Archive pour le 23 février, 2016

Icons in Church of Saint Titus in Heraklion, Crete, Greece

23 février, 2016

 Icons in Church of Saint Titus in Heraklion, Crete, Greece dans images sacrée uec_gr_crete_heraklion_titus_epistle-1

http://www.uec.eu/greece.html

« I HAVE A DREAM » PAR MARTIN LUTHER KING

23 février, 2016

http://felina.pagesperso-orange.fr/doc/decl/luther_king.htm

« I HAVE A DREAM » PAR MARTIN LUTHER KING

« J’ai fait un rêve » discours prononcé par Martin Luther King au Lincoln Memorial de Washington D.C., le 28 août 1963.

Je suis heureux de participer avec vous aujourd’hui à ce rassemblement qui restera dans l’histoire comme la plus grande manifestation que notre pays ait connu en faveur de la liberté. Il y a un siècle de cela, un grand américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre acte d’émancipation. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l’espérance aux yeux de millions d’esclaves noirs marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité. Mais cent ans ont passé et le Noir n’est pas encore libre. Cent ans ont passé et l’existence du Noir est toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l’île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marches de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays. C’est pourquoi nous sommes accourus aujourd’hui en ce lieu pour rendre manifeste cette honteuse situation. En ce sens, nous sommes montés à la capitale de notre pays pour toucher un chèque. En traçant les mots magnifiques qui forment notre constitution et notre déclaration d’indépendance, les architectes de notre république signaient une promesse dont héritaient chaque Américain. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. Il est aujourd’hui évident que l’Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur; un chèque qui est revenu avec la mention « Provisions insuffisantes ». Nous ne pouvons croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice. Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler à l’Amérique les exigeantes urgences de l’heure présente. Il n’est plus temps de se laisser aller au luxe d’attendre ni de pendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie; le moment est venu d’émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale; le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de l’injustice raciale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation d’ignorer qu’il y a péril en la demeure. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité. 1963 n’est pas une fin mais un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de laisser fuser la vapeur et se montrera désormais satisfait se préparent à un rude réveil si le pays retourne à ses affaires comme devant. Il n’y aura plus ni repos ni tranquillité en Amérique tant que le Noir n’aura pas obtenu ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte continueront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’au jour où naîtra l’aube brillante de la justice. Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d’agissements répréhensibles. Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Livrons toujours notre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l’âme à la force matérielle. Le merveilleux militantisme qui s’est nouvellement emparé de la communauté noire ne doit pas nous conduire à nous méfier de tous les Blancs. Comme l’atteste leur présence aujourd’hui en ce lieu, nombre de nos frères de race blanche ont compris que leur destinée est liée à notre destinée. Ils ont compris que leur liberté est inextricablement liée à notre liberté. L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée biraciale. Nous ne pouvons marcher tout seuls au combat. Et au cours de notre progression, il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Il en est qui demandent aux tenants des droits civiques : « Quand serez vous enfin satisfaits ? » Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que le Noir sera victime des indicibles horreurs de la brutalité policière. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos corps recrus de la fatigue du voyage ne trouveront pas un abris dans les motels des grand routes ou les hôtels des villes. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d’aller d’un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos enfants seront dépouillés de leur identité et privés de leur dignité par des pancartes qui indiquent : « Seuls les Blancs sont admis. » Nous ne pourrons être satisfaits tant qu’un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu’un Noir de New York croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable. Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduits ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine de l’étroite cellule d’une prison. D’autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battus par les tempêtes de la persécution, secoués par les vents de la brutalité policière. Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice. Poursuivez votre tache, convaincus que cette souffrance imméritée vous sera rédemption. Retournez au Mississippi; retournez en Alabama; retournez en Caroline du Sud; retournez en Géorgie; retournez en Louisiane, retournez à vos taudis et à vos ghettos dans les villes du Nord, en sachant que, d’une façon ou d’une autre cette situation peut changer et changera. Ne nous vautrons pas dans les vallées du désespoir. Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux. » Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve que, un jour, l’État du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux de l’injustice, tout brûlant des feux de l’oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve ! Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots « interposition » et « nullification », un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve ! Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une pleine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois. Telle est mon espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud. Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans les montagnes de désespoir, un caillou d’espérance. Avec une telle foi nous serons capables de transformer la cacophonie de notre nation discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité. Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le jour où les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle - »Mon pays c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante, pays où reposent nos pères, orgueil du pèlerin, au flanc de chaque montagne que sonne la cloche de la liberté »- et si l’Amérique doit être une grande nation, il faut qu’il en soit ainsi. Aussi faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets du New Hampshire.

Faites la sonner sur les puissantes montagnes de l’État de New York. Faites la sonner sur les hauteurs des Alleghanys en Pennsylvanie. Faites la sonner sur les neiges des Rocheuses, au Colorado. Faites la sonner sur les collines ondulantes de la Californie. Mais cela ne suffit pas.

Faites la sonner sur la Stone Mountain de Géorgie. Faites la sonner sur la Lookout Mountain du Tennessee. Faites la sonner sur chaque colline et chaque butte du Mississippi, faites la sonner au flanc de chaque montagne.

Quand nous ferons en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand nous la laisserons carillonner dans chaque village et chaque hameau, dans chaque État et dans chaque cité, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les gentils, les catholiques et les protestants, pourront se tenir par la main et chanter les paroles du vieux « spiritual » noir : « Libres enfin. Libres enfin. Merci Dieu tout-puissant, nous voilà libres enfin. »

L’ESPÉRANCE ET LA JOIE

23 février, 2016

http://www.ethiquechretienne.com/l-esperance-et-la-joie-a107770176

L’ESPÉRANCE ET LA JOIE

Par Ethique Chrétienne dans Ressources spirituelles le 3 Mai 2014

Un texte écrit par Alain LEDAIN

Il est inspiré du livre de Chantal DELSOL, Les pierres d’angles – A quoi tenons-nous ?, paru aux éditions du Cerf, © 2014

« L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des risques. » Georges BERNANOS

Aborder le thème de l’espérance peut sembler bien inapproprié dans une période de désillusion, de désenchantement, de désespérance. Il est vrai que les espérances politiques par exemple ont apporté, et apportent encore, bien des déceptions. Alors, par peur d’être de nouveau déçus, beaucoup de nos contemporains préfèrent mettre leur ardeur au service de petites affaires afin de se calmer des grandes[1] : La recherche du bien-être prévaut sur celle du Bien commun. C’est ainsi que l’on assiste au développement du matérialisme avec sa course effrénée au confort et à la sécurité. Parallèlement, les questions existentielles et les préoccupations métaphysiques ont été écartées. Les seules questions importantes tiennent dans le lieu de vacances et l’achat du dernier téléphone mobile… qui, par ailleurs, ne restera pas le dernier bien longtemps ! Pourquoi subir ce que l’on estime être d’inutiles souffrances : ces grandes questions angoissantes et sans réponses ? La tranquillité et la mise à l’écart des questions dernières qui obsèdent, imposent d’ignorer l’espérance, de ne pas vouloir davantage que ce que le monde propose, quitte à se réduire en mettant sous le boisseau toute passion, toute ambition – sinon individuelle ou professionnelle – et en évitant toute idée élevée. Bien sûr, le sentiment de sécurité, de bonne conscience et d’autosatisfaction qui en découle garantit une certaine douceur de vivre mais sans joie, avec cette sensation désagréable de l’ennui que l’on conjure par le divertissement et le goût du changement. Ceci étant, l’idée du changement, même si elle occupe une place importante parmi les priorités, n’amène qu’à prendre des risques fort modérés : dans les sociétés démocratiques, on a peur de se risquer ; on veut tout savoir et tout prévoir. Quand on cherche à tout prévoir, il n’y a pas l’espérance, mais le calcul. Oser l’espérance… savons-nous encore ce que cela signifie ? Et nous qui sommes chrétiens, savons-nous « quelle est l’espérance qui s’attache à notre appel » ? (Ep 1 : 18) Dans ce qui suit, je tenterai dans un premier temps de définir les caractéristiques de l’espérance et dans un deuxième temps de cerner les spécificités de l’espérance chrétienne.

L’espérance a partie liée avec l’aventure. Espérer, c’est refuser de se satisfaire de ce qui est et de croire que tout se limite au fini, au visible, au connu. Espérer, c’est marcher comme Abraham vers une terre promise inconnue, étrangère, porter la « nostalgie du pays qu’on ignore »[2] , se laisser emparer par l’angoisse de la curiosité. Espérer, c’est aimer l’aurore, c’est aimer les commencements. L’espérance ressemble aussi à ces départs en montagne par un matin neuf. Voyez ce chemin : je l’emprunte et il vire… Mon cœur bat plus vite, mon attente de l’inconnu s’éveille. Alors que j’y marche, quel nouveau paysage s’offrira à mon regard ? Je ne sais mais je me prépare à l’émerveillement. Mû par l’espérance, l’inattendu devient désirable, devient une promesse d’aventures qui suscite la soif de vivre. C’est aussi ce que nous éprouvons à la naissance d’un enfant : une espérance mêlée de la joie d’un commencement où tout est possible. Mais pour être vécue dans sa plénitude, l’espérance doit être ouverte sur l’infini que seul le Dieu transcendant peut offrir. Avec Lui, tout devient envisageable. Comme l’écrit le philosophe Emmanuel Levinas in De l’évasion, « l’espérance, c’est le refus de rester là assigné à résidence, ce que font les païens, c’est à dire ceux dont les dieux vivent ici-bas, dans le monde immanent. »

L’espérance est un risque à prendre et qui nous grandit. Le principe de précaution est emblématique de notre époque. On ne veut plus prendre de risques. L’incertitude est crainte, la décision est difficile. En effet, toute décision est un saut dans le vide et qui peut prétendre connaître à l’avance tou les risques ? La connaissance est préférée à la confiance et à l’espérance. On préfère être protégés de tout, quitte à se voir tout interdire. En définitive, on appelle une société maternante, infantilisante sans mesurer un autre risque : celui d’un état totalitaire, d’un despotisme doux prétendant se préoccuper du bonheur de ses sujets. L’espérance, à l’inverse, assume l’incertitude. Elle grandit à sa mesure celui qui la porte et l’honore ; elle ne le laisse pas dans le monde clos et chaud de l’enfance ; elle l’incite à entreprendre dans l’avenir inconnu. L’espérance ne laisse pas inactif, ne rend pas attentiste : elle pousse à l’engagement. Si l’espérance est à la mesure du Dieu infini, combien grandi sera l’homme qui espère[3] !

L’espérance a partie liée avec la joie. La joie est toujours du côté de l’espérance. Contrairement à la douceur, la joie est un élan, un tressaillement. Toute réalité, même banale peut être transfigurée par la joie. Chantal DELSOL écrit : « Il y a la joie des commencements et celle des accomplissements, celle de la rencontre et celle de la réalisation de soi, et aussi, plus rare, cette source ininterrompue par laquelle l’existence tout entière est considérée comme une grâce. » Même un présent pénible peut être vécu et accepté s’il est habité par la joie de l’espérance d’un terme grand, élevé qui justifie les efforts du chemin.

Espérer, c’est attendre, voir de loin. Or nous ne voulons plus attendre. Nous voulons tout, tout de suite, au claquement de doigt. La tension de l’attente nous est devenue insupportable. C’est pourquoi nous avons donné congé à l’espérance. Développons maintenant quelques spécificités de l’espérance chrétienne. Face à la question existentielle de la mort et quelles que soient les difficultés de sa vie présente, le chrétien sait que sa vie ne finira pas dans le néant ; il espère en la résurrection des morts (Ac 23 : 6 et 24 : 15). De fait, il peut affronter le martyre et la mort. Il a un avenir et une espérance (Jr 29 : 11). Cette espérance trouve sa source en Dieu, dans Son amour, dans Sa fidélité à Ses promesses. Il se sait connu, aimé inconditionnellement, attendu par Dieu et son Fils : Jésus dit : « Je vais vous préparer une place. Et, lorsque je m’en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi. » (Jn 14 : 2b-3) Dès à présent, nous qui suivons le Christ, nous goûtons les prémices, les arrhes de l’Esprit (Rm 8 : 23, 2Co 5 : 5), les puissances du siècle à venir (He 6 : 4). Le royaume de Dieu est au milieu de nous mais nous en attendons la plénitude ; nous attendons « de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera. » (2P 3 : 13). Nous aspirons à entrer dans notre héritage dont la marque sur nous du sceau du Saint-Esprit est le gage (Ep 1 : 13-14). Avec la création, nous gémissons… du fond du cœur. Nous avons reçu l’Esprit comme avant-goût de la gloire, « en attendant d’être pleinement établis dans notre condition de fils adoptifs de Dieu par la pleine libération de notre corps. » (Rm 3 : 23, traduction Semeur) Quand d’autres se meurent « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (Ep 2 : 12), nous soupirons dans cette tension entre le déjà et le pas encore. Notre espérance nous porte vers l’avant et donne sens à nos vies, même au sein de l’adversité. Nos biens matériels peuvent être spoliés, nous savons que nous sommes « en possession de richesses plus précieuses, et qui durent toujours. » (He 10 : 24) Notre héritage, ceux sont nos « trésors dans le ciel » (Mt 7 : 20), et l’importance de nos revenus matériels s’en trouve ainsi relativisée. Notre héritage, c’est de vivre la vie du Christ dans sa totalité, d’avoir part à Sa gloire (Rm 8 : 17). Notre héritage, c’est la vie éternelle, la vraie vie, une vie pleinement déployée, une vie comblée de joie. Nous l’attendons ardemment. Pour l’instant, nous ne la vivons que très partiellement. Nous éprouvons tout à la fois la soif d’éternité et la prison du temps, l’enthousiasme et l’ennui, le contentement et la frustration, le dynamisme et la fatigue… Une grande espérance habite notre cœur mais nous avons besoin de demander à Dieu qu’il illumine notre intelligence pour (mieux) comprendre en quoi elle consiste (Ep 1 : 17s). Malgré le voile qui couvre encore nos pensées, nous attendons avec persévérance ce que nous espérons, au milieu de la souffrance inhérente à notre siècle, persuadés que « notre espérance ne risque pas d’être déçue » (Rm 5 : 5), une conviction qui vient de ce que déjà, « Dieu a versé son amour dans nos cœurs par l’Esprit Saint qu’il nous a donné ».

Espérance et espérances La grande espérance dont nous avons esquissé les contours produit des espérances, nécessairement plus petites mais qui donnent aussi du sens à notre vie terrestre. Le Dieu transcendant « crée une ouverture qui élargit à l’infini le champ des possibles. A vrai dire, tout devient envisageable. » (Chantal DELSOL, Les pierres d’angle, p. 145) Dans le Premier Testament, l’Eternel se révèle comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob : le Dieu d’une lignée intergénérationnelle. C’est pourquoi, Il transmet des espérances allant au-delà de notre seule génération, au-delà de notre seule vie individuelle. L’espérance chrétienne n’est pas individualiste. Viennent alors ces questions : Quelles espérances peut-on nourrir pour notre société et pour notre monde ? Comment y manifester la grande espérance ?

Espérance et société Il faut l’affirmer d’emblée, même si ce qui précède le démontre : L’espérance chrétienne n’est pas politique. Jésus ne fut pas un combattant de l’occupation romaine d’Israël. Par contre, après son procès, la foule et les autorités religieuses qui ont choisi la libération du meurtrier Barabbas, un instigateur d’un soulèvement contre l’autorité romaine, ont en fait opté pour une réponse (une espérance) politique à leur oppression. Le Christ propose premièrement la liberté de l’être intérieur. Ensuite, par une transformation de la culture « de bas en haut », du cœur de chaque homme vers ses communautés d’appartenance, il se produit une transformation sociétale. La question de l’esclavage en est une bonne illustration. Les chrétiens des premiers siècles, et l’apôtre Paul en particulier, n’ont nullement réclamé l’abolition de l’esclavage. Dans la première épître aux Corinthiens, on peut lire : « 20 Que chacun demeure dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé. 21 As-tu été appelé étant esclave, ne t’en inquiète pas… » (1Co 7 : 20-21a) Ceci étant, le même apôtre Paul écrira à Philémon, le maître de l’esclave Onésime, que ce dernier est « ses propres entrailles » (Phm 1 : 12), « un frère bien-aimé » de lui particulièrement et de Philémon son maître chrétien, à plus forte raison (Phm 1 : 16). C’est montrer qu’en instaurant de nouveaux rapports humains fondés sur l’amour, sur la fraternité, sur la bienveillance, l’Evangile vécu ne pouvait qu’amener l’abolition de l’esclavage sur le long terme.

L’Evangile transforme la culture de l’intérieur. Nous abandonnons donc les fausses espérances ; d’autant que nous savons que des conditions politiques ou économiques favorables ne peuvent guérir le cœur de l’homme. Est-ce à dire que nous renonçons à toute amélioration notre environnement culturel ? Est-ce à dire que l’engagement public des chrétiens est une erreur, une incompréhension profonde de l’Evangile ? Non, et pour au moins  une raison : l’amour pour nos prochains qui pousse à la bienveillance active, qui pousse à ne pas aimer en paroles seulement mais en actes (1Jn 3 : 18). Cependant, nous avons une pleine conscience des limites de ce que l’on appelle progrès, quelle qu’en soit sa nature. Une autre raison justifie l’engagement public des chrétiens : Par leur vie individuelle et communautaire, ils sont appelés à révéler le Royaume de Dieu ; ils sont conduits à poser, « ici et maintenant […] des signes d’un autre avenir, des semences d’un monde renouvelé qui, le moment venu, porteront leur fruit. »[4] Nous nous tenons à la fois dans la société présente dont nous savons qu’elle sera toujours imparfaite – nous y sommes des étrangers et des voyageurs (He 11 : 13) –, et le Royaume de Dieu – la patrie céleste, la cité aux fondements inébranlables (He 11 : 10). Par la foi et nos engagements qu’elle porte, nous manifestons cette nouvelle cité dans le temps présent si bien que notre temps est touché par la réalité future. « En créant du lien social, en tissant des liens humains et humanisants, en rendant la société plus solidaire, les chrétiens traduisent dans l’aujourd’hui ce qui a été inauguré par la Pâque du Christ, ce qui est déjà acquis mais n’est pas encore pleinement réalisé. » (Alphonse Borras) Enfin, l’attente du jugement dernier n’est pas terrifiante pour nous, disciples du Christ, mais une espérance de justice qui nous responsabilisent. « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice car ils seront rassasiés. » (Mt 5 : 6) L’injustice ne sera pas la fin ultime de l’Histoire. A nous de le manifester individuellement et communautairement, dès maintenant, par nos façons d’être et nos engagements. L’espérance ne rend pas passif, au contraire ! Elle donne de l’élan, nous met en marche, sans que nous ne  sachions parfois où nous allons (Cf. Abraham, He 11 : 8).

Pour conclure…L’espérance ne nous dégage ni du présent, ni de la réalité. Elle se vit au quotidien, dans l’aujourd’hui de Dieu, les yeux ouverts, dans la vérité. Comme l’écrivait Bernanos, « L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges… » (Georges Bernanos, La liberté pour quoi faire?, Paris, Gallimard, « Idées », 1953, p. 107) Après un XX° siècle ravagé par les utopies messianiques (et/ou millénaristes), dans un siècle où chacun se demande « comment vivre ? » plutôt que « pourquoi vivre ? », l’espérance est désormais un acte de résistance face au fatalisme, au destin, à la résignation, aux « A quoi bon ! ». Un défi aussi à une époque qui préfère l’instantanéité (« Je veux tout, tout de suite ! »). A ce propos, Bernanos écrivait : « le monde vit beaucoup trop vite, le monde n’a plus le temps d’espérer. La vie intérieure de l’homme moderne a un rythme trop rapide pour que s’y forme et mûrisse un sentiment si ardent et si tendre, il hausse les épaules à l’idée de ces chastes fiançailles avec l’avenir. » Quel écrivain talentueux ce Bernanos !… L’espérance comme de « chastes fiançailles avec l’avenir »… A méditer. Avons-nous encore une vie intérieure pour être capable d’espérer ?… L’hyper-connectivité, l’hyperactivité ou au contraire la passivité devant la télévision sont les produits d’une civilisation moderne qui saccage toute vie intérieure. Comme l’écrivait déjà Pascal  au XVII° siècle, « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Briser la monotonie du temps pour différencier temps connectés et temps d’intériorité est une nécessité pour nourrir nos espérances. Si nous n’espérons plus – par oubli ou parce qu’il y a tant d’autres choses à faire – alors notre foi chrétienne est sans objet car « la foi est la substance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. » (He 11 : 1) Enfin, comme nous l’écrivions plus haut, l’espérance a partie liée avec la joie. L’une et l’autre, espérance et joie, devraient être les caractéristiques du peuple chrétien. N’oublions pas ce qu’affirmaient Gilbert K. Chesterton, « le contraire du christianisme n’est pas l’athéisme, mais la tristesse ». Alors, même si nous vivons dans une société sinistr(é)e où la foi est piétinée, ne perdons pas les marques de notre appartenance au Christ : la joie et l’espérance.

Parmi les sources de la partie sur l’espérance chrétienne : – La lettre encyclique SPE SALVI de Benoît XVI (disponible à l’adresse http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20071130_spe-salvi_fr.html) – La paroisse, foyer d’espérance – Alphonse Borras – http://beta.ecdq.org/wp-content/uploads/2012/09/La-paroisse-foyer-d%E2%80%99esp%C3%A9rance-Borras.pdf

[1] Je fais ici allusion à ce texte d’Alexis de Tocqueville in De la démocratie en Amérique (Vol. II, chap. III § 21) : « Les violentes passions politiques ont peu de prise sur des hommes qui ont attaché toute leur âme à la poursuite du bien-être. L’ardeur qu’ils mettent aux petites affaires les calme sur les grandes. » [2] Charles Baudelaire, L’invitation au voyage [3] « L’homme grandit si Dieu infini devient sa mesure. » (Søren Kierkegaard) [4] Frère Roger de la Communauté de Taizé