Archive pour le 9 février, 2016
MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES 2013 – PAPE BENOÎT XVI
9 février, 2016MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES
(les lectures sont les mêmes qui sont lus demain)
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Basilique Vaticane
MERCREDI DES CENDRES, 13 FÉVRIER 2013
Vénérés frères,
Chers frères et sœurs !
Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous commençons un nouveau chemin de Carême, un chemin qui se déroule pendant quarante jours et qui nous conduit à la joie de la Pâque du Seigneur, à la victoire de la Vie sur la mort. Suivant l’antique tradition romaine des stations de Carême, nous nous sommes réunis aujourd’hui pour la Célébration de l’Eucharistie. Cette tradition prévoit que la première statio ait lieu dans la Basilique Sainte Sabine sur la colline de l’Aventin. Les circonstances ont suggéré de se rassembler dans la Basilique vaticane. Ce soir, nous sommes nombreux autour de la Tombe de l’apôtre Pierre, pour demander aussi son intercession pour la marche de l’Église en ce moment particulier, renouvelant notre foi dans le Pasteur Suprême, le Christ Seigneur. Pour moi, c’est une occasion propice pour vous remercier tous, spécialement les fidèles du Diocèse de Rome, tandis que je m’apprête à conclure mon ministère pétrinien, et pour demander un souvenir particulier dans la prière. Les lectures qui ont été proclamées nous offrent des aspects qu’avec la grâce de Dieu nous sommes appelés à faire devenir des attitudes et des comportements concrets au cours de ce Carême. L’Église nous propose à nouveau, surtout, le rappel fort que le prophète Joël adresse au peuple d’Israël : « Parole du Seigneur : revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne les larmes et le deuil ! » (2,12). L’expression « de tout votre cœur » est soulignée. Elle signifie : du centre de nos pensées et sentiments, de la racine de nos décisions, de nos choix, de nos actions, dans un geste de liberté totale et radicale. Mais ce retour à Dieu est-il possible ? Oui, parce qu’il y a une force qui ne réside pas dans notre cœur, mais qui se dégage du cœur même de Dieu. C’est la force de sa miséricorde. Le prophète dit encore : « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (v.13). Le retour au Seigneur est possible comme « grâce », parce qu’il est œuvre de Dieu et fruit de la foi que nous mettons dans sa miséricorde. Ce retour à Dieu devient réalité concrète dans notre vie seulement lorsque la grâce du Seigneur pénètre dans l’intime et le secoue, nous donnant la force de « déchirer notre cœur ». C’est encore le prophète qui fait résonner de la part de Dieu ces paroles : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (v. 13). En effet, de nos jours aussi, beaucoup sont prêts à « déchirer leurs vêtements » devant les scandales et les injustices – naturellement commis par les autres –, mais peu semblent disponibles à agir sur leur propre « cœur », sur leur propre conscience et sur leurs intentions, laissant au Seigneur de transformer, renouveler et convertir. Ce « revenez à moi de tout votre cœur », ensuite, est un rappel qui implique non seulement chacun mais la communauté. Toujours dans la première lecture, nous avons écouté : « Sonnez de la trompette dans Jérusalem : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! » (v. 15.16). La dimension communautaire est un élément essentiel dans la foi et dans la vie chrétienne. Le Christ est venu « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (cf. Jn 11,52). Le « Nous » de l’Église est la communauté dans laquelle Jésus nous réunit tous ensemble (cf. Jn 12,32) : la foi est nécessairement ecclésiale. Et il est important de le rappeler et de le vivre en ce temps du Carême : que chacun soit conscient qu’il n’affronte pas seul le chemin de pénitence, mais avec beaucoup de frères et de sœurs, dans l’Église. Le prophète, enfin, s’arrête sur la prière des prêtres, qui, les larmes aux yeux, se tournent vers Dieu en disant : « N’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et à la moquerie des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” » (v. 17). Cette prière nous fait réfléchir sur l’importance du témoignage de foi et de vie chrétienne de chacun de nous et de nos communautés pour manifester le visage de l’Église et comment ce visage est, parfois, défiguré. Je pense en particulier aux coups portés contre l’unité de l’Église, aux divisions dans le corps ecclésial. Vivre le Carême dans une plus intense et évidente communion ecclésiale, dépassant les individualismes et les rivalités, est un signe humble et précieux pour ceux qui sont loin de la foi ou indifférents. « C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut ! » (2 Co 6,2). Les paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe résonnent aussi pour nous avec une urgence qui n’admet ni absence ni inertie. Le terme “maintenant” répété plusieurs fois dit que ce moment ne peut être manqué, il nous est offert comme une occasion unique et qui ne se répète pas. Et le regard de l’Apôtre se concentre sur le partage par lequel le Christ a voulu caractériser son existence, assumant tout l’humain jusqu’à se charger du péché même des hommes. La phrase de saint Paul est très forte : Dieu « l’a fait péché pour nous ». Jésus, l’Innocent, le Saint, « Celui qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5,21), se charge du poids du péché en en partageant avec l’humanité l’issue de la mort, et de la mort de la croix. La réconciliation qui nous est offerte a eu un prix très élevé, celui de la croix élevée sur le Golgotha, où le Fils de Dieu fait homme a été suspendu. Dans cette immersion de Dieu dans la souffrance humaine et dans l’abime du mal se trouve la racine de notre justification. Le « revenir à Dieu de tout votre cœur », sur notre chemin de Carême, passe par la Croix, le fait de suivre le Christ sur la route qui conduit au Calvaire, au don total de soi. C’est un chemin sur lequel on apprend chaque jour à sortir toujours plus de notre égoïsme et de nos fermetures, pour faire place à Dieu qui ouvre et transforme le cœur. Et saint Paul rappelle comment l’annonce de la Croix résonne jusqu’à nous grâce à la prédication de la Parole dont l’Apôtre lui-même est ambassadeur ; un rappel pour nous afin que ce chemin de Carême soit caractérisé par une écoute plus attentive et assidue de la Parole de Dieu, lumière qui éclaire nos pas. Dans la page de l’évangile de Matthieu, qui appartient à ce qu’on appelle le Discours sur la montagne, Jésus fait référence à trois pratiques fondamentales prévues par la Loi mosaïque : l’aumône, la prière et le jeûne ; ce sont aussi des indications traditionnelles du chemin de Carême pour répondre à l’invitation à « revenir à Dieu de tout son cœur ». Mais Jésus souligne comment c’est la qualité et la vérité du rapport à Dieu qui qualifie l’authenticité de chaque geste religieux. Par là il dénonce l’hypocrisie religieuse, le comportement qui veut paraître, les attitudes qui cherchent les applaudissements et l’approbation. Le vrai disciple ne sert pas lui-même ou le “public”, mais son Seigneur, dans la simplicité et la générosité : « Ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra » (Mt 6, 4.6.18). Alors, notre témoignage sera toujours d’autant plus incisif que nous rechercherons moins notre gloire et serons conscients que la récompense du juste est Dieu Lui-même, le fait d’être unis à Lui, ici-bas, sur le chemin de la foi, et, au terme de la vie, dans la paix et dans la lumière de la rencontre face à face avec Lui pour toujours (cf. 1 Co 13,12). Chers frères et sœurs, commençons confiants et pleins de joie l’itinéraire du Carême. Que résonne en nous avec force l’invitation à la conversion, à « revenir à Dieu de tout notre cœur », en accueillant sa grâce qui fait de nous des hommes nouveaux, avec cette nouveauté surprenante qui est participation à la vie-même de Jésus. Qu’aucun de nous, donc, ne soit sourd à cet appel, qui nous est aussi adressé dans le rite austère, à la fois si simple et si suggestif, de l’imposition des cendres, que nous allons accomplir. Que durant ce temps la Vierge Marie, Mère de l’Église et modèle de chaque disciple authentique du Seigneur, nous accompagne. Amen !
HOMÉLIE DU CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS – MERCREDI DES CENDRES 2013
9 février, 2016http://www.notredamedeparis.fr/spip.php?article1779
HOMÉLIE DU CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS – MERCREDI DES CENDRES
(Homélie, les lectures sont les mêmes qui sont lus demain)
PRONONCÉE LORS DE LA MESSE DU MERCREDI DES CENDRES 2013
Jl 2, 12-18 ; Ps 50, 3-6.12-14.17 ; 2 Co 5, 20 – 6, 2 ; Mt 6, 1.16-18
Frères et Sœurs,
Nous sommes invités à vivre ce Carême de l’année 2013 sous le signe de l’Année de la foi que le Saint Père a promulguée pour toute l’Église et à laquelle nous participons de différentes façons dans nos communautés. C’est dire que notre cheminement, à partir de ce jour d’ouverture du Carême jusqu’à Pâques, sera éclairé par cette Année de la foi et sera vécu comme un chemin d’approfondissement, d’épanouissement et de fécondité de notre foi. Si nous sommes invités par l’évangile de saint Matthieu à concentrer nos efforts de conversion sur la prière, le partage et le jeûne, nous n’oublions pas que ces démarches, comme l’évangile nous le rappelle, ne sont pas d’abord destinées à manifester notre sainteté aux yeux des hommes, mais à traduire notre disponibilité intérieure et personnelle devant Dieu qui connaît le secret des cœurs. Augmenter notre temps de prière, en tout cas le vivre de manière plus régulière. Augmenter notre capacité de partager, non seulement notre superflu mais aussi notre nécessaire avec ceux qui sont dans le besoin. Éprouver dans notre chair par le jeûne et la privation que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Ces trois démarches de la prière, du partage et du jeûne visent à mettre notre cœur en disponibilité pour accueillir l’appel de Dieu et y répondre, et surtout à éprouver dans notre désir, dans l’utilisation des moyens dont nous disposons, dans l’orientation de notre vie, que Dieu est le seul nécessaire et que c’est Lui qui est le fondement de toute chose. Dans cette démarche de foi, la reconnaissance du Dieu Père de Miséricorde, comme nous l’indiquait le prophète Joël, nous fait prendre conscience que l’amour de Dieu, toujours disponible, déborde de toutes manières nos imperfections, nos limites et nos fautes. Celui vers lequel notre foi se tourne, celui que nous essayons de mieux connaître par l’engagement de la foi est en même temps celui qui constitue notre espérance : Dieu riche en miséricorde. C’est pourquoi saint Paul nous invite et nous exhorte à nous laisser réconcilier avec Lui, non pas d’abord parce que nous serions capables de rénover complétement notre manière de vivre, mais parce que Dieu veut nous réconcilier avec Lui, parce qu’il a pris l’initiative d’envoyer son fils en ce monde pour prendre sur lui-même le péché du monde, et ainsi nous délivrer du péché. Au nom du Christ, au nom de celui qui a pris sur lui le péché des hommes, nous sommes invités à nous laisser réconcilier avec Dieu, c’est-à-dire à laisser Dieu exercer sa miséricorde sur notre vie et à le laisser construire en nous une nouvelle manière de vivre. C’est dans la mesure où notre foi en cette puissance miséricordieuse de Dieu qui agit, et notre espérance qui nous tourne vers Lui pour accueillir son pardon, que notre charité peut se trouver renouvelée, développée, et s’exprimer d’une façon plus concrète et plus ample à travers tous les moments de notre existence. Cet appel à la conversion, cet appel à accueillir la miséricorde, cet appel à vivre une vie nouvelle, c’est maintenant qu’il nous est adressé. C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. Évidemment nous ne sommes pas dupes de cette formulation. Depuis la mort et la résurrection de Jésus tout moment de notre vie est un moment favorable, et tous les jours de notre vie sont des jours du salut. Mais en ce jour où nous nous mettons en marche d’une façon plus délibérée vers un renouvellement de notre vie baptismale, cette exaltation du moment favorable et du jour du salut prennent une dimension particulière : c’est aujourd’hui, frères et sœurs, que nous sommes invités à entrer résolument dans le chemin de la foi, de l’espérance et de la charité. C’est pourquoi tout à l’heure, en vous imposant les cendres, je vous dirai la formule tirée de l’Évangile : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne nouvelle » (Mc 1, 15), parce que la foi en la Bonne nouvelle du salut, la foi au Christ venu prendre sur lui notre péché, la foi en ce temps favorable et ce jour du salut sont indissociables de notre conversion de vie. C’est parce que nous croyons en Dieu que nous sommes appelés à une vie nouvelle, et nous menons une vie nouvelle pour que notre foi se développe et porte davantage de fruit. La conversion est indissociable de la foi, sinon elle n’est qu’un effort moral pour perfectionner notre existence, elle succombe aux défauts que saint Matthieu soulignait dans son évangile : changer dans nos pratiques pour montrer aux hommes que nous sommes des justes. La conversion selon le Christ consiste au contraire à exprimer notre foi indéfectible en la miséricorde de Dieu, notre espérance inépuisable en l’actualité de sa miséricorde, par le changement qu’il produit en nos cœurs, et de nos cœurs à nos manières de vivre. Ce temps favorable, ce jour du salut, ce temps de la conversion pour croire à la Bonne nouvelle, oui c’est vraiment un temps de joie et c’est un temps d’exultation parce que chaque pas franchi dans la direction de la foi, de l’espérance et de la charité nous engage davantage dans le mystère de Dieu et nous fait éprouver davantage encore l’amour dont il aime chacun d’entre nous. « Sonnez de la trompette dans Jérusalem, prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple » (Jl 2, 15-16), voilà ce que le prophète demandait à Israël, voilà ce que Dieu nous demande aujourd’hui : vivre ce temps de grâce, ce jour du salut, dans la joie de l’espérance. Amen.
† André cardinal VINGT-TROIS Archevêque de Paris