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MARIE-NOËLLE THABUT – PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL AUX CORINTHIENS, 12, 31 – 13, 13
29 janvier, 2016COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, DIMANCHE 31 JANVIER 2016
DEUXIEME LECTURE – PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL AUX CORINTHIENS, 12, 31 – 13, 13
Frères, 12, 31 recherchez avec ardeur les dons les plus grands. Et maintenant, je vais vous indiquer le chemin par excellence. 13, 1 J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. 2 J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. 3 J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien. 4 L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; 5 il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; 6 il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; 7 il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. 8 L’amour ne passera jamais. Les prophéties seront dépassées, le don des langues cessera, la connaissance actuelle sera dépassée. 9 En effet, notre connaissance est partielle, nos prophéties sont partielles. 10 Quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel sera dépassé. 11 Quand j’étais petit enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis un homme, j’ai dépassé ce qui était propre à l’enfant. 12 Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. 13 Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité.
Dans les passages de la lettre aux Corinthiens que nous avons lus ces deux derniers dimanches, Saint Paul énumérait les différents dons que l’Esprit Saint fait aux membres du Corps du Christ dans leur diversité. Mais, dit-il, le plus précieux des dons que nous fait l’Esprit-Saint c’est l’Amour. C’est lui qui donne valeur à tous les autres. Ce n’est donc pas une leçon de morale que Paul nous dispense ici, mais la contemplation d’un mystère qui nous dépasse. Car, en fait, avant de parler de nous, ce texte de Paul parle d’abord de Dieu, il contemple le mystère de l’amour de Dieu ; à chaque fois que nous rencontrons le mot « Amour » dans ce texte, nous pourrions le remplacer par le mot « Dieu ». « L’amour prend patience » ; oui, Dieu patiente avec son peuple, avec l’humanité, avec nous, lui pour qui « mille ans sont comme un jour, et un jour est comme mille ans », comme nous dit Pierre (2 P 3, 8) ; oui, « l’amour rend service », il suffit de regarder Jésus laver les pieds de ses disciples (Jn 13) ; oui encore, le peuple d’Israël a eu maintes occasions d’expérimenter que « l’amour (c’est-à-dire Dieu) ne garde pas rancune » : lui qui a pardonné à son peuple sans se lasser tout au long de l’histoire biblique. Jusqu’au jour où sur le visage du Christ en croix, nous avons pu voir la preuve de l’amour infini de Dieu et nous avons entendu ce jour-là les paroles suprêmes du pardon : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Et il ne nous a laissé qu’une seule consigne « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Heureusement pour nous, nous ne sommes pas laissés à nos seules forces pour cela, puisqu’il nous a transmis son Esprit : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Ro 5, 5). Ce qui veut dire que « l’amour même de Dieu est répandu en nous ». Voilà une bonne nouvelle, si nous voulons bien l’entendre. Alors ici, Paul fait l’inventaire du don qui nous est fait, le catalogue des possibilités infinies de dépassement qu’il nous offre : en quelque sorte, il nous dit : « Voilà ce que l’amour vous rend capables de faire ». Les quinze comportements que Saint Paul énumère dans son inventaire, loin d’être des utopies, sont les réalités étonnantes que l’expérience fait découvrir : réellement, on le sait bien, l’amour et l’amour seul permet à ceux qui aiment, à ceux qui s’aiment, d’atteindre des sommets de patience, d’oubli de soi, de douceur, de transparence, de confiance totale, et en définitive, de joie profonde. C’est l’amour de Dieu, c’est-à-dire donné par Dieu, qui, seul, peut faire de nos communautés les témoins que le monde attend. Inversement, on peut lire dans ce texte de Paul un bon catalogue de critères pour juger nos comportements individuels et collectifs. En un temps où les mots (et les gestes) d’amour sont multipliés et galvaudés, une telle grille de discernement n’est peut-être pas superflue. Paul insiste, c’est l’amour et lui seul qui fera de nous des adultes : « Quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel disparaîtra. Quand j’étais un enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis un homme, j’ai fait disparaître ce qui faisait de moi un enfant. » On peut en déduire que toutes les autres qualités : la science, la générosité, et même la foi et le courage, le don des langues ou de prophétie, ne sont que des enfantillages au regard de la seule valeur qui compte, l’amour. Quand on pense à l’importance que les Corinthiens attachaient à l’intelligence, à la naissance, à la condition sociale, on mesure mieux l’audace des propos de Paul. Toutes ces soi-disant valeurs auxquelles nous tenons tant, nous aussi, ne sont que des balayures, comme Paul le dit ailleurs. Puisque les plus grandes vertus elles-mêmes ne sont rien si elles ne sont pas irriguées uniquement par l’amour de Dieu lui-même. Voilà qui remet les choses à leur place ; une fois de plus, on entend résonner les béatitudes : seuls les pauvres de coeur savent accueillir en eux les richesses de Dieu. Peut-être n’osons-nous pas assez compter sur ces possibilités infinies d’amour qui sont à notre disposition, pourvu que nous les sollicitions. L’Esprit est très discret, il attend peut-être que nous lui demandions son aide.
HOMÉLIE 4E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
29 janvier, 2016http://www.homelies.fr/homelie,,4464.html
HOMÉLIE 4E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
dimanche 31 janvier 2016
Famille de Saint Joseph
« Cette Parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit » : avec quelle joie Jésus ne devait-il pas prononcer ces paroles solennelles qui inaugurent son ministère ! Elles en constituent à la fois le programme et anticipent son accomplissement. La paisible confiance qui émane de Notre-Seigneur jaillit de la conscience de son identité et de sa mission : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Lc 4, 18). Et dans cet Esprit, Jésus entend le Père lui murmurer : « Avant même de te former dans le sein de la Vierge Marie, je te connaissait ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les peuples » (1ère lect.). Notre-Seigneur se sait envoyé par le Père pour « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52). Il sait que pour ce faire, il devra les arracher de haute lutte à celui qui les tient assujettis dans le cruel esclavage de l’ignorance et du péché. Il est conscient que même si au désert il a déjà vaincu l’Ennemi, le combat sera rude, en raison de nos complicités avec l’Antique Serpent qui nous a séduits par ses propositions mensongères. Jésus sait aussi que tous n’accepteront pas d’être guéris de leur cécité et de venir à la lumière, d’être libérés de leurs chaînes et d’accéder à la liberté ; nombreux même seront ceux qui se boucheront les oreilles à l’annonce de la Bonne Nouvelle et refuseront d’entrer dans l’année jubilaire de réconciliation accordée par le Seigneur (Lc 4, 19). C’est « dans son propre pays » que Jésus fait en premier cette douloureuse expérience ; l’épisode de la synagogue de Nazareth placé en exergue de la vie publique, annonce que l’ombre du rejet pèsera sur tout le ministère de Notre-Seigneur. L’opposition, d’abord lancinante et diffuse, deviendra progressivement de plus en plus explicite et organisée, pour conduire finalement au drame de la Passion. Le dernier paragraphe de la péricope de ce jour résonne d’ailleurs comme une véritable anticipation de la Pâque : rendus « furieux » par l’action occulte du Malin dans leurs coeurs, les Juifs « se levèrent tous ensemble » (Lc 23, 1), « poussèrent Jésus hors de la ville et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où la ville est construite ». « En ce lieu dit “le crâne ” ou “ calvaire ”, ils le crucifièrent avec deux malfaiteurs » (Lc 23, 33). Cette issue dramatique de son ministère, Jésus l’a pressentie. Il connaît les Ecritures : il sait qu’ « aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays ». Mais il ne faiblira pas, car il marche « dans la puissance de l’Esprit » (Lc 4, 14), c’est-à-dire dans la force invincible de l’amour de Dieu son Père dont la voix résonne sans cesse à ses oreilles : « C’est toi mon Fils : Moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » (Lc 3, 22). « Je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze, pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses chefs, à ses prêtres et à tout le peuple. Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer » (1ère lect.). Pourtant, au moment d’entrer dans sa Passion, Jésus trahira son angoisse par ces paroles bouleversantes : « Maintenant mon âme est troublée. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père glorifie ton Nom ! » (Jn 12, 27). La gloire de Dieu que Jésus va manifester dans la puissance de l’Esprit qui repose sur lui, ne triomphe pas du mal en s’y opposant par la force, mais tout au contraire en y consentant ; en laissant la violence s’épuiser en vain à vouloir triompher de sa douceur ; et en triomphant de la haine meurtrière par le pardon qui redonne la vie : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). En rédigeant l’hymne à la charité, qui saint Paul contemplait-il avec tendresse et reconnaissance, émerveillement et adoration ? Où son regard se posait-il, sinon sur le visage de son Seigneur crucifié par amour pour lui ? Certes Jésus avait donné la preuve qu’il était un « prophète, possédant toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu » (2nd lect.) ; mais c’est sur l’autel de la croix, où l’Agneau est offert en holocauste, qu’il révèle l’absolu de la charité. « Il m’a aimé, et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20) : voilà la clé de lecture qui donne sens à la destinée paradoxale de ce Rabbi que l’on disait « Fils de Joseph » de Nazareth. C’est l’amour et rien d’autre qui motive sa marche persévérante, héroïque, affrontant toutes les oppositions, déjouant tous les pièges, franchissant tous les obstacles. « Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin », s’avançant résolument vers sa Pâques. « Passant » au creux de notre mort, il « allait son chemin », ne prenant aucun repos avant de nous avoir préparé une place dans la demeure de son Père et notre Père, de son Dieu et notre Dieu (cf. Jn 20, 17). C’est en ressuscitant son Fils que le Père révèlera aux yeux de tous que « l’amour ne passera jamais ». « Ciel et terre passeront » (Mc 13, 31), mais la charité ne passera pas, car « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8). Certes, « notre connaissance est actuellement partielle ; nous ne voyons qu’une image obscure dans un miroir ». Mais dans la mesure où nous consentons à l’action de l’Esprit Saint que le Fils nous a envoyé d’auprès du Père, nous grandirons dans la vraie connaissance de Dieu, jusqu’au jour où « nous le verrons face à face », dans la pleine lumière de l’amour. Alors « nous connaîtrons vraiment, comme Dieu nous a connu ». « Seigneur nous t’attendions dans la gloire imposante d’un Dieu majestueux qui manifeste sa toute-puissance ; et tu te révèle dans la fragilité d’un Enfant et l’impuissance d’un Crucifié. Donne-nous assez d’humilité pour te reconnaître dans ces visages paradoxaux de l’Amour, et le courage de nous mettre à ton école. Que ta Croix glorieuse soit notre bâton pour la route dont l’Apôtre Paul nous indique le parcours : « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout » (2nde lect.). Père Joseph-Marie