DISCOURS DU PAPE PAUL VI AUX MEMBRES DE L’ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES
18 janvier, 2016(traduction des sous-titres avec Google, étaient en italien même dans le texte français)
DISCOURS DU PAPE PAUL VI AUX MEMBRES DE L’ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES
Samedi 18 avril 1970
Excellences et chers Messieurs, Nous vous remercions de tout coeur des sentiments si délicats que le Révérend Père O’Connell vient de Nous exprimer au nom des ses illustres collègues. C’est toujours une joie pour Nous, vous le savez, d’accueillir les membres de notre Académie Pontificale des Sciences, en présence du Corps Diplomatique et de personnalités distinguées, et aussi une certaine émotion de voir réunis des représentants aussi qualifiés de tout l’univers, véritable Sénat de savants, à la pointe de la recherche scientifique et de la réflexion qu’elle suscite dans l’esprit humain. Le thème de vos travaux, consacrés aux «noyaux des galaxies», n’en est-il pas le signe éclatant?
UNITÀ DELLO SPIRITO UMANO (UNITÉ DE L’ÉSPRIT HUMAIN) 1. Votre Session plénière marque un temps fort dans la vie de l’Académie, et Nous Nous en réjouissons. Car cette institution, qui a pu connaître un certain ralentissement d’activité au cours de ces dernières années, demeure hautement significative: elle peut apporter à notre monde un concours appréciable par la compétence et l’universalité de son témoignage, et fournir aussi à la réflexion des croyants une base solide pour un dialogue fructueux avec la pensée scientifique. Que de chemin parcouru depuis la fondation de l’Académie des «Lincei» en 1603, sa restauration par Pie IX, son élargissement sous Léon XIII, et surtout sa reconstitution par les soins éclairés de notre grand prédécesseur Pie XI, avec le Motu proprio du 28 octobre 1936 In multis solaciis, sous la forme de l’Académie pontificale des sciences, constituée de soixante-dix Académiciens pontificaux, «veluti doctorum hominum Senatus, seu « scientificus Senatus », . . . ad scientiarum progressionem fovendam», sous la présidence du regretté Père Agostino Gemelli (Cfr. A.A.S. 28 (1936), pp. 423 et 424). D’illustres savants n’ont cessé d’honorer l’Académie de leur présence et de leurs travaux, et Nous avions Nous-même, hier, la joie d’adjoindre à ce Cénacle choisi douze nouveaux membres, qui permettent de mieux représenter l’ensemble des maîtres qui cultivent les disciplines scientifiques avec succès à travers le monde. Vos études de sciences mathématiques et expérimentales, menées avec la liberté qui convient à la culture, ont certainement apporté leur contribution au progrès de la science pure et préparé le progrès des sciences appliquées. Mais un tel développement n’appellet-il pas aujourd’hui d’autres prolongements? Tout en continuant les recherches qui sont les vôtres dans une spécialité dont l’importance ne cesse de croitre – les expériences des voyages spatiaux, dont nous avons suivi la plus récente ces jours derniers avec angoisse et, à la fin, avec joie et admiration émues, le démontrent suffisamment -, ne serait-il pas désirable et opportun de promouvoir, en d’autres Académies, d’autres disciplines, essentielles elles aussi à l’esprit humain, telles que les lettres et les arts, la philosophie, le droit, l’histoire, l’économie, la sociologie et les sciences humaines qui marquent si profondément les hommes de notre temps? Nous aimons ce matin vous confier cette pensée que Nous méditons depuis longtemps déjà, et qui, dans notre esprit, est plus qu’un rêve: un véritable désir qu’il Nous plairait de réaliser.
LA CHIESA INCORAGGIA L’INDAGINE SULL’UNIVERSO (L’ÉGLISE ENCOURAGE L’ENQUÊTE SUR L’UNIVERS) 2. La nature même de votre travail Nous amène à souligner deux principes dont vous êtes déjà bien convaincus, que votre propre expérience, Nous pourrions dire: votre personnalité, atteste tous les jours. C’est que le savoir humain, si développé qu’il soit, n’est pas, et ne saurait être en opposition avec celui de la foi: «Scientia, quae vera rerum cognitio sit, numquam christianae fidei veritatibus repugnat» (In multis solaciis, A.A.S. 28 (1936), p. 421). Bien plus, l’un et l’autre peuvent être intégrés dans l’unité de l’esprit humain, tout en gardant leur autonomie propre, comme l’enseigne le premier Concile du Vatican: «Fides et ratio . . . opem quoque sibi mutuam ferunt» (H. DENZINGER-A. SCHÖNMETZER, Enchiridion symbolorum, definitionum et declarationum de rebur fidei et morum; 34e éd., Fribourg en Brisgau 1967, n. 3019 (1799)). Qu’on Nous entende bien en effet. Selon la Constitution pastorale Gaudium et spes, qui «reprend à son compte l’enseignement du premier Concile du Vatican», l’Eglise «affirme l’autonomie légitime de la culture et particulièrement celle des sciences», avec «leurs principes et leur propre méthode en leurs domaines respectifs» (Gaudium et spes, 59, § 3). Mais ces disciplines, qui peuvent si bien «contribuer à ouvrir la famille humaine aux plus nobles valeurs du vrai, du bien et du beau, et à une vue des choses ayant valeur universelle» (Ibid. 57, § 3), peuvent aussi préparer l’homme à reconnaître et accueillir la vérité en sa plénitude, pourvu qu’elles ne considèrent pas «à tort les méthodes de recherche qui leur sont propres comme règle suprême pour la découverte de toute vérité» (Ibid. § 5). C’est le même Dieu qui a créé le monde avec ses lois que vous scrutez – «toutes choses dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles» (Col. 1, 16) – et qui se révèle aux hommes et leur apporte le salut en Jésus-Christ. C’est le même esprit humain qui est apte à scruter les secrets de la création et à «dominer la terre» (Cfr. Gen. 1, 28), et en même temps à reconnaître et à accueillir, « sous l’impulsion de la grâce», le don que Dieu lui fait de Lui-même: «le Verbe de Dieu qui, avant de se faire chair pour tout sauver et récapituler en lui, était déjà dans le monde» comme la «vraie lumière qui éclaire tout homme» (Io. 1, 9-10. Cfr. Gaudium et spes, 57, § 4). Comment l’Eglise n’encouragerait-elle pas l’investigation, la découverte et la conquête de cet univers qui, dans sa merveilleuse et admirable richesse, nous conduit, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, vers l’invisible qui est la source du visible? (Cfr. Rom. 1, 20)
I NUCLEI DELLE GALASSIE (LES NOYAUX DES GALAXIES) 3. Mais le thème que vous venez d’aborder – «Les noyaux des galaxies» – mérite une attention particulière. Notre imagination se trouve confondue et nous laisse remplis de stupeur, comme débordés, écrasés presque par l’immensité des perspectives entrevues, «ce silence des espaces infinis» cher à Pascal. Nous suivons avec un profond respect et un grand intérêt votre patient travail d’observation, de coordination d’expériences, de formulation d’hypothèses scientifiques sur la genèse ou l’évolution des mondes astraux. Est-ce à dire que la pensée humaine épuise toutes ses possibilités au niveau de ces investigations? Derrière elles, il y a le problème de l’être même de ce cosmos, de cet univers: la question de son existence. Vous demeurez, en effet, dans l’observation expérimentale scientifique, d’ordre mathématique et cosmologique. Mais qu’est-ce qui empêche de reconnaître à l’esprit, sur le terrain philosophique, la possibilité de remonter au principe transcendant, au Créateur, «causa subsistendi et ratio intelligendi et ordo vivendi»? (S. AUG., De Civ. Dei, 1. VIII, C. IV) Trop souvent aujourd’hui, on doute de ce pouvoir. «Plus la science, perfectionnant ses méthodes, assujettit le monde à l’homme, plus, en revanche, l’être, qui ne se laisse pas assujettir, se dérobe . . . vient alors la tentation de l’agnosticisme» (P. HENRI DE LUBAC, Sur les chemins de Dieu, Paris, Aubier 1956, p. 84). Mais on ne saurait s’en tenir à pareille attitude. «L’intelligence ne peut absolument pas abdiquer; elle ne peut renoncer à sa loi formelle, qui est de juger, c’est-à-dire toujours d’affirmer» (Ibid.). C’est pour l’esprit humain comme un «besoin irrépressible de posséder en chaque moment de son aventure temporelle et en chaque état de ses connaissances une idée explicative de l’ensemble des choses» (PIERRE-HENRI SIMON, Questions aux savants, Paris, Seuil 1969, p. 41). On parle souvent de la «mort de Dieu»; mais ne serait-ce pas plutôt la mort de l’homme et de sa pensée en sa forme supérieure? Sans ce recours à Dieu, source de l’Etre, en effet, elle semble s’engloutir dans l’opacité et l’incompréhensibilité des choses, l’ignorance d’une unité qui y préside, et d’une finalité d’un ordre mystérieux qui en sont inséparables, l’amenant à trouver une absurdité qui n’est que dans sa propre démarche. Peut-être êtes-vous mieux préservés que d’autres contre ce qu’il faut bien appeler une véritable maladie de l’esprit, vous qui scrutez objectivement les sciences de la nature, de l’astrophysique, de la physique? (Cfr. C. TRESMONTANT, Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu, Paris, Seuil 1966, p. 349) Car l’intelligence, par son mouvement même, si elle n’en reste à l’écorce de la réalité, s’élève au niveau de sa cause transcendante, l’Absolu véritable, qui donne consistance à toute la création et d’abord à l’esprit humain, sans se confondre jamais avec eux. Comme on l’a dit si heureusement, l’intelligence est «nécessairement, en même temps qu’un pouvoir d’assimilation, un pouvoir de remontée . . Elle saisit en toutes réalités ce par quoi elles sont, c’est-à-dire sont ouvertes vers l’illumination de l’acte. Et ainsi, à juste titre, on peut dire qu’elle est le sens du divin, la faculté avide et habile à reconnaître les traces de Dieu» (Cf. CH. DE MORÉ-PONTGIBAUD, Du fini à l’infini. Introduction à l’étude de la connaissance de Dieu, Paris, Aubier 1957, p. 65).
BELLEZZA MISTERIOSA DELLA CREAZIONE (BEAUTÉ MYSTÉRIEUSE DE LA CRÉATION) Il y a là, il faut le redire, un développement naturel de la pensée, dans sa logique fondamentale, et non pas un saut indû comme le prétend une mentalité antimétaphysique abusivement qualifiée de scientifique. La vraie science, bien loin d’arrêter l’élan de la pensée, constitue un tremplin qui lui permet de s’élever, dans cet élan même, vers Celui qui lui fournit généreusement son aliment. Car «l’esprit lui-même est un chemin qui marche . . . On ne peut faire l’économie de Dieu» (R. P. HENRI DE LUBAC, op. cit., p. 78). Nous demeurons comme stupéfaits, disions-Nous, devant vos études sur les noyaux des galaxies. Le système solaire paraissait déjà si vaste et si mystérieux à nos devanciers! Mais nous ne sommes pas déconcertés pour autant, sachant que «Dieu préfère plutôt créer les êtres dans leurs germes pour les conduire ultérieurement à leur éclosion» (Card. CH. JOURNET, L’Eglise du Verbe incarné, t. 3, Essai de théologie de l’histoire du salut, Paris, Desclée de Brouwer 1969, p. 114). Le temps et l’espace, la matière et la forme peuvent se développer de façon démesurée, quasi indéfinie. Tout en écoutant votre enseignement, nous trouvons certitude dans notre foi. Et à notre esprit, à nous qui sommes à l’école de la foi, reviennent les paroles de la sainte Ecriture: «Dieu créa le ciel et la terre . . . Et Dieu vit q.ue cela était bon . . . Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et tout cela était très bon» (Gen. 1, 1, 21-31). Cette joie que Dieu a éprouvée devant ses créatures, comment ne l’aurions-nous pas, nous, pour notre Créateur? A notre tour nous contemplons cette beauté et cette bonté mystérieuses de la création: tous ces êtres nous crient, comme à saint Augustin: nous ne sommes pas Dieu, mais c’est lui qui nous a faits. «Ecce caelum et terra clamant quod facta sint» (S. AUG., Confess., 1. XI, c. 4, 6; PL 32, 811. Cfr. In Ioannem tract., 106, c. 17, 4; PL 35, 1910. Cfr. Sap. 13, 1 et 9). Et Lui, nous l’adorons! La rencontre avec Dieu s’opère devant la grandeur quasi illimitée de ses œuvres – n’est-ce pas une grâce d’y être initié? -, dans la joie, dans l’admiration, dans la prière, dans l’adoration de Celui qui « en répandant mille grâces . . . est passé à la hâte par ces forêts, et en les regardant . . . les a laissées revêtues de sa beauté» (Saint JEAN DE LA CROIX, Cantique Spirituel, strophe 5).
STRAORDINARIA IMPRESA SPAZIALE (EXTRAORDINAIRE ENTREPRISE SPATIALE) Au terme de cette contemplation des suprêmes réalités du cosmos dans leur rencontre avec les suprêmes vérités de l’esprit humain, Nous ne pouvons pas taire notre émotion, notre admiration, notre satisfaction, qui sont celles mêmes du monde entier, pour l’heureuse conclusion – oui, heureuse, très heureuse, même si le but principal n’a pas été atteint – du vol aventureux de l’Apol 13. Tous certainement vous avez suivi, avec appréhension puis avec joie, le déroulement de cette entreprise extraordinaire. Et vous aurez sans nul doute à cœur de saluer chaleureusement avec Nous les valeureux astronautes qui ont échappé aux périls de ce grand vol, et de rendre hommage à tous ceux qui, par leurs études, leur action, leur autorité, ont une fois de plus manifesté aux yeux du monde la puissance illimitée des sciences et de la technique moderne. Avec Nous aussi, vous ferez monter une hymne ardente de reconnaissance à Dieu, Créateur de l’univers et Père des hommes, qui par ces voies aussi veut être cherché et trouvé par l’homme, adoré et aimé par lui. Telles sont les pensées que Nous suggère, Excellences et chers Messieurs, cette rencontre qui Nous est très agréable. De tout cœur, Nous vous encourageons à poursuivre vos savants travaux, à les mettre en commun, de façon désintéressée, par delà les frontières, et à aider tous vos frères à répondre aux questions que la science ou plutôt ses applications ne cesseront de poser. Vous le pouvez, et le devez, à la lumière de la foi que vous portez en vous. C’est notre vœu le plus cher. Nous l’accompagnons à votre intention d’une large Bénédiction Apostolique.