Archive pour le 16 décembre, 2015
MARIE MADELEINE DE PAZZI – DOUZE MÉDITATIONS
16 décembre, 2015http://voiemystique.free.fr/madeleine_de_pazzi_12_meditations.htm
MARIE MADELEINE DE PAZZI
Carmélite et auteur mystique, Sainte (1566-1607)
DOUZE MÉDITATIONS
INTRODUCTION
« Douze méditations » petit texte publié dans le dernier volume de l’édition italienne des Oeuvres complètes. Ces petites notes trouvent leur origine dans une coutume du monastère de Sainte Marie des Anges, relative à la tradition monastique carmélitaine, qui avait pour fonction de favoriser la pratique communautaire de la pauvreté et d’éviter l’oisiveté. Les Constitutions du monastère déterminaient l’ordre à suivre qui s’inspirait largement de l’Office divin. En 1579, le chapitre du monastère adopta un décret établissant que chaque jour, après le silence en salle, les jeunes novices devaient se charger à tour de rôle d’une méditation. Une compagne de noviciat, Sœur Maria-Grazia Gondi, prit en note les méditations de sainte Marie Madeleine de Pazzi. C’est grâce à elle que nous possédons le premier témoignage de la doctrine spirituelle de la jeune carmélite. Malgré la formulation impersonnelle, nous pouvons déjà reconnaître en ces méditations de la jeune novice — données probablement durant l’année 1583 (elle avait alors 17 ans) —, des thèmes et des images que nous rencontrerons dans les « Quarante jours », on peut même dire que l’essentiel y est déjà annoncé : importance de l’approche trinitaire de Dieu et du lien avec l’âme notamment par les vœux religieux, médiation du Verbe et de Marie dans l’œuvre du salut, appelant les âmes à y prendre leur part par l’imitation de leurs vertus et la participation à leurs souffrances; soif des âmes. La croix du Christ et sa Passion occupent une place centrale : l’âme est invitée à imiter son Maître dans ce chemin d’anéantissement, en insistant sur l’importance de la vertu d’humilité, par laquelle l’âme s’unit à Dieu. Cette seule vertu lui suffit pour acquérir la vie éternelle, et elle peut ainsi gagner le ciel, où, participant de la nature divine, l’âme est enivrée de Dieu. Nous y trouvons déjà plusieurs images comme celles du lait, du sang, de la vigne, du jardin, de l’eau. Les méditations reflètent l’effort ascétique de la novice, consciente déjà que Dieu se « complaît dans une âme nue et dépouillée de tout vouloir propre, non seulement dans les choses extérieures, mais encore dans sa volonté de servir Dieu, non selon son goût, mais comme Dieu le veut ».
COMMENCEMENT DES 12 MÉDITATIONS 1 Nous pourrions considérer que lorsque le Père éternel voulut envoyer le Verbe prendre chair, les trois divines Personnes tinrent d’abord conseil entre elles. L’âme aussi, quand elle veut mettre en œuvre un projet, doit d’abord tenir conseil en elle-même, c’est-à-dire préméditer et bien considérer quelle intention l’y porte et ce qu’elle en attend. Dans l’éternel conseil, la justice et la miséricorde n’étaient pas d’accord entre elles. Ainsi dans l’âme, la crainte de Dieu d’un côté, la crainte du monde et le respect humain de l’autre ne peuvent jamais s’accorder si l’âme dans son activité ne veille, avec une droite justice selon Dieu, à satisfaire à chacune de ces craintes et affections; c’est ainsi qu’a fait le Verbe en satisfaisant en lui-même à la justice et à la miséricorde. Dans son conseil, pour mener à bien l’œuvre de l’Incarnation du Verbe, la très Sainte-Trinité a choisi la plus pure et la plus humble créature qui fut au monde. De même l’âme en tout son agir doit toujours choisir ce qui est le plus pur, Jésus, en ne voulant que Lui et Sa très aimable volonté.
2 Nous pourrions considérer que Jésus, dans sa Nativité, nous a montré les mêmes vertus que sur la croix : pauvreté et humilité. À la Nativité, il s’humilia tellement qu’il voulut être placé entre deux animaux, et fut si démuni qu’il naquit dans une pauvre étable, sans aucune aide humaine. Sur la croix, il n’eut pas d’endroit où reposer sa sainte tête, et s’humilia jusqu’à se faire crucifier entre deux voleurs. Quand Jésus naquit, il se nourrit de lait ; plus tard, sur la croix il nous donna son sang, nous montrant ainsi que lorsque l’âme naît à la vie de Dieu, elle reçoit de lui le lait de la consolation, mais qu’elle doit ensuite abandonner cette douce nourriture et en échange donner du sang, c’est-à-dire l’exemple d’une vertu authentique et d’une véritable souffrance par amour de Dieu.
3 Nous considérerons qu’à sa naissance Jésus était nu et voulut être couché sur du foin dur, entre deux vils animaux, pour montrer qu’il se plaît et se repose dans l’âme qui est humble et mortifiée dans toutes ses puissances et sentiments, et qui maîtrise si bien sa convoitise et son irascibilité que par l’une elle ne désire quoi que ce soit contre la volonté de Dieu et par l’autre ne se meut ni n’éprouve de ressentiment, si ce n’est pour l’honneur de Dieu et le salut du prochain. Il naquit nu pour montrer aussi combien il se complaît dans une âme nue et dépouillée de tout vouloir propre, non seulement dans les choses extérieures, mais encore dans sa volonté de servir Dieu, non selon son goût, mais comme Dieu le veut.
4 Nous allons considérer le grand amour que Jésus nous montra sur la croix, et surtout dans les trois paroles qu’il prononça pour nous témoigner aussi sa profonde miséricorde et son infinie sagesse. Dans cette parole : Père, pardonne-leur (Lc 23,34), il montra sa miséricorde en priant pour ceux qui le crucifiaient. En s’écriant : J’ai soif (Jn 19,28), il montra son amour, parce que la soif qu’il avait de nos âmes était plus ardente que l’autre soif dont il souffrait pourtant beaucoup. Si nous voulons désaltérer Jésus, nous devons avoir une grande soif de son honneur et du salut des âmes, sans être altérés des choses du monde ni les désirer, car alors nous donnerions à boire à Jésus du fiel et du vinaigre. Et puisque le fiel et le vinaigre sont amers au goût mais également nocifs, de même, nous nuisons à notre âme en nous désaltérant avec les choses du monde. Dans ces mots : Tout est achevé (Jn 19,30), il nous montra la sagesse infinie où il puisa le moyen de rétablir ses créatures dans l’état d’innocence où il les avait créées, achevant par sa Passion l’œuvre que le Père éternel lui avait confiée.
5 Nous considérerons ces paroles de Jésus dans l’Évangile : Je suis la vraie vigne et vous êtes les sarments (Jn 15,5). Cette vigne fut plantée dans la terre fertile du sein de la Vierge Marie. Et comme la vigne fleurit et produit le fruit presque en même temps, de même Jésus enseignait par sa parole et présentait des exemples vivants de vertu. Quand les sarments sont séparés de la vigne, ils ne peuvent donner de fruits ; ainsi en est-il de nous; si nous sommes séparés de Jésus, jamais nous ne porterons de fruits, mais si nous demeurons unies à lui par la transformation de la volonté et de l’amour, alors nous donnerons le même fruit que lui, comme les sarments unis à la vigne donnent le fruit de la vigne. Parce que l’âme unie à Dieu devient, par participation, un autre Dieu, elle tire du Verbe incarné, par imitation, la pratique des vertus qu’il exerça sur terre, et surtout une profonde humilité, qui la fait s’humilier et s’abaisser en toutes ses actions, un ardent amour de Dieu et une véritable charité pour le prochain : pour le sauver et lui être utile, elle ne tient compte ni d’elle-même ni des commodités de son corps. Il nous enseigne surtout à demeurer toujours unies à Jésus.
6 Nous considérerons que dans le jardin de la sainte Église se trouvent bien des choses qui recréent l’âme, et en particulier la mémoire de la Passion de Jésus, qui non seulement la recrée, mais lui offre aussi une douce nourriture. Ainsi pourrons-nous considérer Jésus sur le mont Calvaire, pendu sur la croix, et nous donnant, comme une vigne, son sang précieux. Comme la vigne nous donne le vin qui nourrit et enivre, de même le sang de Jésus et la méditation de sa Passion nourrissent et enivrent l’âme d’amour divin. Mais il nous faut approcher de Jésus dans l’oraison et la méditation de sa Passion avec un cœur pur et vide de nous-mêmes et de notre amour propre, si nous voulons en tirer cette douce nourriture et cette divine ivresse, car, si nous voulons que le vin nourrisse et enivre, il faut de même qu’il soit pur et non mêlé avec beaucoup d’eau.
7 Nous allons considérer la grande humilité que nous montra Jésus en voulant être baptisé par saint Jean, qui était tellement inférieur à Lui. Combien son Père éternel se complut dans la profonde humilité de son Unique, il nous le montra par ses paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon plaisir (Mt 3,17). Jésus aussi se complaît tellement dans l’âme qui est humble et se soumet par humilité à ses inférieurs, que cette seule vertu — au cas où elle n’en posséderait aucune autre — lui suffirait pour acquérir la vie éternelle.
8 Mes Sœurs, si nous voulons monter au ciel avec Jésus, nous devons nous alléger et délester de ce qui pèse en nous afin d’être légères et aptes à voler. Rien ne nous rend plus lourdes et inaptes à nous élever et à suivre notre époux, que le péché. Donc, avec grand soin, nous devons garder notre cœur non seulement du péché mais de toute minime imperfection, et nous procurer les ailes de la haine de nous-même et de l’amour pour Dieu.
9 Nous devrons penser à célébrer toutes les solennités avec une grande dévotion, et en particulier celle de la très Sainte Trinité, parce que toutes les autres sont ou de Jésus, ou de l’Esprit Saint, ou de la Vierge, mais celle-ci célèbre également le Père éternel. Et si toutes les créatures doivent honorer cette solennité, nous religieuses, nous le devons tout spécialement ; nous pouvons honorer la très Sainte Trinité notamment par l’observance des saints vœux. Nous honorerons le Père éternel par une observance véritable du vœu d’obéissance : en effet, quand ils obéissent à leur père, ses fils l’honorent infiniment. Nous honorerons le Verbe en l’imitant par la vertu de la sainte pauvreté, qu’il aima tant, car il se fit pauvre pour nous, lui qui n’eut sur la croix, nulle place où reposer sa tête si sainte. Par l’observance du vœu de pureté et de chasteté nous honorerons l’Esprit Saint, parce qu’étant pur Esprit, il agrée les âmes pures et chastes et se réjouit en elles.
10 Nous pourrions considérer que la Vierge Marie est comme ce livre, scellé de sept sceaux, que vit saint Jean l’évangéliste dans l’Apocalypse, et qui ne pouvait être ouvert que par l’Agneau (Ap. 5,5). Les sept sceaux sont les sept dons de l’Esprit Saint que la Vierge Marie possédait en plénitude, plus que toute autre créature ; nous pouvons aussi les comprendre comme les sept privilèges dont elle jouit. Par le premier, elle fut depuis l’éternité choisie par Dieu comme première-née de toutes les créatures. Par le second, elle conçut en son sein et en sa chair le Verbe et son humanité, qu’il reçut de son sang très pur. Par le troisième, de sa parole, elle sanctifia saint Jean, en vertu du Verbe incarné dans son sein très pur. Par le quatrième, après avoir enfanté Jésus, elle demeura Vierge. Par le cinquième, le Fils de Dieu lui-même lui fut soumis, humble et obéissant. Par le sixième, son corps après la mort ne se corrompit point. Par le septième, elle fut placée à la droite de son Fils. Si, à notre mort, nous voulons entrer dans le bienheureux Royaume du Paradis, nous devons dès à présent nous exercer à la perfection, pratiquer l’humilité, la patience, la charité et toutes les autres vertus. Efforçons-nous d’agir ainsi.
11 Nous allons considérer les paroles de Saint Paul et essayer de les dire nous aussi : Pour moi le monde a été crucifié et moi pour le monde (Ga 6,14). Nous pourrons les prononcer en vérité quand nous serons contraires au monde. Les gens du monde aiment et poursuivent les honneurs, ils sont pleins d’avarice, d’impureté, de mille hypocrisies et simulations. Si nous voulons être contraires au monde, nous devons agir avec vérité, sincérité et pureté d’intention, nous devons aimer d’une véritable et intime dilection, et surtout aimer et pratiquer en nous-mêmes l’humilité, la simplicité et les autres vertus qui nous rendent agréables et justes aux yeux très purs de notre Époux.
12 Pour l’âme qui veut parvenir à la perfection, une des conditions à remplir est la connaissance des nombreux obstacles qui l’empêchent d’y réussir. Nous en retiendrons surtout trois : Le premier est l’amour des créatures et d’elle-même. Jésus nous le montra dans l’évangile quand il dit : Celui qui ne renonce pas à tout ce qu’il possède n’est pas digne de moi (Mt 10, 37-38), qui aime ses biens plus que Lui n’est pas digne de Lui. Le second est la simulation, qui consiste à garder une pensée dans son cœur tandis que la bouche en affirme une autre. Il nous montra cela quand il dit dans l’Évangile : « Je suis la Vérité » (Jn 14,6). Le troisième, la désobéissance aux commandements de Dieu, et, pour nous religieuses, aux conseils, à la Règle, aux Constitutions, et encore à nos prélats et supérieurs. Jésus aime tellement la vertu d’obéissance, que par elle il s’unit à l’âme. Et comme un aliment s’unit à la créature et la créature à cet aliment, ainsi l’âme obéissante s’unit à Jésus, et Jésus à elle.
PAPE FRANÇOIS – POURQUOI UN JUBILÉ DE LA MISÉRICORDE
16 décembre, 2015PAPE FRANÇOIS
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 9 décembre 2015
POURQUOI UN JUBILÉ DE LA MISÉRICORDE
Chers frères et sœurs, bonjour,
Hier j’ai ouvert ici, dans la basilique Saint-Pierre, la porte sainte du jubilé de la miséricorde, après l’avoir déjà ouverte dans la cathédrale de Bangui, en Centrafrique. Je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous sur la signification de cette année sainte, en répondant à la question: pourquoi un jubilé de la miséricorde? Qu’est-ce que cela signifie? L’Eglise a besoin de ce moment extraordinaire. Je ne dis pas: ce moment extraordinaire est bon pour l’Eglise. Je dis: l’Eglise a besoin de ce moment extraordinaire. A notre époque de profonds changements, l’Eglise est appelée à offrir sa contribution particulière, en rendant visibles les signes de la présence et de la proximité de Dieu. Et le jubilé est un temps favorable pour nous tous, car en contemplant la Divine miséricorde, qui franchit toute limite humaine et qui resplendit sur l’obscurité du péché, nous pouvons devenir des témoins plus convaincus et efficaces. Tourner le regard vers Dieu, le Père miséricordieux, et vers nos frères qui ont besoin de miséricorde, signifie diriger notre attention sur le contenu essentiel de l’Evangile: Jésus, la miséricorde faite chair, qui rend visible à nos yeux le grand mystère de l’Amour trinitaire de Dieu. Célébrer un jubilé de la miséricorde équivaut à mettre à nouveau au centre de notre vie personnelle et de nos communautés, le caractère spécifique de la foi chrétienne, c’est-à-dire Jésus Christ, le Dieu miséricordieux. Une année sainte, donc, pour vivre la miséricorde. Oui, chers frères et sœurs, cette année sainte nous est offerte pour faire l’expérience dans notre vie du contact doux et tendre du pardon de Dieu, de sa présence à nos côtés et de sa proximité, en particulier dans les moments de plus grand besoin. Ce jubilé est, en somme, un moment privilégié pour que l’Eglise apprenne à choisir uniquement «ce qui plaît le plus à Dieu». Et qu’est-ce qui «plaît le plus à Dieu»? Pardonner ses enfants, avoir miséricorde d’eux, afin qu’eux aussi puissent à leur tour pardonner leurs frères, en resplendissant comme les flammes de la miséricorde de Dieu dans le monde. C’est ce qui plaît le plus à Dieu. Saint Ambroise, dans un livre de théologie qu’il avait écrit sur Adam, parle de l’histoire de la création du monde et dit que Dieu chaque jour, après avoir fait une chose — la lune, le soleil ou les animaux — dit: «Et Dieu vit que cela était bon». Mais quand il a fait l’homme et la femme, la Bible dit: «Il vit que cela était très bon». Saint Ambroise se demande: «Mais pourquoi dit-il “très bon”? Pourquoi Dieu est-il si content de la création de l’homme et de la femme? Parce qu’à la fin, il avait quelqu’un à pardonner. C’est beau: la joie de Dieu est de pardonner, l’être de Dieu est miséricorde. C’est pourquoi, cette année nous devons ouvrir nos cœurs, pour que cet amour, cette joie de Dieu nous remplisse tous de cette miséricorde. Le jubilé sera un «temps favorable» pour l’Eglise si nous apprenons à choisir «ce qui plaît le plus à Dieu», sans céder à la tentation de penser qu’il y a quelque chose d’autre de plus important ou de prioritaire. Rien n’est plus important que de choisir «ce qui plaît le plus à Dieu», c’est-à-dire sa miséricorde, son amour, sa tendresse, son étreinte, ses caresses! L’œuvre nécessaire de renouveau des institutions et des structures de l’Eglise est elle aussi un moyen qui doit nous conduire à faire l’expérience vivante et vivifiante de la miséricorde de Dieu qui, elle seule, peut garantir à l’Eglise d’être cette ville sise au sommet du mont qui ne peut pas rester cachée (cf. Mt 5, 14). Seule une Eglise miséricordieuse resplendit! Si nous devions, ne serait-ce que pour un moment, oublier que la miséricorde est «ce qui plaît le plus à Dieu», chacun de nos efforts serait vain, car nous deviendrions esclaves de nos institutions et de nos structures, pour autant qu’elles puissent être renouvelées. Mais nous serions toujours des esclaves. «Eprouver fortement en nous la joie d’avoir été retrouvés par Jésus, qui comme Bon Pasteur est venu nous chercher parce que nous nous étions perdus» (Homélie des premières vêpres du dimanche de la Divine miséricorde, 11 avril 2015): tel est l’objectif que l’Eglise se fixe en cette année sainte. Ainsi, nous renforcerons en nous la certitude que la miséricorde peut contribuer réellement à l’édification d’un monde plus humain. En particulier à notre époque, où le pardon est un hôte rare dans les milieux de la vie humaine, le rappel à la miséricorde se fait plus urgent, et ce en chaque lieu: dans la société, dans les institutions, dans le travail et aussi dans la famille. Naturellement, certains pourraient objecter: «Mais, Père, en cette année, l’Eglise ne devrait-elle pas faire quelque chose de plus? Il est juste de contempler la miséricorde de Dieu, mais il existe de nombreuses nécessités urgentes!». C’est vrai, il y a beaucoup à faire, et je suis le premier à ne pas me lasser de le rappeler. Mais il faut tenir compte que, à la racine de l’oubli de la miséricorde, il y a toujours l’amour propre. Dans le monde, celui-ci revêt la forme de la recherche exclusive de ses propres intérêts, de plaisirs et d’honneurs unis à la volonté d’accumuler des richesses, tandis que dans la vie des chrétiens, il se travestit souvent en hypocrisie et mondanité. Toutes ces choses sont contraires à la miséricorde. Les mouvements de l’amour propre, qui font de la miséricorde une étrangère dans le monde, sont si divers et nombreux que souvent, nous ne sommes même plus en mesure de les reconnaître comme limites et comme péché. Voilà pourquoi il est nécessaire de reconnaître que nous sommes pécheurs, pour renforcer en nous la certitude de la Divine miséricorde. «Seigneur, je suis un pécheur; Seigneur, je suis une pécheresse; viens avec ta miséricorde». C’est une très belle prière. C’est une prière facile à dire chaque jour: «Seigneur, je suis un pécheur; Seigneur, je suis une pécheresse; viens avec ta miséricorde». Chers frères et sœurs, je souhaite qu’en cette année sainte, chacun de nous fasse l’expérience de la miséricorde de Dieu, pour être témoins de «ce qui lui plaît le plus». Est-il naïf de penser que cela peut changer le monde? Oui, humainement parlant, c’est insensé, mais «ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes» (1 Co 1, 25).