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Sweet creation Bible art journaling.

18 janvier, 2016

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DISCOURS DU PAPE PAUL VI AUX MEMBRES DE L’ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES

18 janvier, 2016

http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/speeches/1970/documents/hf_p-vi_spe_19700418_accademia-scienze.html

(traduction des sous-titres avec Google, étaient en italien même dans le texte français)

DISCOURS DU PAPE PAUL VI AUX MEMBRES DE L’ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES

Samedi 18 avril 1970

Excellences et chers Messieurs, Nous vous remercions de tout coeur des sentiments si délicats que le Révérend Père O’Connell vient de Nous exprimer au nom des ses illustres collègues. C’est toujours une joie pour Nous, vous le savez, d’accueillir les membres de notre Académie Pontificale des Sciences, en présence du Corps Diplomatique et de personnalités distinguées, et aussi une certaine émotion de voir réunis des représentants aussi qualifiés de tout l’univers, véritable Sénat de savants, à la pointe de la recherche scientifique et de la réflexion qu’elle suscite dans l’esprit humain. Le thème de vos travaux, consacrés aux «noyaux des galaxies», n’en est-il pas le signe éclatant?

UNITÀ DELLO SPIRITO UMANO (UNITÉ DE L’ÉSPRIT HUMAIN) 1. Votre Session plénière marque un temps fort dans la vie de l’Académie, et Nous Nous en réjouissons. Car cette institution, qui a pu connaître un certain ralentissement d’activité au cours de ces dernières années, demeure hautement significative: elle peut apporter à notre monde un concours appréciable par la compétence et l’universalité de son témoignage, et fournir aussi à la réflexion des croyants une base solide pour un dialogue fructueux avec la pensée scientifique. Que de chemin parcouru depuis la fondation de l’Académie des «Lincei» en 1603, sa restauration par Pie IX, son élargissement sous Léon XIII, et surtout sa reconstitution par les soins éclairés de notre grand prédécesseur Pie XI, avec le Motu proprio du 28 octobre 1936 In multis solaciis, sous la forme de l’Académie pontificale des sciences, constituée de soixante-dix Académiciens pontificaux, «veluti doctorum hominum Senatus, seu « scientificus Senatus », . . . ad scientiarum progressionem fovendam», sous la présidence du regretté Père Agostino Gemelli (Cfr. A.A.S. 28 (1936), pp. 423 et 424). D’illustres savants n’ont cessé d’honorer l’Académie de leur présence et de leurs travaux, et Nous avions Nous-même, hier, la joie d’adjoindre à ce Cénacle choisi douze nouveaux membres, qui permettent de mieux représenter l’ensemble des maîtres qui cultivent les disciplines scientifiques avec succès à travers le monde. Vos études de sciences mathématiques et expérimentales, menées avec la liberté qui convient à la culture, ont certainement apporté leur contribution au progrès de la science pure et préparé le progrès des sciences appliquées. Mais un tel développement n’appellet-il pas aujourd’hui d’autres prolongements? Tout en continuant les recherches qui sont les vôtres dans une spécialité dont l’importance ne cesse de croitre – les expériences des voyages spatiaux, dont nous avons suivi la plus récente ces jours derniers avec angoisse et, à la fin, avec joie et admiration émues, le démontrent suffisamment -, ne serait-il pas désirable et opportun de promouvoir, en d’autres Académies, d’autres disciplines, essentielles elles aussi à l’esprit humain, telles que les lettres et les arts, la philosophie, le droit, l’histoire, l’économie, la sociologie et les sciences humaines qui marquent si profondément les hommes de notre temps? Nous aimons ce matin vous confier cette pensée que Nous méditons depuis longtemps déjà, et qui, dans notre esprit, est plus qu’un rêve: un véritable désir qu’il Nous plairait de réaliser.

LA CHIESA INCORAGGIA L’INDAGINE SULL’UNIVERSO (L’ÉGLISE ENCOURAGE L’ENQUÊTE SUR L’UNIVERS) 2. La nature même de votre travail Nous amène à souligner deux principes dont vous êtes déjà bien convaincus, que votre propre expérience, Nous pourrions dire: votre personnalité, atteste tous les jours. C’est que le savoir humain, si développé qu’il soit, n’est pas, et ne saurait être en opposition avec celui de la foi: «Scientia, quae vera rerum cognitio sit, numquam christianae fidei veritatibus repugnat» (In multis solaciis, A.A.S. 28 (1936), p. 421). Bien plus, l’un et l’autre peuvent être intégrés dans l’unité de l’esprit humain, tout en gardant leur autonomie propre, comme l’enseigne le premier Concile du Vatican: «Fides et ratio . . . opem quoque sibi mutuam ferunt» (H. DENZINGER-A. SCHÖNMETZER, Enchiridion symbolorum, definitionum et declarationum de rebur fidei et morum; 34e éd., Fribourg en Brisgau 1967, n. 3019 (1799)). Qu’on Nous entende bien en effet. Selon la Constitution pastorale Gaudium et spes, qui «reprend à son compte l’enseignement du premier Concile du Vatican», l’Eglise «affirme l’autonomie légitime de la culture et particulièrement celle des sciences», avec «leurs principes et leur propre méthode en leurs domaines respectifs» (Gaudium et spes, 59, § 3). Mais ces disciplines, qui peuvent si bien «contribuer à ouvrir la famille humaine aux plus nobles valeurs du vrai, du bien et du beau, et à une vue des choses ayant valeur universelle» (Ibid. 57, § 3), peuvent aussi préparer l’homme à reconnaître et accueillir la vérité en sa plénitude, pourvu qu’elles ne considèrent pas «à tort les méthodes de recherche qui leur sont propres comme règle suprême pour la découverte de toute vérité» (Ibid. § 5). C’est le même Dieu qui a créé le monde avec ses lois que vous scrutez – «toutes choses dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles» (Col. 1, 16) – et qui se révèle aux hommes et leur apporte le salut en Jésus-Christ. C’est le même esprit humain qui est apte à scruter les secrets de la création et à «dominer la terre» (Cfr. Gen. 1, 28), et en même temps à reconnaître et à accueillir, « sous l’impulsion de la grâce», le don que Dieu lui fait de Lui-même: «le Verbe de Dieu qui, avant de se faire chair pour tout sauver et récapituler en lui, était déjà dans le monde» comme la «vraie lumière qui éclaire tout homme» (Io. 1, 9-10. Cfr. Gaudium et spes, 57, § 4). Comment l’Eglise n’encouragerait-elle pas l’investigation, la découverte et la conquête de cet univers qui, dans sa merveilleuse et admirable richesse, nous conduit, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, vers l’invisible qui est la source du visible? (Cfr. Rom. 1, 20)

I NUCLEI DELLE GALASSIE (LES NOYAUX DES GALAXIES) 3. Mais le thème que vous venez d’aborder – «Les noyaux des galaxies» – mérite une attention particulière. Notre imagination se trouve confondue et nous laisse remplis de stupeur, comme débordés, écrasés presque par l’immensité des perspectives entrevues, «ce silence des espaces infinis» cher à Pascal. Nous suivons avec un profond respect et un grand intérêt votre patient travail d’observation, de coordination d’expériences, de formulation d’hypothèses scientifiques sur la genèse ou l’évolution des mondes astraux. Est-ce à dire que la pensée humaine épuise toutes ses possibilités au niveau de ces investigations? Derrière elles, il y a le problème de l’être même de ce cosmos, de cet univers: la question de son existence. Vous demeurez, en effet, dans l’observation expérimentale scientifique, d’ordre mathématique et cosmologique. Mais qu’est-ce qui empêche de reconnaître à l’esprit, sur le terrain philosophique, la possibilité de remonter au principe transcendant, au Créateur, «causa subsistendi et ratio intelligendi et ordo vivendi»? (S. AUG., De Civ. Dei, 1. VIII, C. IV) Trop souvent aujourd’hui, on doute de ce pouvoir. «Plus la science, perfectionnant ses méthodes, assujettit le monde à l’homme, plus, en revanche, l’être, qui ne se laisse pas assujettir, se dérobe . . . vient alors la tentation de l’agnosticisme» (P. HENRI DE LUBAC, Sur les chemins de Dieu, Paris, Aubier 1956, p. 84). Mais on ne saurait s’en tenir à pareille attitude. «L’intelligence ne peut absolument pas abdiquer; elle ne peut renoncer à sa loi formelle, qui est de juger, c’est-à-dire toujours d’affirmer» (Ibid.). C’est pour l’esprit humain comme un «besoin irrépressible de posséder en chaque moment de son aventure temporelle et en chaque état de ses connaissances une idée explicative de l’ensemble des choses» (PIERRE-HENRI SIMON, Questions aux savants, Paris, Seuil 1969, p. 41). On parle souvent de la «mort de Dieu»; mais ne serait-ce pas plutôt la mort de l’homme et de sa pensée en sa forme supérieure? Sans ce recours à Dieu, source de l’Etre, en effet, elle semble s’engloutir dans l’opacité et l’incompréhensibilité des choses, l’ignorance d’une unité qui y préside, et d’une finalité d’un ordre mystérieux qui en sont inséparables, l’amenant à trouver une absurdité qui n’est que dans sa propre démarche. Peut-être êtes-vous mieux préservés que d’autres contre ce qu’il faut bien appeler une véritable maladie de l’esprit, vous qui scrutez objectivement les sciences de la nature, de l’astrophysique, de la physique? (Cfr. C. TRESMONTANT, Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu, Paris, Seuil 1966, p. 349) Car l’intelligence, par son mouvement même, si elle n’en reste à l’écorce de la réalité, s’élève au niveau de sa cause transcendante, l’Absolu véritable, qui donne consistance à toute la création et d’abord à l’esprit humain, sans se confondre jamais avec eux. Comme on l’a dit si heureusement, l’intelligence est «nécessairement, en même temps qu’un pouvoir d’assimilation, un pouvoir de remontée . . Elle saisit en toutes réalités ce par quoi elles sont, c’est-à-dire sont ouvertes vers l’illumination de l’acte. Et ainsi, à juste titre, on peut dire qu’elle est le sens du divin, la faculté avide et habile à reconnaître les traces de Dieu» (Cf. CH. DE MORÉ-PONTGIBAUD, Du fini à l’infini. Introduction à l’étude de la connaissance de Dieu, Paris, Aubier 1957, p. 65).

BELLEZZA MISTERIOSA DELLA CREAZIONE (BEAUTÉ MYSTÉRIEUSE DE LA CRÉATION) Il y a là, il faut le redire, un développement naturel de la pensée, dans sa logique fondamentale, et non pas un saut indû comme le prétend une mentalité antimétaphysique abusivement qualifiée de scientifique. La vraie science, bien loin d’arrêter l’élan de la pensée, constitue un tremplin qui lui permet de s’élever, dans cet élan même, vers Celui qui lui fournit généreusement son aliment. Car «l’esprit lui-même est un chemin qui marche . . . On ne peut faire l’économie de Dieu» (R. P. HENRI DE LUBAC, op. cit., p. 78). Nous demeurons comme stupéfaits, disions-Nous, devant vos études sur les noyaux des galaxies. Le système solaire paraissait déjà si vaste et si mystérieux à nos devanciers! Mais nous ne sommes pas déconcertés pour autant, sachant que «Dieu préfère plutôt créer les êtres dans leurs germes pour les conduire ultérieurement à leur éclosion» (Card. CH. JOURNET, L’Eglise du Verbe incarné, t. 3, Essai de théologie de l’histoire du salut, Paris, Desclée de Brouwer 1969, p. 114). Le temps et l’espace, la matière et la forme peuvent se développer de façon démesurée, quasi indéfinie. Tout en écoutant votre enseignement, nous trouvons certitude dans notre foi. Et à notre esprit, à nous qui sommes à l’école de la foi, reviennent les paroles de la sainte Ecriture: «Dieu créa le ciel et la terre . . . Et Dieu vit q.ue cela était bon . . . Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et tout cela était très bon» (Gen. 1, 1, 21-31). Cette joie que Dieu a éprouvée devant ses créatures, comment ne l’aurions-nous pas, nous, pour notre Créateur? A notre tour nous contemplons cette beauté et cette bonté mystérieuses de la création: tous ces êtres nous crient, comme à saint Augustin: nous ne sommes pas Dieu, mais c’est lui qui nous a faits. «Ecce caelum et terra clamant quod facta sint» (S. AUG., Confess., 1. XI, c. 4, 6; PL 32, 811. Cfr. In Ioannem tract., 106, c. 17, 4; PL 35, 1910. Cfr. Sap. 13, 1 et 9). Et Lui, nous l’adorons! La rencontre avec Dieu s’opère devant la grandeur quasi illimitée de ses œuvres – n’est-ce pas une grâce d’y être initié? -, dans la joie, dans l’admiration, dans la prière, dans l’adoration de Celui qui « en répandant mille grâces . . . est passé à la hâte par ces forêts, et en les regardant . . . les a laissées revêtues de sa beauté» (Saint JEAN DE LA CROIX, Cantique Spirituel, strophe 5).

STRAORDINARIA IMPRESA SPAZIALE (EXTRAORDINAIRE ENTREPRISE SPATIALE) Au terme de cette contemplation des suprêmes réalités du cosmos dans leur rencontre avec les suprêmes vérités de l’esprit humain, Nous ne pouvons pas taire notre émotion, notre admiration, notre satisfaction, qui sont celles mêmes du monde entier, pour l’heureuse conclusion – oui, heureuse, très heureuse, même si le but principal n’a pas été atteint – du vol aventureux de l’Apol 13. Tous certainement vous avez suivi, avec appréhension puis avec joie, le déroulement de cette entreprise extraordinaire. Et vous aurez sans nul doute à cœur de saluer chaleureusement avec Nous les valeureux astronautes qui ont échappé aux périls de ce grand vol, et de rendre hommage à tous ceux qui, par leurs études, leur action, leur autorité, ont une fois de plus manifesté aux yeux du monde la puissance illimitée des sciences et de la technique moderne. Avec Nous aussi, vous ferez monter une hymne ardente de reconnaissance à Dieu, Créateur de l’univers et Père des hommes, qui par ces voies aussi veut être cherché et trouvé par l’homme, adoré et aimé par lui. Telles sont les pensées que Nous suggère, Excellences et chers Messieurs, cette rencontre qui Nous est très agréable. De tout cœur, Nous vous encourageons à poursuivre vos savants travaux, à les mettre en commun, de façon désintéressée, par delà les frontières, et à aider tous vos frères à répondre aux questions que la science ou plutôt ses applications ne cesseront de poser. Vous le pouvez, et le devez, à la lumière de la foi que vous portez en vous. C’est notre vœu le plus cher. Nous l’accompagnons à votre intention d’une large Bénédiction Apostolique.

                        

LA VERITE, LA DEMONSTRATIONS, PASCAL PENSÉES, VÉRITÉ DU COEUR ETDE LA RAISON

18 janvier, 2016

http://laphiloduclos.over-blog.com/article-un-exemple-d-explication-de-texte-en-philosophie-pascal-pensees-verites-du-coeur-et-de-la-raison-114974439.html

LA VERITE, LA DEMONSTRATIONS, PASCAL PENSÉES, VÉRITÉ DU COEUR ETDE LA RAISON

Blaise Pascal (1623-1662)

  « Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur ; c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c’est en vain que le raisonnement qui n’y a point de part essaye de les combattre. Les pyrrhoniens qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non point l’incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu’il y a espace, temps, mouvement, nombres, est aussi ferme qu’aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie, et qu’elle y fonde tout son discours. Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit le double de l’autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies. Et il est aussi ridicule et inutile que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir y consentir, qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre, pour vouloir les recevoir. » La connaissance de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.   Nous avons pour habitude de dire qu’une affirmation est certaine seulement si elle a été démontrée, ce qui est une manière de faire dépendre la vérité de l’autorité exclusive de la raison. Mais est-ce que le vrai coïncide avec le démontrable ? Ou peut-il exister des vérités d’une autre nature, qui auraient cependant le même degré de certitude que les vérités rationnelles ? C’est ce à quoi réfléchit Blaise Pascal dans cet extrait de son œuvre, Les Pensées, dans lequel il réfute l’attitude de ceux qui ne croient qu’en la raison en montrant qu’elle n’est pas la seule source du vrai et qu’elle a besoin ce qu’il nomme le « cœur » pour développer ses raisonnement. En quoi peuvent bien toutefois consister des vérités qui ne relèvent pas de la raison ? Quelles sont-elles et pourquoi la raison en a-t-elle besoin ? D’autre part comment pouvons-nous être certains d’une vérité qui n’est pas fondée en raison ? Le « cœur » qu’invoque Pascal, est-il un critère auquel nous pouvons nous fier ? Enfin qu’est-ce finalement que la vérité si elle ne se limite pas à ce que nous apprend la raison ? * Pascal n’était pas que philosophe, c’était aussi un mathématicien de premier ordre qui excellait dans une science qui plus que toute autre est celle du raisonnement. Mais le philosophe savait que même les mathématiques ne sont ni suffisantes ni parfaites du point de vue de la vérité. C’est que la vérité -toute vérité- a deux sources dit Pascal, la raison bien entendu, mais aussi le cœur, auquel il attribue le rôle le plus important, celui de la connaissance des « premiers principes ». Ce qui le conduit –et sans doute est-ce là son intention finale- à rejeter l’attitude sceptique, celle des disciples du philosophe Pyrrhon d’Elis, qui, dit-il combattent ces principes par le raisonnement ; entendons : qui en nient l’existence parce qu’ils ne pas peuvent être démontrés rationnellement.  Cette attitude est vaine en effet s’il est vrai  que les prémisses de la connaissance relèvent d’une autre faculté et d’une autre démarche que celle de la raison. L’analyse de la connaissance montre que si la raison nous permet de lier synthétiquement nos pensées et de les conduire jusqu’à un résultat certain, elle doit néanmoins s’appuyer implicitement ou explicitement sur des données antérieures à ses premières démarches : c’est ce qu’on nomme un principe, une proposition première qui commande la possibilité et l’orientation d’un raisonnement (par exemple le principe de non-contradiction). Mais la raison est aussi réflexion, et comme telle mouvement vers l’inconditionné, recherche de ce qui est absolument premier dans l’ordre de l’être et du connaitre. C’est cela qu’évoque Pascal par l’expression les « premiers principes », qui fait référence aux divers fondements de la connaissance sur lesquels s’appuie le raisonnement dans les différentes sciences. Or l’établissement de ces principes ne relève pas de la raison, mais de cet autre pouvoir de connaissance que Pascal désigne sous l’expression imagée de « cœur ». Pour nous en convaincre Pascal prend pour exemple une des plus immédiates et triviales de ces vérités qui se passent de raison : la certitude absolue de la réalité de notre existence : « nous savons que nous ne rêvons pas », en effet ; rien n’est plus certain que l’évidence présente de notre existence, on ne saurait concevoir de vérité plus simple et plus absolue ; et pourtant la raison est totalement incapable de l’établir ; elle ne participe d’aucune manière à la conscience de cette vérité. Car, Pascal le sait bien, l’existence se montre, elle ne démontre pas ; c’est un fait qui se constate et qui ne peut pas être à la conclusion d’un raisonnement : la certitude de notre existence est intuitive, elle ne relève pas de la discursivité du raisonnement. La leçon s’impose, que Pascal administre aussitôt aux Pyrrhoniens : la raison a des limites et les vérités du cœur, qui ont leur source dans l’intuition, sont non seulement certaines mais aussi plus fondamentales que les vérités rationnelles. Si bien que l’attitude des sceptiques, et à travers eux du rationalisme athée, est insoutenable. Car Pascal ne se contente pas de montrer qu’il y deux sources de vérités aussi fiables l’une que l’autre et donc deux types distincts de vérité. Il affirme aussi que la valeur des vérités rationnelles dépend entièrement de la vérité de leurs principes posés intuitivement, sentis par le cœur : ce qui est valable pour notre existence l’est d’autant plus dans le domaine des sciences ou de la philosophie, alors qu’on pourrait penser qu’elles sont des domaines réservés de la raison. Or tout au contraire « espace », « temps », « mouvements », « matière » sont présupposés dans tous les raisonnements de la physique, par exemple pour établir la loi de la quantité de mouvement (p = mV), ou celle de la chute des corps (1/2 gt²) ; ces principes sont premiers et antérieurs au raisonnement qui les met en œuvre ; ils ne sauraient donc en résulter ; mais ce sont pourtant eux qui les rendent possibles et sensés et qui en conditionnent la vérité : « c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et qu’elle fonde tout son discours ». Il en va de même pour la plus rationnelle de nos sciences, les mathématiques dont les démonstrations ne seront possibles qu’à la suite de l’intuition des principes voire de la solution elle-même : « le cœur sent (…) que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite… ». Voilà qui non seulement légitime totalement les vérités du cœur, mais en affirme aussi la prééminence. On peut donc s’étonner un peu des propos qui suivent, dans lesquels Pascal semble se contenter de l’idée d’une équivalence et d’une complémentarité du cœur et de la raison, avec des rôles bien établis : à la raison la certitude démonstrative, au cœur celui des principes, chaque faculté régnant dans son domaine propre sans demander de compte à l’autre : cœur et raison ne seraient alors que différentes manières d’atteindre la vérité. Certes tout porte à le croire puisque l’auteur nous dit qu’il serait tout aussi ridicule que la raison exige des preuves pour donner crédit aux intuitions du cœur que le cœur exige qu’un sentiment de vérité accompagne les démarches déductives du raisonnement. Ce serait suffisant pour mettre à l’abri le domaine de la foi des redoutables demandes de preuves des sceptiques. Mais cela s’accorderait mal avec le propos qui a précédé : si les raisonnements sont précédés par l’intuition des principes, c’est bien le cœur d’abord, la raison ensuite : le cœur ou intuition est le foyer de l’expérience de la vérité, les raisonnements n’étant que la continuation, l’étirement de ces intuitions. Car il ne faut pas confondre la vérité, ou connaissance de ce qui est, et la certitude, qui n’est que le sentiment que ce qu’on énonce est vrai : démonter ce n’est rien d’autre que rendre manifeste une vérité déjà existante; la démonstration n’est pas constitutive de la vérité, elle se contente de la rendre visible aux yeux de tous. Les raisonnements ne sont donc aux yeux de Pascal que l’explicitation d’une vérité saisie dans un éclair que nous nous efforçons d’étendre afin pouvoir la contempler plus facilement et plus complètement ; comme s’ils n’étaient que l’écho lointain, étiré, d’une note pure qui venait d’être frappée… C’est alors faute d’acuité intellectuelle que nous avons recours aux raisonnements ; ils nous sont nécessaires parce que nous ne savons pas voir la vérité au premier regard. Autant dire que tous les hommes en ont besoin, le philosophe ou l’homme de foi constituant l’exception. Tout se passe donc comme si les démarches de la raison, qui établissent un rapport discursif, représentatif et intellectuel à la réalité reposaient sur un lien plus immédiat et d’un autre genre de notre être à la réalité : celui du cœur, c’est-à-dire, suivant les mots du texte (« instinct », « sentir », « sensible ») d’une saisie originaire de ce qui est, qui s’impose dans l’évidence. Bref, dans une forme d’expérience qui est de même nature que la foi. Ce qui signifie que la vérité n’est pas fondamentalement l’exactitude de la représentation, suivant la définition scolastique (adéquatio intellectus et rei) mais une expérience intuitive de ce qui est, antérieurement à toute représentation, donc à tout raisonnement : n’est-ce pas alors le « dieu sensible au cœur » cher à Pascal qui se cache dans les plis de l’expérience humaine de la vérité, et qui en constitue le fondement absolu et la justification totale de la foi ? Mais cette confiance ou foi dans la vérité de ce qui se présente à l’intuition, qui l’atteste, sinon la foi elle-même ? Cette circularité finale de l’argumentation pascalienne n’en définit-elle pas aussi la limite ? Car il faudra bien mettre un nom sur ce premier des principes, et traduire dans un discours recevable ce contact présumé avec l’être même des choses. Mais hors des procédures logiques du raisonnement, ou des contraintes de la démarche expérimentale, comment saurons-nous que l’expression de nos intuitions est bien adéquate à son objet ? Par la foi, dirait Pascal. Encore une fois, la foi est censée prouver la foi, ce qui est pure pétition de principe. C’est pourquoi lorsque Freud, par exemple, énonce qu’en matière de vérité « il n’est pas d’instance au-dessus de la raison » et qu’à ce titre nul ne peut faire argument de sa foi ou de ses expériences intimes, ne nous rappelle-t-il pas tout simplement les conditions élémentaires de ce qui peut se dire dans un souci de vérité? Les vérités du cœur, si elles sont présupposées dans le travail de la raison, devront demeurer muettes ! Quant à la foi religieuse, horizon ultime de la méditation pascalienne de la vérité, il lui reste la possibilité non de se dire, mais de se vivre. *Nous savons maintenant que l’identification de ce qui est vrai et de ce qui est démontrable n’est pas soutenable, ainsi que Pascal nous l’a montré. Il y a en effet des vérités indémontrables ou dont l’évidence rend inutile voire ridicule d’essayer de les prouver; nous avons aussi appris de lui que les raisonnements, quel qu’en soit l’objet, repose sur des principes qui ne peuvent être établis par leur moyen, la vérité de toute démonstration semblant alors reposer sur une expérience originaire dans laquelle l’être même des choses se révèle à nous. C’est à ce point toutefois que la position de Pascal doit être considérée avec prudence ; car s’il montre brillamment qu’aucune démarche rationnelle, ni en science ni en philosophie, ne peut s’auto-fonder, il n’est pas en mesure de justifier l’exactitude de l’expression des intuitions premières dont il fait dériver la connaissance.