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BENOÎT XVI – ACTION DE GRÂCE – LECTURE: PS 137, 1-4.8
27 janvier, 2016http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2005/documents/hf_ben-xvi_aud_20051207.html
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 7 décembre 2005
ACTION DE GRÂCE – LECTURE: PS 137, 1-4.8
1. Placé par la tradition juive sous le patronage de David, même s’il est probablement apparu à une époque successive, l’hymne d’action de grâce que nous venons d’entendre s’ouvre par un chant personnel de l’orant. Il élève sa voix dans le cadre de l’assemblée du temple ou, tout au moins, en ayant comme référence le Sanctuaire de Sion, siège de la présence du Seigneur et de sa rencontre avec le peuple des fidèles. En effet, le Psalmiste confesse qu’il se « prosterne vers ton temple sacré » de Jérusalem (cf. v. 2): là, il chante devant Dieu qui est dans les cieux avec sa cour d’anges, mais qui est également à l’écoute dans l’espace terrestre du temple (cf. v. 1). L’orant est certain que le « nom » du Seigneur, c’est-à-dire sa réalité personnelle vivante et active, et ses vertus de fidélité et de miséricorde, signes de l’alliance avec son peuple, représentent le soutien de toute confiance et de toute espérance (cf. v. 2). 2. Le regard se tourne alors, l’espace d’un instant, vers le passé, au jour de la souffrance: alors, au cri du fidèle angoissé avait répondu la voix divine. Elle avait diffusé le courage dans l’âme troublée (cf. v. 3). L’original en hébreu parle littéralement du Seigneur qui « a troublé la force dans l’âme » du juste opprimé: comme s’il s’agissait de l’irruption d’un vent impétueux qui balaye les hésitations et les peurs, confère une énergie vitale nouvelle et fait fleurir la force et la confiance. Après ce début apparemment personnel, le Psalmiste étend alors son regard sur le monde et imagine que son témoignage touche l’horizon tout entier: « tous les rois de la terre », dans une sorte d’adhésion universelle s’associent à l’orant juif dans une louange commune en honneur de la grandeur et de la puissance souveraine du Seigneur (cf. vv. 4-6). 3. Le contenu de cette louange commune qui s’élève de tous les peuples laisse déjà entrevoir la future Eglise des païens, la future Eglise universelle. Ce contenu a comme premier thème la « gloire » et les « chemins du Seigneur » (cf. v. 5), c’est-à-dire ses projets de salut et sa révélation. On découvre ainsi que Dieu est certainement « sublime » et transcendant, mais il « voit les humbles » avec affection, tandis qu’il éloigne de son regard le superbe en signe de rejet et de jugement (v. 6). Comme le proclamait Isaïe, « Car ainsi parle celui qui est haut et élevé, dont la demeure est éternelle, et dont le nom est saint. Je suis haut et saint dans ma demeure, mais je suis avec l’homme contrit et humilié, pour ranimer les esprits humiliés, pour ranimer les coeurs contrits » (Is 57, 15). Dieu choisit donc de se ranger en défense des faibles, des victimes, des derniers: cela est porté à la connaissance de tous les rois, afin qu’ils sachent quelle doit être leur option dans le gouvernement des nations. Naturellement, cela est dit non seulement aux rois et à tous les gouvernements, mais à nous tous, car nous aussi, nous devons savoir quel choix faire, quelle est l’option: se ranger du côté des humbles, des derniers, des pauvres et des faibles. 4. Après cette référence, au niveau mondial, aux responsables des nations, non seulement de ce temps, mais de tous les temps, l’orant retourne à la louange personnelle (cf. Ps 137, 7-8). Le regard s’étendant vers l’avenir de sa vie, il implore une aide de Dieu également pour les épreuves que l’existence lui réservera encore. Et nous prions tous ainsi, avec cet orant de cette époque. On parle de façon synthétique de la « fureur de mes ennemis » (v. 7), une sorte de symbole de toutes les hostilités qui peuvent s’élever face au juste au cours de l’histoire. Mais il sait – et avec lui, nous savons – que le Seigneur ne l’abandonnera jamais et étendra sa main pour le secourir et le guider. La fin du Psaume est alors une ultime et passionnée profession de foi en Dieu dont la bonté est éternelle: il « ne délaisse pas l’oeuvre de tes mains », c’est-à-dire sa créature (v. 8). Et nous aussi, devons vivre dans cette confiance, dans cette certitude de la bonté de Dieu. Nous devons être certains que, aussi lourdes et tumultueuses que soient les épreuves qui nous attendent, nous ne serons jamais abandonnés à nous-mêmes, que les mains du Seigneur ne nous lâcheront pas, ces mains qui nous ont créés et qui à présent nous suivent dans l’itinéraire de notre vie. Comme le confessera saint Paul, « Celui qui a commencé en vous cette oeuvre excellente en poursuivra l’accomplissement » (Ph 1, 6). 5. Nous avons ainsi prié, nous aussi, avec un psaume de louange, d’action de grâce et de confiance. Nous voulons continuer à dérouler ce fil de louange sous forme d’hymne à travers le témoignage d’un chantre chrétien, le grand Ephrém le syrien (IV siècle), auteur de textes d’un extraordinaire parfum poétique et spirituel. « Aussi grand que soit notre émerveillement face à toi, ô Seigneur, / ta gloire dépasse ce que nos langues peuvent exprimer », chante Ephrém dans un hymne (Hymnes sur la virginité, 7; La harpe de l’Esprit, Rome, 1999, p. 66), et dans un autre: « Gloire à toi, pour lequel toutes les choses sont faciles, /car tu es tout-puissant » (Hymnes sur la Nativité, 11: ibid., p. 48). Et cela représente une ultime raison de notre confiance: Dieu a le pouvoir de la miséricorde, et il utilise son pouvoir pour la miséricorde. Et enfin, une dernière citation: « Gloire à toi de tous ceux qui comprennent la vérité » (Hymnes sur la Foi, 14: ibid., p. 27).
VÊPRES EN CONCLUSION DE LA « SEMAINE DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS 2005″ – WALTER KASPER
27 janvier, 2016CÉLÉBRATION DES VÊPRES EN CONCLUSION DE LA « SEMAINE DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS 2005″
HOMÉLIE DU CARD. WALTER KASPER
Mardi 25 janvier 2005
JÉSUS-CHRIST: NOTRE FONDATION COMMUNE
Chers frères et soeurs,
« De fondement, en effet, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve, c’est-à-dire Jésus Christ » (1 Co 3, 11). Avec ces paroles fortes, l’Apôtre Paul nous rappelle l’unique fondement sur lequel l’Église est édifiée, et, dans le même temps, il nous explique la raison de notre engagement oecuménique. Car être fondé sur l’unique Seigneur Jésus Christ implique de croire dans l’ »Église, une et sainte » et exclut les divisions. On ne peut pas dire: « Moi, je suis à Paul », ou « Moi d’Apollos » (1 Co 3, 4). A travers l’unique Baptême, nous sommes tous dans le Christ. L’ »Unitatis redintegratio », c’est-à-dire la recomposition de l’unité, est donc l’un des devoirs prioritaires de Église 1. L’an dernier, nous avons célébré le 40 anniversaire du Décret conciliaire « Unitatis redintegratio », qui parle de l’oecuménisme. La Conférence internationale à Rocca di Papa, au mois de novembre, a été une confirmation supplémentaire de l’actualité de ce document et du besoin urgent d’en faire une réalité concrète. En effet, le Décret exprime clairement l’une des priorités du Concile Vatican II: l’unité visible de tous les disciples du Christ, pour laquelle notre Seigneur a prié la veille de sa mort (cf. Jn 17, 21). A l’occasion de cet anniversaire, nous avons exprimé notre profonde gratitude pour ce que l’Esprit Saint a réalisé au cours des quarante dernières années. Aujourd’hui, au début de cette nouvelle année, nous ne voulons pas tourner notre regard vers le passé, mais nous désirons regarder vers l’avenir, l’avenir de l’oecuménisme. Depuis ses débuts, au début du XX siècle, le mouvement oecuménique a connu de grands changements dans le monde et dans nos Églises. La situation oecuménique elle-même a beaucoup changé. Parfois, l’élan initial semble courir le risque de glisser vers un état de léthargie et de perdre sa crédibilité. D’un côté apparaissent des signes de réticence et de résistance et, de l’autre, des signes de résignation et de frustration. Alors, nous ne pouvons plus continuer de répéter: « business as usual », rien n’a changé. Que devons-nous faire, au contraire? Que pouvons-nous faire? 2. Les propositions ne manquent pas pour revoir les méthodes, changer les structures, intégrer de nouveaux membres, examiner les questions urgentes, ou même relancer une réflexion sur nos intentions, sur nos objectifs et sur notre ordre du jour. Ces propositions peuvent être, d’une certaine façon, raisonnables et importantes. Mais dans la lecture que nous venons d’écouter, Paul nous fait une autre proposition. Il se définit comme un architecte qui, en tant que tel, doit projeter la construction de sa maison, c’est-à-dire de la demeure et du temple de Dieu, qui est Église Un bon architecte – nous dit Paul – ne commence pas par le toit ni par la structure intérieure, mais commence par les fondements. Seul un fondement solide, édifié non pas sur le sable, mais sur le roc, selon les paroles de Jésus dans le discours sur la montagne, fait que la maison est solide et ne s’écroule pas sous l’assaut des intempéries (cf. Mt 7, 24-27). C’est pourquoi Paul nous invite à nouveau à réfléchir sur le fondement de notre travail. Sa réponse est très claire: « De fondement, en effet, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve, c’est-à-dire Jésus Christ ». La réponse aux nouveaux défis est une réponse de foi et une réponse spirituelle, c’est-à-dire une réponse enracinée dans la vie et dans l’esprit de Jésus. La foi en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, est le fondement du baptême, qui fait de nous des chrétiens, en nous incorporant dans Église (cf. 1 Co 12, 13; Ga 3, 28). La confession christologique de foi en Jésus Christ comme unique sauveur de toute l’humanité fait partie de la formule de base du Conseil oecuménique des Églises et constitue l’accord fondamental, le dénominateur commun, de tous ceux qui participent au mouvement oecuménique. Et le témoignage missionnaire commun, qui professe que le salut ne se trouve qu’en Jésus Christ (cf. Ac 4, 12), face à un monde qui ne le connaît pas encore, ou qui ne le connaît plus, est précisément le but de l’engagement oecuménique. Ainsi, Jésus Christ n’est pas seulement le fondement, mais l’objectif de notre engagement oecuménique. En Lui, nous ne ferons qu’un. « Tous sous l’unique chef Jésus Christ », ont dit les pères fondateurs luthériens dans leurs écrits confessionnels. Mais cette réalité est-elle encore bien claire pour nous tous? En tenons-nous bien compte dans nos débats et nos réflexions? Ne nous trouvons-nous pas plutôt dans une situation où notre devoir prioritaire, notre plus grand défi, est de rappeler et de renforcer notre fondement commun et d’éviter qu’il ne devienne vain en raison d’interprétations soi-disant libérales, qui se définissent progressistes, mais qui sont en réalité subversives? Précisément aujourd’hui, lorsque tout devient relatif et arbitraire dans la société post-moderne, et que chacun se crée sa propre religion à la carte, nous avons besoin d’un solide fondement et d’un point de référence commun fiable pour notre vie personnelle et pour notre travail oecuménique. Et quel fondement pourrions-nous avoir, sinon Jésus Christ? Qui mieux que Lui peut nous guider? Qui plus que Lui peut nous donner lumière et espérance? Où, sinon en Lui, pouvons-nous trouver des paroles de vie (cf Jn 6, 68)? 3. Que signifie tout cela concrètement? Je ne mentionnerai ici que trois conséquences. En premier lieu, c’est à propos de la Bible que nous nous sommes divisés et ce n’est qu’à travers la lecture, l’étude et la méditation de la Bible que nous pouvons retrouver l’unité. « L’ignorance des Écritures, c’est l’ignorance du Christ » dit le Concile (Dei Verbum, n. 25), nous invitant à renouveler la longue tradition de la Lectio divina (ibid.), c’est-à-dire la lecture orante des Saintes Écritures. Dans cette lecture spirituelle, selon les Pères de Église, il y a la présence réelle et authentique de notre Seigneur Jésus Christ, semblable à celle présente dans la célébration de l’Eucharistie (Sacrosanctum Concilium, n. 7). Notre engagement oecuménique doit se nourrir de la table de la Parole (Dei Verbum, n. 21). Nous nous sommes divisés sur la Bible et c’est sur la Bible que nous devons nous unir à nouveau. Le meilleur oecuménisme consiste à lire et à vivre l’Évangile. En second lieu, à travers le Baptême, nous sommes incorporés à Jésus Christ. Dans notre engagement oecuménique, nous ne partons pas de rien. A travers le Baptême, nous sommes déjà dans une communion fondamentale qui nous unit à Jésus Christ, qui nous unit les uns aux autres. Alors, réfléchissons ensemble: que signifie être baptisés du point de vue de la foi, mais également du point de vue de la vie? Qu’est-ce que cela signifie pour notre vie de tous les jours et pour les réponses que nous donnons aux questions éthiques urgentes? Saint Paul nous exhorte à ne pas nous conformer à la mentalité du monde (cf. Rm 12, 2), à ne pas nous laisser ballotter par les vagues, à ne pas nous laisser emporter à tout vent par chaque doctrine (cf. Ep 4, 14). Nous courons le risque – et parfois, ce risque est déjà une triste réalité – de nous diviser sur de nouvelles questions éthiques et de creuser des fossés là où nous étions unis depuis des siècles. Par conséquent, nous ne sommes plus en mesure d’apporter un témoignage commun de la nouvelle création à un monde qui aujourd’hui, aurait un besoin urgent précisément de ce témoignage prophétique. En troisième lieu, Jésus Christ est présent dans Église au moyen de sa Parole et de ses sacrements. Il est le chef de Église et Église est son Corps, Église qu’Il a aimée et pour laquelle il s’est donné pour la rendre sainte, la purifiant par l’eau qui lave, et cela à travers la parole (cf. Ep 5, 24-26). Oui, Église en pèlerinage n’est pas encore sans tache ni ride, mais elle est toujours en marche le long du chemin de la purification, de la pénitence et du renouveau (cf. Lumen gentium, n. 8). Et pourtant, le Christ l’aime également et se donne pour elle. Ne devrions-nous pas alors, nous aussi, croître dans l’amour pour Église, mûrir dans le « Sentire ecclesiam », c’est-à-dire « nous sentir Église, nous sentir partie intégrante de Église? ». Nous pouvons et nous devons distinguer le Christ de Église, mais nous ne pouvons pas séparer l’un de l’autre. Saint Augustin nous a enseigné la formule Christus totus, la plénitude du Christ comme Tête et Corps. Et tel est le point de divergence le plus profond entre les Églises et les communautés ecclésiales d’Occident, qui nous empêche d’être pleinement un signe et un instrument du Christ. Le thème de Jésus Christ comme fondement commun nous exhorte à réfléchir ensemble, avec un élan renouvelé, sur la « Nature et l’objectif de Église », selon le titre d’un des plus récents et principaux projets oecuméniques. Chers amis, Église est la demeure et le temple de Dieu, où les fidèles peuvent vivre et prier ensemble. Nous sommes tous collaborateurs de Dieu (1 Co 3, 9). A la fin, chacun devra rendre compte s’il a bâti une maison solide et comment il l’a bâtie: s’il a bâti sur l’unique fondement, qui est Jésus Christ, avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin ou de la paille. Notre oeuvre se manifestera par le feu, et le feu éprouvera la qualité de l’oeuvre de chacun et si cette oeuvre subsistera (cf. 1 Co 3, 12 sq). En d’autres termes, on nous demandera si nous avons édifié ou détruit le temple de Dieu (cf. 1 Co 3, 17). Notre construction oecuménique de la pleine unité de tous les disciples du Christ ne résistera que si nous construisons sur l’unique fondement, qui est le Seigneur, si nous construisons sur sa Parole et son Sacrement, si nous construisons non pas sur la sagesse du monde (cf. 1 Co 3, 19), mais sur l’unique Esprit de Jésus Christ, que ce monde peut considérer comme folie, mais qui est puissance et sagesse de Dieu (cf. 1 Co, 1, 24). Prions donc le Seigneur pour qu’il fasse de nous de bons architectes et nous accorde la force et la sagesse spirituelle, le courage, la patience et l’espérance. Amen.