Archive pour le 27 novembre, 2015
MARIE-NOËLLE THABUT – EVANGILE – SELON SAINT LUC 21, 25-28, 34-36
27 novembre, 2015Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, dimanche 29 novembre 2015
EVANGILE – SELON SAINT LUC 21, 25-28, 34-36
En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : 25 « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. 26 Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. 27 Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. 28 Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.
34 Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste 35 comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. 36 Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout debout devant le Fils de l’homme. »
LE STYLE APOCALYPTIQUE Si on prend ces lignes au pied de la lettre, il y a de quoi frémir ! Mais nous avons déjà rencontré des textes de ce genre : on dit qu’ils sont de style « apocalyptique » et nous savons bien qu’il ne faut pas les prendre au premier degré ! Le malheur, c’est que, aujourd’hui, le mot « apocalypse » a très mauvaise presse ! Pour nous, il est synonyme d’horreur… alors que c’est tout le contraire ! Commençons donc par redonner au mot « apocalyptique » son vrai sens : on se rappelle que « apocaluptô », en grec, signifie « lever le voile », c’est le même mot que « re-velare » (en latin) – révéler en français ! Il faut traduire « texte apocalyptique » par « texte de révélation ». Ils révèlent la face cachée des choses. Le genre apocalyptique a au moins quatre caractéristiques tout-à-fait particulières : Premièrement, ce sont des livres pour temps de détresse, généralement de guerre et d’occupation étrangère doublée de persécution ; c’est particulièrement vrai pour le livre de Daniel au deuxième siècle avant notre ère : dans ce cas, ils évoquent les persécuteurs sous les traits de monstres affreux ; et c’est pour cela que le mot « apocalypse » a pu devenir synonyme de personnages et d’événements terrifiants. Deuxièmement, parce qu’ils sont écrits en temps de détresse, ce sont des livres de consolation : pour conforter les croyants dans leur fidélité et leur donner, face au martyre, des motifs de courage et d’espérance. Et ils invitent les croyants justement à tenir bon. Troisièmement, ils « dévoilent », c’est-à-dire « lèvent le voile », « révèlent », la face cachée de l’histoire. Ils annoncent la victoire finale de Dieu : de ce fait, ils sont toujours tournés vers l’avenir ; malgré les apparences, ils ne parlent pas d’une « fin du monde », mais de la transformation du monde, de l’installation d’un monde nouveau, du « renouvellement » du monde. Quand ils décrivent un chamboulement cosmique, ce n’est qu’une image symbolique du renversement complet de la situation. En résumé, leur message c’est « Dieu aura le dernier mot ». Ce message de victoire, nous l’avions entendu dimanche dernier dans le livre de Daniel. Il annonçait que le Fils de l’homme qui n’est autre que le peuple des Saints du Très-Haut verrait un jour ses ennemis vaincus et recevrait la royauté universelle. Quatrièmement, dans l’attente de ce renouvellement promis par Dieu, ils invitent les croyants à adopter une attitude non pas d’attente passive, mais de vigilance active : le quotidien doit être vécu à la lumière de cette espérance. Ces quatre caractéristiques des livres apocalyptiques se retrouvent dans notre évangile d’aujourd’hui. Parole pour temps de détresse, elle décrit des signes effrayants, langage codé pour annoncer que le monde présent passe : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles… le fracas de la mer et de la tempête… les puissances des cieux seront ébranlées ». Parole de consolation, elle invite les croyants à tenir bon : « Votre rédemption (traduisez votre libération) approche ». Parole qui « lève le voile », « révèle », la face cachée de l’histoire, elle annonce la venue du Fils de l’homme. Jésus reprend ici cette promesse par deux fois, et visiblement il s’attribue à lui-même ce titre de « Fils de l’homme », manière de dire qu’il prend la tête du peuple des Saints du Très-Haut,1 c’est-à-dire des croyants : « Alors on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée avec une grande puissance et une grande gloire. » … « Vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l’homme. »
LE DEFI DES CROYANTS Enfin, dans l’attente de ce renouvellement promis par Dieu, notre texte invite les croyants à adopter une attitude non pas d’attente passive, mais de vigilance active : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête. »… « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s’alourdisse… restez éveillés et priez en tout temps… » « Relever la tête », c’est bien un geste de défi, comme Jérémie nous y invitait dans la première lecture, le défi des croyants. Le mot « croyants » n’est pas employé une seule fois ici, mais pourtant il est clair que Luc oppose d’un bout à l’autre deux attitudes : celle des croyants et celle des non-croyants qu’il appelle les nations ou les autres hommes. « Sur terre, les nations seront affolées… les hommes mourront de peur… mais vous, redressez-vous et relevez la tête » sous-entendu car vous, vous êtes prévenus et vous savez le sens dernier de l’histoire humaine : l’heure de votre libération a sonné, le mal va être définitivement vaincu. Il reste une chose paradoxale dans ces lignes : le Jour de Dieu semble tomber à l’improviste sur le monde et pourtant les croyants sont invités à reconnaître le commencement des événements ; en fait, et cela aussi fait partie du langage codé des Apocalypses, ce jour ne semble venir soudainement que pour ceux qui ne se tiennent pas prêts. Rappelons-nous les paroles de Paul aux Thessaloniciens : « Le Jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : quelle paix, quelle sécurité !, c’est alors que la ruine fondra sur eux comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper. Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, pour que (de sorte que) ce jour vous surprenne comme un voleur. Tous, en effet, vous êtes fils de la lumière, fils du jour… » (1 Th 5, 2 – 5). Paul, comme Luc, type bien deux attitudes différentes. Comme dans toutes les autres lectures de ce dimanche, les Chrétiens sont donc invités ici à une attitude de témoignage : le témoignage de la foi auquel nous invitait le prophète de la première lecture dans une situation apparemment sans issue, à vues humaines ; le témoignage de l’amour dans la lettre aux Thessaloniciens : « Que le Seigneur vous donne à l’égard de tous les hommes un amour de plus en plus intense et débordant » ; le témoignage de l’espérance alors que tout semble s’écrouler dans cet évangile : « Redressez-vous et relevez la tête… Vous serez dignes… de paraître debout devant le Fils de l’homme ». « Les hommes mourront de peur », mais vous, vous serez debout parce que vous savez que « rien, ni la vie, ni la mort… ne peut nous séparer de l’amour de Dieu révélé dans le Christ » (Rm 8, 39). Ce triple témoignage, voilà bien le défi chrétien. Beau programme pour cet Avent qui commence ! —————————- Note 1 – On sait que dans le livre de Daniel, le Fils d’homme est en réalité un personnage collectif, le « peuple des saints du Très-Haut »
HOMÉLIE 1ER DIMANCHE DE L’AVENT ANNÉE C
27 novembre, 2015http://www.homelies.fr/homelie,,4400.html
HOMÉLIE 1ER DIMANCHE DE L’AVENT ANNÉE C
dimanche 29 novembre 2015
Famille de Saint Joseph
La péricope évangélique de ce jour suit immédiatement la description du siège de Jérusalem (v. 20-24). Conformément à l’apocalyptique juive, la chute de la ville est présentée sur l’horizon d’un bouleversement de la création tout entière, signifiant la fin de l’ancien monde, et l’avènement du royaume messianique. St Luc n’annonce donc pas la fin du monde ; mais le passage de l’ancienne humanité à l’Homme nouveau, l’Homme filial, désigné comme le « Fils de l’homme », celui qui apparaît sur la nuée (Dn 7, 13-14) en Juge des nations, au moment même de la chute du temple. La venue de ce Fils dans la nuée, plus éblouissant que les astres dans le ciel, n’est pas l’événement dernier, l’instant ultime qui mettrait un terme à l’histoire : on le voit venir, il est en mouvement, il se rapproche ; sa venue n’est donc pas instantanée, mais s’étale dans le temps. De plus, s’il est voilé dans une nuée, il n’est donc pas constatable comme les évidences de la réalité ordinaire. Pour pouvoir le discerner en train de venir « avec grande puissance et grande gloire », il faut un autre regard : le regard de la foi. Résumons notre acquis : – l’évangéliste parle de « commencement » : ce n’est donc pas la fin du monde qui est au centre du récit, mais la venue du Fils de l’homme ; celle-ci s’opérant en rupture avec l’ancien monde. – La description impressionnante qui nous est proposée nous invite donc à voir dans la chute de Jérusalem le signe de la proximité du Royaume. Proximité plus ontologique que chronologique puisque le Royaume est déjà là, et pourtant en devenir, secrètement présent dans chaque événement de notre vie quotidienne. Depuis la Pentecôte en effet, le salut offert en Jésus ressuscité brûle au cœur du monde comme un Feu divin prêt à tout transformer.
Cette mise en scène apocalyptique n’introduit pas au récit de l’écrasement de l’humanité par un Dieu courroucé, comme une lecture superficielle pourrait le faire craindre, puisque Jésus nous invite à « relever la tête ». Nous pourrions dire que la venue du Fils de l’homme opère comme une attraction puissante vers le haut : elle s’accompagne d’une invitation à nous tenir debout, à relever la tête, mouvement qui contraste singulièrement avec l’effondrement – nous pourrions dire à l’implosion – des éléments appartenant à cette terre, sous l’effet de la terreur. La description de la venue du Fils de l’Homme débouche logiquement dans la seconde partie de l’Evangile de ce jour, sur l’invitation à adopter l’attitude qui correspond au temps dans lesquels nous sommes désormais entrés : « Tenez-vous sur vos gardes » ; littéralement : « Méfiez-vous de vous-mêmes ». La vigilance est une attitude essentielle au christianisme. Dieu vient sans cesse au cœur de nos histoires, mais pour le découvrir dans la trame des événements, il faut demeurer vigilant ; il faut veiller pour ne pas céder aux « distractions » – au sens pascalien – qui ne conduisent qu’à alourdir notre cœur, à l’opacifier, à le river toujours plus à cette terre, le rendant de moins en moins capable de discerner celui qui vient « faire toutes choses nouvelles ». La vigilance était déjà l’attitude des prophètes de la première Alliance ; mais depuis la résurrection du Verbe fait chair, elle a atteint son paroxysme, car il s’agit désormais de discerner la présence de l’Epoux qui est venu, qui vient, et qui viendra, afin de lui emboîter le pas, et d’entrer avec lui dans la salle des noces. La vigilance de tout instant est le visage que prend la foi lorsqu’elle acquiert la lucidité des mains vides. Elle est l’attitude fondamentale de la période de l’Avent dans laquelle nous entrons aujourd’hui. Jésus lui-même nous a donné l’exemple : il a vécu toute sa vie sous le signe de la vigilance à laquelle il nous invite à notre tour. Il est le Vigilant par excellence ; en lui, la vigilance de la foi dévoile sa véritable identité : elle est accueil de l’éternel aujourd’hui de Dieu au cœur de l’histoire mouvante des hommes. La volonté de son Père, dont il faisait sa nourriture, ne lui était pas dictée : Notre Seigneur devait la découvrir ; et il n’hésitait pas à passer des nuits entières en prière pour la discerner. Comment dès lors pourrions-nous faire l’économie de ces temps de recueillement, d’écoute dans le secret du cœur, de relecture de notre vie sous le regard de Dieu ? Depuis que le Seigneur est venu marcher sur nos routes, tout événement est appelé à devenir, dans la lumière de la foi, le lieu d’une épiphanie de Dieu ; du Dieu qui agit au cœur de l’histoire des hommes et de chaque homme en particulier. Tout dans nos vies est porteur de sens, tout est parole à décrypter, appel à accueillir, en vue d’y répondre : « Le salut est maintenant plus prêt de nous qu’au moment où nous sommes venus à la foi » ; à tout instant il est donc « l’heure de nous réveiller de notre sommeil ». Dans cette perspective d’une eschatologie inscrite au cœur de l’histoire, l’Eucharistie est centrale. Elle est le lieu par excellence où s’opère la rencontre entre l’événement ultime et le temps présent. La Messe anticipe l’avenir, en l’accueillant dans le présent. Elle signifie que le Règne est déjà là, mais que nous cheminons vers lui dans le clair-obscur de la foi. Il ne s’agit plus d’un événement futur, puisqu’il est advenu dans la résurrection du Christ ; c’est par la vigilance du cœur que nous sommes invités à le découvrir dans l’épaisseur de chaque instant, comme promesse de la transfiguration à venir. C’est précisément ce que le Seigneur réalise pour nous dans chacune de nos célébrations : « Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Alors ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ? »» (Lc 24, 30-32)
« Seigneur, Père très saint, renouvelle en ce temps de l’Avent, notre vigilance : que nous puissions trouver la présence lumineuse du Christ dans l’obscurité de nos vies quotidienne, afin de courir au devant de lui, puisqu’il vient dans la gloire. Amen. » Père Joseph-Marie