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QU’EST-CE QUE LE JUBILE? – (LE JUBILÉ DE L’AN 2000)

26 novembre, 2015

http://www.vatican.va/jubilee_2000/docs/documents/ju_documents_17-feb-1997_history_fr.html

QU’EST-CE QUE LE JUBILE? -  (LE JUBILÉ DE L’AN 2000)

Dans la tradition catholique, le Jubilé est un grand événement religieux. C’est l’année de la rémission des péchés et des peines pour les péchés, c’est l’année de la réconciliation entre les adversaires, de la conversion et de la pénitence sacramentelle, et, en conséquence, de la solidarité, de l’espérance, de la justice, de l’engagement au service de Dieu dans la joie et dans la paix avec ses frères. L’Année jubilaire est avant tout l’année du Christ, porteur de vie et de grâce à l’humanité. Ses origines se relient à l’Ancien Testament. La loi de Moïse avait fixé, pour le peuple hébreu, une année particulière: « Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé: chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan. Cette cinquantième année sera pour vous une année jubilaire: vous ne sèmerez pas, vous ne moissonnerez pas les épis qui n’auront pas été mis en gerbe, vous ne vendangerez pas les ceps qui auront poussé librement. Le jubilé sera pour vous chose sainte, vous mangerez des produits des champs. En cette année jubilaire, vous rentrerez chacun dans votre patrimoine » (Lév 25, 10-13). La trompette avec laquelle on annonçait cette année particulière était une corne de bélier, qui s’appelle « yôbel » en hébreu, d’où la parole « Jubilé ». La célébration de cette année comportait, entre autres choses, la restitution des terres à leurs anciens propriétaires, la rémission des dettes, la libération des esclaves, et le repos de la terre. Dans le Nouveau Testament, Jésus se présente comme Celui qui amène à son accomplissement le Jubilé antique, puisqu’il est venu « prêcher l’année de grâce du Seigneur » (cf. Is 61, 1-2). Le Jubilé de l’An 2000 revêt une importance spéciale parce que, le compte des années se faisant presque partout en partant de la venue du Christ dans le monde, on célèbre les deux mille ans de la naissance du Christ (en laissant de côté la question de l’exactitude du calcul historique). Bien plus, il s’agit de la première Année Sainte à cheval entre la fin d’un millénaire et le début d’un autre: le premier Jubilé, en effet, fut convoqué en 1300 par le Pape Boniface VIII. Le Jubilé de l’An 2000 veut être ainsi une grande prière de louange et d’action de grâce pour le don de l’Incarnation du Fils de Dieu et de la Rédemption qu’il a réalisée. Le Jubilé est appelé communément « Année Sainte », non seulement parce qu’il commence, se déroule et se conclut par des rites sacrés, mais aussi parce qu’il est destiné à promouvoir la sainteté de vie. Il a été institué en effet pour consolider la foi, favoriser les oeuvres de solidarité et la communion fraternelle au sein de l’Eglise et dans la société, pour rappeler et encourager les croyants à une profession de foi plus sincère et plus cohérente dans le Christ unique Sauveur. Le Jubilé peut être: ordinaire, s’il est lié aux dates fixées; extraordinaire, s’il est convoqué à l’occasion d’un événement de particulière importance. Les Années Saintes ordinaires célébrées jusqu’à nous sont au nombre de 25; l’Année Sainte de l’an 2000 sera la vingt-sixième. L’habitude de convoquer des Jubilés extraordinaires remonte au XVI· siècle: leur durée varie, de quelques jours à une année. Les dernières Années Saintes extraordinaires de ce siècle sont celle de 1933, convoquée par Pie XI pour le XIX· centenaire de la Rédemption, de 1983, convoqué par le Pape Jean Paul II pour le 1950· anniversaire de la Rédemption. En 1987, le Pape Jean Paul II a convoqué également une Année Mariale.

HISTOIRE DES JUBILES Le premier Jubilé ordinaire fut convoqué en 1300 par le Pape Boniface VIII, de la noble famille des Caetani, avec la Bulle « Antiquorum Habet Fida Relatio ». L’occasion lointaine remonte au courant de spiritualité, de pardon, de fraternité qui se répandait alors dans toute la chrétienté, en opposition aux haines et aux violences qui prédominaient à cette époque. L’occasion immédiate est de se rallier à la rumeur, qui avait commencé à circuler en décembre 1299, selon laquelle, durant l’année du centenaire, les visiteurs de la Basilique Saint-Pierre recevraient une « rémission très complète de leurs péchés ». L’énorme affluence des pèlerins à Rome amenèrent le Pape Boniface VIII à accorder l’indulgence pendant toute l’année 1300, et, à l’avenir, tous les cent ans. Parmi les pèlerins de ce premier Jubilé, il faut citer: Dante, Cimabue, Giotto, Charles de Valois frère du Roi de France, avec son épouse Catherine. Dante Alighieri en conserva un écho dans plusieurs vers du XXXI· Chant du Paradis, dans la « Divine Comédie ». Après le transfert du siège du Pape à Avignon (1305-1377) de nombreuses demandes furent faites pour que le deuxième Jubilé soit convoqué en 1350 et non pas en 1400. Clément VII accepta et fixa l’échéance tous les 50 ans. Aux Basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul Hors-les-Murs qu’il fallait visiter, il ajouta celle du Latran. Par la suite, Urbain VI décida de fixer l’échéance à 33 ans, en référence au temps de la vie terrestre du Christ. A sa mort, le nouveau Pontife, Boniface IX, inaugura l’Année Sainte de 1390. L’approche de la fin du siècle, et l’afflux constant des pèlerins l’amenèrent à convoquer un nouveau Jubilé en 1400. Le schisme d’Occident s’étant terminé, Martin V convoqua l’Année Sainte pour 1425, et introduisit deux nouveautés: la frappe d’une médaille commémorative, et l’ouverture de la Porte Sainte à Saint Jean de Latran. Selon ce qui avait été fixé par Urbain VI, le nouveau Jubilé aurait dû être célébré en 1433, mais il n’en fut pas ainsi. Sous le Pontificat de Nicolas V, un Jubilé fut convoqué pour 1450. Paul II, par une Bulle de 1470, établit que, à l’avenir, le Jubilé se déroulerait tous les 25 ans. Sixte IV convoqua ainsi la Jubilé suivant, en 1475: pour cette occasion, le Pape voulut que Rome soit embellie avec des oeuvres nouvelles et importantes, dont la Chapelle Sixtine et le Ponte Sixte sur le Tibre. En ce temps, les plus grands artistes de l’époque travaillaient à Rome: Verrochio, Signorelli, Ghirlandaio, Botticelli, Perugino, Pinturicchio, Melozzo da Forli. En 1500, Alexandre VI voulut que les Portes Saintes des quatre Basiliques soient ouvertes en même temps, tout en se réservant l’ouverture de la Porte Sainte de Saint-Pierre. Clément VII ouvrit solennellement, le 25 décembre 1524, le neuvième Jubilé, pendant lequel commença à se faire sentir la grande crise qui, en peu de temps, allait envahir l’Europe, avec la réforme protestante. Le Jubilé de 1550 fut convoqué par Paul III, mais ce fut Jules III qui en fit l’ouverture. L’afflux considérable des pèlerins causa un grand nombre de problèmes d’aide, auxquels pourvut tout particulièrement Saint Philippe Néri avec la « Fraternité de la Sainte Trinité ». En 1575, sous le Pontificat de Grégoire XIII, plus de 300.000 personnes de toute l’Europe vinrent à Rome. Les Années Saintes successives du XVII· siècle furent convoquées par Clément VIII (1600), Urbain VIII (1625), Clément X (1675). A Innocent X, promoteur du Jubilé de 1700, est liée une des plus grandes caritatives de Rome: l’hôpital saint Michel à Ripa. Dans le même temps, les initiatives se multipliaient pour faire face aux besoins des pèlerins, comme ce fut le cas en 1725, sous le Pontificat de Benoît XIII. Saint Leonardo da Porto Maurizio fut le prédicateur infatigable de l’Année Sainte de 1750 (convoquée par Benoît XIV); il fit édifier au Colisée 14 chapelles pour la pieuse pratique du Chemin de Croix, et une grande croix au milieu de l’arène. Clément XIV promulgua le Jubilé pour 1775, mais il ne put l’ouvrir car il mourut trois mois avant l’ouverture solennelle, qui fut faite par le nouveau Pontife Pie VI. La situation difficile de l’Eglise au temps de l’hégémonie de Napoléon ne permit pas à Pie VII de convoquer un Jubilé pour 1800. Plus d’un demi million de personnes vinrent à Rome en 1825: Léon XII remplaça la visite habituelle des fidèles à Saint-Paul Hors-les-Murs, détruite par l’incendie de 1823, par la visite à la Basilique mineure de Sainte-Marie au Transtévère. Vingt-cinq ans plus tard, le déroulement de l’Année Sainte ne fut pas permis à cause des événements survenus avec la République Romaine et l’exil temporaire de Pie IX. Ce même Pontife put toutefois convoquer le Jubilé de 1875, privé des cérémonies d’ouverture et de fermeture de la Porte Saine à cause de l’occupation de Rome par les troupes de Victor Emmanuel II Il revint à Léon XIII de convoquer le vingt-deuxième Jubilé pour le début du XX· siècle de l’ère chrétienne; il fut marqué par six Béatifications et par deux Canonisations (celles de Saint Jean-Baptiste de La Salle, et de Sainte Rita de Cascia). En 1925, Pie XI voulut, que, en même temps que l’Année Sainte, on proposât à l’attention des fidèles l’oeuvre précieuse des Missions, et il invita les fidèles, pour gagner les indulgences, à prier pour la paix entre les peuples. En 1950, quelques années après la fin de deuxième guerre mondiale, Pie XII promulgua le nouveau Jubilé en indiquant ses buts: la sanctification des âmes par la prière et la pénitence, et par la fidélité indéfectible au Christ et à son Eglise; action pour la paix, et protection des Lieux Saints; défense de l’Eglise contre les attaques renouvelées de ses ennemis, et demande fervente de la vraie foi pour ceux qui sont dans l’erreur, pour les infidèles, pour les sans-Dieu; réalisation de la justice sociale et d’oeuvres d’assistance en faveur des humbles et des nécessiteux. Durant cette Année, il y eut la proclamation du Dogme de l’Assomption au ciel de la Vierge Marie (1· novembre 19590). Le dernier Jubilé ordinaire en date est celui de 1975, et fut convoqué par Paul VI qui présenta de manière synthétique ses objectifs par les paroles: « Renouveau » et « Réconciliation ».

TERTIO MILLENIO ADVENIENTE Le 10 novembre 1994, le Pape a promulgué la Lettre Apostolique Tertio Millenio Adveniente, adressée à l’Episcopat, a u clergé, aux religieux et aux fidèles, à propos de la préparation en vue du Jubilé de l’An 2000. Le document comprend une brève introduction et cinq chapitres. L’introduction présente l’argument central: la célébration du Jubilé est la célébration de l’Incarnation rédemptrice du Fils de Dieu, Jésus-Christ. Le premier chapitre « Jésus-Christ est le même hier et aujourd’hui », souligne la signification et l’importance de la naissance de Jésus-Christ. Il est le Fils de Dieu, il s’est fait l’un de nous pour révéler le dessein de Dieu concernant la création tout entière et, en particulier, concernant l’homme. C’est là le point essentiel qui différencie le christianisme des autres religions: c’est Dieu lui-même qui en personne veut parler de lui à l’homme, et lui montrer la voie sur laquelle il est possible de le rejoindre. L’Incarnation de Jésus-Christ témoigne que Dieu cherche l’homme pour l’amener à abandonner les voies du mal. Ce sauvetage se réalise grâce au sacrifice du Christ lui-même sur la croix. La religion de l’Incarnation est ainsi la religion de la Rédemption. Le deuxième chapitre « Le Jubilé de l’An 2000″ présente les raisons de l’Année Sainte et de cette fin de millénaire en particulier. Dieu, par l’Incarnation, s’est inséré au sein de l’histoire de l’homme. L’éternité est entrée dans le temps, et manifeste que le Christ est le Seigneur du temps. Pour cette raison, dans le christianisme, le temps a une importance fondamentale, et il en découle le devoir de le sanctifier. Sur ce fond, on peut comprendre la coutume des Jubilés, qui a ses débuts dans l’Ancien Testament et retrouve sa continuation dans l’histoire de l’Eglise. Le Jubilé, pour l’Eglise, est une année de grâce du Seigneur, une année de la rémission des péchés et des peines dues aux péchés, une année de réconciliation entre tous les adversaires. Dans la vie de chaque personne, les Jubilés sont liés à la date de la naissance, et, pour les chrétiens, il y a aussi d’autres anniversaires, le Baptême, la Confirmation, la première Communion, l’Ordination sacerdotale ou épiscopale, le Mariage. Mais la communauté, elle aussi, et les institutions, célèbrent leurs jubilés: et tous, les jubilés personnels ou communautaires, religieux ou civils, revêtent un rôle important et significatif. Dans ce contexte, les deux mille ans écoulés depuis la naissance du Christ représentent un Jubilé extraordinairement grand, non seulement pour les chrétiens, mais aussi pour l’humanité tout entière, étant donné le rôle de premier plan joué par le christianisme durant ces deux millénaires. Le troisième chapitre « La préparation du Grand Jubilé », souligne les différents événements qui ont marqué et qui marquent le chemin de préparation vers l’An 2000. Avant tout, le Concile Vatican II, événement providentiel « centré sur le mystère du Christ et de son Eglise, et en même temps ouvert au monde », grâce auquel l’Eglise a acheminé la préparation prochaine pour le Jubilé du deuxième millénaire. La meilleure préparation à l’échéance bi-millénaire de la naissance du Christ, affirme le Pape, sera précisément l’engagement renouvelé de mettre en pratique l’enseignement du Concile dans la vie de chacun et dans la vie de l’Eglise tout entière. Dans le chemin de préparation à l’an 2000, s’insère la série des Synodes, commencée après le Concile: synodes généraux et continentaux, régionaux, nationaux et diocésains. Le thème de fond est celui de l’évangélisation. Des tâches spécifiques et la responsabilité reviennent à l’Evêque de Rome en vue du Grand Jubilé: c’est dans cette perspective qu’ont travaillé tous les Pontifes du siècle qui est sur le point de se terminer, en particulier avec les Encycliques à fond social, et les Messages pour la Journée de la Paix, qui ont été publiés à partir de 1968. En outre, le Pontife actuel, dès sa première Encyclique, « Redemptor Hominis », a parlé de manière explicite de l’Année Sainte de l’An 2000, en invitant à vivre cette période d’attente comme « un nouvel Avent ». C’est vers ce but que se sont orientés, et qu’ils continueront de s’orienter, les pèlerinages du Pape dans les Eglises particulières de tous les continents: le Pape Jean Paul II souhaite pouvoir visiter, avant l’An 2000, Sarajévo, le Liban, Jérusalem et la Terre Sainte, et « tous ces lieux qui se trouvent sur le chemin du Peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, depuis les terres parcourues par Abraham et par Moïse, en traversant l’Egypte et le Mont Sinaï, jusqu’à Damas » (T.M.A., 23). Les Jubilés locaux ou régionaux pour la célébration d’anniversaires importants, ont leur rôle à jouer dans la préparation du Grand Jubilé, qui recueille également les fruits des précédentes Années Saintes de cette fin de siècle – le Jubilé ordinaire de 1975 décrété par Paul VI, et le Jubilé extraordinaire de 1983 , décrété par Jean Paul II; les fruits de l’Année Mariale 1987-1988 et de l’Année de la Famille, dont le contenu se relie étroitement au mystère de l’Incarnation et à l’histoire elle-même de l’homme. Le quatrième chapitre de la Lettre Apostolique « La préparation immédiate », envisage un programme spécifique d’initiatives pour le Grand Jubilé, par deux phases: la première phase (1994-1996), à « caractère anté-préparatoire, a eu pour but de raviver chez les chrétiens la conscience de la valeur et de la signification que le Jubilé de l’An 2000 revêt dans l’histoire humaine » (n· 31). La deuxième phase (1997-1999), la phase proprement préparatoire, est orientée vers la célébration du mystère du Christ Sauveur. La structure idéale pour ces trois années est trinitaire: 1997 est consacrée à la réflexion sur le Christ; l’année 1998 est consacrée au Saint-Esprit et à sa présence sanctificatrice à l’intérieur des Eglises; l’année 1999 sera centrée sur le Père, par qui le Christ a été envoyé et auquel il est retourné. Les traits principaux soulignés par le Pape Jean Paul II sont les suivants, pour ce chemin de préparation: Une dimension historique de la conscience: « La porte Sainte du Jubilé de l’An 2000 devra être symboliquement plus large que les précédentes car l’humanité, arrivée à ce terme, laissera derrière elle non seulement un siècle mais un millénaire. Il est bon que l’Eglise franchisse ce passage en étant clairement consciente de ce qu’elle a vécu au cours de ces dix derniers siècles. Elle ne peut passer le seuil du nouveau millénaire sans inciter ses fils à se purifier, dans la repentance, des erreurs, des infidélités, des incohérences, des lenteurs » (n· 33). Une exigence oecuménique que le Pape rappelle partout dans sa Lettre, en invitant à des initiatives oecuméniques opportunes, afin que les différentes confessions chrétiennes puissent se présenter au Grand Jubilé, sinon totalement unies, du moins proches à surmonter les divisions historiques. Mais aussi parce que les péchés qui ont porté préjudice à l’unité exigent un effort plus grand de pénitence et de conversion. Un effort social, selon la description contenue dans la Bible, qui met en relief l’inspiration sociale de la pratique jubilaire (destination universelle des biens, le retour à l’égalité entre tous les enfants d’Israël). La mémoire des Martyrs: une Eglise qui ne se rappelle pas ses martyrs d’hier ou qui ne reconnaît plus ses martyrs d’aujourd’hui, ne peut revendiquer l’honneur d’être l’Eglise du Christ. Et là, le Pape Jean Paul II déclare: « En notre siècle, les martyrs sont revenus… Il faut éviter de perdre leur témoignage dans l’Eglise » (n· 37). Il est prévu, pour cette raison, de mettre à jour les martyrologes, en particulier pour la reconnaissance de l’héroïcité des vertus des hommes et des femmes qui ont réalisé leur vocation chrétienne dans le mariage. Pour ce qui concerne les trois années de la phase préparatoire, durant l’année 1997, l’Eglise s’emploiera à amener les chrétiens à la redécouverte de la Bible, du Baptême, de la catéchèse, pour regarder vers l’objectif prioritaire du Jubilé, le renforcement de la foi et du témoignage des chrétiens. En 1998, on cherchera à redécouvrir la présence et l’action du Saint-Esprit, agent principal de la nouvelle évangélisation, en mettant en valeur les signes d’espérance qui sont présents en cette fin de siècle, dans le domaine civil et ecclésial. La troisième et dernière année de préparation, selon les indications du Pape Jean Paul II, devra amener à entreprendre un chemin de conversion authentique, en redécouvrant le sacrement de Pénitence, et en mettant en relief la vertu théologale de Charité; on soulignera l’option préférentielle de l’Eglise en faveur des pauvres et des exclus. Le Jubilé pourrait être un moment opportun pour penser « à une réduction importante, sinon à un effacement total, de la dette internationale » (n· 51). La veille de l’An 2000 , en outre, sera une grande occasion pour le dialogue inter-religieux; on pourrait prévoir des rencontres entre représentants des grandes religions mondiales. La célébration du Grand Jubilé se fera simultanément en Terre Sainte, à Rome et dans les Eglises locales du monde entier. Dans la phase de célébration , l’objectif sera la glorification de la Trinité. A Rome, se tiendra le Congrès Eucharistique International. La dimension oecuménique et universelle pourrait être soulignée par une rencontre pan-chrétienne. Le cinquième et dernier chapitre de Tertio Millenio Adveniente « Jésus-Christ est le même … à jamais », exalte la mission de l’Eglise, appelée à continuer l’oeuvre même du Christ. L’Eglise, comme le grain de sénevé de l’Evangile, croît jusqu’à devenir un arbre immense, capable de couvrir de ses frondaisons toute l’humanité. Depuis les temps apostoliques, elle poursuit sans relâche sa mission de salut à l’intérieur de la famille humaine universelle. Avec la chute des grands systèmes anti-chrétiens dans le continent européen, du nazisme tout d’abord, puis du communisme, la tâche urgente s’impose de présenter à nouveau à l’Europe le message libérateur de l’Evangile, et l’attention de l’Eglise se tourne de manière toute particulière vers les jeunes générations.

Prayer Candles and Virgin Mary

25 novembre, 2015

Prayer Candles and Virgin Mary dans images sacrée RW7003

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Isaïe 55, 10-11 8 (C’est que vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins…)

25 novembre, 2015

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Isaïe 55, 10-11 8 (C’est que vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins…)

(Suggestion : commencer au v 8) [8 C’est que vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins—oracle du SEIGNEUR. 9 C’est que les cieux sont hauts, par rapport à la terre : ainsi mes chemins sont hauts, par rapport à vos chemins, et mes pensées, par rapport à vos pensées.] 10 C’est que, comme descend la pluie ou la neige, du haut des cieux, et comme elle ne retourne pas là-haut sans avoir saturé la terre, sans l’avoir fait enfanter et bourgeonner, sans avoir donné semence au semeur et nourriture à celui qui mange, 11 ainsi se comporte ma parole du moment qu’elle sort de ma _ bouche : elle ne retourne pas vers moi sans résultat, sans avoir exécuté ce qui me plaît et fait aboutir ce pour quoi je l’avais envoyée.

A propos de cette lecture : Les chapitres 40 à 55 d’Isaïe s’appellent le Livre de la Consolation. Ecrits vers 540 av JC ils forment un long poème dans lequel Dieu annonce qu’il va libérer son peuple et le ramener de son exil à Babylone. Dans ces chapitres Dieu annonce qu’il y aura un nouvel exode, que sa parole est efficace et que la puissance de Dieu réalise toujours ses desseins. « Du début à la fin, le Deutero-Isaïe affirme sans cesse que la parole de Yahvé dirige l’histoire du monde…tout passe mais la parole de Dieu demeure toujours ».1 A un moment où le peuple a tout motif de mettre en doute la Parole de Dieu, où son départ en exil pourrait être interprété comme la mise en question du dessein de Dieu, et un démenti aux promesses de Dieu, « l’exil pose donc un problème théologique, un problème de foi : Yahvé est-il encore le Dieu qui sauve, reste-t-il fidèle à ses promesses ? est-il encore le Dieu de l’histoire ? Israël doit retrouver sa foi en la parole de Dieu et ne pas mettre en doute son élection : il doit se savoir aimé de Dieu et en sécurité à l’ombre de sa fidélité. Yahvé a gardé le silence pour un temps mais maintenant il va donner de la voix »1 Dans ce chapitre 55 les premiers versets (1-5) parlent d’une invitation au peuple, d’une joyeuse nouvelle « qui prend appui sur l’alliance faite autrefois avec la maison de David, mais étendue maintenant à tout le peuple et qui se prolonge par l’assurance de l’exaltation d’Israël sur toutes les nations ».2 Les versets suivants sont une invitation à la conversion, à aller à la recherche du Seigneur et à découvrir qu’il est le Dieu qui ne se lasse pas de pardonner. Un Dieu à l’antithèse de nos pensées et des voies que nous prenons. Aussi le prophète insiste sur l’urgence de la conversion tant est important et urgent l’appel du Seigneur. En lien avec la parabole du semeur de l’Evangile, le lectionnaire n’a retenu que les deux derniers versets (10 et 11) de cet oracle où le prophète a commencé par inviter les exilés à s’alimenter aux sources de la gratuité de la Parole pour y puiser une nourriture solide qui leur fera vivre une foi authentique. Il faut dès maintenant chercher le Seigneur dans la prière, la conversion, à l’écoute de sa Parole. Cette première lecture, évoque la puissance de la fécondité de la Parole, elle corrige ce que les images de la semence, de la pluie et de la neige pourraient avoir de trop matériel. C’est une parole vivante : le Christ ; les terrains sont des êtres vivants qui accueillent la Parole ; la germination un enfantement, un engendrement avec tout ce que cela implique de patience ; l’Esprit est l’agent de la germination. C’est toute la création qui est concernée par l’action du semeur. Pour bien comprendre ce passage il faudrait y ajouter les versets 6 à 9 qui disent que l’efficacité de la parole c’est en vue d’une conversion « recherchez le Seigneur pendant qu’il se laisse trouver, invoquez-le pendant qu’il est proche. 7 Que le méchant abandonne sa voie et l’homme criminel ses pensées, qu’il revienne à Yahvé qui aura pitié de lui, à notre Dieu car il est riche en pardon. 8 Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, oracle de Yahvé. 9 Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées. Si nos versets ont recours à une comparaison tirée de la nature pour nous parler de Dieu c’est parce que Dieu est mystère et ses voies pas toujours les nôtres « mes voies ne sont pas vos voies ». Israël va refaire l’expérience d’un Dieu qui est proche de tous ceux qui l’invoquent, qui se laisse trouver par ceux qui le fréquentent. Le temps de la proximité de Dieu est aussi le temps de la repentance des humains. Ses chemins n’empruntent-ils pas les nôtres ? mais il faut le chercher sur la route de l’exil. L’efficacité, la fécondité de la Parole de Dieu, ici personnifiée, est aussi infaillible que celle de la pluie et toujours disponible. Comme son Envoyé, elle accomplit jusqu’au bout ce qu’elle dit, elle fait toujours ce qui lui plaît, c’est-à-dire créer fidèlement une histoire d’alliance entre elle et le peuple. Isaïe va illustrer son propos à l’aide d’une image empruntée à la météorologie : le phénomène de la pluie et la neige qui arrosent et fécondent la terre, la nature et toutes les cultures. La Parole de Dieu est féconde pour l’homme : elle lui fournit tout pour qu’elle porte du fruit : la semence, la croissance et le pain. Dieu envoie sa Parole et elle lui revient une fois sa mission accomplie : la neige et la pluie suggèrent un travail lent et silencieux, elles disparaissent mais seul le fruit reste comme preuve de l’abondance et de la puissance fécondante de sa parole. La Parole de Dieu exécute ses desseins comme à l’origine de la création. Son œuvre à l’origine n’a pas fini de transformer toute la terre et le cœur des hommes. A un peuple qui se met à douter de la fidélité de Dieu à sa Parole, le prophète rappelle que, par-delà l’apparente déconvenue, Dieu a sa façon à lui de tenir parole. Il faut prendre le risque de continuer à lui faire confiance.

NE TE LAISSE PAS VAINCRE PAR LE MAL MAIS SOIS VAINQUEUR DU MAL PAR LE BIEN – JEAN-PAUL II JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX 2005

25 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/messages/peace/documents/hf_jp-ii_mes_20041216_xxxviii-world-day-for-peace.html

MESSAGE DE SA SAINTETÉ JEAN-PAUL II POUR LA CÉLÉBRATION DE LA JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

1er janvier 2005

NE TE LAISSE PAS VAINCRE PAR LE MAL MAIS SOIS VAINQUEUR DU MAL PAR LE BIEN

1. Au début de la nouvelle année, je viens m’adresser de nouveau aux responsables des Nations et à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté, qui perçoivent combien il est nécessaire de construire la paix dans le monde. J’ai choisi comme thème pour la Journée mondiale de la Paix 2005 l’exhortation de saint Paul dans la Lettre aux Romains : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (12,21). Le mal ne se vainc pas par le mal : si l’on prend ce chemin, au lieu de vaincre le mal, on se fait vaincre par lui. La perspective définie par le grand Apôtre met en évidence une vérité fondamentale : la paix est le résultat d’une longue et exigeante bataille, qui est gagnée quand le mal est vaincu par le bien. Face aux scénarios dramatiques d’affrontements fratricides et violents qui se déroulent en plusieurs parties du monde, face aux souffrances indicibles et aux injustices qui en résultent, le seul choix vraiment constructif est de fuir le mal avec horreur et de s’attacher au bien (cf.Rm 12,9), comme le suggère encore saint Paul. La paix est un bien à promouvoir par le bien : elle est un bien pour les personnes, pour les familles, pour les Nations de la terre et pour l’humanité entière ; elle est donc un bien à garder et à entretenir par le choix du bien et par des actions bonnes. On comprend alors la profonde vérité d’une autre maxime de saint Paul : « Ne rendez à personne le mal pour le mal » (Rm 12,17). La seule manière de sortir du cercle vicieux du mal pour le mal, c’est d’accueillir la parole de l’Apôtre : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,21).

Le mal, le bien et l’amour 2. Depuis les origines, l’humanité a connu la tragique expérience du mal, et elle a cherché à en trouver les racines et à en expliquer les causes. Le mal n’est pas une force anonyme qui agit dans le monde en vertu de mécanismes déterministes et impersonnels. Le mal passe par la liberté humaine. C’est justement cette faculté, qui distingue l’homme de tous les autres êtres vivants sur terre, qui est au centre du drame du mal et qui lui est constamment liée. Le mal a toujours un visage et un nom : le visage et le nom des hommes et des femmes qui le choisissent librement. L’Écriture sainte enseigne que, aux commencements de l’histoire, Adam et Ève se révoltèrent contre Dieu et qu’Abel fut tué par son frère Caïn (cf. Gn 3-4). Ce furent les premiers choix erronés, suivis d’innombrables autres au cours des siècles. Chacun d’eux porte en lui une connotation morale essentielle, qui implique une responsabilité précise de la part du sujet et qui met en cause les relations fondamentales de la personne avec Dieu, avec les autres et avec la création. Si l’on en cherche les composantes profondes, le mal est, en définitive, un renoncement tragique aux exigences de l’amour(1). À l’inverse, le bien moral naît de l’amour, il se manifeste comme amour et il est tourné vers l’amour. Ce propos est particulièrement clair pour le chrétien, qui sait que la participation à l’unique Corps mystique du Christ le situe dans un rapport particulier non seulement avec le Seigneur, mais aussi avec ses frères. Si l’on en tire toutes les conséquences, la logique de l’amour chrétien, qui dans l’Évangile constitue le cœur en action du bien moral, va jusqu’à l’amour des ennemis : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger : s’il a soif, donne-lui à boire » (Rm 12,20). La « grammaire » de la loi morale universelle 3. Regardant la situation actuelle du monde, on ne peut que constater un déferlement impressionnant de multiples manifestations sociales et politiques du mal: du désordre social à l’anarchie et à la guerre, de l’injustice à la violence contre autrui et à sa suppression. Pour trouver son chemin entre les appels opposés du bien et du mal, il est nécessaire et urgent pour la famille humaine de mettre à profit le patrimoine commun des valeurs morales, reçu comme un don de Dieu lui-même. C’est pourquoi, à ceux qui sont déterminés à vaincre le mal par le bien, saint Paul adresse l’invitation à entretenir les attitudes nobles et désintéressées de la générosité et de la paix (cf. Rm 12,17-21). Il y a dix ans, en parlant devant l’Assemblée générale des Nations unies de l’engagement commun au service de la paix, j’avais fait référence à la « grammaire » de la loi morale universelle(2), rappelée par l’Église dans ses multiples enseignements sur ce sujet. Inspirant des valeurs et des principes communs, cette loi unit les hommes entre eux, même dans la diversité de leurs cultures, et elle est immuable : « Elle subsiste sous le flux des idées et des mœurs et en soutient le progrès. Même si l’on renie jusqu’à ses principes, on ne peut pas la détruire ni l’enlever du cœur de l’homme. Toujours elle resurgit dans la vie des individus et des sociétés »(3). 4. Cette grammaire commune de la loi morale nous impose de nous engager toujours et de manière responsable pour faire en sorte que la vie des personnes et des peuples soit respectée et promue. À sa lumière, on ne peut que stigmatiser avec vigueur les maux de caractère social et politique qui affligent le monde, surtout ceux qui sont provoqués par les explosions de la violence. Dans ce contexte, comment ne pas penser au cher Continent africain, où perdurent des conflits qui ont fait et qui continuent de faire des millions de victimes ? Comment ne pas évoquer la dangereuse situation de la Palestine, la Terre de Jésus, où l’on ne parvient pas à renouer, dans la vérité et la justice, les fils de la compréhension mutuelle, cassés par un conflit nourri chaque jour de manière plus préoccupante par des attentats et des vengeances ? Et que dire du phénomène tragique de la violence terroriste, qui semble pousser le monde entier vers un avenir de peur et d’angoisse ? Enfin, comment ne pas constater avec amertume que le drame irakien se prolonge malheureusement dans des situations d’incertitude et d’insécurité pour tous ? Afin de parvenir au bien de la paix, il faut affirmer, avec une conscience lucide, que la violence est un mal inacceptable et qu’elle ne résout jamais les problèmes. « La violence est un mensonge, car elle va à l’encontre de la vérité de notre foi, de la vérité de notre humanité. La violence détruit ce qu’elle prétend défendre : la dignité, la vie, la liberté des êtres humains »(4). Il est donc indispensable de promouvoir une grande opération d’éducation des consciences, qui enseigne le bien à tous, surtout aux nouvelles générations, leur ouvrant l’horizon de l’humanisme intégral et solidaire, que l’Église indique et souhaite. Sur ces bases, il est possible de donner vie à un ordre social, économique et politique qui tienne compte de la dignité, de la liberté et des droits fondamentaux de toute personne.

Le bien de la paix et le bien commun 5. Pour promouvoir la paix, en étant vainqueur du mal par le bien, il faut s’attacher avec une particulière attention au bien commun(5) et à ses manifestations sociales et politiques. En effet, lorsque, à tous les niveaux, on cultive le bien commun, on cultive la paix. La personne peut-elle donc se réaliser pleinement en faisant abstraction de sa nature sociale, c’est-à-dire de son être « avec » et « pour » les autres ? Le bien commun la concerne de près. Toutes les formes d’expression de la vie humaine en société la concernent: la famille, les groupes, les associations, les villes, les régions, les États, les communautés de peuples et de Nations. Tous, en quelque sorte, sont impliqués dans l’engagement pour le bien commun, dans la recherche constante du bien d’autrui comme s’il était le sien. Cette responsabilité revient en particulier à l’autorité politique, à tous les niveaux de son exercice, parce qu’elle est appelée à créer un ensemble de conditions sociales qui permettent et favorisent pour tout être humain le développement intégral de sa personnalité(6). Le bien commun exige donc le respect et la promotion de la personne et de ses droits fondamentaux, de même que, dans une perspective universelle, le respect et la promotion des droits des Nations. Le Concile Vatican II déclare à ce sujet : « De l’interdépendance toujours plus étroite qui peu à peu s’étend au monde entier il résulte que le bien commun [...] prend aujourd’hui une dimension de plus en plus universelle et que, par conséquent, il comporte des droits et des devoirs qui regardent tout le genre humain. Tout groupe doit donc tenir compte des besoins et des légitimes aspirations des autres groupes, bien mieux, du bien commun de toute la famille humaine »(7). Le bien de l’humanité entière, et cela vaut également pour les générations futures, requiert une vraie coopération internationale, à laquelle chaque Nation doit apporter son concours(8). Toutefois, des visions résolument réductrices de la réalité humaine transforment le bien commun en un simple bien-être socio-économique, privé de toute finalité transcendante, et le dépouillent de sa plus profonde raison d’être. Le bien commun, au contraire, revêt aussi une dimension transcendante, parce que Dieu est la fin ultime de ses créatures(9). De plus, les chrétiens savent que Jésus a mis en pleine lumière la réalisation du vrai bien commun de l’humanité. Cette dernière est en marche vers le Christ et c’est en Lui que culmine l’histoire: grâce à Lui, par Lui et pour Lui, toute réalité humaine peut être conduite à son plein accomplissement en Dieu. Le bien de la paix et l’usage des biens de la terre 6. Puisque le bien de la paix est étroitement lié au développement de tous les peuples, il est nécessaire de tenir compte des implications éthiques de l’usage des biens de la terre. Le Concile Vatican II a opportunément rappelé que « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens créés doivent être mis en abondance à la disposition de tous, de façon équitable, sous la conduite de la justice, dont la charité est la compagne »(10). L’appartenance à la famille humaine confère à toute personne une sorte de citoyenneté mondiale, lui donnant des droits et des devoirs, les hommes étant unis par une communauté d’origine et de destinée suprême. Il suffit qu’un enfant soit conçu pour qu’il soit titulaire de droits, qu’il mérite attention et soins, et que chacun ait le devoir d’y veiller. La condamnation du racisme, la protection des minorités, l’assistance aux réfugiés, la mobilisation de la solidarité internationale envers les plus nécessiteux, ne sont que des applications cohérentes du principe de la citoyenneté mondiale. 7. De nos jours, le bien de la paix doit être envisagé en étroite relation avec les nouveaux biens provenant de la connaissance scientifique et du progrès technique. Et ceux-ci, en application du principe de la destination universelle des biens de la terre, doivent être mis au service des besoins primordiaux de l’homme. Des initiatives opportunes au niveau international peuvent permettre de mettre pleinement en œuvre le principe de la destination universelle des biens, garantissant à tous —individus et nations— les conditions fondamentales pour participer au développement. Cela devient possible si l’on abat les barrières et les monopoles qui maintiennent de nombreux peuples en marge du développement(11). Le bien de la paix sera mieux garanti si la communauté internationale prend soin, avec un plus grand sens de sa responsabilité, des biens que l’on reconnaît communément comme des biens publics. Il s’agit des biens dont jouissent automatiquement tous les citoyens, sans avoir opéré de choix précis en la matière. C’est par exemple le cas, au niveau national, pour des biens tels que le système judiciaire, le système de défense, le réseau autoroutier ou ferroviaire. Dans le monde, totalement pris aujourd’hui par le phénomène de la mondialisation, les biens publics sont toujours plus nombreux à revêtir un caractère global et, par conséquent, ils augmentent aussi de jour en jour les intérêts communs. Qu’il suffise de penser à la lutte contre la pauvreté, à la recherche de la paix et de la sécurité, à la préoccupation concernant les changements climatiques, au contrôle de la diffusion des maladies. La communauté internationale doit répondre à de tels intérêts par un réseau toujours plus élargi d’accords juridiques, capable de réglementer la jouissance des biens publics, s’inspirant des principes universels de l’équité et de la solidarité. 8. Le principe de la destination universelle des biens permet, en outre, d’affronter de manière appropriée le défi de la pauvreté, tenant compte par-dessus tout des conditions de misère dans lesquelles vivent encore un milliard d’êtres humains. Au début du nouveau millénaire, la communauté internationale s’est fixée comme objectif prioritaire de diviser ce nombre par deux avant 2015. L’Église soutient et encourage un tel engagement, et elle invite ceux qui croient au Christ à manifester, de manière concrète et en tout lieu, un amour préférentiel pour les pauvres(12). Le drame de la pauvreté apparaît encore étroitement lié à la question de la dette extérieure des pays pauvres. En dépit des progrès significatifs jusqu’alors accomplis, la question n’a toujours pas trouvé de solution appropriée. Quinze années se sont écoulées depuis que j’ai rappelé l’attention de l’opinion publique sur le fait que la dette extérieure des pays pauvres était « intimement liée à un ensemble d’autres problèmes, parmi lesquels l’investissement étranger, le fonctionnement équitable des plus grandes organisations internationales, le prix des matières premières, etc. »(13). Les récents mécanismes pour la réduction des dettes, davantage centrés sur les exigences des pauvres, ont sans aucun doute amélioré la qualité de la croissance économique. Cependant, en raison d’une série de facteurs, cette dernière se révèle quantitativement encore insuffisante, en particulier en vue de rejoindre les objectifs établis au début du millénaire. Les pays pauvres restent prisonniers d’un cercle vicieux : les bas revenus et la croissance lente limitent l’épargne, et, de ce fait, la faiblesse des investissements et l’emploi inefficace de l’épargne ne favorisent pas la croissance. 9. Comme l’a affirmé le Pape Paul VI et comme je l’ai moi-même rappelé, l’unique remède vraiment efficace pour permettre aux États d’affronter la dramatique question de la pauvreté est de leur fournir les ressources nécessaires, moyennant des financements extérieurs —publics et privés— consentis à des conditions accessibles, dans le cadre de rapports commerciaux internationaux basés sur le principe de l’équité(14). Une mobilisation morale et économique est rendue particulièrement nécessaire, mobilisation d’une part respectueuse des accords pris en faveur des pays pauvres, mais d’autre part disposée à revoir les accords que l’expérience aurait fait apparaître trop onéreux pour certains pays. Dans cette perspective, il paraît souhaitable et nécessaire de donner un nouvel élan à l’aide publique au développement, et d’explorer, malgré les difficultés que ce parcours peut présenter, les propositions de nouvelles formes de financement au développement(15). Certains gouvernements sont déjà sur le point d’évaluer attentivement les mécanismes prometteurs allant dans cette direction, initiatives significatives à promouvoir de manière authentiquement concertée et dans le respect du principe de subsidiarité. Il faut contrôler que la gestion des ressources économiques destinées au développement des pays pauvres répond aux critères rigoureux d’une bonne administration, tant de la part des donateurs que des destinataires. L’Église encourage et apporte son soutien à ces efforts. Qu’il suffise de citer, par exemple, la précieuse contribution effectuée grâce aux nombreuses agences catholiques d’aide et de développement. 10. À la fin du Grand Jubilé de l’An 2000, dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j’ai évoqué l’urgence d’une nouvelle imagination de la charité(16) pour répandre dans le monde l’Évangile de l’espérance. Cela est particulièrement vrai lorsque nous nous approchons des nombreux et délicats problèmes qui entravent le développement du continent africain : pensons aux nombreux conflits armés, aux pandémies rendues plus dangereuses par les conditions de misère, à l’instabilité politique à laquelle est associée une insécurité sociale diffuse. Ce sont des réalités tragiques qui réclament un chemin radicalement nouveau pour l’Afrique : il est nécessaire de faire naître de nouvelles formes de solidarité, au niveau bilatéral et multilatéral, avec un engagement plus déterminé de tous, dans la pleine conscience que le bien des peuples africains représente une condition indispensable pour la réalisation du bien commun universel. Puissent les peuples africains devenir les protagonistes de leur destinée et de leur développement culturel, civil, social et économique ! Que l’Afrique cesse d’être seulement objet d’assistance, pour devenir sujet responsable d’échanges convaincus et productifs! Pour atteindre de tels objectifs, une nouvelle culture politique est rendue nécessaire, spécialement dans le domaine de la coopération internationale. Encore une fois, je voudrais rappeler que le non-respect des promesses réitérées concernant l’aide publique au développement, ainsi que la question encore pendante du poids de la dette internationale des pays africains et l’absence d’une considération particulière de ces pays dans les rapports commerciaux internationaux, constituent de graves obstacles à la paix; ces questions doivent donc être affrontées et résolues de manière urgente. Pour parvenir à la paix dans le monde, aujourd’hui plus que jamais, il faut considérer comme déterminante et décisive la conscience de l’interdépendance entre pays riches et pays pauvres, pour lesquels « ou bien le développement devient commun à toutes les parties du monde, ou bien il subit un processus de régression même dans les régions marquées par un progrès constant »(17). Universalité du mal et espérance chrétienne 11. Face aux nombreux drames qui affligent le monde, les chrétiens confessent avec une humble confiance que seul Dieu rend l’homme et les peuples capables de dépasser le mal pour parvenir au bien. Par sa mort et sa résurrection, le Christ nous a obtenu la Rédemption et il a « payé le prix de notre rachat » (1 Co 6,20; 7,23), obtenant le salut pour la multitude. Avec son aide, il est donc possible à tous de vaincre le mal par le bien. S’appuyant sur la certitude que le mal ne prévaudra pas, le chrétien nourrit une invincible espérance, qui le soutient dans la promotion de la justice et de la paix. Malgré les péchés personnels et sociaux qui marquent l’agir humain, l’espérance permet un élan sans cesse renouvelé de l’engagement pour la justice et pour la paix, avec une ferme confiance dans la possibilité de bâtir un monde meilleur. Même si le « mystère de l’impiété » est présent et est à l’œuvre dans le monde (cf. 2 Th 2,7), il ne faut pas oublier que l’homme racheté a en lui suffisamment d’énergies pour s’y opposer. Créé à l’image de Dieu et racheté par le Christ qui « s’est en quelque sorte uni à tout homme »(18), ce dernier peut coopérer activement au triomphe du bien. L’action de « l’Esprit du Seigneur remplit le monde » (Sg 1,7). Que les chrétiens, spécialement les laïcs, « ne cachent pas cette espérance au fond d’eux-mêmes, mais que, par une continuelle conversion et par la lutte ‘‘contre les maîtres de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal » (Ep 6,12), ils l’expriment aussi à travers les structures de la vie séculière »(19). 12. Aucun homme ni aucune femme de bonne volonté ne peut se soustraire à l’engagement de lutter pour vaincre le mal par le bien. C’est un combat qui ne se mène valablement qu’avec les armes de l’amour. Quand le bien l’emporte sur le mal, l’amour règne; et, où règne l’amour, règne aussi la paix. Tel est l’enseignement de l’Évangile, rappelé par le Concile Vatican II : « La loi fondamentale de la perfection humaine, et par conséquent de la transformation du monde, est le commandement nouveau de la charité »(20). Cela est vrai aussi dans le domaine social et politique. À ce propos, le Pape Léon XIII écrivait que tous ceux qui ont le devoir de pourvoir au bien de la paix dans les relations entre les peuples doivent nourrir en eux et allumer chez les autres « la charité, reine et maîtresse de toutes les vertus ».(21) Que les chrétiens soient les témoins convaincus de cette vérité ! Qu’ils sachent manifester par leur vie que l’amour est l’unique force capable de conduire à la perfection personnelle et sociale, l’unique dynamisme en mesure de faire avancer l’histoire vers le bien et vers la paix ! En cette année consacrée à l’Eucharistie, les fils de l’Église trouveront dans le Saint-Sacrement de l’amour la source de toute communion: de la communion avec Jésus Rédempteur et, en lui, avec tout être humain. C’est en vertu de la mort et de la résurrection du Christ, rendues sacramentellement présentes en toute célébration eucharistique, que nous sommes sauvés du mal et rendus capables de faire le bien. C’est en vertu de la vie nouvelle dont il nous a fait le don, que nous pouvons nous reconnaître frères, au-delà de toute différence de langue, de nationalité, de culture. En un mot, c’est en vertu de la participation au même Pain et à la même Coupe que nous pouvons nous reconnaître « famille de Dieu » et apporter ensemble une contribution spécifique et efficace à l’édification d’un monde fondé sur les valeurs de la justice, de la liberté et de la paix.

Du Vatican, le 8 décembre 2004.

JEAN-PAUL II

Michelangelo: Jour 1 Du chaos à la lumière

24 novembre, 2015

Michelangelo:  Jour 1 Du chaos à la lumière dans images sacrée 16%20MICHELANGELLO%20SEPARATION%20OF%20LIGHT%20FRO

http://www.artbible.net/1T/Gen0101_1Chaos_light/pages/16%20MICHELANGELLO%20SEPARATION%20OF%20LIGHT%20FRO.htm

« L’IMMENSE NUIT DES ORIGINES »

24 novembre, 2015

http://www.dieumaintenant.com/avent4a.html

(cette interprétation ne concerne pas l’année C, qui commence précisément avec l’Avent, mais il semble très agréable!)

« L’IMMENSE NUIT DES ORIGINES »

 Un certain regard En ce dimanche qui précède Noël, j’ai présent à l’esprit un film que des millions de Français ont vu et qui a beaucoup fait parler de lui : « Des Hommes et des dieux ». Je considère que cette oeuvre qui met en scène les moines de Tibhirrine est une merveilleuse entrée en matière pour vivre ces journées où le mystère de la Parole qui prend chair s’impose à nos consciences chrétiennes. Après quelques événements cruels qui manifestent la présence des terroristes dans la région, on voit la communauté cistercienne perdue au milieu des populations musulmanes de l’Atlas, célébrer Noël et chanter « Voici la nuit, l’immense nuit des origines ». Avant les événements tragiques de l’enlèvement des moines, Frère Christian, le Prieur, fait une sorte de catéchèse aux moines qui l’entourent. En termes très denses, il évoque le travail de l’Esprit ; Il discerne, en chacun des épisodes qui tissent la trame des journées, une naissance où s’actualise, jour après jour, la venue dans l’histoire du Verbe qui un jour s’est manifesté sur le visage de Jésus, Fils de Marie, Fils de Dieu.

Sortir du sommeil Il me semble que l’Evangile que nous venons d’entendre justifie cette vision de l’histoire. Le texte de Matthieu en évoquant le personnage de Joseph, nous renvoie au tout début de la Bible. « Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ ». Le mot grec qu’on traduit par « origine » est précisément celui qui sert de titre au premier livre du Pentateuque : « Genesis ». On connaît par coeur ces premières pages où l’on voit la parole à l’oeuvre. La lumière et la nuit, le ciel et la terre les jours qui se succèdent sont le fruit de la Parole de Dieu ; « Il dit et cela fut ». A travers des couches textuelles diverses, le rédacteur final a eu le génie de conduire ce récit poétique des origines du cosmos par un récit de la création de l’homme et de la femme. On y voit Adam plongé dans un profond sommeil dont il ne sort que pour faire face à celle avec qui se conclura la première alliance ; ce vis-à-vis était nécessaire pour que la parole surgisse entre les visages et fasse naître l’humanité. La parole qui avait fait surgir la vie est venue s’incruster pour forger les relations humaines. L’évangéliste, peut-être, se souvient de cette Genèse, de cette origine, lorsqu’il nous fait le récit que nous avons entendu. Joseph tient très peu de place dans l’Evangile. Il réapparaîtra dans le texte de Matthieu après la naissance de l’enfant, lorsqu’il s’agira de sauver l’enfant de la sauvagerie d’Hérode. Dans les deux cas, on le voit sortir de la nuit et du sommeil pour affronter la réalité de l’histoire. Comme Adam entre dans le langage au sortir du sommeil, Joseph sort du rêve pour permettre que la Parole qui vient d’en-haut entre dans la communauté humaine. Le Verbe, la Parole éternellement auprès du Père, non seulement s’insère au coeur des propos échangés, mais il prend chair en Marie. Cette conception biologique ne suffit pas ; nous ne sommes pas seulement des êtres de chair et de sang. L’incarnation, telle que nous en recevons l’annonce en ces jours de Noël, suppose que celui qui va naître à Bethléem ait un nom. En parallèle à l’Annonce faite à Marie en St Luc, Matthieu place cette annonciation de Joseph ; elle est indispensable pour que celui qui sillonnera les routes de Galilée et de Judée soit reconnu, sollicité, appelé au secours par tous les accablés. « Quand Joseph se réveilla, il prit chez lui son épouse » L’origine de Jésus se produit dans cette alliance grâce à laquelle l’enfant engendré en Marie recevra un nom : « tu lui donneras le nom de Jésus ».

Sortir de la nuit Voici la nuit, l’immense nuit des origines. Voici la nuit d’où sort l’humanité lorsqu’Adam sort du sommeil pour entrer dans le langage. Voici la nuit d’où sort Joseph pour faire entrer Jésus dans les échanges et trouver place dans la société palestinienne. Voici une autre nuit encore qui se profile à l’horizon de cette naissance : la nuit de Pâques où la Parole sortira du tombeau à l’aube d’une semaine nouvelle. « Tout cela arriva, nous dit l’Evangile en se référant au texte d’Isaïe, pour que s’accomplît la parole du Seigneur : la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu avec nous ». Tel est bien le mystère de Noël ; La parole a pris chair et elle vient jusqu’à nous, par-delà les millénaires. Dieu est « avec nous » inséparable des liens que nous pouvons nouer au cours de notre existence. Il est inséparable des liens qui composent une communauté religieuse. Il est inséparable des liens qui composent l’assemblée eucharistique que nous formons. Lorsque nous sommes ainsi réunis pour faire corps – pour faire le Corps du Christ – nous avons à prendre conscience que le point de départ de la vie humaine se déplace. Il vient d’Adam jusqu’à Jésus ; il vient de Jésus jusqu’à nous. Dieu prend corps de notre chair pour se manifester au monde. La fête de Noël est l’occasion de se retrouver, de renouer les liens entre parents ou entre amis ; elle réchauffe les coeurs. Elle prend place au plus noir de l’année, au moment où la brièveté des jours atteint son comble. La joie humaine que nous recevons et que nous donnons malgré les difficultés de la vie ; la lumière que nous verrons revenir à partir de ce solstice d’hiver, sont des signes. En nous tournant les uns vers les autres, en ouvrant notre intelligence et notre coeur aux dimensions de l’univers que Jésus vient rejoindre, nous sortons de la nuit, de l’immense nuit des origines et nous annonçons que, quel que soit notre âge, la vie est devant nous. Tout commence aujourd’hui quand on garde en mémoire ce que fut l’origine de Jésus-Christ.

Michel Jondot

QUELS SENS LA LUMIÈRE RECOUVRE-T-ELLE DANS LA BIBLE

24 novembre, 2015

http://www.la-croix.com/Religion/Spiritualite/La-lumiere-dans-la-Bible-_NP_-2012-12-07-885022

QUELS SENS LA LUMIÈRE RECOUVRE-T-ELLE DANS LA BIBLE ?

De la première parole de Dieu dans la Genèse, « Que la lumière soit » (Gn 1, 3), à la dernière vision de l’Apocalypse, où les serviteurs de Dieu « se passeront de lampe ou de soleil » (22, 5), la Bible déploie une symbolique de la lumière extrêmement riche et foisonnante. La tradition juive donne un premier éclairage, en distinguant dans le récit de la Création deux types de lumière : ce n’est qu’au quatrième jour qu’apparaissent les astres ; ce qui est créé au premier jour n’est donc pas la lumière naturelle, mais une lumière qui préexiste à la Création : elle est la condition de possibilité de toute vie. Le psaume 36 le résume ainsi : « Par ta lumière, nous voyons la lumière. » Autrement dit, c’est par la lumière divine que l’homme a accès à la vie et aux choses de ce monde. « En quelques mots se trouvent donc évoquées ici deux significations du mot “lumière”, souligne le P. Yves-Marie Blanchard, professeur d’exégèse à l’Institut catholique de Paris. D’une part, un sens réaliste, la lumière naturelle, d’autre part, un sens théologique la désignant comme “un don de Dieu”, source et principe de toute vie, sinon une métaphore de l’être divin dans le rayonnement de sa splendeur. » Ce Dieu « drapé de lumière comme d’un manteau » (Ps 104, 2), qui se manifeste à travers le feu et les éclairs… Aussi la lumière évoque-t-elle tour à tour sa protection : « Si j’habite dans le noir, j’ai Dieu pour lumière » (Mi 7, 8) ; la vie et la joie qu’il donne à l’homme : « Oui, Dieu sera ta lumière, à jamais ce sera la paix, la fin de ton deuil » (Is, 60, 20) ; là où les ténèbres symbolisent le malheur et la mort : « J’espérais le bonheur et le malheur est venu, j’attendais la lumière, voici l’obscurité », déplore Job (24, 25). Symbole de vérité et de sagesse, elle est susceptible d’éclairer la route du peuple élu : « Allons, marchons à la lumière du Seigneur ! » (Is 2, 5). « Une lampe sur mes pas, ta parole, une lumière sur ma route », reprend le psaume 119 (105). Les annonces du Messie utilisent aussi abondamment ce registre (voir l’infographie) ; il culmine dans la figure du Christ, « lumière pour la révélation aux païens » (Lc 2, 32), en particulier l’Évangile de Jean, qui en a fait son thème phare.

DE QUELLE MANIÈRE LE THÈME DE LA LUMIÈRE TRADUIT-IL LE SALUT ? Dans ce jeu d’ombres et de lumière, une figure apparaît souvent dans la Bible, et sans doute n’est-ce pas un hasard, celle de l’aveugle. Le récit de la guérison de Tobie, privé temporairement de la vue, introduit ainsi le thème de la lumière comme expression même de la vie – Tobie appelle d’ailleurs son fils, grâce à qui il va guérir, « lumière de mes yeux » (10, 5 et 11, 14)… L’aveuglement physique est souvent le signe d’une cécité spirituelle, indépendamment de toute considération de péché : l’aveugle-né guéri par Jésus, dans l’Évangile de Jean, va non seulement voir les choses et le monde, mais aussi reconnaître que Jésus, qui vient de dire de lui qu’il est « la lumière du monde » (Jn 9), est bien le Fils de Dieu. Le verbe « voir » prend alors un autre sens… « Il y a des aveugles involontaires, qui vivent sans le savoir dans la lumière, de manière juste et vraie, sans avoir encore reconnu Dieu dans leur vie », relève le P. Daniel Foucher, auteur d’un ouvrage sur les symboles de la Bible (1). Il y en a d’autres qui s’enferment volontairement dans les ténèbres. À travers la figure de l’aveugle guéri, la lumière constitue « une métaphore privilégiée du salut », souligne le P. Blanchard, comme la victoire du Christ qui arrache l’homme aux ténèbres du péché et le fait entrer par la foi dans la participation à l’être de Dieu. Les Pères de l’Église ont vu dans cet épisode de l’Évangile une anticipation de la résurrection et une parabole du baptême qu’ils décrivent d’ailleurs comme « le sacrement de la lumière », l’« illumination », selon le mot de Justin. Cette lumineuse symbolique conserve toute sa force dans la liturgie : pendant la nuit pascale, au baptême ou autour du corps du défunt lors des funérailles, la lumière brille toujours, comme signe du mystère pascal, de la victoire de la lumière sur toute forme de ténèbres.

QUE DIT LE THÈME DE LA LUMIÈRE DE LA VOCATION DE L’HOMME ? Le cœur de l’homme et plus largement l’histoire humaine sont marqués dans la Bible par un conflit permanent entre lumière et ténèbres. Comme Jésus le révèle à Nicodème, chaque homme est invité à choisir : « Quiconque fait le mal déteste la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur qu’elle ne démasque ses œuvres. Mais celui qui fait la vérité vient à la lumière de sorte qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en Dieu » (Jn 3). La présentation n’est pas binaire, relève le P. Blanchard : « Le consentement à la ténèbre enferme dans un univers clos et statique, tandis que l’accueil de la lumière tout à la fois ouvre un avenir infini, à la mesure du projet divin, et offre au sujet humain la révélation de sa propre vérité (2). » Créé à l’image de Dieu, l’homme est appelé dans la Bible à choisir la lumière pour rayonner à son tour de la lumière divine. Ainsi du peuple élu, dès l’Ancien Testament : « Je fais de toi la lumière des nations » (Is 49, 6). Ce thème est repris dans le Nouveau Testament pour les disciples du Christ, appelés à ne pas laisser s’obscurcir leur lampe (Luc 11, 34), mais à être des « fils de lumière » (Jn 12, 36 et 1 Th 5, 5), à refléter la gloire de Dieu. De fait, plus l’homme s’approche de Dieu dans la Bible, plus son visage est rayonnant : ainsi de Moïse redescendant du Sinaï, dont le visage est si lumineux (Ex 34, 29) que les Hébreux doivent le voiler. On pense surtout à la Transfiguration du Christ au mont Thabor, dont le visage « resplendit comme le soleil » (Mt 17, 2). Dans le Royaume de Dieu, l’évangéliste annonce qu’à leur tour, les justes « resplendiront comme le soleil » (Mt 13, 43). Pour expliquer cette vocation de l’homme, le P. Foucher évoque paradoxalement les « ténèbres de Dieu » : si Dieu se cache, s’il se drape dans la pénombre, c’est « afin de laisser aux hommes la place, pour leur permettre d’être lumineux à leur tour ». « À son exemple, dit-il, ils sont appelés non seulement à rayonner, mais aussi à s’effacer pour servir leurs frères, afin de les mettre en lumière, de révéler en eux ce qui est bon. » Jésus a montré le chemin en « entrant dans la nuit pour transmettre la lumière de la vie et de son Esprit à son Église ».

(1) Les Grands Symboles de la Bible, tome 1, Le Feu, l’Eau, la Lumière, Éd. de Montligeon, 1990, 191 p. (2) « Lumière et ténèbres dans la tradition johannique », Transversalités, janvier-mars 2003. CÉLINE HOYEAU

(Je voulais mettre quelque chose de plus réconfortant et «vérité» ensemble dans cette période difficile, bien sûr, l’endroit que je l’aime: St. Paul, Romains 8, par François)

24 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/cotidie/2015/documents/papa-francesco-cotidie_20151029_comme-la-poule.html

PAPE FRANÇOIS – MÉDITATION MATINALE – (DIEU NE RÉUSSIT PAS À NE PAS NOUS AIMER)

EN LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE

Jeudi 29 octobre 2015

(L’Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 45 du 5 novembre 2015)

Comme la poule

« Avec une tendresse de père ». Le Pape François a réaffirmé une certitude : Dieu ne réussit pas à ne pas nous aimer, il ne réussit pas à se détacher de nous. Nous pouvons refuser cet amour, mais lui nous attend, « il ne nous condamne pas », et il souffre en revanche de notre éloignement. La méditation du Pape s’est inspirée du passage de l’épître aux Romains (8, 31-39) dans laquelle saint Paul « fait comme un résumé de tout ce qu’il avait expliqué sur notre salut, sur le don de Dieu en nous, celui que le Seigneur nous a donné ». Le compte-rendu de l’apôtre apparaît « un peu triomphaliste ». C’est une assurance qui est exprimée par une série de constatations : « Mais si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Si Dieu nous a donné ce don, avec ce don personne ne pourra rien contre nous ». Il semble « que la force de cette certitude de vainqueur », Paul l’ait entre les mains, comme une propriété ». Mais le Pape a mis en garde en expliquant que, peut-être, l’apôtre « voulait nous dire quelque chose de plus profond » et pas simplement que nous sommes vainqueurs, « parce que nous avons ce don entre les mais, mais pour une autre chose ». Laquelle ? La réponse doit être recherchée dans le passage suivant, où l’apôtre « commence à raisonner ainsi : “Je suis en effet persuadé que ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, qui est en Jésus Christ notre Seigneur” ». C’est-à-dire, « ce n’est pas que nous sommes vainqueur sur nos ennemis, sur le péché » ; mais il est vrai que « nous sommes tellement liés à l’amour de Dieu, qu’aucune personne, aucune puissance, aucune chose ne pourra nous séparer de cet amour ». Paul, dans ce « don de la recréation », de la « régénération en Jésus Christ », a vu davantage : il a vu « ce que donne le don ». Il a vu « l’amour de Dieu. Un amour que l’on ne peut pas expliquer ». C’est de là que part la réflexion qui touche la vie quotidienne du chrétien. « Chaque homme, chaque femme peut refuser le don : “Je ne le veux pas ! Je préfère ma vanité, mon orgueil, mon péché…”. Mais le don est là ! ». Ce don « est l’amour de Dieu, un Dieu qui ne peut se détacher de nous ». C’est un concept tellement grand qu’il demande une illustration, que le Pape a immédiatement fournie, en rappelant une image évangélique — celle de Jésus qui pleure sur Jérusalem — qui « nous fait comprendre quelque chose de cet amour ». Dans les pleurs de Jésus, il y a « toute l’“impuissance” de Dieu : son incapacité à ne pas aimer, à se détacher de nous ». Dans l’Évangile de Luc (13, 34-35), on lit la lamentation de Jésus sur la ville. C’est une lamentation que le Seigneur adresse non seulement à cette ville mais à tous, en utilisant « une image de tendresse : “Combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu !” ». Comme pour dire : « Combien de fois ai-je voulu faire sentir cette tendresse, cet amour, comme la poule avec les poussins et vous avez refusé… ». Voilà alors pourquoi Paul, ayant compris cela, dit que rien « ne pourra jamais nous séparer de cet amour ». En effet, Dieu « ne peut pas ne pas aimer. Et cela est notre assurance ». Une assurance qui concerne tout le monde, sans aucune exclusion. « Je peux refuser cet amour », mais je ferai la même expérience que celle du bon larron qui l’a refusé « jusqu’à la fin de sa vie », alors que précisément « là l’attendait cet amour ». Même l’homme le « plus mauvais est aimé de Dieu avec une tendresse de père, de papa » ou, pour reprendre les paroles de Jésus, « comme une poule avec ses poussins ».

Saint Michael and the Devil: Raphael 1504

23 novembre, 2015

Saint Michael and the Devil: Raphael 1504 dans images sacrée archangel-michael24

http://www.catholictradition.org/Angels/angelorum.htm

LE PÈRE MICHEL-MARIE, UNE SOUTANE DANS LE MARSEILLE PROFOND (4.12.2012) – par Sandro Magister

23 novembre, 2015

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350378?fr=y

LE PÈRE MICHEL-MARIE, UNE SOUTANE DANS LE MARSEILLE PROFOND (4.12.2012)

La vie, l’œuvre et les miracles d’un curé dans une ville de France. Qui a fait refleurir la foi là où elle s’était desséchée

par Sandro Magister

ROME, le 4 décembre 2012 – Le titre de cet article est celui-là même que le journal « Avvenire » a donné à un reportage qui a été réalisé à Marseille par son envoyée spéciale Marina Corradi, sur les traces du curé d’un quartier situé derrière le Vieux Port. Un curé dont les messes sont célébrées dans une église pleine à craquer de fidèles. Qui confesse tous les jours jusqu’à une heure avancée de la soirée. Qui a baptisé un très grand nombre de convertis. Qui porte constamment la soutane de manière à ce que tout le monde puisse le reconnaître comme prêtre, même de loin. Michel-Marie Zanotti-Sorkine est né en 1959 à Nice, dans une famille en partie russe, en partie corse. Dans sa jeunesse, il chante dans les cabarets de Paris, mais ensuite, les années passant, la vocation sacerdotale, qu’il avait ressentie dès l’enfance, renaît en lui avec vigueur. Il a pour guides le père Joseph-Marie Perrin, qui fut le directeur spirituel de Simone Weil, et le père Marie-Dominique Philippe, fondateur de la Communauté Saint-Jean. Il fait ses études à l’Angelicum, la faculté de théologie des dominicains, à Rome. Il est ordonné prêtre en 2004 par le cardinal Bernard Panafieu, alors archevêque de Marseille. Il écrit des livres, dont le dernier est intitulé « Au diable la tiédeur » et dédié aux prêtres. Il est curé de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul. Et dans cette paroisse située en haut de la Canebière, une rue qui monte du Vieux-Port entre des immeubles et des magasins négligés, où l’on rencontre de nombreux clochards, immigrés, roms, et où les touristes ne s’aventurent pas, dans un Marseille et dans une France où la pratique religieuse est presque partout réduite au minimum, le père Michel-Marie a fait refleurir la foi catholique. Comment ? Marina Corradi l’a rencontré. Et elle raconte. Ce reportage a été publié le 29 novembre dans « Avvenire », le quotidien de la conférence des évêques d’Italie. C’est le premier d’une série ayant pour objectif de présenter des témoins de la foi, connus ou non, capables de faire naître l’étonnement évangélique chez ceux qui les rencontrent. __________

« LE PAPE A RAISON : TOUT DOIT RECOMMENCER À PARTIR DU CHRIST »

par Marina Corradi

Cette soutane noire qui voltige sur la Canebière, au milieu d’une foule plus maghrébine que française, fait se retourner les gens. Tiens, un prêtre, et habillé comme autrefois, dans les rues de Marseille. Un homme brun, souriant, mais qui a pourtant quelque chose de réservé, de monacal. Et quelle histoire que la sienne ! Il a chanté dans des cabarets à Paris, cela ne fait que huit ans qu’il a été ordonné prêtre et depuis lors il est curé ici, à la paroisse Saint-Vincent-de-Paul. Mais, en réalité, son histoire est encore plus compliquée que cela : Michel-Marie Zanotti-Sorkine, 53 ans, descend d’un grand-père juif russe, immigré en France, qui fit baptiser ses filles avant la guerre. Elles échappèrent à l’Holocauste et l’une d’elles a mis au monde le père Michel-Marie. En revanche, du côté paternel, celui-ci est à moitié corse et à moitié italien. (On pense : quel mélange bizarre et l’on regarde son visage avec étonnement, en essayant de comprendre ce que peut être un homme qui a en lui un tel nœud de racines). Mais si, un dimanche, on entre dans son église pleine à craquer de fidèles et si l’on écoute parler du Christ avec des mots simples de tous les jours ; si l’on observe la religieuse lenteur avec laquelle il élève l’hostie, dans un silence absolu, on se demande qui est ce prêtre et ce qui, en lui, fascine et fait revenir à la foi des gens qui s’en étaient éloignés. Enfin il est là, en face de vous, dans son presbytère blanc, claustral. Il a l’air plus jeune que son âge ; il n’a pas ces rides d’amertume qui, avec le temps, marquent le visage d’un homme. Il se dégage de lui une paix, une joie qui étonne. On voudrait lui demander tout de suite : mais qui êtes-vous ? Devant un repas frugal, il évoque sa vie toute entière en quelques indications. Deux parents merveilleux. La mère, baptisée mais catholique seulement de manière formelle, accepte que son fils aille à l’église. La foi lui est transmise « par un vieux prêtre, un salésien en soutane noire, un homme d’une foi généreuse, démesurée ». Le désir, à huit ans, d’être prêtre. À treize ans, il perd sa mère : « La douleur m’a ravagé. Et pourtant je n’ai jamais douté de Dieu ». L’adolescence, la musique, et cette belle voix. Les pianos-bars de Paris pourraient sembler peu adaptés au discernement d’une vocation religieuse. Et pourtant, tandis que la décision mûrit lentement, les pères spirituels de Michel-Marie lui disent de rester dans le monde des nuits parisiennes : parce que là aussi, il faut qu’il y ait un signe. Mais la vocation finit par se faire pressante. Et en 1999, alors qu’il a 40 ans, son désir d’enfant se réalise : il devient prêtre, et en soutane, comme le vieux salésien. Pourquoi la soutane ? « Pour moi – répond-il en souriant – c’est une tenue de travail. Elle est destinée à constituer un signe pour ceux qui me rencontrent et avant tout pour ceux qui ne sont pas croyants. Habillé de cette façon, je suis reconnaissable comme prêtre, tout le temps. Ainsi, dans la rue, je mets à profit toutes les occasions de créer de nouvelles amitiés. Mon père, me dit un homme, où est le bureau de poste ? Je lui réponds : Venez, je vous accompagne. Tout en marchant, nous bavardons et je découvre que les enfants de cet homme ne sont pas baptisés. Je finis par lui dire de me les amener et bien souvent, par la suite, je baptise ces enfants. Je fais tout ce que je peux pour que mon visage montre une humanité bonne. L’autre jour – raconte-t-il en riant – dans un bar, un vieil homme m’a demandé sur quels chevaux parier et je lui en ai conseillé. J’ai demandé pardon à la Sainte Vierge, à qui j’ai dit en moi-même : tu sais, c’est pour devenir l’ami de cet homme. Comme le disait un prêtre qui a été mon maître quand on lui demandait comment convertir les marxistes : ‘Il faut devenir leur ami’ ». Ensuite, à l’église, sa messe est austère et belle. Le prêtre affable de la Canebière est un prêtre rigoureux. Pourquoi donne-t-il tant de soin à la liturgie ? « Je veux que tout soit magnifique autour de l’eucharistie. Je veux que, au moment de l’élévation, les gens comprennent qu’Il est là, vraiment. Ce n’est pas du théâtre, ce n’est pas de la pompe superflue : c’est habiter le Mystère. Le cœur a besoin, lui aussi, de ressentir ». Il insiste beaucoup sur la responsabilité du prêtre et dans l’un de ses livres – il en a écrit plusieurs et écrit encore, parfois, des chansons – il affirme qu’un prêtre dont l’église est vide doit s’interroger et dire : « C’est à nous que le feu fait défaut ». Et d’expliquer : « Le prêtre est un ‘alter Christus’, il est appelé à refléter en lui le Christ. Cela ne signifie pas nous demander à nous-mêmes la perfection, mais être conscients de nos péchés, de notre misère, afin d’être en mesure de comprendre tous ceux qui se présentent au confessional et de leur pardonner ». Le père Michel-Marie est tous les soirs dans son confessional, avec une parfaite ponctualité, à cinq heures, toujours. (Les gens, dit-il, doivent savoir que le prêtre est là, en tout cas). Puis il reste à la sacristie jusqu’à onze heures, afin d’accueillir quiconque désirerait s’y rendre : « Je veux donner le signe d’une disponibilité illimitée ». À en juger par le défilé ininterrompu de fidèles, le soir, on dirait que cela fonctionne. Comme une demande profonde qui émerge de cette ville apparemment lointaine. Que veulent-ils ? « La première chose, c’est de s’entendre dire : tu es aimé. La seconde : Dieu a un projet sur toi. Il faut qu’ils se sentent non pas jugés, mais accueillis. Il s’agit de leur faire comprendre que le seul qui puisse changer leur vie, c’est le Christ. Et Marie. Selon moi, il y a deux choses qui permettent un retour à la foi : l’amour de Marie et l’apologétique passionnée, qui touche le cœur ». « Ceux qui viennent me trouver – poursuit-il – me demandent avant tout une aide humaine et je m’efforce de leur apporter toute l’aide possible. En n’oubliant pas que le mendiant a besoin de manger mais qu’il a également une âme. À la femme offensée je dis : envoie-moi ton mari, je vais lui parler. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui viennent me dire qu’ils sont tristes, qu’ils vivent mal… Alors je leur demande : depuis combien de temps ne vous êtes-vous pas confessé ? Parce que je sais que le péché pèse et que la tristesse du péché tourmente. Je suis arrivé à la conviction que ce qui fait souffrir beaucoup de gens, c’est le manque de sacrements. Le sacrement, c’est le divin à la portée de l’homme : et sans cette nourriture, on ne peut pas vivre. Je vois la grâce opérer et les personnes changer ». Des journées données totalement, dans la rue ou au confessional, jusqu’à la nuit. Où trouve-t-il les forces nécessaires ? Lui – presque pudiquement, comme on parle d’un amour – évoque un rapport profond avec Marie, la confiance absolue qu’il a en elle : « Marie, c’est l’acte de foi total, dans l’abandon sous la Croix. Marie, c’est la compassion absolue. C’est la pure beauté offerte à l’homme ». Et il aime le chapelet, l’humilité du chapelet, ce prêtre de la Canebière : « Souvent, pendant je confesse, je récite le chapelet, ce qui ne m’empêche pas d’écouter ; lorsque je donne la communion, je prie ». On est intimidé en l’écoutant. Mais alors, tous les prêtres devraient faire preuve d’un dévouement absolu, presque comme des saints ? « Je ne suis pas un saint et je ne crois pas que tous les prêtres doivent être saints. Mais ils peuvent être des hommes bons. Les gens seront attirés par la bonté présente sur leur visage ». A-t-il des problèmes, dans ces rues caractérisées par une très forte présence de musulmans immigrés ? Non, dit-il simplement : « Ils ont du respect pour moi et pour cette soutane ». À l’église, il accueille tout le monde avec joie : « Y compris les prostituées. Je leur donne la communion. Qu’est-ce que je devrais leur dire ? Devenez d’honnêtes femmes avant d’entrer ici ? Le Christ est venu pour les pécheurs et j’ai la crainte, si je refuse un sacrement, qu’un jour il puisse me demander d’en rendre compte. Mais est-ce que nous connaissons encore la puissance des sacrements ? Je me demande si nous n’avons pas trop bureaucratisé l’admission au baptême. Je pense au baptême de ma mère juive qui, pour ce qui est de la demande de mon grand-père, fut un acte purement formel : et pourtant, de ce baptême est venu un prêtre ». Et la nouvelle évangélisation ? « Voyez-vous – dit-il en prenant congé, dans son presbytère – plus je vieillis et plus je comprends ce que dit Benoît XVI : tout recommence vraiment à partir du Christ. Nous ne pouvons que remonter à la source ». Plus tard, on l’entrevoit au loin, dans la rue, avec sa soutane noire que son pas rapide met en mouvement. « Je la porte – a-t-il dit – afin d’être reconnu par quelqu’un que, sans cela, je ne rencontrerais peut-être jamais. Par cet inconnu, qui m’est extrêmement cher ».

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