de Jésus ! vois comme il t’aime !

III – LA MAIN QUI VOUS MESURE LA SOUFFRANCE C’est la main de mon Père.. de mon Père qui m’aime et qui souffre de me voir souffrir, et qui pourtant doit me faire souffrir. Oh ! qu’elle vienne s’appesantir sur mon pauvre corps ! qu’elle vienne opérer sur mes membres qu’un mal intérieur allait gangrener peut-être. Elle agira avec tant de délicatesse et tant de précautions, cette main bénie ! Mains de mon Jésus, clouées sur la croix, mains qui avez senti les douleurs les plus déchirantes, je me livre à vous, les yeux fermés ; taillez dans cette pauvre chair ! je sens, allez, à travers mes douleurs des frémissements de votre amour. Je sens qu’il vous tarde de me dire : Assez ! assez ! mon enfant… c’est fini.

IV – LE MODÈLE QUI SE MONTRE SOUFFRANT PLUS QUE TOI Ce modèle, c’est vous, ô mon Jésus crucifié ! Et c’est Marie votre mère et la mienne, Marie qui me le montre ! Laissez, laissez-moi mon crucifix, là, bien devant moi ! Que je ne puisse pas ouvrir les yeux sans me rencontrer face à face avec lui ; mon regard s’unissant à son regard, ma plainte s’unissant à sa plainte et cherchant à chacune de mes douleurs la place du corps de Jésus dans laquelle il a souffert la douleur que je souffre ! Laissez-moi l’entendre me dire : Moi aussi je l’ai eu ce déchirement cruel ! Courage, enfant ! Encore quelques minutes ; je suis là !

V – LE RÉSULTAT, POUR VOUS ET POUR TOUS, DE VOTRE SOUMISSION COMPLÈTE Ce résultat, c’est pour toi un accroissement d’amour, un accroissement de mérites, un accroissement de gloire ! Oh ! comme unie aux souffrances de Jésus, la souffrance expie, purifie, glorifie ! Doux purgatoire qu’un lit de douleur ! douce croix plantée près de la croix de Jésus d’où viennent tomber sur ton âme ces si émouvantes paroles : Aujourd’hui tu seras avec moi au Paradis ! Ce résultat c’est, pour ces êtres aimés qui te soignent, et qui près de toi pleurent et prie, une source comme intarissable des grâces les plus précieuses. Du lit d’un malade soumis, résigné, uni à Jésus-Christ, rayonnent comme de la croix du Calvaire, le salut, la conversion, la paix ! Mgr Sylvain, extrait de « Paillettes d’Or », Cueillettes de petits conseils pour la sanctification et le bonheur de la vie. Recueil des années 1892-1893-1894, Pages 17, 18, 19. Aubanel père, éditeur, Avignon.

 

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19 février, 2016

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PREMIERE LECTURE – LIVRE DE LA GENÈSE 15, 5-12. 17-18

19 février, 2016

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PREMIERE LECTURE – LIVRE DE LA GENÈSE 15, 5-12. 17-18

En ces jours-là, Le SEIGNEUR parlait à Abraham dans une vision. 5 Puis il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles si tu le peux… » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! » 6 Abram eut foi dans le SEIGNEUR, et le SEIGNEUR estima qu’il était juste. 7 Puis il dit : « Je suis le SEIGNEUR, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage. » 8 Abram répondit : « SEIGNEUR mon Dieu, comment vais-je savoir que je l’ai en héritage ? » 9 Le SEIGNEUR lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. » 10 Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. 11 Comme les rapaces descendaient sur les cadavres, Abram les chassa. 12 Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde frayeur tomba sur lui.

17 Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. 18 Ce jour-là, le SEIGNEUR conclut une Alliance avec Abram en ces termes : « A ta descendance je donne le pays que voici depuis le Torrent d’Egypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate. »

A l’époque d’Abraham, lorsque deux chefs de tribus faisaient alliance, ils accomplissaient tout un cérémonial semblable à celui auquel nous assistons ici : des animaux adultes, en pleine force de l’âge, étaient sacrifiés ; les animaux « partagés en deux », écartelés, étaient le signe de ce qui attendait celui des contractants qui ne respecterait pas ses engagements. Cela revenait à dire : « Qu’il me soit fait ce qui a été fait à ces animaux si je ne suis pas fidèle à l’alliance que nous contractons aujourd’hui ». Ordinairement, les contractants passaient tous les deux entre les morceaux, pieds nus dans le sang : ils partageaient d’une certaine manière le sang, donc la vie ; ils devenaient en quelque sorte « consanguins ». Pourquoi cette précision que les animaux devaient être âgés de trois ans ? Tout simplement parce que les mamans allaitaient généralement leurs enfants jusqu’à trois ans ; ce chiffre était donc devenu symbolique d’une certaine maturité : l’animal de trois ans était censé être adulte. Ici Abraham accomplit donc les rites habituels des alliances ; mais pour une alliance avec Dieu, cette fois. Tout est semblable aux habitudes et pourtant tout est différent, précisément parce que, pour la première fois de l’histoire humaine, l’un des contractants est Dieu lui-même. Commençons par ce qui est semblable : « Abraham prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Comme les rapaces descendaient sur les morceaux, Abraham les écarta. » La mention des rapaces est intéressante : Abraham les écarte parce qu’il les considère comme des oiseaux de mauvais augure ; cela nous prouve que le texte est très ancien : Abraham découvre le vrai Dieu, mais la superstition n’est pas loin. Ce qui est inhabituel maintenant : « Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux s’empara d’Abraham, une sombre et profonde frayeur le saisit. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d’animaux. » A propos d’Abraham, le texte parle de « sommeil mystérieux » : ce n’est pas le mot du vocabulaire courant ; c’était déjà celui employé pour désigner le sommeil d’Adam pendant que Dieu créait la femme ; manière de nous dire que l’homme ne peut pas assister à l’oeuvre de Dieu : quand l’homme se réveille (Adam ou Abraham), c’est une aube nouvelle, une création nouvelle qui commence. Manière aussi de nous dire que l’homme et Dieu ne sont pas à égalité dans l’oeuvre de création, dans l’oeuvre d’Alliance ; c’est Dieu qui a toute l’initiative, il suffira à l’homme de faire confiance : « Abraham eut foi dans le SEIGNEUR et le SEIGNEUR estima qu’il était juste »… « Un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d’animaux » : la présence de Dieu est symbolisée par le feu comme souvent dans la Bible ; depuis le Buisson ardent, la fumée du Sinaï, la colonne de feu qui accompagnait le peuple de Dieu pendant l’Exode dans le désert jusqu’aux langues de feu de la Pentecôte. Venons-en aux termes de l’Alliance ; Dieu promet deux choses à Abraham : une descendance et un pays. Les deux mots « descendance » et « pays » sont utilisés en inclusion dans ce récit ; au début, Dieu avait dit : « Regarde le ciel et compte les étoiles si tu le peux… Vois quelle descendance tu auras !… Je suis le SEIGNEUR qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te mettre en possession de ce pays » et à la fin « A ta descendance je donne le pays que voici. » Soyons francs, cette promesse adressée à un vieillard sans enfant est pour le moins surprenante ; ce n’est pas la première fois que Dieu fait cette promesse et pour l’instant, Abraham n’en a pas vu l’ombre d’une réalisation. Depuis des années déjà, il marche et marche encore en s’appuyant sur la seule promesse de ce Dieu jusqu’ici inconnu pour lui. Rappelons-nous le tout premier récit de sa vocation : « Va pour toi, loin de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir. Je ferai de toi une grande nation… » (Gn 12, 1). Et dès ce jour-là, le texte biblique notait l’extraordinaire foi de l’ancêtre qui était parti tout simplement sans poser de questions : « Abraham partit comme le SEIGNEUR le lui avait dit. » (Gn 12, 4). Ici, le texte constate : « Abraham eut foi dans le SEIGNEUR, et le SEIGNEUR estima qu’il était juste. » C’est la première apparition du mot « Foi » dans la Bible : c’est l’irruption de la Foi dans l’histoire des hommes. Le mot « croire » en hébreu vient d’une racine qui signifie « tenir fermement » (notre mot « Amen » vient de la même racine). Croire c’est « TENIR », faire confiance jusqu’au bout, même dans le doute, le découragement, ou l’angoisse. Telle est l’attitude d’Abraham ; et c’est pour cela que Dieu le considère comme un juste. Car, le Juste, dans la Bible, c’est l’homme dont la volonté, la conduite sont accordées à la volonté, au projet de Dieu. Plus tard, Saint Paul s’appuiera sur cette phrase du livre de la Genèse pour affirmer que le salut n’est pas une affaire de mérites. « Si tu crois… tu seras sauvé » (Rm 10, 9). Si je comprends bien, Dieu donne : il ne demande qu’une seule chose à l’homme…. y croire. ———————————- Compléments – v.7 : « Je suis le Seigneur qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée » ; c’est le même mot que pour la sortie d’Egypte avec Moïse, six cents ans plus tard : l’oeuvre de Dieu est présentée dès le début comme une oeuvre de libération. – v. 12 : « sommeil mystérieux » = « tardémah » = même mot pour Adam, Abraham, Saül (1 S 26)

 

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