LA NATURE EN REVOLTE Par Rav Chaoul David Botschko
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LA NATURE EN REVOLTE
Par Rav Chaoul David Botschko
Dans le récit de la Création, et plus précisément dans le passage qui traite de l’apparition de la végétation, nous trouvons un verset qui offre une difficulté particulière, à laquelle se sont attachés bien des commentateurs.
D-ieu ordonna à la terre de : « produire des arbres fruitiers portant des fruits »
Telle est la traduction habituelle de cette expression si particulière: Ets péri ‘ossé péri. Cependant, une traduction plus fidèle à l’hébreu nous donne des arbres-fruits, et non fruitiers. Le Midrach, rapporté par Rashi, relève cette particularité du texte, et indique que l’intention divine était que l’arbre lui-même soit comestible, et que son goût soit semblable à celui des fruits qu’il porte. C’est ce que nous laisse entendre l’expression arbres-fruits. Or nous voyons que la terre ne produit pas l’arbre-fruit attendu, puisque la suite du verset nous dit : « La terre produisit … des arbres portant des fruits » La terre semble ainsi désobéir à D-ieu et refuser que le tronc soit comestible à l’instar des fruits. Rachi, suivant ce même midrach, ajoute que, lorsque D-ieu punira l’homme en raison de sa faute (la consommation du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal), Il punira dans le même temps la terre pour sa propre faute, celle de n’avoir pas produit un arbre-fruit . En effet, la terre sera maudite (certes en raison de la faute de l’homme, mais également, suivant ce midrach, pour sa propre faute), et produira des ronces et des orties. Que signifie donc ce midrach ?
PROJET DIVIN Ce que nous enseigne le midrach, c’est la distinction entre le projet divin à long terme et la réalité immédiate. L’ordre de D-ieu, c’est le projet divin, ce que la terre produit est la réalité immédiate. Le tronc n’a pas de goût, n’est pas comestible, mais c’est à travers lui que monte la sève vivifiante. Son aspect est brun, couleur austère, mais c’est lui qui rend possible la magnificence de l’arbre avec la majesté de son feuillage, ses fleurs chatoyantes et surtout ses fruits délicieux. Le monde, à la fin des six jours de la Création, n’est pas encore accompli, achevé : c’est à l’homme de le parfaire. En effet, la Création ne devient une réalité propre, indépendante, que si elle se distingue du Créateur. La création implique donc le retrait de D-ieu et ce retrait rend possible la désobéissance envers D-ieu ou, en d’autres termes, le mal. La désobéissance des arbres exprime ce danger intrinsèque à la création, implicitement contenue en elle. Et l’homme, créature de D-ieu par excellence (cf. Note 3), grâce au libre-arbitre dont il a été doté, a la faculté d’accentuer, (et dans un premier temps accentue effectivement), cet éloignement de D-ieu. Ainsi la faute de l’homme, expression de son libre-arbitre, a pour conséquence le fait que la terre, au lieu de produire des fruits, sécrète des ronces. Mais l’homme a aussi la possibilité et le devoir de rapprocher la création de D-ieu, de tendre vers la réalisation du projet divin consistant en la création d’un arbre-fruit, c’est-à-dire d’un arbre dont le tronc révèle, de manière apparente et non voilée, l’excellence du feuillage et du fruit ; un arbre dont le support est à l’image du fruit, ou, en d’autres termes, un monde dans lequel le bien n’est plus à rechercher sous l’écorce du mal, mais où le mal lui-même est transformé en bien. Ce pari sera réalisé aux temps messianiques.
L’HISTOIRE En observant l’histoire, on peut trouver notre monde repoussant: que de crimes et d’abjections! Au point que l’on peut parfois s’interroger: est-ce vraiment D-ieu qui l’a créé ? Mais ce risque est justement inhérent au pari de la création. Nous savons que, malgré les apparences, « l’univers est empli de la Gloire de D-ieu » Aussi, lorsqu’on prend un peu de hauteur, on ne voit que la forêt verte; de même, en entrant dans les profondeurs, on trouve la sève; en somme, l’histoire se dirige vers la réalisation du projet initial. L’homme ne peut en effet se couper de l’Esprit Saint qui a été insufflé en lui, et c’est lui qui est porteur du rétablissement du monde. Ainsi la nature, qui dès Berechit est en état de révolte, reviendra à D-ieu. grâce à la conscience et à l’intervention de l’homme. « Qu’est l’homme pour que Tu te souviennes de lui, le fils d’Adam pour que tu le considères ? Et pourtant, en le plaçant presque au niveau des anges, Tu as tout placé en son pouvoir. »
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