Archive pour janvier, 2016

PAPE FRANÇOIS – 2. SIGNES DU JUBILÉ – 16 décembre 2015

13 janvier, 2016

http://w2.vatican.va/content/francesco/it/audiences/2015/documents/papa-francesco_20151216_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

2. SIGNES DU JUBILÉ

Mercredi 16 décembre 2015

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dimanche dernier a été ouverte la porte sainte dans la cathédrale de Rome, la basilique Saint-Jean-de-Latran, et a été ouverte une porte de la miséricorde dans la cathédrale de chaque diocèse du monde, également dans les sanctuaires et dans les églises indiquées par les évêques. Le jubilé est célébré dans le monde entier, pas seulement à Rome. J’ai désiré que ce signe de la porte sainte soit présent dans chaque Eglise particulière, afin que le jubilé de la miséricorde puisse devenir une expérience partagée par chaque personne. De cette façon, l’année sainte a commencé dans toute l’Eglise et est célébrée dans chaque diocèse comme à Rome. D’ailleurs, la première porte sainte a été ouverte précisément au cœur de l’Afrique. Et Rome est le signe visible de la communion universelle. Puisse cette communion ecclésiale devenir toujours plus intense, afin que l’Eglise soit dans le monde le signe vivant de l’amour et de la miséricorde du Père. La date du 8 décembre a également voulu souligner cette exigence en reliant, à 50 ans de distance, le début du jubilé avec la conclusion du Concile œcuménique Vatican II. En effet, le Concile a contemplé et présenté l’Eglise à la lumière du mystère de la communion. Présente dans le monde entier et organisée dans de nombreuses Eglises particulières, elle est toutefois toujours et uniquement l’unique Eglise de Jésus Christ, celle qu’Il a voulu et pour laquelle il s’est offert Lui-même. L’Eglise «une» qui vit de la communion même de Dieu. Ce mystère de communion, qui fait de l’Eglise le signe de l’amour du Père, croît et mûrit dans notre cœur, quand l’amour, que nous reconnaissons dans la Croix du Christ et dans lequel nous nous plongeons, nous fait aimer comme nous sommes nous-mêmes aimés par Lui. Il s’agit d’un Amour sans fin, qui a le visage du pardon et de la miséricorde. Toutefois, la miséricorde et le pardon ne doivent pas demeurer de vaines paroles, mais se réaliser dans la vie quotidienne. Aimer et pardonner sont le signe concret et visible que la foi a transformé nos cœurs et nous permet d’exprimer en nous la vie même de Dieu. Aimer et pardonner comme Dieu aime et pardonne. C’est un programme de vie qui ne peut connaître d’interruptions ou d’exceptions, mais qui nous pousse à aller toujours au-delà, sans jamais nous lasser, avec la certitude d’être soutenus par la présence paternelle de Dieu. Ce grand signe de la vie chrétienne se transforme ensuite en de nombreux autres signes qui sont caractéristiques du jubilé. Je pense à ceux qui franchiront l’une des portes saintes qui, au cours de cette année, sont de véritables portes de la miséricorde. La porte indique Jésus lui-même qui a dit: «Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira, et trouvera un pâturage» (Jn 10, 9). Traverser la porte sainte est le signe de notre confiance dans le Seigneur Jésus qui n’est pas venu pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 12, 47). Prenez garde que quelqu’un d’un peu malhonnête ou de trop rusé ne vous dise qu’il faut payer: non! le salut ne se paie pas. Le salut ne s’achète pas. La porte est Jésus, et Jésus est gratuit! Lui-même parle de ceux qui ne font pas entrer comme il se doit, et il dit simplement que ce sont des voleurs et des brigands. Alors faites attention: le salut est gratuit. Traverser la porte sainte est signe d’une véritable conversion de notre cœur. Quand nous traversons cette porte, il est bon de rappeler que nous devons maintenir grande ouverte également la porte de notre cœur. Je suis devant la porte sainte et je demande: «Seigneur, aide-moi à ouvrir toute grande la porte de mon cœur!». L’année sainte ne serait pas très efficace si la porte de notre cœur ne laissait pas passer le Christ, qui nous pousse à aller vers les autres, pour l’apporter, lui et son amour. Donc, de même que la porte sainte reste ouverte, parce qu’elle est le signe de l’accueil que Dieu lui-même nous réserve, ainsi, que notre porte également, celle de notre cœur, soit toujours grande ouverte pour n’exclure personne. Pas même celui ou celle qui me dérange: personne. Un signe important du jubilé est également la Confession. S’approcher du sacrement avec lequel nous sommes réconciliés avec Dieu équivaut à faire l’expérience directe de sa miséricorde. C’est trouver le Père qui pardonne: Dieu pardonne tout. Dieu nous comprend également dans nos limites, il nous comprend également dans nos contradictions. Pas seulement, avec son amour, il nous dit que c’est précisément quand nous reconnaissons nos péchés qu’il est encore plus proche et qu’il nous pousse à regarder de l’avant. Il dit plus: que lorsque nous reconnaissons nos péchés et que nous demandons pardon, le Ciel est en fête. Jésus fait la fête! C’est Sa miséricorde: ne nous décourageons pas. Allons de l’avant, de l’avant avec cela! Combien de fois ai-je entendu: «Père, je n’arrive pas à pardonner mon voisin, mon collègue de travail, ma voisine, ma belle-mère, ma belle-sœur». Nous avons tous entendu cela: «Je n’arrive pas à pardonner». Mais comment peut-on demander à Dieu de nous pardonner, si ensuite nous ne sommes pas capables de pardonner? Et pardonner est une grande chose, pourtant, ce n’est pas facile, de pardonner, parce que notre cœur est pauvre et qu’il ne peut pas y réussir avec ses seules forces. Mais si nous nous ouvrons pour accueillir la miséricorde de Dieu pour nous, nous devenons à notre tour capables de pardon. Tant de fois, j’ai entendu dire: «Mais, cette personne, je ne pouvais pas la voir: je la détestais. Mais un jour, je me suis approché du Seigneur et je lui ai demandé pardon pour mes péchés, et j’ai aussi pardonné cette personne». Ce sont des choses de tous les jours. Et nous avons cette possibilité près de nous. Donc, courage! Vivons le jubilé en commençant par ces signes qui comportent une grande force d’amour. Le Seigneur nous conduira à faire l’expérience d’autres signes importants pour notre vie. Courage et allons de l’avant!

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les personnes venues de Nouvelle Calédonie. Alors que Noël se fait proche, je vous confie à l’intercession de la Mère de Jésus et je vous invite, en recevant le sacrement de réconciliation, à préparer votre cœur pour recevoir le Seigneur dans votre vie. Que Dieu vous bénisse.

Praying old man

12 janvier, 2016

Praying old man dans images sacrée rousseaux_praying_old_man

https://www.pubhist.com/w14134

BENOÎT XVI – L’HOMME DANS LA PRIÈRE (8) LA LECTURE DE LA BIBLE, LA NOURRITURE SPIRITUELLE

12 janvier, 2016

https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/it/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110803.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Castel Gandolfo

Mercredi 3 août 2011

Chers frères et sœurs!

L’HOMME DANS LA PRIÈRE (8) LA LECTURE DE LA BIBLE, LA NOURRITURE SPIRITUELLE

Je suis très heureux de vous rencontrer ici, sur la place de Castel Gandolfo, et de recommencer les audiences interrompues pendant le mois de juillet. Je voudrais poursuivre le thème que nous avons commencé, c’est-à-dire une «école de prière», et aujourd’hui aussi, de manière un peu différente, sans m’éloigner du thème, mentionner certains aspects à caractère spirituel et concret, qui me semblent utiles non seulement pour celui qui vit — dans une partie du monde — la période des vacances d’été, comme nous, mais également pour tous ceux qui sont pris par leur travail quotidien.Lorsque nous avons un moment de pause dans nos activités, en particulier durant les vacances, nous prenons souvent un livre à la main, que nous désirons lire. Tel est précisément le premier aspect sur lequel je voudrais m’arrêter. Chacun de nous a besoin de temps et d’espaces de recueillement, de méditation et de calme… Remercions le ciel qu’il en soit ainsi! En effet, cette exigence nous dit que nous ne sommes pas faits seulement pour travailler, mais aussi pour penser, réfléchir ou bien simplement pour suivre avec l’esprit et avec le cœur un récit, une histoire dans laquelle nous identifier, dans un certain sens «nous perdre» pour ensuite nous retrouver enrichis. Naturellement, beaucoup de ces livres de lecture, que nous prenons en main pendant les vacances, sont en général des livres d’évasion, et cela est normal. Toutefois, certaines personnes, en particulier si elle peuvent avoir des temps de pause et de détente plus prolongés, se consacrent à lire quelque chose de plus exigeant. Je voudrais alors faire une proposition: pourquoi ne pas découvrir certains livres de la Bible, qui ne sont normalement pas connus? Ou dont nous avons peut-être écouté certains passages durant la liturgie, mais que nous n’avons jamais lus en entier? En effet, de nombreux chrétiens ne lisent jamais la Bible, et ils ont de celle-ci une connaissance très limitée et superficielle. La Bible — comme le dit son nom — est un recueil de livres, une petite «bibliothèque», née au cours d’un millénaire. Certains de ces «livrets» qui la composent demeurent presque inconnus à la plupart des gens, même bons chrétiens. Certains sont très brefs, comme le Livre de Tobie, un récit qui contient un sens très élevé de la famille et du mariage; ou le Livre d’Esther, dans lequel la reine juive, par la foi et la prière, sauve son peuple de l’extermination; ou encore plus court, le Livre de Ruth, une étrangère qui connaît Dieu et qui fait l’expérience de sa providence. Ces petits livres peuvent être lus en entier en une heure. Plus exigeants — et ce sont d’authentiques chefs-d’œuvre — sont le Livre de Job, qui affronte le grand problème de la douleur innocente; le Quoèlet, qui frappe en raison de la modernité déconcertante avec laquelle il met en discussion le sens de la vie et du monde; le Cantique des Cantiques, merveilleux poème symbolique de l’amour humain. Comme vous le voyez, ce sont tous des livres de l’Ancien Testament. Et le Nouveau? Certes, le Nouveau Testament est plus connu, et les genres littéraires sont moins diversifiés. Cependant, la beauté de lire un Evangile tout d’une traite est à découvrir, de même que je recommande les Actes des Apôtres, ou l’une des Lettres. En conclusion, chers amis, je voudrais aujourd’hui suggérer de garder à portée de main, au cours de la période estivale ou dans les moments de pause, la sainte Bible, pour la goûter d’une manière nouvelle, en lisant à la suite certains de ses Livres, ceux qui sont les moins connus et aussi les plus connus, comme les Evangiles, mais avec une lecture continue. Ainsi, les moments de détente peuvent devenir, outre un enrichissement culturel, également une nourriture pour l’esprit, capable d’alimenter la connaissance de Dieu et le dialogue avec Lui, la prière. Et cela semble une belle occupation pour les vacances: prendre un livre de la Bible, goûter ainsi un peu de détente et, dans le même temps, entrer dans le grand espace de la Parole de Dieu et approfondir notre contact avec l’Eternel, précisément comme but du temps libre que le Seigneur nous donne.

SYMBOLIQUE ET BEAUTÉ DANS LA PRIÈRE DE L’ÉGLISE ORTHODOXE

12 janvier, 2016

http://religion-orthodoxe.eu/tag/enseignement%20spirituel/

SYMBOLIQUE ET BEAUTÉ DANS LA PRIÈRE DE L’ÉGLISE ORTHODOXE

par Mgr Kallistos Ware

8 janvier 2016

La chose principale. La chose principale, dit saint Théophane le Reclus, est de se tenir devant Dieu avec l’esprit dans le cœur et de continuer à se tenir devant Lui, sans cesse, jour et nuit, jusqu’à la fin de la vie. (Cité dans Higoumène Chariton, L’Art de la prière, Bellefontaine, 1976, p. 81.) Dans cette définition concise mais profonde, saint Théophane souligne trois choses :

– premièrement, la base de la louange qui est de se tenir devant Dieu ; – deuxièmement, les facultés qu’emploie la personne qui rend grâce : avec l’esprit dans le cœur ; – troisièmement, le moment approprié pour la louange : sans cesse jour et nuit, jusqu’à la fin de la vie.

Se tenir devant Dieu. La première chose pour rendre grâce ou prier est de se tenir devant Dieu. Notez bien l’étendue de la définition de saint Théophane. Prier ce n’est pas nécessairement demander quelque chose à Dieu ; il n’est même pas nécessaire d’employer des mots, parce que, très souvent, les prières les plus profondes et les plus puissantes sont celles où l’on se tient simplement devant Dieu en silence. Mais notre attitude est toujours la même, que nous rendions grâce avec des mots, par des actions symboliques ou sacramentelles, ou en silence : nous nous tenons devant Dieu. Se tenir devant Dieu : cela implique que l’action de grâce est une rencontre, une rencontre entre personnes. Le but de l’action de grâce n’est pas seulement d’éveiller des émotions et de produire des attitudes morales appropriées, mais d’entrer en relation de manière directe et personnelle avec Dieu, la Sainte Trinité. Comme un ami parlant à un ami, écrit saint Syméon le Nouveau Théologien, nous parlons à Dieu et nous nous tenons avec hardiesse devant Sa Face habitée d’une lumière inapprochable[1]. Ici saint Syméon indique brièvement les deux pôles de la prière chrétienne, les deux aspects contrastants de cette relation personnelle : Dieu est habité d’une lumière inapprochable, mais nous, êtres humains, nous pouvons L’approcher avec hardiesse et lui parler comme un ami parle avec son ami. Dieu est au-dessus de tout être, infiniment éloigné, inconnaissable, « le Tout-Autre », le mysterium tremendum et fascinans. Mais ce Dieu transcendant est en même temps un Dieu d’amour personnel, proche de manière unique, autour de nous et en nous, partout présent et qui remplit tous[2]. Dans l’adoration, le chrétien se tient alors devant Dieu dans une double attitude, conscient à la fois de la proximité et de l’altérité toute-autre de l’Éternel, pour employer les mots d’Evelyn Underhill, écrivain anglican qui éprouvait un amour profond pour l’Orthodoxie. Lorsqu’il prie, le fidèle ressent à la fois la miséricorde et le jugement de Dieu, à la fois sa bonté et sa sévérité[3]. Jusqu’à la fin de notre vie terrestre, nous éprouverons toujours de l’assurance et de la crainte : selon les mots de saint Ambroise, starets du monastère d’Optino, entre l’espoir et la crainte. Cette double attitude apparaît d’une manière frappante dans les liturgies de l’Église orthodoxe, qui réussissent vraiment bien à combiner les deux qualités de mystère et de simplicité : pour citer une fois de plus Evelyn Underhill, …tellement profondément sensible au mystère du Transcendant, en même temps que tellement semblable à un enfant dans son approche confiante[4]. Dans les textes liturgiques de l’Orient chrétien, ces sentiments contrastés d’espoir et de crainte, de confiance et de peur sont mis côte à côte. Les Saints Dons sont les mystères donateurs de vie et terribles. En invitant les fidèles à s’approcher du calice, le prêtre dit : Approchez avec crainte de Dieu, foi et amour – la crainte et une confiance aimante vont de pair. Dans une prière avant la communion attribuée à saint Syméon le Nouveau Théologien, nous employons ces mots-ci : À la fois se réjouissant et tremblant, Moi qui suis la paille je reçois le Feu Et, étrange miracle ! Je suis ineffablement rafraîchi, Comme le buisson ardent Qui brûla mais ne fut pas consumé.

À la fois se réjouissant et tremblant : c’est précisément l’attitude que nous devrions avoir lorsque nous nous tenons devant Dieu. Notre action de grâce devrait être marquée par un sens aigu de respect et de componction, parce que c’est une chose redoutable que de tomber aux mains du Dieu vivant (Hé 10, 31) ; et également par un sentiment de simplicité accueillante et affectueuse parce que ce Dieu vivant est aussi notre frère et notre ami. Lorsque nous rendons grâce nous sommes à la fois des esclaves devant le trône du Roi des Cieux, et des enfants heureux d’être dans la maison du Père. Les larmes que nous versons en nous approchant pour communier sont à la fois des larmes de pénitence, considérant notre propre indignité – Moi qui suis la paille – et des larmes de joie en contemplant la compassion miséricordieuse de Dieu. Comme saint Macaire insiste dans ses Homélies : Ceux qui ont goûté le don de l’Esprit sont conscients de deux choses à la fois : d’un côté, la joie et la consolation ; et de l’autre, la crainte, le tremblement et la tristesse[5]. Ces deux sentiments simultanés devraient caractériser notre prière si nous voulons nous tenir de manière juste dans la Divine présence.

Avec l’esprit dans le cœur. En second lieu, prier et rendre grâce c’est se tenir devant Dieu avec l’esprit dans le cœur. Ici, cependant, il faut faire attention ; parce que, lorsque saint Théophane – et la tradition orthodoxe en général – emploie ces deux mots « esprit » et « cœur », il leur donne un sens qui est différent de celui que nous pouvons leur donner aujourd’hui en Occident. Par « esprit » ou « intellect » (noûs en grec), il ne veut pas seulement ou premièrement dire le cerveau raisonnant, avec son pouvoir d’argumentation discursive, mais aussi et beaucoup plus fondamentalement, le pouvoir d’appréhender la vérité spirituelle de l’intérieur et par une vision contemplative. La raison ne doit pas être répudiée ou réprimée, parce que c’est une faculté qui nous a été octroyée par Dieu ; mais elle n’est pas le chef de nos facultés ou la faculté la plus haute que nous possédons, et elle est transcendée à de nombreuses occasions lors de notre prière. Nous devons également faire attention lorsque nous interprétons le mot « cœur » (kardia). Quand saint Théophane – et la tradition spirituelle orthodoxe en général –, parle du cœur, ils comprennent le mot dans son acception sémitique et biblique, ne signifiant pas seulement les émotions et les affects mais le centre premier de notre personne. Le cœur signifie le « moi profond » ; c’est le siège de la sagesse et de la compréhension, l’endroit où nous prenons nos décisions morales, le lieu intérieur où nous expérimentons la grâce divine et la présence de la Sainte Trinité. Cela indique la personne humaine en tant que « sujet spirituel », créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Donc, parler comme le fait saint Théophane de se tenir devant Dieu avec l’esprit dans le cœur, signifie que nous devons L’adorer avec la totalité de notre personne humaine. Les facultés rationnelles ne sont pas du tout rejetées, parce que nous sommes des créatures rationnelles – ce que saint Clément d’Alexandrie nomme un troupeau raisonnable[6] – et à cause de cela notre prière devrait être logike latreia, prière raisonnable (Rm 12, 1). De même, nous ne devons pas exclure nos émotions et nos affects de notre prière, parce qu’eux aussi font partie de notre personnalité. Nos prières devraient être animées d’éros, désir intense et fervent pour le Divin, afin que notre prière devienne véritablement une expression d’extase érotique, pour employer une phrase de saint Maxime le Confesseur[7]. Mais, logos et éros, raison, émotions et affects doivent être combinés avec les autres pôles de notre personne, et ils doivent tous être intégrés en une unité vivante, au niveau de notre être profond, de notre cœur. Pour citer à nouveau Evelyn Underhill, notre expérience de Dieu jaillit du champ de notre conscience pour transformer et amener les niveaux profonds et instinctifs de l’esprit à l’acte total de l’adoration[8]. Notre adoration doit tout embrasser. Avec l’esprit dans le cœur. Dans cet acte total d’adora­tion, alors, nous devons nous tenir devant Dieu avec notre personne tout entière : certainement avec l’esprit conscient, mais aussi avec les aspects de notre être intérieur qui vont jusqu’à l’inconscient ; avec nos sentiments instinctifs, avec notre sens esthétique et également avec cette faculté de compréhension intuitive et de conscience spirituelle directe qui, comme nous l’avons dit, surpasse de loin la raison discursive. Tout cela doit jouer son rôle dans notre prière ; et notre constitution physique et matérielle aussi, c’est-à-dire notre corps. La chair aussi est transformée, écrit saint Grégaire Palamas ; elle est exaltée avec l’âme et communie avec elle au Divin, et devient de même la possession et le lieu d’habitation de Dieu[9]. Comment cet acte total s’accomplit-il ? Dans notre prière nous employons d’abord des mots, et ces mots ont une signification littérale, saisie par le rationnel. Mais il y a beaucoup plus que la signification des mots qui est impliqué dans l’acte de la prière. En deçà et au-delà de leur sens littéral, les syllabes et les expressions sont riches d’associations et de musicalité, et possèdent un pouvoir caché et une poésie propre. Donc dans nos prières, nous n’employons pas seulement les mots de manière littérale mais aussi pour leur beauté ; même si les textes sont écrits en prose rythmée plutôt qu’en vers, à travers l’imagerie poétique nous les revêtons d’une signification nouvelle. Nous prions d’ailleurs non seulement en employant des mots, mais aussi de plusieurs manières différentes : par la musique, par la splendeur des vêtements sacerdotaux, par la couleur et les lignes des saintes icônes, par l’aménagement de l’espace sacré dans l’église, par des gestes symboliques comme le signe de la croix, l’offrande de l’encens et l’allumage de bougies, et par l’emploi de tous les grands « archétypes » constituants de base de la vie humaine, comme l’eau, le pain et le vin, le feu et l’huile. Par l’emploi littéral des mots nous atteignons le rationnel ; par la poésie et la musique, par l’art, les symboles et les actes rituels, nous atteignons les autres couches de la personne humaine. Tous les aspects de notre prière sont aussi importants les uns que les autres. Si les mots que nous exprimons n’ont pas de signification littérale, ou si nous les récitons ou les chantons de telle façon que nous rendons leur signification inintelligible, notre prière dégénère en formules magiques et en charabia, et elle n’est plus digne d’un esprit rationnel. D’un autre côté, si notre prière ne s’exprime que par des mots, interprétés littéralement et rationnellement, elle pourra être une véritable prière de l’esprit mais elle ne sera pas encore une prière de l’esprit dans le cœur Elle pourra être admirablement claire, logique et systématique, mais elle sera loin d’être une prière de toute la personne. Ceci est un point que les réformateurs liturgiques occidentaux des années 1960 et 1970 ont très souvent perdu de vue. Ils ont sous-estimé le sens du mystère ; mais sans le sens du mystère nous ne sommes pas véritablement humains. La prière est plus qu’une forme de proclamation à travers l’expression de mots, et l’assemblée liturgique est plus qu’un rassemblement public avec des discours et des annonces. On dit très souvent que les symboles et les objets employés dans la prière chrétienne traditionnelle et le style de beauté que cela montre sont devenus démodés et hors de propos dans le monde contemporain. Ces symboles, argumente-t-on, datent d’une époque agricole et ne sont plus, pour nombre d’entre eux, adaptés à un environnement urbain et industriel. Pourquoi devrions-nous prier Dieu avec un cierge et un encensoir dans la main et non avec un stéthoscope ou une foreuse ? Ne restreignons-nous pas notre prière à un type particulier de personne en en excluant d’autres ? À cela un orthodoxe répondrait que les gestes et les symboles que nous employons pour la prière ont une signification universelle. Bien que la Divine Liturgie ait été influencée extérieurement par les conventions sociales et artistiques de certaines régions, comme par exemple par le cérémonial de la cour byzantine, dans son essence intérieure elle transcende ces limitations et parle à la condition humaine fondamentale, que l’on soit homme ancien ou moderne, oriental ou occidental. Dans sa prière l’Église orthodoxe fait usage des réalités premières de l’existence humaine comme le pain et l’eau, la lumière et le feu. Si ceux qui vivent dans un environnement urbain et technologique ne trouvent plus que ces réalités primaires ont du sens, n’est-ce pas plutôt une mise en accusation inquiétante du côté artificiel et irréel de notre « civilisation » contemporaine ? Peut-être alors n’avons-nous pas besoin de changer les symboles mais de nous changer nous, en nettoyant les portes de notre perception. À ce propos, l’orthodoxe peut se sentir quelque peu encouragé par l’enthousiasme occidental actuel pour les icônes. Un nombre étonnant d’hommes et de femmes « modernes », tout en restant à l’extérieur à quelque Église que ce soit, et en ne semblant pas du tout intéressé par les réformes liturgiques contemporaines, est cependant attiré fortement par les icônes orthodoxes. Ne soyons pas trop rapide à taxer cette attraction de sentimentale et superficielle. N’est-ce pas un curieux paradoxe qu’à l’âge de la technologie et du sécularisme, les gens se sentent attirés par une forme d’art spirituelle par excellence et théologique ? Se sentiraient-ils attirés de la même manière si l’art de l’icône était « mis au goût du jour » ? Pour un chrétien orthodoxe, il est de la plus haute importance que l’acte de rendre grâce exprime la joie et la beauté du Royaume des Cieux. Sans cette dimension de beauté, notre action de grâce ne réussira jamais à être une prière dans le plein sens du terme, prière du cœur tout autant que prière du rationnel. Cette joie et cette beauté du Royaume ne peuvent pas être convenablement exposées par des arguments abstraits et des explications logiques ; cela doit être expérimenté et non discuté. Et c’est par-dessus tout par des actions symboliques et rituelles – en brûlant de l’encens, en allumant un lampion ou un cierge devant une icône – que cette expérience vivante est rendue possible. Ces gestes simples expriment, bien mieux que n’importe quel mot, notre attitude envers Dieu, notre amour et notre adoration ; sans de telles actions notre action de grâce serait tristement appauvrie. Pourquoi offrir de l’encens ou brûler des cierges ? Pourquoi faire des prosternations ou des signes de la Croix ? Si nous essayons de l’expliquer par des mots, nous savons très bien que cela ne rendra compte que d’une petite part de la vérité. Et là se trouve précisément la raison de l’action symbolique. Si le poète pouvait exprimer ce qu’il veut dire par de la prose, si l’artiste ou le musicien pouvait exprimer par des mots ce qu’il ou elle a voulu dire par la peinture ou par le son, il n’y aurait pas besoin de poèmes, de tableaux ou de symphonies. Chacune de ces choses existe parce que cela exprime quelque chose qui ne peut pas être exprimé d’une autre façon. C’est la même chose pour l’action de grâce. S’il était possible de l’exprimer par des mots, pourquoi brûlons-nous des cierges et de l’encens ? Nous pouvons nous contenter de l’explication verbale et renoncer à l’acte symbolique. Toute la valeur de l’acte symbolique dans l’action de grâce vient du fait qu’il exprime quelque chose qui ne peut pas être dit uniquement par des paroles, qu’il atteint une part de notre être qui ne peut pas être touchée par des arguments rationnels. D’une part le symbole est plus simple et plus immédiatement accessible qu’une explication verbale, et d’autre part, il pénètre plus profondément au cœur de la réalité. Dans notre prière, au niveau purement pragmatique, la beauté et le symbolisme sont inutiles et sans objet. Nous pouvons employer des sprays désodorisants à la place de l’encens, des néons à la place des cierges. Mais l’être humain n’est pas simplement un animal pragmatique et utilitaire, et ceux qui vont voir plus profondément dans la nature humaine vont rapidement apprécier combien nous avons besoin de cette beauté « inutile ». Comme l’archiprêtre Alexandre Schmemann l’a si justement dit : La liturgie est avant toute autre chose la réunion joyeuse de ceux qui vont rencontrer le Seigneur Ressuscité et qui vont entrer avec Lui dans la chambre nuptiale. Et c’est cette joie de l’attente et cette attente de la joie qui sont exprimées par les chants et le rituel, par les vêtements et les encensements, dans toute cette « beauté » de la liturgie qui a si souvent été dénoncée comme étant inutile et même pécheresse. Inutile, elle l’est en effet parce que nous sommes au-delà des catégories de « l’utile ». La beauté n’est jamais « nécessaire », « fonctionnelle » ou « utile ». Et quand, attendant quelqu’un que nous aimons, nous mettons une belle nappe sur la table et la décorons avec des bougies et des fleurs, nous ne le faisons pas par nécessité mais par amour. Et l’Église est amour, attente et joie. C’est le Ciel sur la terre selon notre tradition orthodoxe ; c’est la joie de l’enfance retrouvée, cette joie libre, inconditionnée et désintéressée, qui seule est capable de transformer le monde. Dans notre piété « sérieuse » d’adulte nous demandons des définitions et des justifications et elles sont enracinées dans la peur. Peur de la corruption, de la déviation, des « influences païennes », des « trucs ». Mais celui qui a peur n’est pas rendu parfait dans l’amour (1 Jn 4, 18). Tant que les chrétiens aimeront le Royaume de Dieu et ne le discuteront pas seulement, ils le « représenteront » et ils le signifieront par l’art et la beauté. Et le célébrant du sacrement de la joie apparaîtra dans une belle chasuble parce qu’il est revêtu de la gloire du Royaume, parce que même sous forme humaine, Dieu apparaît en gloire. Pendant l’Eucharistie nous nous tenons en présence du Christ, et comme Moise devant Dieu, nous allons être recouverts de sa gloire[10]. La beauté sauvera le monde, dit Dostoïevski. Rendre manifeste le pouvoir de salut de cette divine beauté est une des premières fonctions de l’action de grâce. Quand les envoyés du Prince Vladimir de Kiev furent gagnés à la foi orthodoxe, ce ne sont pas des mots ou des arguments logiques qui les ont convertis, mais bien la beauté de la Sainte Liturgie à laquelle ils participèrent à Constantinople : Nous ne pouvons pas oublier cette beauté, dirent-ils lorsqu’ils rentrèrent chez eux. En quoi consiste votre prière ? demanda saint Jean de la Croix à une de ses pénitentes ; et elle répondit : À considérer la Beauté de Dieu et à me réjouir qu’il ait une telle beauté[11]. Telle est la nature de l’action de grâce. Prier et rendre grâce c’est percevoir la beauté spirituelle du Royaume des Cieux ; exprimer cette beauté à la fois par des mots, de la poésie et de la musique, par l’art et des actes symboliques et par nos vies toutes entières ; et de cette façon, nous étendons la beauté divine dans le monde autour de nous, transformant et transfigurant la création qui a chuté.

Sans cesse jour et nuit. Il reste le troisième point de la définition de saint Théophane : rendre grâce c’est se tenir devant Dieu sans cesse jour et nuit jusqu’à la fin de la vie. Priez sans cesse, insiste saint Paul (1 Th 5, 17). La prière et l’action de grâce ne devraient pas être seulement une activité parmi d’autres, mais l’activité de toute notre existence. Tout ce que nous faisons se fait sous le regard de Dieu : se tenir devant Dieu ne devrait pas être une attitude limitée à des moments et des lieux spécifiques, à des occasions où nous « disons nos prières » à la maison ou quand nous « allons à l’église », mais devrait être une attitude globale, étreignant tout et à tout moment. Nous devrions chercher à faire de tout notre être un acte continuel d’action de grâce, une doxologie ininterrompue. Rien ne devrait être écarté parce qu’irrémédiablement séculier, parce qu’incapable d’être transformé en action de grâce. Un chrétien, comme l’observe très justement père Alexandre Schmemann, est celui qui, où qu’il regarde, trouve le Christ et se réjouit en lu[12]i. Dans les mots d’une ancienne « Parole de Jésus », il est dit :

Fendez le bois, je suis là. Soulevez la pierre, vous me trouverez là[13].

Pouvez-vous recevoir trop de joie des travaux paternels ? demande Thomas Traherne. Il est lui-même en toute chose. Certaines choses sont petites vues de l’extérieur, et dures et communes. Mais je me rappelle le temps où la poussière des rues semblait aussi précieuse que de l’or à mes yeux d’enfant, et maintenant elle est plus précieuse encore aux yeux de ma raison[14]. Rendre grâce c’est voir Dieu en tout, inclure le monde entier et l’offrir en retour à Dieu dans la joie. La prière et l’action de grâce continuent alors « sans cesse jour et nuit » dans le sens qu’elles font partie de notre être ; elles ne sont plus quelque chose que nous faisons, disons ou pensons, mais quelque chose que nous sommes. Souvenez-vous de Dieu plus souvent que vous respirez, dit saint Grégoire de Naziance[15]. La prière nous est plus essentielle, est une part plus intégrante de nous-mêmes que le rythme de notre respiration ou le battement de notre cœur. Nous avons été créés pour prier. La prière est notre véritable nature, et tout peut être changé en prière. Dans cette immense cathédrale qu’est l’univers de Dieu, écrit Paul Evdokimov, chaque personne, qu’elle soit travailleur intellectuel ou manuel, est appelée à agir en tant que prêtre de sa vie tout entière, à prendre tout ce qui est humain et à le retourner en une offrande et un hymne de gloire[16]. Et ailleurs, le même auteur remarque : Dans les catacombes, le dessin le plus fréquent est celui d’une femme en prière, l’Orante ; elle représente la seule attitude juste de l’âme humaine. Il n ‘est pas suffisant de dire des prières : nous devons devenir, être, prière, prière incarnée. Il n’est pas suffisant d’avoir des moments de prière. Toute notre vie, chaque acte, chaque geste, même le sourire d’un visage humain, doit devenir un hymne d’adoration, une offrande, une prière. Nous devons offrir non pas ce que nous avons mais ce que nous sommes[17].

Reproduit de la revue Le Chemin (Gorze, France), No 54 (2002). Une version légèrement différente  de ce texte paraît dans Kallistos Ware, Tout ce qui vit est saint, Cerf/Le sel de la terre, 2003.

confessionnal

11 janvier, 2016

confessionnal dans images sacrée 800px-Collegiale-Thann-p1010106
https://it.wikipedia.org/wiki/Confessionale#/media/File:Collegiale-Thann-p1010106.jpg

JEAN PAUL II – PRENDS PITIÉ DE MOI, Ô SEIGNEUR » – PS 50, 3.6.9-10

11 janvier, 2016

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2002/documents/hf_jp-ii_aud_20020508.html

JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 8 mai 2002

« PRENDS PITIÉ DE MOI, Ô SEIGNEUR » – LECTURE: PS 50, 3.6.9-10

http://www.aelf.org/bible-liturgie/ps/psaumes/chapitre/50

1. Chaque semaine de la Liturgie des Laudes est rythmée, le vendredi, par le Psaume 50, le Miserere, le Psaume pénitentiel le plus aimé, chanté et médité, un hymne que le pécheur repenti élève à Dieu miséricordieux. Nous avons déjà eu l’occasion, dans une précédente catéchèse, de présenter le cadre général de cette grande prière. On entre tout d’abord dans la région ténébreuse du péché pour y apporter la lumière du repentir humain et du pardon divin (cf. vv. 3-11). On passe ensuite à l’exaltation du don de la grâce divine, qui transforme et renouvelle l’esprit et le coeur du pécheur repenti: c’est une région lumineuse, remplie d’espérance et de confiance (cf. vv. 12-21).
Au cours de cette réflexion nous nous arrêterons, pour réfléchir sur la première partie du Psaume 50 en approfondissant certains de ses aspects. En ouverture, nous voudrions cependant présenter la merveilleuse proclamation divine du Sinaï, qui est presque le portrait de Dieu chanté dans le Miserere: « Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité; qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché » ( Ex 34, 6-7).
2. L’invocation initiale s’élève vers Dieu pour obtenir le don de la purification qui rend – comme le disait le prophète Isaïe – « blancs comme neige » et « comme laine » les péchés, qui sont en eux-mêmes semblables à l’ »écarlate » et « rouges comme la pourpre » (cf. Is 1, 18). Le Psalmiste confesse son péché de façon nette et sans hésitation: « Car mon péché, moi, je le connais… contre toi, toi seul, j’ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l’ai fait » (Ps 50, 5-6).
La conscience personnelle du pécheur entre donc en scène, s’ouvrant à une claire perception de son mal. C’est une expérience qui fait appel à la liberté et la responsabilité, et qui conduit à admettre que l’on a brisé un lien pour effectuer un choix de vie différent de celui de la Parole divine. Il s’ensuit une décision radicale de changement. Tout cela est contenu dans le verbe « reconnaître », un verbe qui en hébreu ne signifie pas seulement une adhésion intellectuelle, mais un choix de vie.
C’est ce que, malheureusement, de nombreuses personnes ne font pas, comme nous admoneste Origène: « Certaines personnes, après avoir péché, sont absolument tranquilles et ne se préoccupent pas du tout de leur péché; elles ne sont pas non plus effleurées par la conscience du mal commis, mais elles vivent comme si de rien n’était. Ces personnes ne pourraient certainement pas dire: ma faute est toujours devant moi. En revanche, lorsqu’une personne, après avoir péché, se ronge et s’afflige pour son péché, est tourmentée par les remords, est sans cesse déchirée et subit les assauts intérieurs de sa conscience qui la condamne, elle s’exclame à juste titre: il n’y a pas de paix pour mes os face à l’aspect de mes péchés… Lorsque nous plaçons donc devant les yeux de notre coeur les péchés commis, que nous les regardons un par un, nous les reconnaissons, nous rougissons et nous nous repentons de ce que nous avons fait, bouleversés et affligés à juste titre, nous disons qu’il n’y a pas de paix dans nos os face à l’aspect de nos péchés… » (Homélie sur les Psaumes, Florence 1991, pp. 277-279). La reconnaissance et la conscience du péché sont donc le fruit d’une sensibilité acquise grâce à la lumière de la Parole de Dieu.
3. Dans la confession du Miserere, un élément, en particulier, est souligné: le péché n’est pas seulement appréhendé dans sa dimension personnelle et « psychologique », mais il est surtout évoqué dans sa valeur théologique. « Contre toi, toi seul, j’ai péché » (Ps 50, 6), s’exclame le pécheur, auquel la tradition a donné le visage de David, conscient de son adultère avec Bethsabée, et de la dénonciation de ce crime par le prophète Nâtan, ainsi que de celui du meurtre d’Urie, mari de celle-ci (cf. v. 2; 2 S 11-12).
Le péché n’est donc pas une simple question psychologique ou sociale, mais c’est un événement qui entame la relation avec Dieu, en violant sa loi, en refusant son projet dans l’histoire, en détruisant l’échelle des valeurs, « en faisant des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres », c’est-à-dire « en appelant le mal bien et le bien mal » (cf. Is 5, 20). Avant d’être une quelconque injure faite à l’homme, le péché est tout d’abord une trahison à l’égard de Dieu. Les mots adressés par le fils prodigue de biens à son père prodigue d’amour: « Père, j’ai péché contre le Ciel – c’est-à-dire contre Dieu – et envers toi » (Lc 15, 21) sont emblématiques.

4. A ce stade, le Psalmiste introduit un autre aspect, plus directement lié à la réalité humaine. C’est une phrase qui a suscité de nombreuses interprétations et qui a également été liée à la doctrine du péché originel: « Vois, mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu » (Ps 50, 7). L’orant veut indiquer la présence du mal dans tout notre être, comme cela apparaît de façon évidente dans la mention de la conception et de la naissance, une façon d’exprimer l’existence tout entière en partant de sa source. Toutefois, le Psalmiste ne relie pas formellement cette situation au péché d’Adam et d’Eve, c’est-à-dire qu’il ne parle pas explicitement du péché originel.
Il reste cependant clair que, selon le texte du Psaume, le mal se cache dans la profondeur même de l’homme, qu’il est inhérent à sa réalité historique; c’est pourquoi la question de l’intervention de la grâce divine est décisive. La puissance de l’amour de Dieu dépasse celle du péché, le fleuve impétueux du mal a moins de force que l’eau féconde du pardon: « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20).
5. A travers cette voie, la théologie du péché originel et toute la vision biblique de l’homme pécheur sont indirectement évoquées par des mots qui laissent à la fois entrevoir la lumière de la grâce et du salut.
Comme nous aurons l’occasion de le découvrir à l’avenir, en revenant sur ce Psaume et sur les versets suivants, la confession de la faute et la conscience de sa propre misère ne débouchent pas sur la terreur ou la crainte du jugement, mais sur l’espérance de la purification, de la libération, de la nouvelle création.
En effet, Dieu nous sauve, non pas en vertu « des oeuvres de justice que nous avons pu accomplir, mais, poussé pas sa seule miséricorde, il nous sauve par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus-Christ notre Sauveur » (Tt 3, 5-6).

QU’EST-CE QUE LA RÉCONCILIATION ?

11 janvier, 2016

http://www.eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/les-sacrements/la-penitence-et-la-reconciliation/372314-penitence-et-reconciliation-en-questions/

QU’EST-CE QUE LA RÉCONCILIATION ?

La vie n’est possible que si nous savons pardonner, nous réconcilier avec nous mêmes, avec les autres et avec Dieu. Le sacrement de la réconciliation nous invite à reconnaître que l’amour de Dieu nous permet de dépasser les conflits.

Source: Site internet du diocèse de Belfort

Pourquoi se confesser ?
Au sujet du sacrement de réconciliation, nous sommes souvent partagés entre la conception d’autrefois et les idées actuelles. Jadis, la confession était très importante pour rester en état de grâce car le péché mortel entraînait le châtiment éternel de l’enfer. Cette perspective entraînait l’inquiétude et parfois le scrupule. Actuellement la confession apparaît à beaucoup comme une routine inutile. Pour comprendre pourquoi il faut se confesser, il faut d’abord avoir une juste conception du péché.
Or actuellement, le mot péché n’est pas très bien vu; il évoque le moraliste qui donne des leçons. On hésite a appeler quelque chose « péché ». La notion de péché semble s’opposer au respect de la liberté humaine et à l’épanouissement de la personnalité. Le sentiment de culpabilité apparaît comme le résultat maladif de tabous inconscients.. L’Évangile ne parle pas souvent du péché, mais plutôt du pardon. Il aborde le péché à partir de l’initiative divine qui vient manifester sa miséricorde. Jésus appelle à la conversion pour accueillir la Bonne nouvelle du Royaume (Mc 1,15). Jésus va au devant des pécheurs, car il n’est pas venu pour les biens portants, mais pour les malades. Il pardonne au paralytique (Mc 2,5), à la femme pécheresse (Luc 7,48), à la femme adultère (Jn 8,11), à Zachée (Luc 19,9-10) et sur la croix à ses bourreaux (Luc 23,34).
Il montre la miséricorde divine par les paraboles de la brebis perdue et du fils prodigue (Luc 15). Ce qui montre le mieux dans l’Évangile la gravité du péché, c’est que Jésus affirme à la Cène que son sang est versé pour le pardon des péchés (Mt 26/28). C’est un aspect de l’Évangile que l’on oubli souvent. Le péché est, un manque d’amour de Dieu qui atteint la relation entre l’homme et Dieu. On se reconnaît pécheur non pas en se regardant, mais en regardant l’amour de Dieu pour nous. On se demande parfois pourquoi confesser ses péchés à un prêtre. L’essentiel n’est il pas de demander à Dieu son pardon ? Ne pouvons-nous pas nous confesser directement à Dieu ? En fait Jésus a voulu donner à son Église la mission de pardonner les péchés.
Il a promis à Pierre et aux apôtres le pouvoir de » lier et de délier « (Mt 16,19) càd, de condamner ou d’absoudre. Après sa résurrection, lors qu’il est apparu à ses disciples, qu’il leur a donné l’Esprit Saint et qu’il leur a dit : « Recevez le Saint Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » (Jean 20, 22-23) Jésus leur a donné la mission de pardonner. Le symbole central du sacrement du pardon est la rencontre entre le prêtre et le pénitent qui exprime la rencontre personnelle du pécheur avec Dieu.
Source: Site internet du diocèse de Nanterre

Comment se confesser ?
On commence habituellement a préparer sa confession en faisant son examen de conscience et la liste de ses péchés, mais il y a quelque chose à faire avant. Il faut d’ abord se mettre devant la Parole de Dieu en lisant un passage de la Bible. L’écoute de la Parole en nous révélant la miséricorde de Dieu nous dévoile en même temps notre propre péché. Il y a des manières diverses de faire son examen de conscience.
On peut chercher ce que le Seigneur nous demande le plus actuellement, ce qui nous paraît le plus important à ses yeux… Se préparer à la confession, ce n’est seulement faire son examen de conscience. Il y a quelque chose de plus important que l’on néglige parfois. C’est de les regretter avec humilité en comprenant qu’ils ont offensé Dieu, qu’ils sont un manque d’amour de Dieu, c’est avoir la « contrition » C’est enfin être décidé à prendre les moyens pour ne plus retomber dans le péché, c.à.d. prendre des résolutions concrètes.
On est parfois découragé de se confesser en pensant que l’on recommencera les mêmes péchés. Il est certain que la confession ne nous transforme pas complètement. Mais le sacrement du pardon nous met dans l’humilité devant Dieu qui nous aime malgré notre faiblesse et cette rencontre est essentielle. Parfois, on ne voit pas en quoi consistent nos péchés, on ne sait pas quoi dire.
On n’a parfois l’impression que l’on n’a pas de péchés. Cependant, si nous ne voyons pas nos péchés, nos voisins, eux, les connaissent. St Jean dit » Si nous disons que nous n’avons pas péché, la vérité n’est pas en nous » (1 Jn 1,8-10). Si on a l’impression de n’avoir rien a dire, c’est le signe qu’il y a quelque chose à changer dans sa vie. Il arrive que l’on se confesse rarement par ce qu’on n’en éprouve pas le besoin. Si on comprend bien ce qu’est ce sacrement… Notre participation ne repose pas seulement sur un besoin ressenti, mais sur la conviction de son importance pour notre relation avec Dieu.
Le sacrement de réconciliation répond à un besoin. Il nous procure la paix du cœur, allège notre conscience sur la quelle pèse parfois une forte culpabilité. Cet aveu est parfois pénible, humiliant, mais il nous libère d’un poids, c’est une libération. De plus en nous faisant formuler nos péchés, il nous aide à voir plus clair en nous, à faire la vérité sur nous-mêmes. Le sacrement de réconciliation nous donne aussi une force pour nous guérir de nos faiblesses et apporte un élan à notre vie chrétienne. On éprouve la paix et la joie après s’être confessé.
Source: Site internet du diocèse de Nanterre

Qu’est-ce que le péché ?
Aujourd’hui dans le langage courant, le péché fait sourire quand on l’associe à la gourmandise ou il fait peur quand on l’associe au « péché mortel ». Le péché de l’homme est en fait tout manquement à l’amour.
Le Dieu que nous adorons s’est révélé en Jésus-Christ comme le Dieu d’amour. La loi du Christ est la loi d’amour : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » dit Jésus dans son discours après la Cène. Déjà, dans l’Ancien Testament, on pouvait lire : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit ; tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Le péché est toujours un manquement à l’amour :
• Soit à l’amour que nous vient de Dieu : refus d’accueillir cet amour, d’écouter sa parole et d’y conformer notre vie ;
• Soit à l’amour envers notre prochain et envers nous-même. Ces manquement à l’amour vont être plus précisément des manquements à la foi envers Dieu, à la charité envers notre prochain et à l’espérance envers nous-mêmes et ils pourront se décliner de mille façons, en pensée, en parole, par action et par omission.
Le chapitre 15 de l’Evangile selon Saint Luc, en particulier la parabole du fils prodigue, illustre fort bien tout à la fois notre péché et la miséricorde de Dieu.R : Le péché n’est ni une faute ni une erreur. Il s’agit d’un manque d’amour conscient et volontaire. Cette rupture blesse son auteur, son entourage et sa relation à Dieu. C’est la Parole de Dieu qui éclaire la conscience du baptisé et lui révèle ainsi son besoin impérieux de bénéficier de la miséricorde de Dieu.
Source: Site internet du diocèse de Paris

Comment reçoit-on le sacrement de Pénitence et de Réconciliation ?
Celui qui veut obtenir la réconciliation avec Dieu et avec l’Église doit dire au prêtre tous les péchés graves qu’il n’a pas encore confessés et dont il se souvient, après avoir examiné soigneusement sa conscience. Il est aussi recommandé de confesser ses péchés moins graves : péchés véniels.
Le confesseur propose une pénitence pour réparer les dommages causés par les péchés et rétablir une manière de vivre propre aux disciples du Christ.
Source : Le petit guide de la Foi Catholique, Mgr André Vingt-trois, Editions Le Sénevé / Cerp

Qu’apporte le sacrement de la Pénitence ?
Le sacrement de la Pénitence nous réconcilie avec Dieu et nous fait rentrer dans la pleine communion avec Lui. Il nous réconcilie aussi avec l’Église et avec nos frères. Il nous donne la paix et la sérénité et fait grandir nos forces spirituelles pour vivre en chrétiens.
Source : Le petit guide de la Foi Catholique, Mgr André Vingt-trois, Editions Le Sénevé / Cerp

Baptism of the Lord

8 janvier, 2016

Baptism of the Lord  dans images sacrée Baptism-of-Jesus-by-Juan-Fernandez-de-Navarrete
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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT – Isaïe 40, 1-5. 9-11

8 janvier, 2016

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COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 10 JANVIER

PREMIERE LECTURE – Isaïe 40, 1-5. 9-11

1 Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. 2 Parlez au coeur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du SEIGNEUR le double pour toutes ses fautes. 3 Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du SEIGNEUR ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. 4 Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! Que les escarpements se changent en plaine. et les sommets en large vallée ! 5 Alors se révélera la gloire du SEIGNEUR et tout être de chair verra que la bouche du SEIGNEUR a parlé. » 9 Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Elève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Elève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu. » 10 Voici le SEIGNEUR Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. 11 Comme un berger, il conduit son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son coeur, il mène brebis qui allaitent.

C’est ici que commence l’un des plus beaux passages du Livre d’Isaïe ; on l’appelle le « Livret de la Consolation d’Israël » car ses premiers mots sont « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu ». Cette phrase, à elle toute seule, est déjà une Bonne Nouvelle extraordinaire, presque inespérée, pour qui sait l’entendre ! Car les expressions « mon peuple »… « votre Dieu » sont le rappel de l’Alliance (un peu comme dans un couple, un surnom affectueux redit au moment d’un désaccord, vient rassurer sur la tendresse encore présente). Or c’était la grande question des exilés. Pendant l’Exil à Babylone, c’est-à-dire entre 587 et 538 avant J.C. on pouvait se le demander : Dieu n’aurait-il pas abandonné son peuple, n’aurait-il pas renoncé à son Alliance…? Il pourrait bien s’être enfin lassé des infidélités répétées à tous les niveaux. Tout l’objectif de ce Livret de la Consolation d’Isaïe est de dire qu’il n’en est rien. Dieu affirme encore « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu », ce qui était la devise ou plutôt l’idéal de l’Alliance. Je prends tout simplement le texte dans l’ordre : « Parlez au coeur de Jérusalem et proclamez que son service est accompli » dit Isaïe ; cela veut dire que la servitude à Babylone est finie ; c’est donc une annonce de la libération et du retour à Jérusalem. « Que son crime est expié et qu’elle a reçu de la main du SEIGNEUR le double pour toutes ses fautes. » D’après la loi d’Israël, un voleur devait restituer le double des biens qu’il avait volés (par exemple deux bêtes pour une). Parler au passé de cette double punition, c’était donc une manière imagée de dire que la libération approchait puisque la peine était déjà purgée. Ce que le prophète, ici, appelle les « fautes » de Jérusalem, son « crime », ce sont tous les manquements à l’Alliance, les cultes idolâtres, les manquements au sabbat et aux autres prescriptions de la Loi, et surtout les nombreux manquements à la justice et, plus grave encore que tout le reste, le mépris des pauvres. Le peuple juif a toujours considéré l’Exil comme la conséquence de toutes ces infidélités. Car, à l’époque on pensait encore que Dieu nous punit de nos fautes. « Une voix proclame » : nulle part, l’auteur de ce livret ne nous dit qui il est ; il se présente comme « la voix qui crie de la part de Dieu » ; nous l’appelons traditionnellement le « deuxième Isaïe ». « Une voix proclame : Préparez à travers le désert le chemin du SEIGNEUR ». Déjà une fois dans l’histoire d’Israël, Dieu a préparé dans le désert le chemin qui menait son peuple de l’esclavage à la liberté : traduisez de l’Egypte à la Terre promise ; eh bien, nous dit le prophète, puisque le Seigneur a su jadis arracher son peuple à l’oppression égyptienne, il saura aujourd’hui, de la même manière, l’arracher à l’oppression babylonienne. « Tracez dans les terres arides une route aplanie pour notre Dieu. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux deviendront droits et les escarpements seront changés en plaine. » C’était l’un des plaisirs du vainqueur que d’astreindre les vaincus à faire d’énormes travaux de terrassement pour préparer une voie triomphale pour le retour du roi victorieux. Il y a pire : une fois par an, à Babylone, on célébrait la grande fête du dieu Mardouk, et, à cette occasion, les esclaves juifs devaient faire ces travaux de terrassement : combler les ravins… abaisser les collines et même les montagnes, de simples chemins tortueux faire d’amples avenues… pour préparer la voie triomphale par laquelle devait passer le cortège, roi et statues de l’idole en tête ! Pour ces Juifs croyants, c’était l’humiliation suprême et le déchirement intérieur. Alors Isaïe, chargé de leur annoncer la fin prochaine de leur esclavage à Babylone et le retour au pays leur dit : cette fois, c’est dans le désert qui sépare Babylone de Jérusalem que vous tracerez un chemin… Et ce ne sera pas pour une idole païenne, ce sera pour vous et votre Dieu en tête ! « Alors se révélera la gloire du SEIGNEUR et tout être de chair verra que la bouche du SEIGNEUR a parlé. » : on pourrait traduire « Dieu sera enfin reconnu comme Dieu et tous verront que Dieu a tenu ses promesses. » « Monte sur une haute montagne, toi qui portes la Bonne nouvelle à Sion. Elève la voix avec force, toi qui portes la Bonne nouvelle à Jérusalem. » Au passage, vous avez remarqué le parallélisme de ces deux phrases : parallélisme parfait qui a simplement pour but de porter l’accent sur cette Bonne Nouvelle adressée à Sion ou Jérusalem, c’est la même chose : il s’agit évidemment du peuple et non de la ville. Le contenu de cette Bonne Nouvelle suit immédiatement : « Voici votre Dieu. Voici le SEIGNEUR Dieu : il vient avec puissance et son bras est victorieux. Le fruit de sa victoire l’accompagne et ses trophées le précèdent. » « Comme un berger, il conduit son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son coeur, et il prend soin des brebis qui allaitent leurs petits. » Nous retrouvons ici chez Isaïe l’image chère à un autre prophète de la même époque, Ezéchiel. La juxtaposition de ces deux images (un roi triomphant, un berger) surprend peut-être, mais l’idéal du roi en Israël comprenait bien ces deux aspects : le bon roi, c’est un berger plein de sollicitude pour son peuple, mais c’est aussi un roi triomphant des ennemis, pour protéger son peuple justement… Comme un berger utilise son bâton pour chasser les animaux qui menaceraient le troupeau. Ce texte, dans son ensemble, résonnait donc comme une extraordinaire nouvelle aux oreilles des contemporains d’Isaïe, au sixième siècle av.J.C. Et voilà que cinq ou six cents ans plus tard, lorsque Jean-Baptiste a vu Jésus de Nazareth s’approcher du Jourdain et demander le Baptême, il a entendu résonner en lui ces paroles d’Isaïe et il a été rempli d’une évidence aveuglante : le voilà celui qui rassemble définitivement le troupeau du Père… Le voilà celui qui va transformer les chemins tortueux des hommes en chemins de lumière… Le voilà celui qui vient redonner au peuple de Dieu sa dignité… Le voilà celui en qui se révèle la gloire (c’est-à-dire la présence) du SEIGNEUR. Fini le temps des prophètes, désormais Dieu lui-même est parmi nous !

HOMÉLIE – BAPTÊME DU SEIGNEUR – 10 JANVIER

8 janvier, 2016

http://www.homelies.fr/homelie,,4443.html

HOMÉLIE -  BAPTÊME DU SEIGNEUR – 10 JANVIER

Nous célébrons aujourd’hui la solennité du Baptême du Seigneu qui clôture le temps de Noël. Nous venons d’entendre le récit de l’évangéliste Luc qui nous présente Jésus venant se faire baptiser auprès de Jean-Baptiste. Juste après avoir reçu le baptême, Luc nous précise que Jésus « se trouvait en prière » (3, 21). Jésus parle avec son Père. De quoi, de qui ? Après ce qu’il vient d’accomplir, il est légitime de penser que Jésus présenta à son Père toutes celles et ceux qu’il portait intentionnellement à travers ce geste qu’il venait de poser. Jésus a donc parlé de nous, de chacun d’entre nous, à son Père. « Or, nous dit Luc, il advint [...] au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, que le ciel s’ouvrit, et l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix partit du ciel: « Tu es mon fils; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » » (Lc 3, 21, 22). « Tu es mon fils » : Ces paroles du Père céleste ne sont pas seulement adressées à Jésus mais également à chacun de ses enfants pour qui le Fils unique a donné sa vie. Elles sont la réponse du Père à la prière de Jésus, elles sont la réponse du Père à l’offrande du Fils sur la croix, réponse dont la puissance de vie se manifestera au matin de Pâque lorsqu’après avoir été enseveli dans la mort, le Fils se lèvera dans sa résurrection, vainqueur de la mort et du péché. Le fruit de la mort et de la résurrection du Christ est notre réconcilation avec le Père des cieux. Nous faisons à nouveau partie de la famille de Dieu, ce dont le péché originel nous avait privé. Le Ciel s’ouvre. Nous pouvons à nouveau être en relation avec notre Père céleste. Le don de la filiation divine adoptive nous est réoffert. Tout cela se réalise dans le sacrement du baptême. Baptême dans l’Esprit qui fait de nous des fils du Père dans le Fils unique et baptême dans le feu de l’Amour trinitaire de Dieu dans lequel nous sommes plongés. Par le baptême, s’opère en effet dans le Christ, par la grâce de l’Esprit Saint, la restauration du chrétien dans une relation de liberté filiale vis-à-vis de Dieu le Père. Dans le Baptême, le Père céleste répète également pour chacun de ces enfants des paroles prononcées sur Jésus : « Tu es mon Fils ». Réalisant ainsi notre adoption, le baptême marque notre insertion dans la famille de Dieu, dans la communion avec la Très Sainte Trinité, dans la communion avec le Père, avec le Fils et avec l’Esprit Saint. C’est précisément pour cela que le baptême doit être administré au nom de la Très Sainte Trinité : « Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Ces paroles ne sont pas seulement une formule elles sont une réalité. Elles marquent le moment où de fils/filles de parents humains, un enfant, un homme, une femme, deviennent également fils/filles de Dieu dans le Fils du Dieu vivant. Certes, nous n’avons probablement pas entendu de voix venant du ciel au moment où le prêtre nous retirait du baptistère, et pourtant elle a bel et bien retenti. La grâce du sacrement en vue de notre sanctification et de notre filialisation a bien agi en nous. Ce jour-là, le ciel s’est bien ouvert et des milliers d’anges en fête se sont réjouis en nous voyant revêtus de l’humanité du Christ et accueillis par le Père comme ses fils et ses filles bien-aimés. Dans les premiers temps de l’Église le baptême avait une force extraordinaire, c’était un événement déterminant car les deux choses, foi et sacrement, se trouvaient réunis. Aujourd’hui, pour beaucoup de croyants, le baptême est comme un paquet cadeau qu’on a oublié d’ouvrir, encore emballé, laissé de côté… Certes, ils ont reçu validement le baptême mais c’est un sacrement « lié », pour reprendre la terminologie de saint Thomas (S. Th. III, q.69, a. 1), c’est-à-dire un sacrement dont l’efficacité reste entravée, dont le fruit n’est pas utilisé. Pourquoi ? Parce qu’on n’y a pas adjoint la condition essentielle de la foi. En effet, Jésus n’a pas dit : « celui qui sera baptisé sera sauvé » mais « celui qui croit et sera baptisé, sera sauvé » (Mc 16,16). Quand on reçoit le baptême bébé, l’Église se porte garant de la foi du nouveau baptisé, mais dans l’espérance que devenu adulte, la personne le ratifie en faisant son propre acte de foi et en accueillant librement dans sa vie Jésus comme son Seigneur et son Sauveur. « Merci Trinité Sainte, Père, Fils et Esprit Saint pour le jour de notre baptême. Jour où les cieux se sont ouverts, où toi Seigneur Jésus tu nous as rouvert les portes du Paradis pour nous y réintroduire en espérance. Jour où dans l’eau baptismale, toi Seigneur Esprit Saint tu nous as été donné pour faire de nous une nouvelle créature, transformée à la ressemblance de Jésus, premier baptisé dans l’eau et dans le feu de l’Esprit. Jour où ta voix Père a témoigné que tu faisais de nous, en ton Unique et Bien-aimé, tes fils adoptifs. Que notre action de grâce soit en cette fête confession de foi pour que la grâce reçue au jour de notre baptême puisse déployer en nous toute sa potentialité et porter dans notre vie un fruit de sainteté pour ta plus grande gloire, Trinité Sainte, et pour le salut de tous les hommes. »

Frère Elie

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