Archive pour le 5 novembre, 2015

Church singing, Tacuinum Sanitatis Casanatensis (14th century).

5 novembre, 2015

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LA QUALITÉ DE LA MUSIQUE ET LA RENCONTRE DE DIEU, PAR BENOÎT XVI

5 novembre, 2015

http://www.zenit.org/fr/articles/la-qualite-de-la-musique-et-la-rencontre-de-dieu-par-benoit-xvi

LA QUALITÉ DE LA MUSIQUE ET LA RENCONTRE DE DIEU, PAR BENOÎT XVI

Traduction intégrale du discours prononcé par le pape émérite en recevant deux doctorats honoris causa de l’université pontificale Jean-Paul II et de l’Académie de musique de Cracovie.

Pour Benoît XVI, « la qualité de la musique dépend de la pureté et de la grandeur de la rencontre avec le divin, avec l’expérience de l’amour et de la souffrance » : ce sont en effet les trois « sources » d’inspiration de la musique. « Plus pure et plus vraie sera cette expérience, plus pure et plus grande sera la musique qui en sortira et se développera », affirme-t-il. Durant son séjour à Castelgandolfo (30 juin-14 juillet), le pape émérite Benoît XVI a reçu deux doctorats honoris causa polonais, de l’université pontificale Jean-Paul II et de l’Académie de musique de Cracovie, le 4 juillet 2015. La cérémonie a eu lieu en présence de l’archevêque de Cracovie, le cardinal Stanislas Dziwisz, grand chancelier de l’université Jean-Paul II érigée par Benoît XVI le 19 juin 2009. Dans un discours prononcé pour l’occasion et publié par le Saint-Siège, Benoît XVI a rendu hommage au « grand Saint Jean Paul II » : « Je ne saurais imaginer mon cheminement spirituel et théologique sans lui. Par son exemple vivant, il a su aussi nous montrer que la joie de la grande musique sacrée et notre devoir commun de participer à la sainte liturgie, la joie solennelle et la simplicité de l’humble célébration de la foi, pouvait aller de pair. » « Dans aucun domaine culturel on ne trouve de musique aussi grande que celle née autour de la foi chrétienne », a souligné le pape émérite : « la musique occidentale est quelque chose d’unique, que l’on ne trouve dans aucune autre culture ». Si cette musique « dépasse de beaucoup le cadre religieux et ecclésial », elle trouve cependant « sa source la plus profonde dans la liturgie, dans la rencontre avec Dieu », a-t-il ajouté : « La réponse grande et pure de la musique occidentale s’est développée dans la rencontre avec ce Dieu qui, dans la liturgie, se rend visible à nous par Jésus Christ. Cette musique est pour moi, une démonstration de la vérité du christianisme. Là où se développe une telle réponse, il y a eu cette rencontre avec la vérité, avec le vrai créateur du monde. » « C’est pourquoi la grande musique sacrée est une réalité de haute portée théologique dont la signification perdure pour la foi de toute la chrétienté… il est clair qu’elle ne saurait disparaître de la liturgie et que sa présence peut être une forme de participation spéciale à la célébration sacrée, au mystère de la foi », a poursuivi Benoît XVI. A.K.

Discours de Benoît XVI En ce moment je ne peux qu’exprimer mes plus vifs remerciements pour l’honneur que vous me faites en me conférant ce doctorat honoris causa. Je remercie le grand chancelier, le cardinal Stanislas Dziwisz, et les autorités ecclésiastiques des deux facultés. Je me réjouis surtout de ce que cela renforcera davantage mes liens avec la Pologne, avec Cracovie, avec la patrie de notre grand Saint Jean Paul II. Car je ne saurais imaginer mon cheminement spirituel et théologique sans lui. Par son exemple vivant, il a su aussi nous montrer que la joie de la grande musique sacrée et notre devoir commun de participer à la sainte liturgie, la joie solennelle et la simplicité de l’humble célébration de la foi, pouvait aller de pair. Dans les années qui ont suivi le concile, cet aspect avait réveillé les passions autour d’une vieille opposition. J’ai moi-même grandi dans la région de Salzbourg marquée par la grande tradition de cette ville. Là-bas il allait de soi que les messes festives accompagnées d’un chœur et d’un orchestre fassent partie intégrante de notre expérience de foi dans la célébration liturgique. J’ai encore gravé dans ma mémoire le souvenir, par exemple, du moment où résonnaient les premières notes de la messe du couronnement de Mozart, c’était comme si le ciel s’ouvrait et que le Seigneur nous remplissait de sa présence. – Et merci aussi à vous, qui m’avez fait entendre Mozart, et aussi au Chœur : des grands chants ! – Mais à côté, était aussi déjà présente la nouvelle réalité du Mouvement liturgique, notamment à travers un de nos aumôniers qui deviendrait ensuite vice-régent puis recteur du Grand Séminaire de Freising. Lors de mes études à Munich, et ensuite très concrètement, j’ai intégré progressivement le Mouvement liturgique grâce aux cours du Professeur Pascher, un des plus grands experts du concile en matière de liturgie, mais surtout grâce à la vie liturgique au sein de la communauté du séminaire. Même si cela n’était pas encore aussi fort, je commençais à percevoir cette tension entre la participatio actuosa conforme à la liturgie et la musique solennelle qui enveloppait l’action sacrée. Dans la constitution sur la liturgie du Concile Vatican II, il est écrit très clairement : «  Le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec la plus grande sollicitude » (114). D’autre part le texte met l’accent sur cette catégorie liturgique fondamentale qu’est la participatio actuosa de tous les fidèles à l’action sacrée. Ce qui dans la constitution se tient encore pacifiquement ensemble, entrera, après le concile, dans un rapport de tension dramatique. Des milieux significatifs du Mouvement liturgique pensaient qu’un jour, les grandes œuvres chorales, voire les messes pour orchestre, auraient leur place dans les salles de concert, pas dans la liturgie. Ici il n’y aurait plus que le chant et la prière commune des fidèles. D’autre part il y avait une consternation pour l’appauvrissement culturel de l’Église que cela aurait entraîné. Comment concilier les deux ? Comment appliquer le Concile dans son intégralité ? C’étaient les questions que je me posais et comme moi tant d’autres fidèles, les simples gens pas moins que ceux dotés d’une formation théologique. Alors il est juste maintenant de se poser la question de fond : qu’est-ce que la musique en réalité ? D’où vient-elle et vers quoi tend-t-elle ? Je pense que la musique jaillit de trois « sources » d’inspiration. Une première source est l’expérience de l’amour. Quand l’amour s’empara des hommes, une autre dimension de l’être s’ouvrit pour eux, une nouvelle grandeur de la réalité, suscitant en même temps une autre façon de s’exprimer. La poésie, le chant et la musique en général sont nés de cette nouvelle émotion, de cette ouverture à une nouvelle dimension de la vie. La deuxième source est l’expérience de la tristesse, d’être touchés par la mort, par la douleur et par les gouffres de l’existence. Dans ce cas aussi, de nouvelles dimensions s’entrouvrent, mais dans la direction contraire, des dimensions qui ne peuvent plus trouver de réponse dans les seuls discours. Enfin la troisième source de la musique est la rencontre avec le divin, qui dès le début fait partie de ce qui définit l’humain. A plus forte raison c’est ici qu’est présent le totalement autre et le totalement grand qui suscite chez l’homme de nouvelles façons de s’exprimer. Il est peut-être possible d’affirmer qu’en réalité dans les deux autres domaines aussi – l’amour et la mort – le mystère divin nous touche et que c’est donc le fait d’être touché par Dieu qui constitue généralement l’origine de la musique. Je trouve émouvant de voir par exemple que, dans les psaumes, les hommes ne se contentent même plus du chant, et que l’on fait appel à tous les instruments: la musique cachée de la création est réveillée, avec son mystérieux langage. Avec le Psautier, où agissent également les deux motifs de l’amour et de la mort, nous sommes directement à l’origine de la musique de l’Église de Dieu. On peut dire que la qualité de la musique dépend de la pureté et de la grandeur de la rencontre avec le divin, avec l’expérience de l’amour et de la souffrance. Plus pure et plus vraie sera cette expérience, plus pure et plus grande sera la musique qui en sortira et se développera. A ce stade je voudrais vous confier une pensée qui occupe, ces derniers temps, de plus en plus mon esprit, et l’occupe d’autant plus que les différentes cultures et religions sont en relation entre elles. Dans le cadre des cultures et religions les plus diverses, il existe une grande littérature, une grande architecture, une grande peinture et de grandes sculptures. Et partout il y a de la musique. Toutefois dans aucun domaine culturel on ne trouve de musique aussi grande que celle née autour de la foi chrétienne : de Palestrina à Bach, à Haendel, jusqu’à Mozart, Beethoven et Bruckner. La musique occidentale est quelque chose d’unique, que l’on ne trouve dans aucune autre culture. Cela doit nous faire réfléchir. Certes, la musique occidentale dépasse de beaucoup le cadre religieux et ecclésial. Mais elle trouve toutefois sa source la plus profonde dans la liturgie, dans la rencontre avec Dieu. Chez Bach, pour qui la gloire de Dieu représente la fin de toute la musique, cela est une évidence. La réponse grande et pure de la musique occidentale s’est développée dans la rencontre avec ce Dieu qui, dans la liturgie, se rend visible à nous par Jésus Christ. Cette musique est pour moi, une démonstration de la vérité du christianisme. Là où se développe une telle réponse, il y a eu cette rencontre avec la vérité, avec le vrai créateur du monde. C’est pourquoi la grande musique sacrée est une réalité de haute portée théologique dont la signification perdure pour la foi de toute la chrétienté, même s’il n’est absolument pas nécessaire qu’elle soit exécutée tout le temps et partout. D’autre part, il est clair qu’elle ne saurait disparaître de la liturgie et que sa présence peut être une forme de participation spéciale à la célébration sacrée, au mystère de la foi. Si nous pensons à la liturgie célébrée par saint Jean Paul II sur chaque continent, nous voyons toute l’ampleur des possibilités expressives de la foi dans l’événement liturgique; et nous voyons aussi que la grande musique de la tradition occidentale n’est pas étrangère à la liturgie, qu’elle en découle et s’est développée en elle, contribuant à lui donner toujours une nouvelle forme. Nous ne connaissons pas l’avenir de notre culture et de la musique sacrée. Mais une chose est claire: là où a réellement eu lieu la rencontre avec le Dieu vivant qui, en Jésus Christ, vient vers nous, là naît et grandit à nouveau aussi la réponse, dont la beauté vient de la vérité même. L’activité des deux universités qui me confèrent ce doctorat honoris causa représente une contribution essentielle qui entretient la flamme de ce grand don de la musique issu de la foi chrétienne et qui aide la force créatrice de la foi à ne jamais s’éteindre. Je vous remercie donc de tout cœur, non seulement de m’avoir fait cet honneur, mais aussi pour tout le travail que vous faites au service de la beauté de la foi. Que le Seigneur vous bénisse tous.

Traduction de Zenit, Océane Le Gall

3. LES DEBUTS DU CHANT LITURGIQUE CHRETIEN

5 novembre, 2015

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3. LES DEBUTS DU CHANT LITURGIQUE CHRETIEN

3.1. LES ORIGINES 3.1.1.La musique juive ancienne La tradition de la musique juive telle qu’elle se pratiquait en Israël du temps de Jésus a été perdue au moment de la prise de Jérusalem sous Titus et de la dispersion des juifs (diaspora, 71 après J‐C). Il y avait deux sortes de musique juive : ™La musique du temple de Jérusalem, où l’on employait des instruments très bruyants, cuivres, cymbales, cornes ; ™le chant des synagogues, sans accompagnement, probablement récitation modulée, au rythme libre, non métrique, de l’écriture sainte. Après l’exil babylonien, Ezéchiel et Néhémie développèrent la prière, l’étude et la récitation de la parole écrite avec un sens aigu du commentaire et de l’analyse de textes. L’introduction par Ezra de lectures publiques et hebdomadaires de l’écriture sainte amena une stylisation mélodique des phrases sous forme de récitatif, de chant ou de cantillation. C’est dans les synagogues que s’opéra le passage définitif du sacrifice à la prière comprenant des commentaires de textes, des psaumes, des supplications et des bénédictions. Les formes de chant se développèrent dans trois directions : la psalmodie, la leçon et la prière. Le chant psalmodique était une conséquence de leur forme littéraire qui conduisit à un schéma monotonique accompagné de petits ornements indiqués par des signes ekphoniques dont le système se perpétua dans les chants byzantin et grégorien. L’ambiance des assemblées religieuses juives était cependant très différente de celle que l’on connaît de nos jours. Le chant était alors un moyen d’extériorisation, de convergence des cœurs et de la pensée dans une certaine excitation. Telle fut sans doute aussi l’atmosphère des toutes premières réunions de chrétiens, animées par les prophéties des assistants inspirés (St Paul les mentionnent dans sa lettre aux Corinthiens) et le chant des cantiques dont parle Pline dans sa lettre à Trajan. La lutte pour l’intériorisation du chant liturgique s’est poursuivie à travers tout le Moyen Age. Grâce aux découvertes de Suzanne Haïk‐Ventura, qui est arrivée à déchiffrer les signes inscrits sur les manuscrits des Bibles hébraïques, des études ont permis la reconstitution de la gamme musicale hébraïque à 8 sons ou échelle lydienne. S. Haïk‐Ventura a pu retrouver la composante musicale sur laquelle se chantaient tous les textes bibliques, en constatant que la mélodie suivait le sens des mots, donnait un relief au texte pour l’enrichir. Cette cantillation est très ancienne et remonte à l’époque de l’Exode. Les chœurs exécutaient, probablement à l’unisson, la même mélodie sacrée, d’une composition simple, divisée en une partie masculine et une partie féminine, chantée à l’octave supérieure. En France, Esther Lamandier s’est attachée à retrouver et interpréter ce répertoire particulier en araméen et en hébreu.

3.1.2.Le chant primitif des chrétiens Comme pour les juifs, le chant est l’expression de la parole divine avant de devenir celui de la louange et de la prière. Aussi le noyau primitif de la liturgie comprend‐il trois types de chant : ™La récitation chantée de l’écriture sainte confiée à un lecteur, le plus souvent un prêtre ou l’évêque. Elle se pratique, comme pour les juifs, sous trois formes : ¾Le « recto tono » ou récitation horizontale. ¾La cantillation, intermédiaire entre la déclamation et le chant, qui comporte de courts changements de ton destinés à marquer les fins de phrase ou à introduire une pose méditative. Cette forme de lecture publique se rencontre également dans la musique cultuelle d’Orient et a été adopté par les musulmans pour la lecture du Coran. ¾La psalmodie, forme la plus élaborée, également héritée de la tradition juive, comportant des broderies et des pauses, et qui évolua, comme la psalmodie synagonale, vers le schéma : intonation, corde récitative (ou teneur I), médiante‐ intonation, corde récitative (ou teneur II), cadence finale. ™Les réponses de l’assemblée, brefs refrains ou formules simples : Amen, Alléluia, Gloria Patri. C’est l’origine du chant responsorial développé par la suite dans les communautés religieuses d’Orient, puis d’Occident : le psalmiste, dont la charge constitue un ordre mineur, lance la « responsa », chante un verset du psaume et laisse la communauté reprendre la « responsa » (attesté par les confessions de St Augustin et St Jérome). Cette forme est à l’origine de deux types de réponses : ¾Les antiennes, du terme latin « antiphona », décalqué du grec, qui apparaissent vers le IV° siècle en Occident et qui donnent, dans une phrase très courte, l’esprit du psaume. Les résidus pentatoniques que l’on retrouve dans les antiennes grégoriennes des offices monastiques en attestent l’ancienneté. L’antienne encadre le psaume ou est chantée après quelques versets. C’est en fait une méditation chantée du texte qui s’est développé en même temps que le chant responsorial adopté par certaines communautés pieuses, qui consiste à réciter alternativement en deux demi‐choeurs le psaume. Cette formule est introduite à Constantinople par St Jean Chrysostome, en Occident par St Ambroise, évêque de Milan. ¾Les répons, pièces mélismatiques (chant comportant plusieurs notes par syllabe, contrairement au chant syllabique), qui encadrent les lectures: répons prolixes des longues leçons de l’office nocturne, répons brèves des capitules (leçons brèves) et répons‐graduel de l’épître. ™Les hymnes, éléments cultuels communs à toutes les religions d’Orient, et pratiquées par les premiers chrétiens (St Paul : Col 3,16 ; Eph 5,19). Certains passages des épîtres sont d’ailleurs devenus eux‐mêmes des hymnes (Eph 5,14 ; Col 1,15). Les hymnes sont des chants de louange qui ne sont pas soumises à un rythme verbal stricte comme les psaumes. Elles ont une forme mélodique modale contrairement à la forme tonale de la psalmodie. Le Gloria est une ancienne hymne de louange chantée à l’aurore. Peu à peu, le mot hymne pris un sens différent selon les églises d’Orient et d’Occident. L’église byzantine dénomme ainsi des poèmes religieux et les « kondakia » chantés au cours de la liturgie. L’église d’Occident développe des hymnes métriques, compositions personnelles à l’auteur identifié, dont la plus ancienne est le « Te Deum », créée, selon la tradition, par St Hilaire de Poitiers (+366).

3.2. L’EVOLUTION La dissémination de l’Eglise chrétienne dans le bassin méditerranéen, son adoption par les autorités politiques (l’Empire romain adopte le Christianisme comme religion officielle au 4° siècle), la diversité culturelle existant entre les mondes juif, grec, romain et à l’intérieur de ces mondes, l’assimilation par le christianisme de certains rites appartenant aux religions d’origine (culte celte, romain, etc.) diversifient à partir du III° siècle la liturgie et les chants qui la constituent. On distingue bientôt : 3.2.1.Le chant des églises d’Orient C’est le chant en vigueur dans le Patriarcat d’Antioche. Démembré à la suite des luttes christologiques qui ensanglantèrent l’Eglise d’Orient aux V° et VI° siècle, il se scinde en particularisme canonique. Sa structure n’est pas connue, faute de textes. 3.2.2.Le chant ambrosien Dans la péninsule italique, chaque église possédait son répertoire liturgico‐musical propre. Il subsiste des manuscrits de chant bénéventain, localisé à Bénévent et Naples, de chant Vieux Romain, des bribes de pièces de chant toscan, et en Italie du nord, trois anciens répertoires dont le plus connu, qui a subsisté jusqu’à nos jours, est le chant ambrosien, propre au diocèse de Milan et à quelques églises de Suisse. Le chant ambrosien se réclame de St Ambroise (+397) à qui l’on attribue l’origine d’au moins 14 hymnes (texte et mélodie). Lors d’un siège, il eut l’idée de remplacer l’ancienne psalmodie responsoriale par le chant antiphoné afin d’occuper son peuple réuni dans la basilique assiégée. La liturgie milanaise n’a jamais subi de réformes et s’est enrichi dans cesse d’apports nouveaux qui lui confèrent un certain caractère hétéroclite. « St Ambroise, dit Théodore Nisard, adopta le genre chromatique, c’est-à-dire l’altération de certaines notes, comme l’ont enseigné plus tard les didacticiens du Moyen âge en parlant de la musique feinte ou colorée. Deux différences radicales existaient entre le chant de St Ambroise et celui de St Grégoire. Dans l’un, abandon complet des règles de l’accentuation latine et adoption du genre diatonique ; dans l’autre, genre chromatique, rythme, accentuation. Dans l’un, musique grave, sévère, adaptée aux durs gosiers des barbares du nord qui se convertissaient au catholicisme ; dans l’autre, un art plus grec, plus souple, plus élégant, quelque chose de moins austère et de moins âpre. » St Ambroise emprunta aux Grecs leurs quatre modes principaux : le dorien, le phrygien, le lydien et le mixolydien ; ces modes, nommés depuis authentiques ou impairs, sont le 1er, le 3e, le 5e et le 7e du plain‐chant grégorien. Il adopta aussi le chant alternatif ou antiphonique, usité chez les Orientaux, et dont l’emploi se répandit ensuite dans l’Église latine1. Ce répertoire, l’un des plus anciens de l’Occident, comporte diverses stratifications : •Le Gloria ambrosien, chanté jadis à l’office du matin, remonte au début du IV° siècle. La psalmodie est proche du recto tono et ne comporte pas de médiante au milieu du verset, mais une simple pause. Les antiennes du psautier sont entièrement syllabiques. La musique sacrée •Aux siècles suivants, un apport oriental, en partie syrien, donne une nuance exotique à ce répertoire foncièrement occidental : traductions de stichères, répétition du triple Kyrie à la fin de certaines antiennes de l’office. •Apport gallican dans les vocalises de l’Alléluia. Le chant ambrosien s’est transmis par voie orale des origines jusqu’à la fin du XI° siècle pour les mélodies.

3.2.3.Le chant vieux romain Découvert par Dom Mocquereau en 1890 sur des manuscrits du XI° siècle, il est apparenté au grégorien. On n’a pas encore pu déterminé s’il est réellement antérieur à celui‐ci ou si les deux répertoires ont une origine commune. Il conserve des archaïsmes manifestes du point de vue modal, mais possède aussi des adjonctions de grégorien. Ce répertoire s’est constitué entre le VI° et le VIII° siècle et est resté en usage jusqu’au XIII° siècle.

3.2.4.Le chant gallican C’est le chant propre à l’église des Gaules avant la réforme liturgique imposée dans l’Empire franc par Pépin le Bref (+768) et Charlemagne. En fait, il n’y a pas une liturgie et un chant gallican, mais des liturgies et des répertoires propres aux grandes églises métropolitaines de la Gaule Cisalpine et de la Germanie (Toulouse, Lyon, Autun, Tours, Trèves, Mayence, Cologne). Il ne faut pas le confondre avec la liturgie néo‐gallicane forgée de toutes pièces dans la deuxième moitié du XVII° par des prêtres érudits. Il comporte de nombreuses particularités par rapport au grégorien : •des oraisons et des préfaces très riches en vocabulaire et redondances ; •une psalmodie sans médiante, comme à Milan et en Espagne, mais à deux teneurs (la seconde plus basse d’un degré : ton pérégrin) ; •des hymnes métriques ; •des antiennes à versets aux mélismes chargés souvent terminées par un Alléluia dont le « neuma » se développait non pas sur la finale a, mais sur la voyelle e ; •usage de litanies, dialogue entre le diacre qui formule l’intention de prière et la foule qui répond par une demande très courte (ex: Rogamus te Rex seculorum). Il subsiste encore aujourd’hui dans la liturgie romaine quelques survivances gallicanes ; ainsi dans l’office du vendredi saint. L’ostension et l’adoration de la croix, le Trisagion, proviennent des rites gallicans. L’antienne trois fois redite en haussant le ton à chaque reprise (Agios o Theos) n’est pas une coutume romaine ; on a là un exemple caractéristique d’une adaptation gallicane au rite de Rome. D’après les divers recoupements opérés par les érudits, on peut être assuré que le chant gallican alliait les apports d’un courant hébraïque (psalmodie), d’un courant grec et byzantin (système musical, métrique) et d’un courant romain (livres de prières et rituel) ; il y avait aussi une influence de l’ambrosien (Milan) et du wisigothique. L’absence totale de notation neumatique intelligible à cette époque rend impossible la traduction claire des manuscrits qui pourraient nous renseigner.2

3.2.5.Le chant mozarabe Dans la péninsule ibérique, les églises chrétiennes possédaient une liturgie très particulière, distincte de la liturgie romaine par le style redondant de ses prières et par l’abondance de ses rites extérieurs. A l’origine, le chant mozarabe fut largement influencé par le culte des synagogues, mais également par la proximité culturelle de Rome, donc du chant romain et milanais ou ambrosien. C’est ainsi que les chants responsoriaux auparavant syllabiques de la psalmodie d’origine juive sont progressivement devenus mélismatiques et très ornées. Le terme mozarabe est primitivement appliqué aux chrétiens « sujets des Maures » (Musta rab). Après le débarquement de Tariq à Tarifa, en 711, les lois musulmanes tolérèrent certains rites chrétiens, surtout en Aragon, en León et en Castille. L’habitude fut prise de parler du rite et du chant mozarabes. Cependant, on a abandonné ce terme pour lui préférer celui, plus juste, d’hispanique, étant donné que le rite et le chant précédèrent l’arrivée des Arabes dans la péninsule Ibérique et que, sous leur occupation, aucune influence musulmane ne pénétra dans le rite chrétien. Ce rite et le chant l’accompagnant furent fixés par des évêques comme Isidore de Séville (+636) et Ildefonse (+667) et par les conciles provinciaux, donc avant la pénétration arabe (711). Il s’agit une synthèse d’apports variés, empruntant aux coutumes gallicanes, à la culture wisigothique, à la neumatique byzantine, aux liturgies et mélodies milanaises (rite ambrosien), voire à des éléments syriaco‐palestiniens et africains. On relève la trace des improvisations de textes sacrés par le célébrant et des réponses litaniques des fidèles, selon les usages des premiers siècles chrétiens. Les premiers manuscrits avec neumes, sans lignes ni intervalles, ne peuvent apporter que des renseignements musicaux imprécis (manuscrits de San Domingo de Silos à Tolède, ceux de la cathédrale de León, 1066). le chant hispanique fut aboli par les décisions romaines d’Alexandre II (1064‐1073) et de Grégoire VII (1073‐1085). C’est à la fin du XVe siècle que le cardinal Francisco Jiménez de Cisneros essaya de le ressusciter en fondant la chapelle mozarabe de la cathédrale de Tolède. Malheureusement, cette reviviscence n’a pu offrir de garanties historiques sûres. Les principaux centres de liturgie hispaniques furent Tolède (avec saint Eugène, mort en 657, et saint Ildefonse, mort en 667), Séville (saint Léandre, mort en 599), Saragosse (saint Julien, mort en 690). Le chant s’inspira certainement des œuvres de Prudence (348 env.‐env. 410), né en Espagne. L’utilisation extensive de mélismes (un alléluia ne possède pas moins de trois cents notes !) manifeste l’importance accordée au jubilus lyrique, qui est, d’ailleurs, toujours une des caractéristiques de la musique monodique espagnole, surtout méridionale. Un rôle important est donc confié à un ou plusieurs solistes ; le peuple se contente de chanter de courtes phrases, de proférer des acclamations, de lancer des suppliques. Le chant hispanique est un chant monodique, de genre diatonique et de rythme libre. C’est un chant car si des instruments musicaux peuvent l’accompagner, ils ne peuvent interpréter la mélodie. Il est monodique, mais peut s’interpréter avec des développements à la quinte, quarte ascendante et octave. Il est diatonique, se construisant sur des gammes aux tons et demi‐tons figés. Il est de rythme libre, c’est‐à‐dire non mesuré ente l’arsis (moment initial) et la thesis (repos final).