Archive pour le 19 février, 2016
PREMIERE LECTURE – LIVRE DE LA GENÈSE 15, 5-12. 17-18
19 février, 2016PREMIERE LECTURE – LIVRE DE LA GENÈSE 15, 5-12. 17-18
En ces jours-là, Le SEIGNEUR parlait à Abraham dans une vision. 5 Puis il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles si tu le peux… » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! » 6 Abram eut foi dans le SEIGNEUR, et le SEIGNEUR estima qu’il était juste. 7 Puis il dit : « Je suis le SEIGNEUR, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage. » 8 Abram répondit : « SEIGNEUR mon Dieu, comment vais-je savoir que je l’ai en héritage ? » 9 Le SEIGNEUR lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. » 10 Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. 11 Comme les rapaces descendaient sur les cadavres, Abram les chassa. 12 Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde frayeur tomba sur lui.
17 Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. 18 Ce jour-là, le SEIGNEUR conclut une Alliance avec Abram en ces termes : « A ta descendance je donne le pays que voici depuis le Torrent d’Egypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate. »
A l’époque d’Abraham, lorsque deux chefs de tribus faisaient alliance, ils accomplissaient tout un cérémonial semblable à celui auquel nous assistons ici : des animaux adultes, en pleine force de l’âge, étaient sacrifiés ; les animaux « partagés en deux », écartelés, étaient le signe de ce qui attendait celui des contractants qui ne respecterait pas ses engagements. Cela revenait à dire : « Qu’il me soit fait ce qui a été fait à ces animaux si je ne suis pas fidèle à l’alliance que nous contractons aujourd’hui ». Ordinairement, les contractants passaient tous les deux entre les morceaux, pieds nus dans le sang : ils partageaient d’une certaine manière le sang, donc la vie ; ils devenaient en quelque sorte « consanguins ». Pourquoi cette précision que les animaux devaient être âgés de trois ans ? Tout simplement parce que les mamans allaitaient généralement leurs enfants jusqu’à trois ans ; ce chiffre était donc devenu symbolique d’une certaine maturité : l’animal de trois ans était censé être adulte. Ici Abraham accomplit donc les rites habituels des alliances ; mais pour une alliance avec Dieu, cette fois. Tout est semblable aux habitudes et pourtant tout est différent, précisément parce que, pour la première fois de l’histoire humaine, l’un des contractants est Dieu lui-même. Commençons par ce qui est semblable : « Abraham prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Comme les rapaces descendaient sur les morceaux, Abraham les écarta. » La mention des rapaces est intéressante : Abraham les écarte parce qu’il les considère comme des oiseaux de mauvais augure ; cela nous prouve que le texte est très ancien : Abraham découvre le vrai Dieu, mais la superstition n’est pas loin. Ce qui est inhabituel maintenant : « Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux s’empara d’Abraham, une sombre et profonde frayeur le saisit. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d’animaux. » A propos d’Abraham, le texte parle de « sommeil mystérieux » : ce n’est pas le mot du vocabulaire courant ; c’était déjà celui employé pour désigner le sommeil d’Adam pendant que Dieu créait la femme ; manière de nous dire que l’homme ne peut pas assister à l’oeuvre de Dieu : quand l’homme se réveille (Adam ou Abraham), c’est une aube nouvelle, une création nouvelle qui commence. Manière aussi de nous dire que l’homme et Dieu ne sont pas à égalité dans l’oeuvre de création, dans l’oeuvre d’Alliance ; c’est Dieu qui a toute l’initiative, il suffira à l’homme de faire confiance : « Abraham eut foi dans le SEIGNEUR et le SEIGNEUR estima qu’il était juste »… « Un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d’animaux » : la présence de Dieu est symbolisée par le feu comme souvent dans la Bible ; depuis le Buisson ardent, la fumée du Sinaï, la colonne de feu qui accompagnait le peuple de Dieu pendant l’Exode dans le désert jusqu’aux langues de feu de la Pentecôte. Venons-en aux termes de l’Alliance ; Dieu promet deux choses à Abraham : une descendance et un pays. Les deux mots « descendance » et « pays » sont utilisés en inclusion dans ce récit ; au début, Dieu avait dit : « Regarde le ciel et compte les étoiles si tu le peux… Vois quelle descendance tu auras !… Je suis le SEIGNEUR qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te mettre en possession de ce pays » et à la fin « A ta descendance je donne le pays que voici. » Soyons francs, cette promesse adressée à un vieillard sans enfant est pour le moins surprenante ; ce n’est pas la première fois que Dieu fait cette promesse et pour l’instant, Abraham n’en a pas vu l’ombre d’une réalisation. Depuis des années déjà, il marche et marche encore en s’appuyant sur la seule promesse de ce Dieu jusqu’ici inconnu pour lui. Rappelons-nous le tout premier récit de sa vocation : « Va pour toi, loin de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir. Je ferai de toi une grande nation… » (Gn 12, 1). Et dès ce jour-là, le texte biblique notait l’extraordinaire foi de l’ancêtre qui était parti tout simplement sans poser de questions : « Abraham partit comme le SEIGNEUR le lui avait dit. » (Gn 12, 4). Ici, le texte constate : « Abraham eut foi dans le SEIGNEUR, et le SEIGNEUR estima qu’il était juste. » C’est la première apparition du mot « Foi » dans la Bible : c’est l’irruption de la Foi dans l’histoire des hommes. Le mot « croire » en hébreu vient d’une racine qui signifie « tenir fermement » (notre mot « Amen » vient de la même racine). Croire c’est « TENIR », faire confiance jusqu’au bout, même dans le doute, le découragement, ou l’angoisse. Telle est l’attitude d’Abraham ; et c’est pour cela que Dieu le considère comme un juste. Car, le Juste, dans la Bible, c’est l’homme dont la volonté, la conduite sont accordées à la volonté, au projet de Dieu. Plus tard, Saint Paul s’appuiera sur cette phrase du livre de la Genèse pour affirmer que le salut n’est pas une affaire de mérites. « Si tu crois… tu seras sauvé » (Rm 10, 9). Si je comprends bien, Dieu donne : il ne demande qu’une seule chose à l’homme…. y croire. ———————————- Compléments – v.7 : « Je suis le Seigneur qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée » ; c’est le même mot que pour la sortie d’Egypte avec Moïse, six cents ans plus tard : l’oeuvre de Dieu est présentée dès le début comme une oeuvre de libération. – v. 12 : « sommeil mystérieux » = « tardémah » = même mot pour Adam, Abraham, Saül (1 S 26)
HOMÉLIE 2E DIMANCHE DE CARÊME
19 février, 2016http://www.homelies.fr/homelie,,4485.html
HOMÉLIE 2E DIMANCHE DE CARÊME
dimanche 21 février 2016
Famille de Saint Joseph
« Regarde le Ciel » demande le Seigneur à Abraham. L’invitation à la conversion pour notre deuxième semaine de carême concerne notre regard. Jésus transfiguré s’offre aux regards tournés vers le Ciel et ouvre à une autre conversion : celle de nos oreilles. « Écoutez-le », clame la voix dans la nuée. Jésus va sur la montagne pour prier. C’est son but. Il ne va pas comme on prépare une surprise spectaculaire. Il rejoint le Père. Jésus emmène avec lui trois de ses disciples. Ceux qui sont de toutes les théophanies. Il les « prend » avec lui ; Jésus prend les disciples dans sa prière, il les introduit au cœur de son dialogue avec le Père. En montant sur le Thabor, nous entreprenons un voyage au cœur de la Trinité. Nous le savons, quand il prie, Jésus dit « Abba, Père ». L’évangile nous fait entendre que le Père en retour l’appelle « mon Fils, celui que j’ai choisi ». Il existe une intimité entre les deux que personne d’autre ne partage. Intimité ici ne veut pas dire proximité exclusive des autres. Elle veut dire connaissance dans l’amour. Car « personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler » (Mt 11,27). L’évangile nous fait donc entrer dans l’intimité de la prière de Jésus non pas comme des spectateurs (ou des voyeurs !) mais comme des amis à qui le Fils veut révéler le Père. C’est pour cette raison qu’il nous prend avec lui. Jésus nous révèle le Père en nous introduisant au cœur dans sa relation filiale. C’est-à-dire qu’on ne vit pleinement la paternité de Dieu que dans le Fils. Sans doute trouvons-nous là une raison pour laquelle Jésus ne s’est jamais présenté comme le Fils de Dieu. Certes, la première raison est à trouver dans la culture de l’époque – « fils de Dieu » désignait autant les rois que les prophètes ou toute personnalité marquante –, mais, par-dessus tout, parce qu’on ne peut connaître le Fils que dans sa relation au Père. Ainsi, s’il nous permet de connaitre le Père, Jésus nous permet aussi de le connaître lui-même, dans le Père. Le Père est heureux de ce don. Il est profondément heureux que son Fils lui ramène ses enfants dispersés. Il s’ouvre à eux et les fait entrer dans le dialogue intime qu’il entretient éternellement avec le Fils : « Celui-ci est mon Fils ». Le Père nous désigne le Fils et nous interpelle ; dès lors, il nous introduit lui aussi dans le colloque qu’il entretient avec le Verbe éternel. Le « tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré » du psaume s’ouvre dans l’évangile à un autre interlocuteur dans le « voici mon fils bien-aimé ». Dieu le Père nous prend avec lui dans la prière de son Fils. Parce qu’elle nous introduit au cœur du mystère de la vie, la transfiguration est une annonce de la mort et de la résurrection. Les deux. Car l’union du Fils au Père, la vie filiale à laquelle Jésus nous introduit par sa prière, se découvre aussi sur la Croix, offrande du Fils de l’Homme. Le Thabor comme la Croix est l’autel où le Grand-Prêtre élève son offrande au Père. Le Thabor comme la Croix est le lieu d’où Jésus attire tous à lui, dans le sein du Père. « On ne vit plus que Jésus seul » : Ecce Homo. L’Homme, dans toute sa gloire, l’Homme dans la lumière de la résurrection. Gravir avec Jésus le Thabor est donc un chemin purement spirituel et totalement incarné. Inutile, comme saint Pierre, de se rêver s’installant dans un monde qui ne serait que spirituel. Ce ne serait pas l’éternité, ce n’est qu’une ultime tentation pour les disciples. On ne monte pas sa tente sur la montagne sainte. Il faut redescendre de la montagne et vivre la grâce reçue, jusque dans sa chair. Saint Paul disait dans la deuxième lecture : « le Seigneur Jésus Christ (…) transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ». La grâce du Thabor nous concerne tout entiers, corps, âme et esprit. Dans un monde où « beaucoup de gens vivent en ennemis de la croix du Christ », dans une culture qui méprise le corps, faisant de lui à la fois une idole et un objet, il est important de rappeler la noblesse et la vraie grandeur du corps. Elles sont celles de la personne humaine. Cette « transformation de nos corps » se vit également au pluriel, communautairement. En nous transfigurant tous « à l’image de son corps glorieux », tous ensemble, le Christ transfigure aussi nos différences qui sont un reflet de sa propre richesse. Ces différences fondamentales qui caractérise chacun des enfants de Dieu nous pèsent souvent et nous divisent parfois. Sur le Thabor, elles révèlent leur sens et elles trouvent leur unité dans le Christ. De même en chaque individu. La contemplation de la transfiguration agit en prisme pour nos dispersions et pour nos dissipassions intérieures. Contempler la lumière du Christ nous unifie intérieurement et nous unit à lui en nous révélant notre sens et notre unité. Le Christ est le sens de notre vie. En contemplant le transfiguré, nous contemplons notre avenir. Quand la voix se tait dans la nuée, il ne reste que le silence qui ouvre les yeux : « on ne vit plus que Jésus seul ». Seigneur Jésus, donne-nous d’accueillir ta Parole comme le Père le demande pour que te connaissions dans l’amour. Ainsi nous te reconnaîtrons en chacun de nos frères et en nous-mêmes ; ainsi nous marcherons joyeux et confiants à ta suite, vers la Jérusalem Céleste où nous trouverons enfin la demeure où nous installer dans ton amour.
Frère Dominique