L’ICONE DE MARIE SEDES SAPIENTIAE – TRONE DE LA SAGESSE
8 décembre, 2015http://uniurbe.org/maria-sedes-sapientiae-version-francaise/
L’ICONE DE MARIE SEDES SAPIENTIAE – TRONE DE LA SAGESSE
DESCRIPTION TECHNIQUE
OBJET: Mosaïque de la Mère de Dieu, Sedes Sapientiae (Trône de la Sagesse), objet de culte chrétien.
MESURES: 70 X 95 X 2 + l’épaisseur de la mosaïque d’environ 1 cm.
MATERIAUX: Base: panneau de bois multicouche. Colle: Malte Kerabond + isolastic. Tesselles: travertin, marbre jaune de Sienne, rouge de France, blanc cristallin di Carrare, émaux et or sur verre. Écriture en couleur Morgans et acrylique réalisée avec de la vernis mat. Verso imprégné de différentes couches de couleurs Morgans réalisées avec du vernis mat.
AUTEUR: l’image a été réalisée par le père. Marko Ivan Rupnik dans l’atelier d’art spirituel du Centre Aletti. Le visage de la Mère de Dieu puise certains de ses traits du visage de Marie de la Pentecôte de la chapelle « Redemptoris Mater » du Vatican, réalisée par l’Atelier lui-même.
DESCRIPTION ARTISTIQUE
L’œuvre Mère de Dieu Sedes Sapientiae (Siège de la Sagesse) fait partie du courant artistique qui s’inspire de la tradition, en particulier celle du premier millénaire, mais utilise comme langage artistique les contributions des avant-gardes historiques du XXe siècle. Plusieurs fois dans l’histoire de l’art des phénomènes semblables se sont produits, les rencontres et l’enrichissement mutuel de deux traditions chrétiennes. Il est suffisant de mentionner les mosaïques de Cefallu, la peinture italienne des XIIIe e XIV siècles, l’extraordinaire expérience de El Greco, les recherches du début du XXe siècle de peintres comme Matisse et Kandinsky.
Le premier millénaire et l’art byzantin en sont venus à une interprétation figurative, coloristique des mystères chrétiens afin que cet art fasse partie intégrante de la liturgie entendue comme l’articulation maximale de la foi dans la vie de l’Église. Au cours du deuxième millénaire, et surtout au XXe siècle, l’Occident, au cours d’une recherche de la subjectivité humaine, développe un art considéré de plus en plus explicitement expression de l’homme, de l’artiste lui-même. Cela a conduit à une explosion de la créativité, à l’invention de formes, de langages, de plus en plus radicalement subjectifs. Un tel langage artistique peut difficilement faire partie de la liturgie, et même un langage rendu immuable à travers les siècles peut mettre les croyants d’aujourd’hui mal à l’aise. En effet, il y a depuis longtemps des tentatives entre Orient et Occident de se réunir et de se féconder mutuellement. C’est dans ce sens il faut souligner l’effort de l’ensemble du Magistère de Jean-Paul II tendant à obtenir cette rencontre entre l’Orient et l’Occident, avec un regard toujours prêt à cueillir les aspirations et les exigences du monde et de l’homme moderne.
Un art qui fait partie du culte et de la liturgie, comme domaine de la dévotion de l’Église doit contenir, d’une part, l’objectivité des mystères de la foi, de sorte que de nombreuses personnes puissent parvenir à ces mystères et se reconnaitre en eux. D’autre part, ce même art a une dimension caractérisée par le temps, par l’histoire et par les artistes eux-mêmes. C’est parce que la foi chrétienne fonctionne avec les catégories de l’incarnation et de la transfiguration, et avec des contenus éternels, qui même dans leur dimension objective se communiquent aux fidèles à travers les fidèles eux-mêmes, à travers de vraies personnes, de vrais visages. C’est cette dimension de la tradition des générations qui lèguent -et donc la tradition de l’Église qui rend l’art chrétien toujours vivant parce que toujours concret, circonscrit par quelque chose de personnel et en même temps de transindividuel, et d’universel.
Dans cette œuvre, nous voyons que la mosaïque est réalisée de façon actuelle, en tenant compte des découvertes des artistes du XXe siècle sur la matière et la couleur. La mosaïque, ici, n’est pas utilisée comme une simulation de la peinture, l’œil du spectateur n’a pas de difficultés à discerner s’il s’agit d’un trait de pinceau sur la toile ou de pierre et d’émail. Les émaux et les marbres sont utilisés de façon à ce qu’ils ressemblent à ce qu’ils sont, à savoir la matière dure, rigide. Le mouvement, que ce soit à l’intérieur, ou autour des figures est déterminé par l’orientation des tesselles, leur taille, leur épaisseur. De cette manière, la composition de la Vierge et du Fils réussit à être particulièrement dense et animé, mais pas violent. Pour cette raison, les visages de la Vierge et du Fils attirent l’attention du spectateur avec une expression attentive, soignée, mais qui à cause de l’utilisation de la pierre, du marbre, apparait au début un peu voilée. Plus l’œil s’habitue aux pierres et aux émaux, en glissant de haut en bas sur la mosaïque, plus s’ouvre un contenu qui n’est pas facile de saisir et de cataloguer. Il est également important de souligner que la couleur est utilisée de manière à faire apparaître une lumière à l’intérieur. De la même façon dont les anciens faisaient transparaitre dans les icônes la lumière qui irradie de l’intérieur, cette mosaïque parvient à révéler la lumière intérieure. L’arrière-plan que nous voyons particulièrement lumineux et animée indique que toutes les pierres glissent, courent et coulent vers la personne humaine, vers la Mère de Dieu et sur son manteau tous les émaux convergent vers la figure du Christ, le Logos éternel.
Tout comme les anciennes écoles des icônes peignaient les visages humains avec le protoplasme, c’est-à-dire, avec la terre, ici nous retrouvons le même principe. Toute la création tend vers la personne humaine et la personne humaine est orientée vers le Christ, tend à Christ. Depuis la création du monde jusqu’à l’apparition de l’homme, de l’apparition de l’homme jusqu’au Christ. Déjà dans la langue elle-même on peut noter une certaine synthèse de certains des dogmes de notre foi.
LA SIGNIFICATION TEOLOGICO SPIRITUELLE
Une lointaine source d’inspiration de cette image se trouve chez Philon d’Alexandrie et dans son influence sur la pensée des Pères. Le grand Juif philosophe s’était rendu compte que d’une part la recherche de la sagesse est l’idéal commun de tous les peuples et d’autre part que la vraie sagesse est un don spécial de Dieu, donné aux fils d’Abraham. Le rapprochement entre ces deux sources serait-il possible? Philon croit avoir trouvé la solution dans le fait même que la sagesse vient du ciel et ensuite de la tradition du peuple de Dieu
Même les Pères de l’Église ont relevé la double provenance de la sagesse, mais sous l’influence de Saint Paul, ils ont tout d’abord vu leur opposition radicale. En outre ils se sont mis à chercher la réconciliation et ils l’ont trouvée en approfondissant le sujet: Christ sagesse vient de Dieu, mais à travers Marie il vient du genre humaine. C’est donc lui qui parvient à réconcilier les contraires. Pour l’illustrer de façon catéchétique, Eusèbe rappelle le mythe d’Orphée qui, avec son chant merveilleux calme les animaux sauvages. De la même façon le Christ avec son chant d’amour pacifie l’humanité et la divinité.
Cette réflexion a eu une résonance iconographique. Le soutien du trône, sur lequel est assis le Christ Sagesse, reçoit la forme d’une lyre. L’extension mariologique du motif est spontanée. Étant donné qu’il vient de Dieu et des hommes, le trône mort des premières images du Pantocrator est remplacé par le trône vivant, les genoux de la Theotokos. Le motif précèdent du siège en forme de lyre, ne disparait pas. Dans la présente image, il est remplacé par une harpe aux nombreuses cordes toutes destinées à former un chant harmonieux.
Nous retrouvons certains symboles de l’art chrétien du premier millénaire. La Mère de Dieu est habillé en bleu ce qui représente l’humanité, mais elle est couverte d’un manteau rouge qui est la couleur de la divinité, elle est l’être humain rendu divin. Christ est vêtu de rouge en tant qu’être divin et normalement il était couvert d’un manteau bleu, couleur de l’humanité, c’est-à-dire Dieu fait homme. Mais dans l’icône Sedes Sapientiae, le Christ est le plus simplement couvert de jaune d’or, ce qui symbolise la sainteté, la perfection de Dieu le Père, parce qu’il incarne en tant que sagesse toute cette perfection. Dans sa main gauche il tient un rouleau de papier, le Logos, le Verbe éternel de Dieu. Cette unité entre le rouleau, c’est-à-dire le Verbe, et le Visage est importante. Le Verbe est une Personne, c’est le Fils de Dieu, il a un visage. Il n’existe pas de sagesse énigmatique, lisse, et obscure. La Sagesse de Dieu est une personne vivante, qui se rapproche de l’homme à travers un visage fait « par la main de l’homme ». Pour cela, sa Mère, Vierge, est le siège vivante et personnelle sur laquelle pouvait s’asseoir la Parole de Dieu. Avec la main droite il nous bénit avec toutes les bénédictions spirituelles. Les doigts composent le signe classique de la profession des principaux dogmes, unité des trois personnes divines qui se révèlent à nous au travers du Fils, de deux natures, vrai Dieu et vrai homme.
Les trois étoiles d’or qui ornent Marie indiquent l’intégrité de la Vierge Marie avant, pendant et après l’accouchement.
Le visage de la mère doit avoir une attitude contemplative, recueillie, immergée dans le mystère, capable de créer une lien entre elle et le croyant qui prie. En ce qui concerne le Fils, il y a souvent eu deux tendances : ou rendre plus âgé que la Mère parce que c’est la sagesse et le savoir, et que la sagesse a toujours été liée à la vieillesse, ou, comme c’est le cas ici, le Fils est enfant, mais le visage est déjà formé, les lignes de la jeunesse apollinienne sont déjà esquissées, puisque la sagesse n’est pas soumise au temps, mais est éternelle : une éternelle jeunesse afin de souligner qu’il s’agit une sagesse de vie, pour la vie .