PREMIERE LECTURE – LIVRE DE LA SAGESSE, 7, 7-11

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PREMIERE LECTURE – LIVRE DE LA SAGESSE,  7, 7-11

7 J’ai prié, et le discernement m’a été donné. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. 8 Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; 9 je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. 10 Plus que la santé et la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. 11 Tous les biens me sont venus avec elle, et, par ses mains, une richesse incalculable.

Toute une partie de ce texte que nous venons d’entendre pourrait être signée par un philosophe grec non croyant. « J’ai préféré la Sagesse aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle (toujours la Sagesse) j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas mise en comparaison avec les pierres précieuses ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. » Bien sûr, il n’y a pas besoin d’avoir la foi pour dire des choses pareilles. L’humanité n’a pas attendu la Bible et la religion du Dieu d’Israël pour découvrir que les richesses de l’intelligence et surtout du coeur valent mieux que tout l’or et les bijoux du monde. Mais l’intérêt de ce texte est ailleurs. Ce n’est pas une leçon de savoir-vivre qui nous est donnée ici, même si il n’est pas interdit de nous la répéter. Car il y a tout un message à lire entre les lignes : je m’explique : le livre de la Sagesse met en scène le roi Salomon et c’est lui qui est censé nous parler ici. Pour comprendre ce que Salomon va nous dire, il faut se rappeler un épisode très célèbre de sa vie (1 R 3) : nous sommes au tout début de son règne ; après d’effroyables intrigues de cour et autres règlements de comptes, Salomon est enfin installé sur le trône, tous ses ennemis politiques éliminés. Bientôt il construira le Temple de Jérusalem, mais pour l’instant, c’est à Gabaon à douze kilomètres au Nord de Jérusalem qu’il organise la première grande cérémonie de son règne. Salomon a prévu de faire offrir en sacrifice à Gabaon mille animaux, ce qui prendra évidemment un certain temps ; et il faut croire qu’il a dormi sur place, puisque c’est pendant la nuit qu’il a fait un rêve qui est resté célèbre : Dieu lui apparaissait et lui disait « demande-moi tout ce que tu voudras ». Salomon avait répondu : « Je suis un tout jeune homme, je ne sais pas agir en chef… Je suis au milieu du peuple que tu as choisi, un peuple nombreux, si nombreux qu’on ne peut pas le compter… Donne-moi, je t’en prie, un coeur plein de jugement pour discerner entre le bien et le mal. Car, qui pourrait gouverner ton peuple qui est si grand ? » Le récit biblique continue : « Cette demande plut au Seigneur. Dieu lui dit : Puisque tu as demandé cela et que tu n’as pas demandé pour toi une longue vie, que tu n’as pas demandé pour toi la richesse, que tu n’as pas demandé la mort de tes ennemis, mais que tu as demandé le discernement pour gouverner avec droiture, voici, j’agis selon tes paroles : je te donne un coeur sage et perspicace, de telle sorte qu’il n’y a eu personne comme toi avant toi et qu’après toi, il n’y aura personne comme toi. Et même ce que tu n’as pas demandé, je te le donne : et la richesse et la gloire, de telle sorte que durant toute ta vie, il n’y aura personne comme toi parmi les rois. » (1 R 3, 4-13 ; 2 Ch 1, 7-13) Si le livre de la Sagesse, donc (dans notre lecture d’aujourd’hui), neuf cents ans plus tard, rappelle cette histoire, ce n’est pas pour donner un cours d’histoire sur Salomon, c’est qu’il a quelque chose de très important à dire à ses contemporains ; il y consacre plusieurs chapitres ; quand il cite Salomon disant « J’ai supplié, et l’esprit de la sagesse est venu en moi », il y a certainement là une pointe contre les grands de ce monde : tous les politiques de tous les temps ont toujours un peu tendance à croire qu’ils ont la sagesse innée… et même qu’ils en ont le monopole ! Ce texte vient leur dire : dites-vous bien que même chez les rois, la sagesse n’est pas congénitale… Il faut la demander humblement dans la prière. Même le grand roi Salomon, réputé pour sa sagesse, savait bien qu’il la tenait de Dieu et il avait eu cette humilité de la demander. On peut aller plus loin : plus qu’une pointe contre l’orgueil des politiques, il y a une véritable révélation ; ici, une fois de plus, on voit à quel point la Bible à la fois ressemble aux littératures voisines et en même temps s’en démarque absolument : et c’est dans cet écart que réside la Révélation ; dans les autres peuples, et en Egypte en particulier, selon une croyance bien établie, le roi était un être d’exception, doté par sa naissance d’une sagesse divine. (Evidemment, tous les rituels de cour faisaient tout pour étayer cette croyance !) La Bible, au contraire, met en scène ici un roi fort célèbre, dont personne ne conteste la grandeur, les succès, la richesse et qui, de lui-même, reconnaît qu’il n’est qu’un homme tout simplement ; dans le chapitre suivant de ce même livre de la Sagesse, Salomon s’explique : « J’étais certes, un enfant bien né… mais pourtant, je savais que je n’obtiendrais pas la sagesse autrement que par un don de Dieu » (Sg 8, 21). Et ce même roi Salomon précise : « Je suis moi aussi un homme mortel, égal à tous, descendant du premier qui fut modelé de la terre. Dans le ventre d’une mère j’ai été sculpté en chair… Moi aussi, dès ma naissance, j’ai aspiré l’air qui nous est commun, et je suis tombé sur la terre où l’on souffre pareillement : comme pour tous, mon premier cri fut des pleurs. J’ai été élevé dans les langes, au milieu des soucis. Aucun roi n’a débuté autrement dans l’existence. Pour tous, il n’y a qu’une façon d’entrer dans la vie comme d’en sortir. » (7, 1-6). Et il continue « C’est pourquoi j’ai prié et l’intelligence m’a été donnée… » et la suite constitue notre texte d’aujourd’hui. Donc première leçon de ce texte, les rois sont de simples mortels, ils ne diffèrent en rien des autres hommes. Dieu seul est Dieu, le roi n’est ni dieu, ni demi-dieu. Et deuxième leçon : toute Sagesse vient de Dieu, elle est un don de Dieu. Personne, sur la terre, ne peut prétendre posséder la sagesse par lui-même. Le livre de la Sagesse va encore plus loin, et c’est déjà contenu implicitement dans ce que nous avons lu aujourd’hui : dans les versets qui suivent, il affirme que ce trésor de la Sagesse, accessible aux rois qui ne sont que des hommes comme les autres, peut tout aussi bien être donné à tous les simples mortels ; il suffit de le demander dans la prière. Comme dit encore la fin de ce même chapitre : « Au long des âges, elle passe dans les âmes saintes pour former des amis de Dieu et des prophètes. » (Sg 7, 27). Ce qui revient à dire que l’humanité tout entière a vocation à partager la sagesse de Salomon. ———————————— Complément A propos de la sagesse du roi Salomon : si tant de propos et même de livres sur la véritable sagesse lui sont attribués, c’est parce qu’il est un exemple de ce que l’homme peut être de meilleur ou de pire selon qu’il se laisse ou non guider par la sagesse de Dieu. Car sa vie peut se découper en trois étapes : après une première période peu glorieuse avant son accession au trône (sur lequel il n’est monté que grâce à des intrigues et à des meurtres de ses frères aînés), il a effectivement fait preuve dans une deuxième période d’une grande sagesse. Mais, l’âge venant, et ce fut la troisième phase, il se laissa dominer par le goût de la grandeur et du pouvoir et l’influence païenne de ses femmes.

 

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