Archive pour le 2 novembre, 2015

Jesus Christ Pantocrator (Detail from deesis mosaic) from Hagia Sophia

2 novembre, 2015

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https://en.wikipedia.org/wiki/Christ_Pantocrator

JEAN-PAUL II – PS 29, 2-3.9.11-13 – ACTION DE GRÂCE POUR LA LIBÉRATION DE LA MORT

2 novembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2004/documents/hf_jp-ii_aud_20040512.html

JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 12 mai 2004

ACTION DE GRÂCE POUR LA LIBÉRATION DE LA MORT

LECTURE:  PS 29, 2-3.9.11-13

1. Une intense et douce action de grâce s’élève vers Dieu du coeur de l’orant, une fois dissipé en lui le cauchemar de la mort. Tel est le sentiment qui ressort avec force du Psaume 29, qui vient de retentir non seulement à nos oreilles, mais sans aucun doute également dans nos coeurs. Cet hymne de gratitude possède une grande finesse littéraire et repose sur une série de contrastes qui expriment de façon symbolique la libération obtenue du Seigneur. Ainsi, à la phrase « tu as tiré mon âme du shéol » s’oppose « me ranimant d’entre ceux qui descendent à la fosse » (v. 4); la « colère d’un instant », manifestée par Dieu, est suivie de « sa faveur pour la vie » (v. 6); aux « pleurs » du soir suit la « joie » du matin (ibid.); la « danse » succède au « deuil », le vêtement d’ »allégresse » au « sac » revêtu en signe de deuil (v. 12). Une fois passée la nuit de la mort, naît donc l’aube d’un jour nouveau. C’est pourquoi la tradition chrétienne a lu ce Psaume comme un chant pascal. C’est ce qu’atteste la citation d’ouverture, que l’édition du texte liturgique des Vêpres reprend d’un grand auteur monastique du IV siècle, Jean Cassien:  « Le Christ rend grâce au Père pour sa résurrection glorieuse ». 2. L’orant s’adresse à plusieurs reprises au « Seigneur » – pas moins de huit fois -, que ce soit pour annoncer qu’il le louera (cf. vv. 2 et 13), ou pour rappeler le cri lancé vers Lui au moment de l’épreuve (cf. vv. 3 et 9) et son intervention libératrice (cf. vv. 2.3.4.8.12), ou encore pour invoquer à nouveau sa miséricorde (cf. v. 11). Dans un autre passage, l’orant invite les fidèles à chanter des hymnes au Seigneur pour Lui rendre grâce (cf. v. 5). Les sensations oscillent constamment entre le souvenir terrible du cauchemar traversé et la joie de la libération. Certes, le danger auquel il a échappé est grave et réussit encore à faire frissonner; le souvenir de la souffrance passée est encore net et vif; les larmes n’ont été séchées des yeux que depuis peu. Mais désormais pointe l’aube d’un jour nouveau; la mort a laissé place à la perspective de la vie qui continue. 3. Le Psaume démontre ainsi que nous ne devons jamais nous laisser entraîner dans l’enchevêtrement obscur du désespoir, lorsqu’il semble que tout est désormais perdu. Bien sûr, il ne faut pas non plus tomber dans l’illusion que l’on peut se sauver tout seul, par ses propres moyens. En effet, le Psalmiste est tenté par l’orgueil et l’idée de se suffire à lui-même:  « Moi, j’ai dit dans mon bonheur:  Rien à jamais ne m’ébranlera! » (v. 7). Les Pères de l’Eglise se sont eux aussi arrêtés sur cette tentation qui s’insinue dans les moments de bien-être, et ils ont vu dans l’épreuve un rappel divin à l’humilité. C’est par exemple le cas de Fulgence, Evêque de Ruspe (467-532), dans son Epistola 3, adressée à la religieuse Proba, où il commente le passage du Psaume par ces mots:  « Le Psalmiste confessait que parfois il s’enorgueillissait d’être sain, comme s’il s’agissait d’une de ses vertus, et qu’en cela il avait compris que se trouvait le danger d’une très grave maladie. Il dit en effet:  … »Moi,  j’ ai dit dans mon bonheur:  Rien à jamais ne m’ébranlera! ». Mais puisqu’en disant cela, il avait été abandonné par le soutien de la grâce divine et, troublé, était tombé dans la maladie, il poursuit en disant:  « Yahvé, ta faveur m’a fixé sur de fortes montagnes; tu caches ta face, je suis bouleversé ». En outre, pour montrer que l’aide de la grâce divine, bien qu’on la possède déjà, doit toutefois être invoquée humblement sans interruption,  il  ajoute encore:  « Vers toi, Yahvé, j’appelle, à mon Dieu je demande pitié ». Par ailleurs, personne n’élève sa prière et n’avance des requêtes sans reconnaître avoir commis des fautes, et personne ne considère pouvoir conserver ce qu’il possède en ne comptant que sur sa propre vertu » (Fulgence de Ruspe, Les lettres, Rome 1999, p. 113). 4. Après avoir confessé la tentation de l’orgueil qu’il a éprouvée au temps de sa prospérité, le Psalmiste rappelle l’épreuve qui a suivi, en disant au Seigneur:  « Tu caches ta face, je suis bouleversé » (v. 8). L’orant rappelle alors de quelle manière il a imploré le Seigneur (cf. vv. 9-11):  il a crié, demandé de l’aide, supplié d’être préservé de la mort, en donnant comme raison que la mort n’apporte aucun avantage à Dieu, car les morts ne sont plus en mesure de louer Dieu et n’ont plus aucun motif de proclamer la fidélité à Dieu, ayant été abandonnés par lui. Nous retrouvons la même argumentation dans le Psaume 87, dans lequel l’orant, proche de la mort, demande à Dieu:  « Parle-t-on de ton amour dans la tombe, de ta vérité au lieu de perdition? » (Ps 87, 12). De même, le roi Ezéchias, gravement malade puis guéri, disait à Dieu:  « Ce n’est pas le shéol qui te loue, ni la mort qui te célèbre… Le vivant, le vivant lui seul te loue » (Is 38, 18-19). C’est ainsi que l’Ancien Testament exprimait l’intense désir humain d’une victoire de Dieu sur la mort et rapportait de nombreux cas dans lesquels cette victoire avait été obtenue:  des personnes menacées de mourir de faim dans le désert, des prisonniers ayant échappé à la peine de mort, des malades guéris, des marins sauvés du naufrage (cf. Ps 106, 4-32). Il s’agissait cependant de victoires qui n’étaient pas définitives. Tôt ou tard, la mort réussissait toujours à l’emporter. Malgré tout, l’aspiration à la victoire a toujours été conservée et est devenue, à la fin, une espérance de résurrection. La satisfaction de cette puissante aspiration a été pleinement assurée à travers la résurrection du Christ, pour laquelle nous n’aurons jamais fini de rendre grâce à Dieu.

LA FEMME ADULTÈRE. – ST. AUGUSTIN D’HIPPONE

2 novembre, 2015

http://www.zenit.org/fr/articles/jesus-ecrit-sur-le-sable-nos-peches-sur-notre-coeur-son-pardon

TRENTE-TROISIÈME TRAITÉ.DEPUIS CES PAROLES DE L’ÉVANGILE : « PLUSIEURS DONC DE CETTE MULTITUDE AYANT ENTENDU CES MOTS », JUSQU’À CES AUTRES : « ET MOI, JE NE VOUS CONDAMNERAI PAS NON PLUS ALLEZ ET NE PÉCHEZ PLUS DÉSORMAIS ». (Chap. VII, 40-53 ; VIII, 1-11.) LA FEMME ADULTÈRE. St. Augustin d’Hippone.

Au lieu de croire en Jésus comme les émissaires qu’ils avaient envoyés pour s’emparer de lui, ou comme Nicodème, ses ennemis cherchaient toutes les occasions de le mettre en contradiction avec lui-même et avec la loi, afin de le faire condamner par le peuple. Ils lui amenèrent donc une femme surprise en adultère, voulant lui reprocher, s’il la condamnait, sa dureté; s’il la renvoyait absoute, son impiété : sans blesser les règles de la douceur, ni le respect dû à la loi, il leur rappela les imprescriptibles exigences de la justice, qui refuse à des coupables le droit de punir d’autres coupables. Ne comptons point exclusivement sur ta bonté ou sur la sévérité de Dieu, et en nous tenant éloignés de la présomption et du désespoir, nous resterons dans la vérité. 1. Votre charité s’en souvient : dans le discours précédent, et à l’occasion de la lecture qu’on avait faite dans l’Evangile, nous vous avons parlé du Saint-Esprit. Le Sauveur avait invité ceux qui croyaient en lui à s’abreuver à cette source d’eau vive; au moment où il parlait ainsi, il se trouvait au milieu d’ennemis qui pensaient à se saisir de lui et désiraient le faire mourir, mais n’y parvenaient point, parce qu’il ne le voulait pas. Lorsqu’il leur eut adressé ces paroles, il se produisit dans la foule un dissentiment prononcé entre les uns et les autres: ceux-ci soutenaient qu’il était le Christ, ceux-là disaient que le Christ ne sortirait pas de la Galilée. Pour ceux que les Pharisiens avaient envoyés afin de mettre la main sur lui, ils se retirèrent sans avoir commis le crime qu’on leur avait commandé, mais dans le sentiment de la plus vive admiration. Ils rendirent, en effet, témoignage de la divinité de sa doctrine, car à cette question de ceux qui les avaient envoyés: « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené? » ils répondirent que jamais homme n’avait ainsi parlé devant eux. «Jamais personne n’a parlé comme lui ». Pour lui, il avait ainsi parlé, parce qu’il était Dieu et homme. Cependant, les Pharisiens ne voulurent point recevoir leur témoignage; aussi leur dirent-ils: « Auriez-vous été séduits- vous-mêmes? » Il est facile de voir que ses discours vous ont charmés. « Aucun des princes des prêtres et des Pharisiens a-t-il cru en lui ? Mais cette foule qui ne connaît pas la loi est maudite ». Les hommes qui ne connaissaient pas la loi croyaient en Celui qui l’avait donnée; et ceux qui l’enseignaient en méprisaient l’Auteur. Par là s’accomplissait ce qu’avait dit le Sauveur lui-même : « Je suis venu, afin que ceux qui ne voient pas, voient, et que ceux qui voient, deviennent aveugles (1) ». Les Pharisiens étaient instruits, et ils se sont aveuglés, tandis que les rayons de la vérité ont éclairé les peuples auxquels la loi n’était pas connue, mais qui croyaient en Celui de qui émanait la loi. 2. Toutefois, « parmi les Pharisiens se trouvait Nicodème, qui était venu vers Jésus durant la nuit » ; ce n’était pas un incrédule, mais un homme timide, car, en s’approchant de la lumière durant la nuit, il avait voulu s’éclairer, et, sans néanmoins se faire con naître, il répondit aux Juifs : « Notre loi juge-t-elle un homme avant de l’avoir entendu et d’avoir connu ce qu’il a fait? » ils étaient effectivement assez mal disposés pour vouloir le condamner avant de le connaître. Quant à Nicodème, il savait, ou plutôt il s’imaginait que si seulement ils voulaient l’écouler avec patience, ils feraient, sans doute, ce qu’avaient fait leurs émissaires qui,au lieu de s’emparer de sa personne, avaient préféré croire en lui. « Ils lui répondirent », en préjugeant les dispositions de son coeur d’après les leurs: « Serais-tu aussi Galiléen ? » c’est-à-dire en quelque sorte infatué par le Galiléen. Le Sauveur portait le nom de Galiléen, 1. Jean, IX, 39.

parce que ses parents étaient de la ville de Nazareth. Quand je dis ses parents, j’entends parler seulement de Marie, et ne veux point dire qu’il ait eu un père selon la chair; il avait déjà, dans le ciel, un Père; aussi n’a-t-il eu ici-bas besoin que d’une mère. Ses deux naissances ont été merveilleuses : sa naissance divine s’est effectuée sans le concours d’une mère; comme homme, il n’a pas eu de père. Que répondirent donc à Nicodème tes docteurs de la loi? « Lis les Ecritures et vois que nul prophète ne s’est levé en Galilée ». Malgré cela, le Seigneur des Prophètes est sorti de ce pays-là. « Et chacun d’eux », dit l’Evangéliste, « s’en alla en sa maison ». 3. « De là, Jésus vint à la montagne ». C’était la montagne « des Oliviers », fertile en parfums et en huile. De fait, en quel endroit, sinon sur la montagne des Oliviers, le Christ pouvait-il se trouver mieux pour enseigner? L’étymologie du mot Christ, c’est fonction, car le nom grec Xisma se traduit en latin par celui d’onction. Il nous a oints, parce qu’il nous a destinés à lutter contre le démon. Au commencement du jour, « il parut de nouveau dans le temple, et tout le peuple vint vers lui ; et, s’étant assis, il les enseignait ». Et l’on ne mettait pas la main sur lui, parce qu’il ne jugeait pas encore à propos de souffrir. 4. Mais voyez quel moyen ses ennemis employèrent pour mettre à l’épreuve la douceur de Jésus. « Les Scribes et les Pharisiens lui amenèrent une femme prise en adultère, et, l’ayant placée au milieu d’eux tous, ils lui dirent : Maître, cette femme a été prise en adultère; et, dans la loi, Moïse nous a commandé de lapider les adultères. Toi donc, que dis-tu? Ils parlaient ainsi pour le tenter, afin de pouvoir l’accuser ». L’accuser de quoi? L’avaient-ils surpris lui-même en quelque faute, ou bien, cette femme passait-elle pour avoir eu avec lui quelque rapport? Que veut donc dire l’Evangéliste en s’exprimant ainsi : « Pour le tenter, afin de pouvoir l’accuser ? » Il nous est facile, mes frères, de comprendre à quel suréminent et admirable degré le Sauveur a montré de la douceur. Ses ennemis remarquèrent en lui une trop grande douceur, une trop grande bonté ; car, longtemps auparavant, le Prophète avait dit de lui : « Armez-vous de votre glaive, ô le plus puissant des rois; revêtez-vous de votre gloire et de votre éclat; et, dans votre majesté, marchez à la victoire montez sur le char de la vérité, de la clémence et de la justice (1) ». En qualité de docteur, il a apporté sur la terre la vérité; comme libérateur, la douceur; en tant que sondant les consciences, la justice. Voilà pourquoi Isaïe avait annoncé d’avance qu’il régnerait dans l’Esprit-Saint (2). Quand il parlait, la vérité se reconnaissait dans ses discours, et s’il ne a’élevait pas contre ses ennemis, on ne pouvait qu’admirer sa mansuétude. En face de ces deux vertus de Jésus-Christ, de sa vérité et de sa douceur, ses ennemis se sentaient tourmentés par l’envie et la malignité jalouse; mais sa troisième qualité, la justice, fut pour eux un véritable sujet de scandale. Pourquoi ? Parce que la loi faisait un commandement exprès de lapider les adultères, et, sans aucun doute, elle ne pouvait prescrire ce qui était injuste ; dire autre chose que ce qu’ordonnait la loi, c’était se mettre en flagrant délit d’injustice. Ils se dirent donc à eux-mêmes: On a foi en sa véracité, on le voit plein de mansuétude; cherchons-lui querelle sous le rapport de la justice, Présentons-lui une femme surprise en adultère, et disons-lui ce que la loi ordonne de faire à cette malheureuse. S’il nous commande aussi de la lapider, il perdra sa réputation de douceur; s’il déclare la renvoyer sans la punir, sa justice sera mise en défaut, Pour ne rien perdre de cette bienveillance qui l’a rendu si aimable aux yeux du peuple, il se prononcera évidemment pour le renvoi de cette femme; ce sera, pour nous, la plus belle occasion de l’accuser lui-même. Nous le forçons à violer la loi et à devenu coupable; nous lui disons : Tu es ennemi de la loi; ta réponse est en contradiction avec le commandement de Moïse; tu vas même coutre les ordres de Celui qui nous a dicté ses volontés par le ministère de Moïse; tu es donc digne de mort; tu seras toi-même lapidé avec cette adultère. Par de telles paroles et de tels raisonnements, ils pourraient surexciter l’envie, chauffer l’accusation et faire prononcer la sentence. Mais qu’était-ce que cette lutte? La lutte entre la méchanceté et la droiture, entre la fausseté et la vérité, entre des coeurs corrompus et un coeur pur, entre la folie et 1. Ps. XLIV, 4, 5. — 2.Isa. XI.

la sagesse. Pouvaient-ils jamais lui tendre des piéges sans y tomber les premiers, tête baissée? Aussi, dans sa réponse, verrons-nous le Sauveur conserver toute sa justice et ne rien perdre de sa mansuétude. Au lieu de le prendre au piège qu’ils lui tendaient, les Juifs y furent pris les premiers, parce qu’ils ne croyaient pas en Celui qui pouvait les préserver de toute embûche. 5. Que leur répondit donc le Sauveur? Que leur répondit la vérité, la sagesse, et cette justice elle-même qu’ils se préparaient à attaquer injustement? Il ne leur dit point : Ne la lapidez pas, pour n’avoir pas l’air de parler contre la loi. Il se garda bien aussi de leur dire : Elle doit être lapidée, car il n’était point venu pour perdre ce qu’il avait trouvé, mais pour chercher ce qui était perdu (1). Quelle réponse leur fit-il donc? Voyez combien elle fut admirable de justice, de mansuétude et de vérité! « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre! » Quelle sagesse dans ces quelques mots! Comme il les remettait bien à leur place! Au dehors, ils portaient contre une femme une accusation passionnée; et ils ne rentraient pas au dedans d’eux-mêmes pour y scruter l’état de leur âme; ils jetaient les yeux sur une adultère, et ne portaient point leurs regards sur leur propre conscience. Prévaricateurs de la loi, ils prétendaient la faire accomplir, même en se servant de la fourberie; et, de fait, c’était de leur part de la fourberie, car en condamnant la femme adultère, ils faisaient semblant d’obéir à un sentiment de pudeur, et ils n’étaient eux-mêmes que des libertins. Juifs, vous avez entendu; vous aussi, Pharisiens; docteurs de la loi, vous avez entendu le gardien de la loi, mais vous n’avez pas encore compris votre Législateur. A-t-il voulu vous faire entendre autre chose, en écrivant avec son doigt sur la terre? La loi a été effectivement écrite par le doigt de Dieu; mais elle a été écrite sur la pierre à cause de la dureté du peuple d’Israël (2). Mais, pour le moment, le Seigneur écrivait sur la terre, parce qu’il cherchait à recueillir du fruit. Il vous a dit : Que la loi soit accomplie; qu’on lapide la femme adultère; mais, pour accomplir la loi des hommes qui méritent d’être eux-mêmes punis, ont-ils le droit de punir cette malheureuse ?

1. Luc, XIX, 10, — 2. Exod. XXXI, 18. Que chacun d’entre vous se considère lui-même, qu’il rentre au dedans de lui; qu’il s’assoie sur le tribunal de sa conscience; qu’il comparaisse en présence de ce juge intérieur; qu’il s’oblige à faire l’aveu de ses propres torts; car il sait qui il est, et personne, parmi les hommes, ne sait ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui (1). On se trouve dans l’état de péché dès qu’on se considère soi-même: tous en sont là, et il n’y a pas le moindre doute à élever à ce sujet. Par conséquent, de deux choses l’une: ou renvoyez cette femme, ou subissez la peine que la loi édicte aussi contre vous. Si le Sauveur disait: Ne lapidez pas cette adultère, il serait par là même convaincu d’injustice. S’il disait : Lapidez-la, il mentirait à sa douceur habituelle; qu’il dise donc ce qu’il doit dire pour rester doux et juste : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre ». Voilà bien la sentence de la vraie justice. Une pécheresse doit être punie, mais pas de la main de gens qui ont la conscience souillée; la loi doit être accomplie, mais non par ceux qui la foulent eux-mêmes aux pieds. Oui, c’était la justice même qui s’exprimait par la bouche de Jésus; aussi, frappés par ces paroles comme par un trait énorme, ils se regardèrent mutuellement, et se reconnaissant coupables, « ils se retirèrent tous l’un après l’autre », et il ne resta que la misérable pécheresse en face de la bonté miséricordieuse. Après avoir ainsi blessé ses ennemis du dard de la justice, le Seigneur ne daigna pas même faire attention à leur chute, mais, détournant d’eux ses regards, et « se baissant de nouveau, il écrivait sur la terre ». 6. Les Juifs s’étaient donc tous éloignés et l’avaient laissé seul avec la femme adultère: Jésus leva alors les yeux vers elle. Nous l’avons entendu tout à l’heure parler le langage de la justice; nous allons maintenant l’entendre parler celui de la bonté. A mon avis, la coupable avait ressenti une terreur moins vive à entendre ses accusateurs qu’à écouter ces paroles du Sauveur : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ». Dès que ceux-ci eurent reporté sur eux-mêmes leur attention, ils se reconnurent fautifs et en donnèrent la preuve en s’éloignant: ils laissèrent donc cette femme, souillée d’un 1. Cor. II, 11.

grand crime, en présence de celui qui était sans péché. Elle lui avait entendu dire: « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ». Aussi s’attendait-elle à une punition de la part de celui en qui l’on n’avait jamais découvert aucun péché. Pour lui, après avoir écarté ses ennemis par le langage de la justice, il leva vers elle des regards pleins de douceur et lui adressa cette question: « Personne ne t’a condamnée ? — Personne, Seigneur », répondit-elle. — Et il ajouta: « Je ne te condamnerai pas non plus ». Parce que tu n’as pas trouvé de péché en moi, tu as craint sans doute de me voir prononcer ta condamnation : eh bien, « je ne te condamnerai pas non plus ». Eh quoi, Seigneur, approuveriez-vous le péché ? Non certes, il ne l’approuve pas; car, écoute ce qui suit: « Va, et ne pèche plus à l’avenir ». Le Sauveur a donc prononcé une condamnation; mais ce qu’il a condamné, c’est le péché, et non le pécheur. S’il avait donné son approbation au crime, il aurait dit : Je ne te condamnerai pas non plus; va, conduis-toi comme tu voudras, et sois sûre de mon indulgence; tant que tu pèches, je te préserverai de toute punition, même du feu et des supplices de l’enfer. Mais le Sauveur ne s’est pas exprimé ainsi. 7. Ceux qui aiment le Seigneur doivent se souvenir de sa mansuétude, sans oublier de craindre son immuable vérité; car « le Seigneur est plein de douceur et d’équité (1) ». Tu aimes en lui la bonté; redoute aussi sa droiture. La douceur lui a fait dire: « Je me suis tu »; mais sa justice lui a fait ajouter: « Toutefois, garderai-je toujours le silence (2)? Le Seigneur est miséricordieux et compatissant ». Evidemment, oui. Ajoute qu’il est « patient » : ne crains pas de dire qu’il est « prodigue de miséricorde », mais que cette dernière parole du Psalmiste t’inspire une crainte profonde : « Il est plein de vérité (3)». Aujourd’hui, il supporte ceux qui l’offensent; plus tard, il jugera ceux qui l’auront méprisé. « Est-ce que tu méprises les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longue tolérance? Ignores-tu que la bonté de Dieu t’invite à la pénitence ? » Et pourtant, par ta dureté et l’impénitence de ton coeur, tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation 1. Ps. XXIV, 8. — 2. Is. XLII, 14 selon les Sept. — 3. Ps. LXXXV, 15.

du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres (1) ». Le Seigneur est rempli de douceur, de longanimité et de miséricorde; mais aussi il est plein de justice et de vérité. Il t’accorde le temps de te corriger; pour toi, tu préfères ce répit à ton amendement. Hier, tu as été méchant? Sois bon aujourd’hui. Tu as consacré au mal la journée présente ? Puisses-tu, du moins, te convertir demain. Tu attends sans cesse sans cesse tu te promets des merveilles de la bonté divine, comme si celui qui a promis le pardon à ton repentir s’était engagé à prolonger encore ton existence. Sais-tu ce que te réserve la journée de demain? Tu parles avec justesse, en disant dans le fond de ton coeur: Quand je me corrigerai, Dieu me pardonnera tous mes péchés. Nous ne pouvons, en effet, le nier : il a promis le pardon aux pécheurs corrigés et convertis; mais le Prophète, dont les paroles te servent à me prouver que Dieu nous a promis son pardon pour le cas où nous viendrions à nous convertir, ce Prophète ne t’annonce, nulle part, qu’il doive t’accorder une longue vie. 8. La présomption et le désespoir, voilà deux sentiments bien opposés l’un à l’autre, deux mouvements de l’âme tout contraires; ils mettent, néanmoins, également en danger le salut des hommes. Qui est-ce qui devient la victime d’une folle confiance? Celui qui dit : Dieu est bon et miséricordieux; libre à moi de faire ce qu’il me plaît, d’agir à ma guise : je lâche donc la bride à mes passions; je veux satisfaire tous les désirs de mon âme. Pourquoi cela ? Parce que Dieu est riche en miséricorde, en bonté, en douceur. On peut donc périr, même en espérant. De même en est-il du désespoir : en effet, lorsqu’un homme est tombé en de grandes fautes, et qu’il se désespère, il s’imagine que, malgré son repentir, il ne pourra jamais en obtenir le pardon; il se regarde comme fatalement réservé à la damnation; il raisonne à la manière des gladiateurs destinés à périr dans l’arène, et il se dit à lui-même s Me voilà dès maintenant damné ! Pourquoi ne pas faire ce que je désire? Les hommes livrés au désespoir sont redoutables, car ils ne craignent plus rien, et leur société est singulièrement dangereuse. Le désespoir tue donc les uns, comme la présomption tue les autres : 1. Rom. II, 4-6.

l’esprit flotte incertain entre ces deux sentiments si divers. Oui, il est à craindre pour toi de trouver dans cette présomption un germe de mort, et de tomber entre les mains du souverain Juge, au moment même où tu attendras encore beaucoup de la miséricorde divine : tu dois concevoir des craintes non moins vives à l’égard du désespoir; car, en t’imaginant qu’il est impossible d’obtenir le pardon des grandes fautes que tu as commises, tu pourrais bien ne pas faire pénitence et te condamner à avoir pour juge la Sagesse qui a dit: «Moi, je me rirai de votre ruine (1)». Que fait le Seigneur à l’égard de ceux qui sont atteints de l’une ou de l’autre de ces dangereuses maladies? A ceux dont la présomption compromet l’avenir, il adresse ces paroles : « Ne tarde pas à te convertir au Seigneur, et ne diffère pas de jour en jour; car sa colère viendra soudain, et, au jour 1. Prov. I, 26. de la vengeance, il te perdra (1)».Il dit aussi aux malheureux que ronge le désespoir « Quel que soit le jour où l’impie se convertisse, j’oublierai toutes ses iniquités (1) ». Aux hommes désespérés, il montre le port du pardon; pour ceux dont une aveugle confiance met le salut en péril, et qui se laissent tromper par d’interminables délais, il a rendu incertaine l’heure de la mort. Quand viendra ton dernier jour, lu n’en sais rien; et tu es un ingrat, puisqu’ayant, pour te convertir, le jour présent, tu n’en profites pas. Aussi, quand le Sauveur dit à la femme adultère: Et « moi, je ne te condamnerai pas non plus », il donna à ses paroles cette signification Sois tranquille sur le passé, mais prends garde à l’avenir. « Moi, je ne te condamnerai pas non plus ». J’ai effacé tes fautes, observe mes recommandations, et tu entreras en possession de ce que je t’ai promis. 1. Eccli. V, 8, 9. — 2. Ezéch. XVIII, 21, 22, 23.