LE MYSTÈRE DU TEMPS. COMMENTAIRE DE QOHÉLETH 3,1-15

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LE MYSTÈRE DU TEMPS. COMMENTAIRE DE QOHÉLETH 3,1-15

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Voilà peut-être la réflexion biblique la plus développée sur le mystère du temps. Les premiers mots du livre de Qohélet donnent le ton : Tout est vanité ! (Qo 1,2). La vie de l’être humain se déploie sans qu’il puisse peser sur son devenir. Que lui reste-t-il ? Dans la vie, bonheur et malheur se côtoient, à part égale. Pour ne pas subir, l’homme doit agir, mais Qohélet prévient : Quel profit y a-t-il pour l’homme de tout le travail qu’il fait sous le soleil ? (Qo 1,3). Aucun, puisque Dieu a fixé un temps pour tout. Une des conséquences logiques serait de profiter de la vie comme elle vient en prenant soin d’éviter chagrin et souffrance. Ce pessimisme est compensé par l’affirmation répétée que Dieu est la providence du monde et des hommes. Le bien-être de l’être humain est un don de Dieu. Pour aujourd’hui. Le poème de Qohélet 3 se déroule dans cette perspective : réflexion sur la dualité du temps (v.2-8), puis application au travail de l’homme (v.9-15)

Le temps de l’être humain Les v. 2 à 8 déclinent la constatation de départ : Il y a un temps pour tout et un moment pour chaque chose sous le ciel. Qohélet développe 28 termes descriptifs des actes de la vie humaine. A première vue, il s’agit d’oppositions : l’un des termes exprime une action positive : enfanter, planter, guérir… ; l’autre une action négative : mourir, arracher le plant, tuer… Quelle est la logique de ces balancements ? Parfois, le premier des termes décrit une action positive, embrasser, chercher, enfanter, planter, parfois, une action négative, tuer, saper, pleurer… Ainsi, plutôt que d’opposition, il vaudrait mieux parler d’alternance. Il y a comme une fatalité du temps vécue dans une alternance. L’énumération prend en compte de multiples dimensions de la vie humaine. Toutes ? Une interprétation symbolique de ces 28 actions répondrait positivement (cf. encadré). A-t-on là l’expression d’une totalité : la vie et la mort, et tout ce qui existe entre ces deux pôles extrêmes ? On pourrait le penser s’il n’y avait des manques importants : par exemple, pas question de « jeûner » ou de « se marier ». Ainsi, il y a une totalité sans qu’il y ait totalité. C’est l’alternance qui compte, le fait de basculer d’une chose dans l’autre, plus que l’opposition. Cette alternance qui défile donne l’impression de l’inutilité de l’effort humain : pourquoi amasser des pierres si c’est pour les jeter ensuite ? Pourquoi planter si c’est pour arracher ? C’est comme si on n’avait rien fait. La mort pèse de tout son poids sur la vie, alors à quoi bon se remuer ? Contre ce pessimisme, remarquons que la litanie est encadrée par deux mots ouverts sur la vie et l’avenir : « enfanter » et « paix  » ! L’alternance des actions humaines n’aurait-elle pas simplement pour objectif de montrer l’importance du moment présent, de l’aujourd’hui ? Et le temps de l’homme ne serait-il pas autre chose que le balancement d’une action à l’autre ?

Le don de Dieu Au v. 9, nouvelle étape. Une question interrompt la litanie : Quel profit a l’artisan du travail qu’il fait ? Ou, pour le dire autrement : que reste-t-il de tout ce qui précède ? On a là presque une reprise du début du Livre (Qo 1,3). Mais intervient un nouveau personnage : Dieu. A travers le « faire » de Dieu, on va retrouver le « faire » de l’être humain. Une recherche s’élabore dont la conclusion est au v. 14 : Je sais tout ce que fait Dieu, cela durera toujours. Ainsi face à l’alternance, face à ce qui va et vient, il y a le « toujours » de Dieu, un temps différent dans lequel rien ne se perd. Le temps de Dieu donne sens au temps de l’homme. Que reste-t-il du travail humain ? Réponse : pour Dieu, tout. Une réponse qui ne peut être qu’en Dieu, même si l’homme l’a oubliée. Qohélet rapporte ce qu’il voit (v. 10-11). Il fait état de son expérience personnelle. Il voit un don de Dieu aux hommes : l’activité. C’est le don de vivre, d’appréhender la durée pour maîtriser le moment présent, mais apparemment, cela non plus ne sert à rien puisque l’homme est incapable de comprendre le sens de la vie. Qohélet ne rapporte pas seulement ce qu’il voit, il rapporte aussi ce qu’il sait (v. 12-15). Il met l’accent maintenant sur la confiance. Le savoir de Qohélet concerne le bonheur de l’homme et l’œuvre de Dieu. Avec une conviction forte : manger, boire, se réjouir, travailler, ce sont des dons de Dieu. Dieu veut donc le bonheur de l’homme. La joie dans la vie de tous les jours, n’est-ce pas un chemin pour trouver Dieu ? N’est-il pas vain de spéculer sur l’avenir ? Devant ce don de Dieu, la réaction juste de l’homme, c’est de craindre devant sa face. Finalement, chercher à comprendre le sens de sa vie, n’est-ce pas c’est se mettre à chercher Dieu ?

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