Archive pour septembre, 2015

PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE – L’ÉVANGÉLISATION

9 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2015/documents/papa-francesco_20150902_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE – L’ÉVANGÉLISATION

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 2 septembre 2015

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre dernier bout de chemin de catéchèses sur la famille, ouvrons les yeux sur la façon dont celle-ci vit la responsabilité de communiquer la foi, de transmettre la foi, aussi bien en son sein qu’à l’extérieur.
Dans un premier temps, certaines expressions évangéliques peuvent nous venir à l’esprit, qui semblent opposer les liens de la famille et le fait de suivre Jésus. Par exemple, ces paroles fortes que nous connaissons tous et avons entendues : « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. Qui ne prend pas sa croix et ne suit pas derrière moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37-38).
Naturellement, Jésus n’entend pas par là effacer le quatrième commandement, qui est le premier grand commandement envers les personnes. Les trois premiers sont en rapport à Dieu, et ce verset est en rapport aux personnes. Et nous ne pouvons pas non plus penser que le Seigneur, après avoir accompli son miracle pour les époux de Cana, après avoir consacré le lien conjugal entre l’homme et la femme, après avoir restitué fils et filles à la vie familiale, nous demande d’être insensibles à ces liens ! L’explication n’est pas là. Au contraire, quand Jésus affirme la primauté de la foi en Dieu, il ne trouve pas de comparaison plus significative que les sentiments familiaux. Et d’autre part, ces mêmes liens familiaux, au sein de l’expérience de la foi et de l’amour de Dieu, sont transformés, sont « investis » d’un sens plus grand et deviennent capables de se dépasser, pour créer une paternité et une maternité plus amples, et pour accueillir comme des frères et sœurs ceux qui se trouvent aux confins de tout lien également. Un jour, à celui qui lui dit qu’il y avaient dehors sa mère et ses frères qui le cherchaient, Jésus répondit, indiquant à ses disciples : « Voici ma mère et mes frères ! Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère » (Mc 3, 34-35).
La sagesse des sentiments qui ne s’achètent ni ne se vendent est le meilleur don du génie familial. C’est précisément en famille que nous apprenons à grandir dans cette atmosphère de sagesse des liens. Leur «grammaire» s’apprend là, autrement il est bien difficile de l’apprendre. Et c’est précisément le langage à travers lequel Dieu se fait comprendre de tous.
L’invitation à mettre les liens familiaux dans le domaine de l’obéissance de la foi et de l’alliance avec le Seigneur ne les gêne pas ; au contraire, elle les protège, les libère de l’égoïsme, les met à l’abri de la dégradation, les sauve pour la vie qui ne meurt pas. La diffusion d’un style familial dans les relations humaines est une bénédiction pour les peuples : elle ramène l’espérance sur la terre. Quand les sentiments familiaux se laissent convertir au témoignage de l’Évangile, ils deviennent capables de choses impensables, qui font toucher du doigt les œuvres de Dieu, ces œuvres que Dieu accomplit dans l’histoire, comme celles que Jésus a accomplies pour les hommes, les femmes, les enfants qu’il a rencontrés. Un seul sourire miraculeusement arraché au désespoir d’un enfant abandonné, qui recommence à vivre, nous explique mieux que mille traités théologiques l’action de Dieu dans le monde. Un seul homme et une seule femme, capables de risquer et de se sacrifier pour le fils de quelqu’un d’autre et pas seulement pour le leur, nous expliquent des choses de l’amour que beaucoup de scientifiques ne comprennent plus. Et là où il y a ces sentiments familiaux, naissent ces gestes du cœur qui sont plus éloquents que les mots. Le geste de l’amour… Cela fait réfléchir.
La famille qui répond à l’appel de Jésus remet l’administration du monde à l’alliance de l’homme et de la femme avec Dieu. Pensez au développement de ce témoignage, aujourd’hui. Imaginons que le gouvernail de l’histoire (de la société, de l’économie, de la politique) soit remis — enfin ! — à l’alliance de l’homme et de la femme, afin qu’ils le gouvernent avec le regard tourné vers la génération suivante. Les thèmes de la terre et de la maison, de l’économie et du travail, joueraient une musique bien différente !
Si nous redonnons un rôle — à partir de l’Église — à la famille qui écoute la Parole de Dieu et la met en pratique, nous deviendrons comme le bon vin des noces de Cana, nous fermenterons comme le levain de Dieu !En effet, l’alliance de la famille avec Dieu est appelée aujourd’hui à contrecarrer la désertification communautaire de la ville moderne. Mais nos villes ont été désertées par manque d’amour, par manque de sourire. Il y a tant de divertissements, tant de choses pour perdre du temps, pour faire rire, mais il manque l’amour. Le sourire d’une famille est capable de vaincre cette désertification de nos villes. Et cela est la victoire de l’amour de la famille. Aucune ingénierie économique et politique n’est en mesure de substituer cet apport des familles. Le projet de Babel érige des gratte-ciel sans vie. L’Esprit de Dieu, en revanche, fait fleurir les déserts (cf. Is 32, 15). Nous devons sortir des tours et des salles blindées des élites, pour fréquenter à nouveau les maisons et les espaces ouverts des multitudes, ouvertes à l’amour de la famille.
La communion des charismes — ceux qui sont donnés au sacrement du mariage et ceux qui sont accordés à la consécration pour le Royaume de Dieu — est destinée à transformer l’Église en un lieu pleinement familial pour la rencontre avec Dieu. Avançons sur ce chemin, ne perdons pas l’espérance. Là où il y a une famille ayant de l’amour, cette famille est capable de réchauffer le cœur de toute une ville avec son témoignage d’amour.
Priez pour moi, prions les uns pour les autres, afin que nous devenions capables de reconnaître et de soutenir les visites de Dieu. L’Esprit apportera une joyeuse pagaille dans les familles chrétiennes, et la ville de l’homme sortira de la dépression !
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les personnes venues du Sénégal, accompagnées de Mgr Paul Mamba, Évêque de Ziguinchor, et les pèlerins de l’archidiocèse de Libreville.
Chères familles, que le Saint Esprit vous donne de rayonner toujours l’Évangile autour de vous. La société a besoin de votre témoignage de foi et de votre générosité.
Que Dieu vous garde et vous bénisse !

Grotte dans laquelle Sant’Antonio Abbé vécut en Egypte

8 septembre, 2015

Grotte dans laquelle Sant'Antonio Abbé vécut en Egypte dans images sacrée Grotta-in-cui-visse-SantAntonio-Abate-in-Egitto

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JEAN-PAUL II -(AUSSI À TRAVERS LA COMMUNION DES GENS L’HOMME DEVIENT IMAGE DE DIEU, TITRE DU TEXTE EN ITALIEN)

8 septembre, 2015

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JEAN-PAUL II -(AUSSI À TRAVERS LA COMMUNION DES GENS L’HOMME DEVIENT IMAGE DE DIEU, TITRE DU TEXTE EN ITALIEN)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 14 novembre 1979

1. Au fil du récit, nous avons constaté, dans le livre de la Genèse, que la création « définitive » de l’homme consiste en la création de l’unité de deux êtres. Leur unité dénote surtout l’identité de la nature humaine ; la dualité, par contre, manifeste ce qui, sur la base de cette identité, constitue homme et femme l’homme créé. Cette dimension ontologique de l’unité et de la dualité a, en même temps un sens axiologique. Il résulte clairement de Genèse 2, 23 et de tout le contexte que l’homme a été créé comme une valeur particulière devant Dieu (« Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon » – Gn 1, 31), mais aussi comme une valeur particulière pour l’homme lui-même : d’abord parce qu’il est « homme » ; et ensuite parce que la femme est pour l’homme et l’homme pour la femme. Tandis que le chapitre 1 de la Genèse exprime cette valeur sous une forme purement théologique (et indirecte ment métaphysique), le chapitre 2 révèle pour ainsi dire le premier cercle de l’expérience vécue par l’homme comme valeur. Cette expérience est déjà inscrite dans le sens de la solitude originelle, et ensuite dans tout le récit de la création de l’être humain comme homme et femme. Le texte concis de Genèse 2, 23, qui contient les paroles du premier homme en voyant la femme créée à partir de lui, peut être considéré comme le prototype biblique du Cantique des cantiques. Et s’il est possible de lire des impressions et des émotions à travers des paroles si lointaines, on pourrait aussi risquer de dire que la profondeur et la force de cette première et « originelle » émotion de l’homme de sexe masculin devant l’humanité de la femme, et en même temps devant la féminité de cet autre être humain, apparaît comme quelque chose d’unique, sans équivalent.
2. C’est ainsi que la signification de l’unité originelle de l’homme, à travers son sexe masculin ou féminin, exprime la rupture de sa solitude et en même temps l’affirmation — devant l’un et l’autre être humain — de tout ce qui est constitutif de l’ « homme » dans la solitude. Dans le récit biblique, la solitude achemine à cette unité que, avec Vatican II, nous pouvons définir comme une « communion de personnes » [1]. Comme nous l’avons déjà constaté précédemment l’homme, dans sa solitude originelle, acquiert une conscience personnelle dans le processus selon lequel il se « distingue » de tous les êtres vivants ( « animalia ») et en même temps, dans cette solitude, il s’ouvre à un être semblable à lui que la Genèse (2, 18 et 20) définit comme « une aide qui lui est accordée ». Pour l’homme-personne, cette ouverture est tout autant décisive, et peut-être même plus, que cette « distinction ». Dans le récit yahviste, la solitude de l’homme se présente non seulement comme la première découverte de la transcendance caractéristique qui est propre à la personne mais aussi comme la découverte d’une juste relation « à la » personne, et donc comme une ouverture comme l’attente d’une « communion des personnes ».
Ici, on pourrait utiliser aussi le mot « communauté » s’il n’était pas générique et s’il n’avait pas tant de significations. « Communion » dit plus et d’une façon plus précise. Ce mot désigne en effet l’ « aide » qui, en un certain sens, découle du fait même d’exister comme personne « à côté » d’une autre personne. Dans le récit biblique, ce fait devient par lui-même existence de la personne « pour » la personne, étant donné que dans sa solitude originelle l’homme était déjà d’une certaine manière dans cette relation. Cela est confirmé, dans un sens négatif, précisément par sa solitude. En outre, la communion des personnes ne pouvait se réaliser que sur la base d’une « double solitude » de l’homme et de la femme, ou bien comme une rencontre dans leur « distinction » d’avec le monde des êtres vivants (« animalia »), qui donnait à l’un et à l’autre la possibilité d’être et d’exister dans une réciprocité particulière. La notion d’ « aide » exprime aussi cette réciprocité dans l’existence, qu’aucun autre être vivant n’aurait pu assurer. Pour cette réciprocité était indispensable tout ce qui fondait constitutivement la solitude de chacun d’eux, et donc également l’ « autoconnaissance » et l’autodétermination, ou bien la subjectivité et la conscience de ce que signifie son propre corps.
3. Le récit de la création de l’homme, au chapitre I, affirme dès le début et directement que l’homme a été créé à l’image de Dieu en tant qu’homme et femme. Le récit du chapitre II, lui, ne parle pas de l’ « image de Dieu », mais il révèle, selon le mode qui lui est propre, que la création complète et définitive de l’ « homme » (qui passe d’abord par l’expérience de la solitude originelle) s’exprime en donnant vie à cette « communion de personnes » que constituent l’homme et la femme. Le récit yahviste s’accorde ainsi avec le contenu du premier récit. Et si nous voulons trouver aussi dans le récit yahviste la notion d’ « image de Dieu », nous pouvons alors déduire que l’homme est devenu « image et ressemblance » de Dieu non seulement à travers sa propre humanité mais aussi à travers la communion de personnes que l’homme et la femme constituent dès le début. Le rôle de l’image est de refléter celui qui en est le modèle, de reproduire le prototype. L’homme devient image de Dieu au moment de la communion plus qu’au moment de la solitude. « Dès le début », en effet, il est non seulement une image dans laquelle se reflète la solitude d’une Personne qui gouverne le monde, mais aussi, et essentiellement, l’image d’une mystérieuse communion divine de personnes.
C’est ainsi que le deuxième récit pourrait aussi préparer à comprendre la notion trinitaire d’ « image de Dieu », même si celle-ci n’apparaît que dans le premier récit. Cela n’est manifestement pas sans signification également pour la théologie du corps. Peut-être est-ce même l’aspect théologique le plus profond de tout ce que l’on peut dire sur l’homme. Dans le mystère de la création — sur la base de la « solitude » originelle et constitutive de son être — l’homme a été doté d’une profonde unité entre ce qui en lui, humainement et par le corps, est masculin, et ce qui, tout aussi humainement et par le corps, est féminin. Sur tout cela, dès le début, est descendue la bénédiction de la fécondité, unie à la procréation humaine (cf. Gn 1, 28).
4. Nous sommes donc, pour ainsi dire, au cœur même de cette réalité anthropologique qu’est le « corps ». Genèse 2, 23 en parle directement et pour la première fois avec l’expression : « l’os de mes os et la chair de ma chair ». L’homme de sexe masculin prononce ces paroles comme si c’était seulement en voyant la femme qu’il pouvait identifier et appeler par son nom ce qui les rend semblables l’un à l’autre d’une façon visible, et en même temps ce en quoi se manifeste l’humanité. À la lumière de la précédente analyse de tous les « corps » avec lesquels l’homme est entré en contact et qu’il a définis d’une façon conceptuelle en leur donnant un nom (« animalia »), l’expression « chair de ma chair » prend précisément ce sens : le corps révèle l’homme. Cette formule concise contient déjà tout ce que pourra jamais dire la science humaine sur la structure du corps en tant qu’organisme, sur sa vitalité, sur sa physiologie sexuelle particulière, etc. Dans cette première expression de l’homme de sexe masculin, a chair de ma chair » il y a aussi une référence à ce par quoi ce corps est authentiquement humain, et donc à ce qui détermine l’homme en tant que personne, c’est-à-dire en tant qu’être « semblable » à Dieu, également dans toute sa « corporéité » [2].
5. Nous nous trouvons donc pour ainsi dire au cœur même de cette réalité anthropologique qui s’appelle le « corps », le corps humain. Cependant, comme il est facile de le remarquer, ce « cœur » est non seulement anthropologique mais aussi, essentiellement, théologique. La théologie du corps, qui dès le début est liée à la création de l’homme à l’image de Dieu, devient d’une certaine manière également théologie du sexe, ou plutôt théologie de la masculinité et de la féminité, laquelle a son point de départ ici dans le livre de la Genèse. Le sens originel de l’unité, dont témoigne le texte de Genèse 2, 24 trouvera de vastes perspectives dans la révélation de Dieu. Cette unité réalisée par le corps (« ils deviennent une seule chair ») a une dimension multiforme : une dimension morale, comme cela est confirmé par la réponse du Christ aux Pharisiens dans Matthieu 19 (Mc 10), et aussi une dimension sacramentelle strictement théologique comme on le voit dans les paroles de saint Paul aux Ephésiens [3], qui se réfèrent aussi à la tradition des prophètes (Osée, Isaïe, Ezéchiel). Et il en est ainsi parce que cette unité qui se réalise à travers le corps renvoie, dès le début, non seulement au « corps », mais aussi à la communion « incarnée » des personnes — « communio personarum » — et requiert cette communion dès le début. La masculinité et la féminité expriment le double aspect de la constitution somatique de l’homme (« voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair »). En outre, elles indiquent, par ces mêmes paroles de Genèse 2, 23, la nouvelle conscience du sens de son propre corps ; sens qui, peut-on dire consiste en un enrichissement réciproque. Cette conscience, à travers laquelle l’humanité se constitue de nouveau en communion de personnes, semble constituer un niveau qui, dans le récit de la création de l’homme (et dans la révélation du corps qu’il renferme), est plus profond que sa structure somatique masculine et féminine. En tout cas cette structure est présentée dès le début avec une profonde conscience de la « corporéité » et de la sexualité humaine, et cela établit une règle inaliénable pour la compréhension de l’homme sur le plan théologique.

UNE SOLITUDE À COMBATTRE ET UNE SOLITUDE À CULTIVER

8 septembre, 2015

https://oratoiredulouvre.fr/predications/une-solitude-a-combattre-et-une-solitude-a-cultiver.php

UNE SOLITUDE À COMBATTRE ET UNE SOLITUDE À CULTIVER

(Marc 1:9-13, Luc 5:15-16, Matthieu 12:14-15, Marc 6:30-34,

Jean 16:32-33, Matthieu 26:36-40, Matthieu 6:1-9)

Culte du dimanche 15 avril 2012 à l’Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Il existe tant de mauvaise, de méchante solitude, tant de personnes seules, isolées, malgré nos 7 milliards de voisins de palier.
Il y a bien trop de mauvaise solitude mais en même temps, nous n’avons pas assez de cette bonne solitude choisie qui nous permettrait d’être plus en forme et d’avoir de meilleures relations avec les autres, avec notre propre existence et avec Dieu.
Jésus nous apporte un éclairage intéressant sur la juste solitude, dans quelques paroles mais surtout dans sa manière d’être.
1) Contre la mauvaise solitude
L’homme est un animal social, ou politique. La solitude ne nous est pas si naturelle que ça, elle nous met plutôt mal à l’aise. Et quand une personne est seule, c’est donc souvent bien malgré elle.
Parfois, c’est un accident de la vie qui est la cause de son isolement.
Parfois c’est une certaine maladresse dans les relations, comme une trop grande timidité, par exemple.
Parfois c’est la méchanceté de quelques personnes qui isole une personne en dehors du groupe, et c’est la faiblesse des autres qui ont peur de se montrer solidaire. C’est ce qui est arrivé à Jésus à la fin de sa vie, mais cela arrive aussi tous les jours un peu partout, dans tous les groupes humains.
C’est parfois en partie notre propre faute si nous sommes rejetés et isolé…
L’Évangile est plein de ces situations de personnes qui se retrouvent en marge, pour diverses raisons.
Jésus fait preuve d’une vraie solidarité, sans s’arrêter pour savoir si la personne a une part de responsabilité dans le pétrin dans lequel elle se trouve. Pour Jésus ce n’est pas un critère. Il combat de toute façon la solitude avec une incroyable liberté, avec une liberté choquante et au péril de sa propre mission. Rien ne l’oblige de fréquenter Zachée ou Matthieu qui sont visiblement des requins mal vus de la population après avoir bien profité de leurs fonctions pour tondre les pauvres gens. Rien ne l’oblige de guérir un aveugle ou un paralytique mendiant sur le bord d’un chemin. Jésus aurait pu, il aurait dû se dire en lui-même : ma mission est d’annoncer le Royaume de Dieu, je vais annoncer à cet homme que même s’il est malade il est aimé par Dieu, que sa vie est digne d’être vécue de toute façon et qu’il est gardé précieusement dans le sein du Père pour l’éternité, Amen.
Mais en agissant ainsi, Jésus serait resté en dehors de la bulle de solitude de l’homme malade ou de l’homme légitimement méprisé par tous. Nous le savons bien, même une rage de dents peut faire que nous sommes dans une souffrance qui nous isole de tout, même d’un sens possible à notre vie ! Combien plus quand nous sommes en soucis sur sa situation, ou pire : quand nous avons le sentiment d’être indigne… ou diverses autres difficultés qui peuvent nous isoler, nous prendre à la gorge, nous enserrer comme ce cercle d’accusateurs qui entourent cette femme pécheresse que Jésus délivre (Jean 8).
Même si nous ne résolvons pas tout, un simple geste peut rejoindre vraiment l’autre et, comme qui dirait, percer la bulle qui l’isole du monde. Parfois cette bulle éclate, parfois c’est comme si un trou était fait permettant à une personne ensevelie dans des décombres de prendre enfin une goulée d’air frais et d’entendre une voix.
Jésus perce cette bulle de solitude qui isole la personne, quelle qu’elle soit.
Cette attitude nous appelle à un peu de compassion et de solidarité. Mais c’est aussi un des grands bénéfices de la foi que de sentir l’aide de Dieu, un peu comme le dit Jésus quand il sent que même ses proches l’abandonnent : « vous me laisserez seul, mais je ne suis jamais seul, car le Père est avec moi. » Bien des personnes sentent la présence de ce « quelque chose » qui nous connaît, qui nous reconnaît et qui nous aime. Cela vient percer notre bulle de solitude. Et alors, en lisant les pages des évangiles, nous pouvons saisir que les témoins disent vrai en disant que Christ est ressuscité, qu’il est « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28 :20), qu’il est l’Emmanuel « Dieu avec nous », (Matthieu 1 :23) car en lisant ces récits, en lisant ces témoignages nous pouvons sentir que nous aussi sommes cet isolé que Christ rejoint, qu’il guérit et qu’il envoie en Paix poursuivre sa route dans la liberté. C’est un des rôles de l’église que d’être les uns pour les autres des signes visibles et sensibles de ce Dieu qui nous rejoint. Chacun de nous est, ou peut vraiment être, un sacrement pour quelqu’un d’autre, c’est à mon avis le plus véritable des signes visibles de la grâce de Dieu quand une personne se tient près d’une autre.
Et Jésus lui-même se sent seul quand il est rejeté et menacé, il s’appuie sur la prière, mais il cherche aussi l’appui de quelques amis proches, de Pierre, de Jacques et de Jean, pour veiller avec lui. Et quand ils flanchent, Jésus en est affecté et il le dit avec amertume et tristesse. Même s’il n’est, comme il dit, « jamais seul, car le Père est avec lui ». Il a besoin ne serait-ce que de cette présence humaine qui veille sur lui, c’est comme signe visible de la grâce invisible de Dieu, signe que son existence a du prix au moins pour une personne. En général, ce n’est donc pas le 13e des travaux d’Hercule que d’être ce signe qui perce la bulle de mauvaise solitude de quelqu’un.
L’Évangile nous montre que Jésus a besoin d’amitié dans les moments clefs de son cheminement, mais aussi dans le quotidien de son ministère de Christ. Il a besoin de l’amitié de Lazare et de ses sœurs, il est vraiment reconnaissant du geste d’une femme anonyme qui gaspille follement un litre de Chanel N°5 sur ses pieds. Il a besoin de prendre du temps avec ceux qu’il aime…
Même Jésus a besoin de ne pas se sentir tout seul, chacun de nous en a plus besoin encore que d’un toit sur sa tête.Jésus nous invite à avoir des gestes qui percent les bulles de mauvaise solitude, mais qui respectent la bonne solitude. C’est là toute la difficulté.

2) Reconnaître la bonne solitude
Car, à côté des accidents qui nous ensevelissent plus ou moins dans une mauvaise solitude, il est normal de ressentir une solitude qui est saine et qui est utile et bonne, elle. En effet. Chaque personne humaine est unique, et c’est donc à juste titre que nous nous sentons plus ou moins incompris, seul de notre espèce. Nous sommes, bien sûr, dans une certaine mesure un extra-terrestre. Même le plus proche des amis, se tenant à nos côtés et regardant le même paysage que nous, ne verra pas les choses tout à fait sous le même angle à cause de la parallaxe. Oui, nous sommes seuls dans nos chaussures et tout l’amour du monde n’y fera rien. Et heureusement parce que l’amour n’existe que s’il y a des individus distincts qui s’aiment dans leurs différences.
Mais cette solitude n’est pas évidente à vivre, il peut y avoir une tentation de repli, et une perplexité : puisque personne n’a jamais tout à fait été ce que je suis, ni visité l’existence que je vis maintenant, qui pourra me comprendre ? Qui pourra m’aider ?
Cette solitude est encore renforcée par le fait que nous sommes un être en évolution, en genèse. Cela fait que nous sommes toujours un peu, ou devrions être, dans un léger déséquilibre, connaissant des difficultés pour savoir qui nous sommes aujourd’hui et ce que nous devenons, avec la difficulté pour l’enfant de grandir, pour l’adolescent de devenir adulte, puis la difficulté d’apprendre à vieillir et à bien vieillir…
Cette solitude est encore un peu plus dramatiquement vécue car nous sentons que nous existons mais que nous glissons. Nous sentons que nous pourrions être heureux maintenant si nous n’avions pas si peur, si peur devant l’inconnu de notre avenir déjà en ce monde et de notre avenir encore plus incertain au-delà de ce monde visible.
Il est utile de se réconcilier avec ce sentiment de solitude, car il est bon. C’est le prix à payer de l’extraordinaire noblesse non seulement de l’existence humaine, mais de notre existence individuelle qui est si riche, si mobile, si vivante, et de cette idée d’une éternité possible qui nous a été donnée. Mais dire que ce sentiment de solitude est « un prix à payer » est sans doute trop négatif, c’est une façon de voir qui est pervertie par la mauvaise solitude. Car effectivement, le ressenti est presque le même entre ces deux solitudes, entre la mauvaise solitude où nous subissons l’exclusion et la menace ; et la bonne solitude qui consiste à sentir la merveille unique, vivante, et spirituelle que nous sommes.
Si nous n’arrivons pas à apprivoiser ce sentiment de bonne solitude, nous risquons de chercher à nous rassurer n’importe comment, en tentant de nous fondre dans la masse ou au contraire de dépasser les autres, ou bien de nous rassurer avec des grigris divers et variés (chaque âge, chaque caractère, chaque milieu a les siens).
Tout l’Évangile nous invite, bien entendu, à nous aider les autres à accepter cette bonne solitude, à la vivre comme des membres tous différents qui sont unis dans un même corps. Servir l’autre c’est d’abord l’aider à se réconcilier avec cette bonne solitude, c’est être un signe visible que l’autre, dans sa singularité, a du prix à nos yeux et donc un sens qui le dépasse. C’est accepter d’avoir besoin de lui, de son génie propre et de son point de vue différent. C’est accepter qu’il puisse évoluer librement. C’est lui demeurer fidèle malgré cela, l’aider un peu à être en forme, dans sa forme à lui.
La tentation, pour parer à cette solitude, c’est parfois de chercher à la réduire en se regroupant en un club de gens qui se serrent les uns les autres pour se tenir chaud, et qui se bâtissent un donjon de valeurs et de dogmes, de pratiques et de solidarités humaines qui donnent un certain sentiment de sécurité, un sentiment d’appartenance bien visible. Ça aide effectivement certaines personnes, au moins un certain temps. Mais le Christ nous mène plus loin, le Christ nous libère en nous donnant le courage de vivre et d’évoluer, car notre sécurité est ailleurs. Pour cela :

3) Se retirer dans sa chambre avec le Père
Jésus pratique lui-même une certaine solitude volontaire, en particulier dans chacune des grandes étapes de son ministère de Christ, et il exerce ses disciples à cet exercice, et il nous dit « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret… ». Il ne nous dit pas : de temps en temps pense à prendre 5 minutes pour réfléchir face à ta glace pour te connaître toi-même. Mais Jésus nous invite à prendre des temps de solitude devant Dieu, même très courts, mais que cela structure notre existence comme le rythme de nos repas.
Pourquoi ? Parce que quand nous sommes avec les autres nous essayons de nous sécuriser faussement et parfois cruellement. Dans la solitude physique, nous sommes moins dans le paraître, surtout devant ce Dieu qui voit même ce que nous tenons secret à nous-mêmes et qui nous aime profondément après nous avoir ainsi vu. Cet instant remet les choses en perspective.
Quelques instants pour s’isoler dans la réflexion, en plaçant son être tout simplement devant Dieu, ou au moins se placer devant cette promesse du Christ que toute personne est digne de vivre et d’être aimée, d’être bénie, secourue et aidée (Matthieu 5 :44-45), digne de s’exprimer à sa façon en portant ses propres fruits à son propre rythme (Psaume 1 :3).
C’est utile de s’isoler et de prier avant d’aider quelqu’un, avant de travailler, avant de sortir dans le monde, avant même de créer une œuvre d’art. Car il n’est pas bon de mettre la charrue avant les bœufs, ni de planter un arbre les branches en terre et les racines vers le ciel… Nos fruits seront nos fruits et de bons fruits s’ils sont l’expression de notre propre personnalité vivante, une expression de notre bonne solitude et de notre fragilité un petit peu assumées.
Si je fais quelque chose pour me sentir vivant et non parce que je suis vivant, ce que je fais alors n’est pas une œuvre d’art mais c’est une projection de mon égoïsme. Ou si je fais l’aumône pour redorer mon ego, c’est comme si j’utilisais le pauvre comme un bout de Sopalin avec lequel je fais briller mes chaussures avant de partir dans le monde. C’est triste.
Mais, comme le dit Jésus, en priant Dieu dans la solitude, non seulement nous sommes au bénéfice de l’aide de Dieu qui nous permet de nous lever un petit peu sur nos jambes et de voir plus clair, mais en plus nous avons des chances de découvrir que ce Dieu qui nous enfante ainsi est non seulement mon Père mais « notre Père » (et notre Mère, d’ailleurs). En fait nous sommes seuls, mais dans un autre sens nous sommes dans le même corps.
Jésus nous dit que c’est plutôt une bonne hygiène de se retirer un peu dans la solitude pour prier notre Père dans le secret. Et Jésus le fait. Il avait pourtant un sacré travail à faire, et un travail sacré. Là encore, il a du courage, celui de mettre en suspens l’impératif de solidarité qui s’impose à lui (guérir les gens) ainsi que l’urgence de son travail pour accomplir sa vocation (prêcher)… Mais Jésus sait se laisser aussi déranger dans cette utile solitude pour reprendre son travail pour les autres et avec les autres un peu plus tôt qu’il ne le pensait.
Jésus est pragmatique, et cela est extraordinairement libérant, je trouve. Il y a des temps où il accomplit sa mission, il a de juste temps de solitude pour laisser Dieu le nourrir et le ressusciter, il a des temps de retraits pour les amis et le repos, des temps de fêtes et de banquets. Mais Jésus ne maîtrise pas tout, lui non plus. Et quand ça va mal, quand l’ennemi est trop fort, les méchants trop méchants, les enthousiastes trop enthousiastes (ils veulent le faire roi), quand ce n’est pas le bon moment… il s’adapte.
4) Il y a parfois le temps du : courage, fuyons !

Nous ne sommes pas à l’usine. Avec Jésus et comme lui, faisons selon nos propres forces, comme nous le sentons, comptant sur l’aide fidèle de Dieu.

Amen

Nativité de Marie

7 septembre, 2015

Nativité de Marie dans images sacrée 1-2ffa512

http://hicatholicmom.blogspot.it/2012_09_02_archive.html

LE MONACHISME CHRÉTIEN EN OCCIDENT

7 septembre, 2015

http://www.clio.fr/bibliotheque/le_monachisme_chretien_en_occident.asp

LE MONACHISME CHRÉTIEN EN OCCIDENT

IVAN GOBRY

Professeur honoraire de l’université de Reims Ancien membre du Conseil scientifique de l’université de la Citoyenneté européenne (Conseil de l’Europe) Ancien professeur à l’Institut Catholique de Paris

Le monachisme d’Occident est issu du monachisme d’Orient. Il est d’ailleurs presque aussi ancien que lui, puisque nous en trouvons des éléments dès le début du IIIe siècle. Cependant, il est, dans ses laborieuses origines, beaucoup moins vigoureux et plus clairsemé. Il lui faudra trois siècles pour s’étendre dans la moitié de l’empire où le latin est la langue véhiculaire… Son extension, sa diversité et son devenir nous sont expliqués par Ivan Gobry, dont l’ouvrage Les Moines en Occident fait autorité.
De la Gaule à l’Italie
Le monachisme occidental vit le jour en Gaule, mais dans une Gaule où le parler du clergé était encore le grec, puisque ses premiers évêques venaient d’Orient : à Lyon. Le premier monastère attesté en Occident est en effet celui de l’île Barbe (Insula Barbara) sur la Saône, au nord de la ville. En 202, quand éclata la persécution de Septime Sévère, qui provoqua le martyre de l’évêque Irénée et de neuf mille de ses fidèles, deux chrétiens, Étienne et Pérégrin, se réfugièrent sur cette île où ils vécurent en ermites ; rejoints bientôt par plusieurs compagnons, ils formèrent une communauté qui se donna pour supérieur un nommé Dorothée – nom qu’avait porté un célèbre père des déserts d’Égypte. Vers 240, cette communauté était assez connue pour qu’un riche propriétaire, Longin, lui fît bâtir un monastère en dur et une chapelle sous le vocable de Saint-André, culte populaire en Grèce. Les moines d’Occident devançaient les fondations de Byzance et de l’Égypte.
Il fallut attendre une vingtaine d’années pour voir élever, vers 260, le monastère d’Issoire, initiative de saint Austremoine, premier évêque d’Auvergne. Dès le début du IVe siècle, cette région nous apparaît parsemée d’implantations monastiques.
Ce fut alors seulement que le monachisme pénétra à Rome, un siècle après Lyon. En 307, sainte Aglaé, richissime propriétaire convertie au christianisme après des années de luxe et de débauche, édifia sur la via Latina un oratoire sur le corps du martyr Boniface, son amant qui l’avait imitée dans la conversion, et, à côté, un monastère où elle se retira et vécut dans la pénitence avec un certain nombre de ses servantes. Quelques années plus tard, en 313, Constantin promulguait le fameux édit de Milan, qui accordait la liberté de culte aux chrétiens, et les femmes de sa famille se dévouèrent à la cause monastique. Sainte Hélène, mère de l’empereur, fit construire à Trèves, l’une des capitales de l’Occident, une bâtisse pour abriter la communauté réunie par l’abbé Jean. Vers 342, à Rome même, Constantina, fille de Constantin, éleva près du mausolée qu’elle s’était préparé (et qu’on appela plus tard Sainte-Constance) une basilique et un monastère féminin dédiés à sainte Agnès.
Huit ans plus tard, Eusèbe, évêque de Verceil, devançant l’initiative de saint Augustin à Hippone, établissait près de sa cathédrale, à son retour d’Orient, une communauté de clercs. Il fut imité en 397 par Gaudence, évêque de Novare, qui avait appartenu à ce groupe informel, dans lequel il faut voir plutôt les premiers chanoines réguliers.
Le rôle déterminant de saint Anthanase
Ce fut surtout sous l’influence de ce patriarche d’Alexandrie que se propagea le monachisme en Occident. En 335, Constantin l’ayant exilé de son siège, il se réfugia à Trèves, où il vécut pendant deux ans, psalmodiant l’office divin avec quelques moines qu’il avait amenés avec lui. À cet exemple, un certain nombre de petits groupes érémitiques se constituèrent sur les bords de la Moselle ; le plus important fut celui qu’établit à Cardo saint Castor, et qui devint une importante communauté, régie par une règle qui ne fut sans doute pas rédigée.
Ce fut probablement à cette communauté, ou à une autre moins importante, qu’appartint saint Martin quand, en 341, il demanda son congé de l’armée pour se consacrer à Dieu ; jusqu’au jour où, accompagnant à Poitiers Maximin, évêque de Trèves, il y trouva un groupe d’ascètes dirigé par saint Hilaire, futur évêque de la ville, et s’y incorpora. Puis, après un voyage en Italie durant lequel il constitua deux ermitages, il retourna à Poitiers ; il fonda alors près de Ligugé un monastère de laïcs, puis, devenu archevêque de Tours, un monastère de clercs à Marmoutier (371). En 339, Athanase, de nouveau exilé, s’arrêta à Rome ; sous son influence, sainte Marcelle, une riche veuve, transforma son palais en monastère – exemple suivi en 380 par sainte Paule.
En 370, Évagre d’Antioche, ami de saint Jérôme, traduisit en latin la fameuse Vie de saint Antoine, première de toutes les hagiographies, rédigée par saint Athanase, et fit connaître ainsi en Occident la vie des monastères d’Égypte. Elle fut lue à Rome par un clerc irlandais, saint Kiaran, qui, en 402, retourna dans sa patrie, où il fonda à Saghir le premier monastère de l’île. Quand, trente ans plus tard, le Breton saint Patrick débarqua en Irlande, il trouva le vieil abbé entouré de ses fils, et l’ordonna évêque.
Le monachisme continua à s’implanter anarchiquement dans les Gaules : en 390 avec saint Théodule à Agaune, aujourd’hui Saint-Maurice en Valais ; en 394 avec saint Paulin à Nole, dans la région de Naples ; en 405 avec saint Honorat dans l’île de Lérins en Provence ; en 410 avec saint Budoc dans l’île des Lauriers au nord de l’Armorique ; en 422 avec saint Germain à Auxerre. Il est certain qu’un mouvement plus ample, mais constitué, lui aussi, de monastères isolés, se produisit en Italie ; à notre déconvenue, contrairement à ce qui eut lieu pour la Gaule, il ne trouva pas d’historiens, et nous ne le connaissons que par un ensemble d’allusions et de déductions. Heureusement, saint Grégoire le Grand, après avoir mentionné, dans ses Dialogues, quelques monastères du centre de l’Italie à la fin du Ve siècle, nous a laissé l’histoire de saint Benoît de Nursie.
Saint Benoît, l’artisan le plus important de l’expansion du monachisme
Il se retira en solitaire à Subiaco vers l’an 500 ; trois ans plus tard, il se trouvait à la tête d’une petite communauté. Pendant ce temps, saint Fintan fondait Cluan-Ednech en Irlande, saint Pol de Léon se faisait ermite en Armorique, saint Mars bâtissait Royat, saint Césaire établissait une communauté de clercs à Arles, saint Hilaire de Galliata élevait son monastère non loin de Ravenne ; et dans toute l’Italie florissaient des maisons religieuses semblables à celle de Subiaco. En 535, six ans après avoir transporté sa communauté grandissante dans les nouveaux locaux du Mont-Cassin, Benoît rédigea la règle qui en ordonnait la vie. Elle passa inaperçue. On connaissait d’ailleurs de nombreuses règles à l’est de la Gaule et dans le nord de l’Italie : celles des Quatre Pères, de Saint-Macaire, Règle orientale, écrites successivement à Lérins ; les Institutions de Cassien à Marseille ; les règles de Saint-Césaire à Arles, de Saint-Eugippe à Lucullanum près de Naples ; celle du Maître en un lieu ignoré d’Italie centrale. Dans les trente années qui suivirent la rédaction de la règle du Mont-Cassin parurent celles de Saint-Aurélien à Arles, de Tarnat et de Saint-Ferréol dans la vallée du Rhône… sans compter l’abondance des règles des abbayes de l’Irlande. Cependant, aucune ne subsista. Deux siècles après avoir timidement régi quelques monastères italiens, la règle de saint Benoît s’imposa à l’Occident entier.
Il y avait eu pourtant, dans l’intervalle, la règle de saint Colomban. Ce fameux moine irlandais, débarqué en 590 sur la côte d’Armorique, entre Saint-Malo et Cancale, avec douze compagnons, avait élevé dans la forêt vosgienne un triple monastère, Luxeuil-Anegray-Fontaines. Puis, chassé par Brunehaut, il avait pérégriné à travers les Alpes, pour aboutir finalement à Bobbio, au sud de Milan, où il bâtit une nouvelle abbaye et mourut bientôt (615). Lui et ses premiers disciples avaient établi dix monastères. Mais, après la mort de Colomban, plus de quatre-vingt-dix autres adoptèrent sa règle. On pouvait s’attendre à une plus grande extension ; or, cette règle était à la fois terrible et imprécise sur bien des points. Petit à petit, la règle de saint Benoît, bien plus équilibrée et humaine, lentement découverte, se substitua à elle. D’ailleurs, dès 628, on constate que, dans la plupart des monastères issus de Luxeuil, s’est constituée une règle mixte, qui associe des articles de la règle bénédictine à ceux de la règle colombanienne. Ainsi les plus célèbres : les congrégations de Saint-Wandrille, de Jumièges (fondée par saint Philibert), de Saint-Amand. Pendant ce temps, le moine Augustin, prieur de l’abbaye bénédictine Saint-André de Rome, envoyé par le pape saint Grégoire le Grand pour convertir les Anglo-Saxons, fondait le premier monastère bénédictin d’Angleterre et devenait archevêque de Cantorbéry (597). En un siècle, plus de cent autres s’y ajoutèrent. En 610, le concile de Rome, convoqué par Boniface IV, confirma la règle de saint Benoît pour tous les monastères d’Angleterre. En 745, le concile national des Francs, présidé par saint Boniface, archevêque de Mayence, décréta la soumission de tous les monastères du royaume à cette même règle.
L’épanouissement du monachisme occidental se poursuivit sous la protection de Pépin le Bref, de Charlemagne et de Louis le Pieux. Mais il fut bientôt victime de deux fléaux qui produisirent sa décadence. Le premier fut l’accaparement des abbayes par des laïcs, qui disposèrent du sort et des biens des religieux. L’autre fut l’invasion des Normands païens, puis des Sarrasins musulmans, qui ruinèrent la majorité des monastères et massacrèrent un grand nombre de moines.

De Cluny à Cîteaux et Clairvaux
Après la débâcle, le renouveau de la vie monastique fut l’œuvre de Cluny. Au départ, en 909, cette modeste formation, œuvre de Guillaume Ier d’Aquitaine, passa presque inaperçue. Mais la soif de vie religieuse était telle que Cluny, en deux siècles, créa ou s’unit à douze cents monastères, dont neuf cents en France. La nouveauté du gouvernement consistait dans une centralisation qui plaçait toutes les maisons de l’ordre sous l’autorité de l’abbé de Cluny. C’était donc la valeur personnelle de celui-ci qui décidait du respect de la règle et de l’élan de la ferveur dans l’ensemble de l’ordre. Or, durant deux siècles, les abbés qui se succédèrent furent des hommes exceptionnels. En outre, ils eurent des abbatiats d’une longue durée, ce qui leur permit de donner continûment leur marque à cette puissante réforme. Après le premier abbé, saint Bernon (909-927), cette durée alla croissant : saint Odon dirigea pendant quinze ans, saint Aymar pendant vingt-trois ans, saint Mayeul pendant vingt-neuf ans, saint Odilon (994-1049) pendant cinquante-cinq ans, saint Hugues (1049-1109) pendant soixante ans.
Après la mort de ce géant du monachisme, Cluny commença à donner des marques de déclin. Le flambeau fut repris par Cîteaux. Cette abbaye, bourguignonne comme Cluny, fut fondée en 1098 par saint Robert, abbé de Molesmes, qui voulait, avec quelques compagnons, vivre intensément la vie bénédictine dans le labeur et le dénuement. Ses successeurs à la tête de la jeune abbaye, saint Aubry (1099-1109), saint Étienne Harding (1109-1133), Raynard (1133-1151), furent dignes de lui et procurèrent à l’ordre nouveau une extension dans toute l’Europe, tout en s’employant à le garder dans sa ferveur.
Mais l’artisan le plus admirable de cette multiplication et de cette sainteté fut saint Bernard, premier abbé de Clairvaux, qui compte parmi les plus fameux génies du christianisme. Fondateur, il établit soixante-neuf monastères, qui à leur tour en créèrent plus de cent. Homme d’Église, il fut un zélé serviteur de la papauté dans les luttes qu’elle eut à soutenir contre le pouvoir temporel ; prédicateur, il laissa plus de quatre cents sermons d’une puissante éloquence ; théologien, il a été rangé parmi les docteurs de l’Église.
Du XIe et XIIe siècles, une floraison d’instituts pleins de la même ferveur
Le plus célèbre est l’ordre des Chartreux, fondé en 1084 par saint Bruno dans le massif alpin de la Grande Chartreuse, et qui associe dans le même monastère la vie érémitique à la vie cénobitique. Mais d’autres ont trouvé une place prestigieuse dans l’histoire. En Italie, ce furent l’ordre des Camaldules, institué en 1012 par saint Romuald à Camaldoli en Toscane ; l’ordre de Vallombreuse, fondé en 1046 par saint Jean Gualbert à Vallombrosa, en Toscane encore ; celui de Flore (1194), par le fameux abbé cistercien Joachim, qui fut inquiété par les autorités ecclésiastiques à cause de ses fantaisies théologiques ; celui de Monte Vergine, dans les Pouilles (1119) par saint Guillaume de Verceil ; celui de Pulsano (1118), dans la même région, par saint Jean de Matera.
L’Ouest de la France fut fertile en fondations, à l’origine des ermitages. Le principal inspirateur de ce mouvement fut le bienheureux Vital de Mortain, qui suscita en 1093 l’ordre de Savigny. À son exemple, saint Robert d’Arbrissel établit en 1099 l’ordre de Fontevraud, avec cette particularité que l’autorité de cet ordre mixte revint à l’abbesse de Fontevraud, les prieurés masculins lui étant soumis comme les féminins. Autre disciple de Vital, Géraud de Salles parsema le Sud-Ouest de petits monastères, qui constituèrent les éphémères congrégations de Cadouin, de Grandselve et de Dalon. Saint Étienne de Muret fonda dans le Limousin en 1078 l’ordre de Grandmont, qui compta cent cinquante et une maisons ; saint Étienne d’Obazine, dans la même région, vers 1130, celui d’Obazine. Tous ces instituts avaient en commun la pratique d’une terrible ascèse et d’une très grande pauvreté.
Au XIIIe siècle, les ordres mendiants suscitèrent l’enthousiasme et attirèrent une multitude de recrues. Ce fut certes, numériquement, au détriment des ordres monastiques ; mais ceux-ci gardèrent en bonne partie leur ferveur.
Un déclin amorcé au XVIe siècle et confirmé au XVIIIe siècle
Il en alla autrement quand, au début du XVIe siècle, deux événements leur portèrent un coup irréparable. L’un, externe, fut la Réforme qui, dans la moitié de l’Europe, confisqua les monastères, chassa ou massacra les religieux ; l’autre, interne, fut, en 1516 le concordat de Bologne entre Léon X et François Ier, qui laissait au roi de France la nomination des évêques et des abbés dans son royaume, où se trouvaient le plus grand nombre de monastères. Le roi, évidemment, ne nomma pas les prélats les plus saints, mais les plus ambitieux et les plus dévoués à sa personne, et il s’en suivit une décadence des instituts monastiques.
Un renouveau apparut au XVIIe siècle grâce à la création de nouvelles congrégations ferventes : chez les Cisterciens, celle d’Allemagne ; en France, celle de la Stricte Observance, au sein de laquelle brilla l’abbé de Rancé, réformateur de la Trappe ; chez les Bénédictins, les congrégations de Saint-Vanne et de Saint-Maur, toujours en France. Cet essor fut combattu au XVIIIe siècle par les gouvernements des pays latins, gagnés à la franc-maçonnerie, et anéantis, en France et en Italie, par la Révolution française. Le beau mouvement de restauration du XIXe siècle ne put relever ces ruines qu’en faible partie.
Ce court exposé historique ne permet pas de dresser un bilan de l’œuvre monastique en Occident, qui fut fondamentale non seulement dans le domaine spirituel, mais dans les domaines économique, culturel et caritatif.

Ivan Gobry
Janvier 2001

FÊTE DE LA NATIVITÉ DE MARIE – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI, Mariazell 2007

7 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2007/documents/hf_ben-xvi_hom_20070908_mariazell.html

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI EN AUTRICHE

À L’OCCASION DU 850 ANNIVERSAIRE

DE LA FONDATION DU SANCTUAIRE DE MARIAZELL

MESSE

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Sanctuaire de Mariazell

Samedi 8 septembre 2007

Chers frères et sœurs,

Avec notre grand pèlerinage à Mariazell, nous célébrons la fête patronale de ce Sanctuaire, la fête de la Nativité de Marie. Depuis 850 ans, des personnes de divers peuples et nations se rendent ici, des personnes qui prient en apportant avec elles les désirs de leurs cœurs et de leurs pays, leurs préoccupations et leurs espérances les plus profondes. Mariazell est ainsi devenue pour l’Autriche, et bien au-delà de ses frontières, un lieu de paix et d’unité réconciliée. Nous faisons ici l’expérience de la bonté réconfortante de la Mère; ici, nous rencontrons Jésus Christ, à travers lequel Dieu est avec nous, comme l’affirme aujourd’hui le passage évangélique – Jésus, dont nous avons entendu dire dans la lecture du prophète Michée: Il sera la paix (cf. 5, 4). Aujourd’hui, nous nous inscrivons dans le grand pèlerinage séculaire. Nous faisons une halte devant la Mère du Seigneur et nous la prions: Montre-nous Jésus. Montre-nous, à nous pèlerins, Celui qui est à la fois le chemin et le but: la vérité et la vie.
Le passage évangélique, que nous venons d’écouter, ouvre encore davantage notre vision. Il nous présente l’histoire d’Israël à partir d’Abraham comme un pèlerinage qui, suivant des montées et des descentes, à travers des voies courtes et des voies longues, conduit enfin au Christ. La généalogie, avec ses figures lumineuses et obscures, avec ses succès et ses échecs, nous démontre que Dieu peut écrire droit également sur les lignes tortueuses de notre histoire. Dieu nous laisse notre liberté et, toutefois, il sait trouver dans notre échec des voies nouvelles pour son amour. Dieu n’échoue pas. Ainsi, cette généalogie est une garantie de la fidélité de Dieu; une garantie que Dieu ne nous laisse pas choir et une invitation à orienter notre vie toujours à nouveau vers Lui, à marcher toujours à nouveau vers le Christ.
Aller en pèlerinage signifie être orientés dans une certaine direction, marcher vers un objectif. Cela confère également au chemin et à ses difficultés une beauté qui leur est propre. Parmi les pèlerins de la généalogie de Jésus, certains avaient oublié l’objectif et voulaient se présenter eux-mêmes comme cet objectif. Mais le Seigneur a toujours suscité à nouveau également des personnes qui se sont laissées entraîner par la nostalgie de l’objectif, en orientant leur propre vie vers lui. L’élan vers la foi chrétienne, le début de l’Eglise de Jésus Christ a été possible, parce qu’existaient en Israël des personnes dont le cœur était en quête – des personnes qui ne se sont pas installées dans l’habitude, mais qui ont regardé au loin, à la recherche de quelque chose de plus grand: Zacharie, Elisabeth, Siméon, Anne, Marie et Joseph, les Douze et beaucoup d’autres. Leur cœur étant en attente, ils pouvaient reconnaître en Jésus Celui que Dieu avait envoyé et devenir ainsi le début de sa famille universelle. L’Eglise des nations est devenue possible car, que ce soit dans la région de la Méditerranée et dans la proche ou la moyenne Asie, là où arrivaient les Messagers de Jésus, il y avait des personnes en attente qui ne se contentaient pas de ce que tous faisaient et pensaient, mais qui cherchaient l’étoile qui pouvait leur indiquer la voie vers la Vérité même, vers le Dieu vivant.
Nous avons besoin de ce cœur inquiet et ouvert. C’est le noyau du pèlerinage. Aujourd’hui aussi, il ne suffit pas d’être et de penser en quelque sorte comme tous les autres. Le projet de notre vie va au-delà. Nous avons besoin de Dieu, de ce Dieu qui nous a montré son visage et ouvert son cœur: Jésus Christ. Jean, à juste titre, affirme qu’Il est le Fils unique de Dieu qui est dans le sein du Père (cf. Jn 1, 18); ainsi, Lui seul, du plus profond de Dieu lui-même, pouvait nous révéler Dieu – nous révéler également qui nous sommes, d’où nous venons et vers où nous allons. De nombreuses et grandes personnalités ont vécu, au cours de l’histoire, des expériences de Dieu belles et émouvantes. Elles restent cependant des expériences humaines, avec leur limites humaines. Lui seul est Dieu et donc Lui seul est le pont, qui met vraiment Dieu et l’homme en contact direct. Et donc, si nous chrétiens l’appelons l’unique Médiateur du salut valable pour tous, qui concerne chacun et dont, en définitive, tous ont besoin, cela ne signifie pas du tout un mépris des autres religions ni une absolutisation orgueilleuse de notre pensée, mais seulement que nous avons été conquis par Celui qui nous a intérieurement touchés et comblés de dons, afin que nous puissions à notre tour faire des dons également aux autres. De fait, notre foi s’oppose décidément à la résignation qui considère l’homme incapable de la vérité – comme si celle-ci était trop grande pour lui. Cette résignation face à la vérité est, selon ma conviction, le cœur de la crise de l’Occident, de l’Europe. Si, pour l’homme, il n’existe pas de vérité, celui-ci, au fond, n’est même pas capable de distinguer entre le bien et le mal. Les grandes et merveilleuses connaissances de la science deviennent alors ambiguës: elles peuvent ouvrir des perspectives importantes pour le bien, pour le salut de l’homme, mais également – et nous le voyons – devenir une menace terrible, la destruction de l’homme et du monde. Nous avons besoin de la vérité. Mais, certainement en raison de notre histoire, nous avons peur que la foi dans la vérité ne conduise à l’intolérance. Si cette peur, qui a ses bonnes raisons historiques, nous assaille, il est temps de tourner notre regard vers Jésus comme nous le voyons ici au Sanctuaire de Mariazell. Nous le voyons sous deux aspects: comme un enfant dans les bras de sa Mère et, au-dessus de l’autel principal de la Basilique, comme le crucifié. Ces deux images de la basilique nous disent: la vérité ne s’affirme pas à travers un pouvoir extérieur, mais elle est humble et ne se donne à l’homme qu’à travers le pouvoir intérieur du fait qu’elle est vraie. La vérité se démontre elle-même dans l’amour. Elle n’est jamais notre propriété, notre produit, de même que l’amour ne peut pas être produit, mais seulement se recevoir et se transmettre comme don. Nous avons besoin de cette force intérieure de la vérité. En tant que chrétiens, nous avons confiance dans cette force intérieure de la vérité. Nous en sommes les témoins. Nous devons la transmettre en don, de la même manière que nous l’avons reçue, de la même façon que celle-ci s’est donnée.
« Regarder vers le Christ » est la devise de cette journée. Cette invitation, pour l’homme en quête, se transforme toujours à nouveau en une question spontanée, une question adressée en particulier à Marie, qui nous a donné le Christ comme son Fils: « Montre-nous Jésus! ». Nous prions ainsi aujourd’hui de tout notre cœur; nous prions ainsi également en d’autres moments, intérieurement à la recherche du Visage du Rédempteur. « Montre-nous Jésus! ». Marie répond, en nous le présentant tout d’abord comme un enfant. Dieu s’est fait petit pour nous. Dieu ne vient pas avec la force extérieure, mais il vient dans l’impuissance de son amour, qui constitue sa force. Il se donne entre nos mains. Il nous demande notre amour. Il nous invite à devenir nous aussi petits, à descendre de nos trônes élevés et à apprendre à être des enfants devant Dieu. Il nous offre le « Toi ». Il nous demande d’avoir confiance en Lui et d’apprendre ainsi à vivre dans la vérité et dans l’amour. L’Enfant Jésus nous rappelle naturellement aussi tous les enfants du monde, à travers lesquels il veut venir à notre rencontre. Les enfants qui vivent dans la pauvreté; qui sont exploités comme soldats; qui n’ont jamais pu faire l’expérience de l’amour de leurs parents; les enfants malades et qui souffrent, mais aussi ceux qui sont joyeux et sains. L’Europe est devenue pauvre en enfants: nous voulons tout pour nous-mêmes, et peut-être n’avons-nous pas tellement confiance en l’avenir. Mais la terre ne sera privée d’avenir que lorsque s’éteindront les forces du cœur humain et de la raison illuminée par le cœur – quand le visage de Dieu ne resplendira plus sur la terre. Là où se trouve Dieu, là se trouve l’avenir.
« Regarder vers le Christ »: jetons encore brièvement un regard sur le Crucifié au-dessus de l’autel majeur. Dieu a racheté le monde non par l’épée, mais par la Croix. Mourant, Jésus ouvre les bras. C’est tout d’abord le geste de la Passion, avec lequel Il se laisse clouer pour nous, pour nous donner sa vie. Mais les bras étendus sont en même temps l’attitude de l’orant, une position que le prêtre prend lorsque, dans la prière, il ouvre les bras: Jésus a transformé la passion – sa souffrance et sa mort – en prière, et il l’a ainsi transformée en un acte d’amour envers Dieu et envers les hommes. C’est pourquoi les bras ouverts du Crucifié sont, à la fin, également un geste d’étreinte, avec lequel Il nous attire à Lui, il veut nous embrasser entre les mains de son amour. Ainsi, Il est une image du Dieu vivant, il est Dieu lui-même, nous pouvons nous confier à Lui.
« Regarder vers le Christ! ». Si nous le faisons, nous nous rendons compte que le christianisme est quelque chose de plus et de différent qu’un système moral, qu’une série de requêtes et de lois. Il est le don d’une amitié qui perdure dans la vie et dans la mort: « Je ne vous appelle plus serviteur, mais amis » (cf. Jn 15, 15), dit le Seigneur aux siens. Nous nous confions à cette amitié. Mais précisément parce que le christianisme est plus qu’une morale, il est justement le don d’une amitié, c’est pour cela qu’il contient également en lui une grande force morale dont nous avons tant besoin face aux défis de notre temps. Si avec Jésus Christ et avec son Eglise nous relisons de manière toujours nouvelle le décalogue du Sinaï, en pénétrant dans ses profondeurs, alors il se révèle à nous comme un grand enseignement, valable et permanent. Le Décalogue est tout d’abord un « oui » à Dieu, à un Dieu qui nous aime et nous guide, qui nous conduit et qui, toutefois, nous laisse notre liberté, plus encore, en fait une liberté véritable (les trois premiers commandements). C’est un « oui » à la famille (quatrième commandement), un « oui » à la vie (cinquième commandement), un « oui » à un amour responsable (sixième commandement), un « oui » à la solidarité, à la responsabilité sociale et à la justice (septième commandement), un « oui » à la vérité (huitième commandement) et un « oui » au respect des autres personnes et de ce qui leur appartient (neuvième et dixième commandements). En vertu de la force de notre amitié avec le Dieu vivant, nous vivons ce multiple « oui » et, dans le même temps, nous le présentons comme indicateur de l’itinéraire à cette époque du monde.
« Montre-nous Jésus! ». Avec cette requête à la Mère du Seigneur, nous nous sommes mis en marche vers ce lieu. Cette même question nous accompagnera lorsque nous reprendrons notre vie quotidienne. Et nous savons que Marie exauce notre prière: oui, à chaque moment, lorsque nous tournons notre regard vers Marie, elle nous montre Jésus. Ainsi, nous pouvons trouver le juste chemin, le suivre pas à pas, remplis de la certitude joyeuse que le chemin conduit à la lumière – à la joie de l’Amour éternel. Amen.

« il fait entendre les sourds et parler les muets »

4 septembre, 2015

http://www.odigitria.it/vangelo/2009/XXIII-Domenica/XXIII-Domenica.htm

Livre d’Isaïe 35, 4-7a – COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT,

4 septembre, 2015

http://www.eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/

COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, 6 SEPTEMBRE 2015

PREMIERE LECTURE – Livre d’Isaïe 35, 4-7a

4 Dites aux gens qui s’affolent :
« Prenez courage, ne craignez pas.
Voici votre Dieu :
c’est la vengeance qui vient,
la revanche de Dieu.
Il vient lui-même
et va vous sauver. »
5 Alors s’ouvriront les yeux des aveugles
et les oreilles des sourds.
6 Alors le boiteux bondira comme un cerf
et la bouche du muet criera de joie.
L’eau jaillira dans le désert,
des torrents dans les terres arides.
7 Le pays torride se changera en lac ;
la terre de la soif, en eaux jaillissantes.

LA VENGEANCE DE DIEU : IL VA NOUS SAUVER
A l’écoute de ce texte, deux mots nous ont surpris, peut-être, ou même choqués : la vengeance de Dieu et la revanche de Dieu : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu ». Disons-le tout de suite, ils n’ont pas du tout le même sens ici que dans notre langage courant du vingt-et-unième siècle !
Pour les comprendre, il faut les replacer dans leur contexte : je vous lis la phrase en entier : « Prenez courage, ne craignez pas : Voici votre Dieu, c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver » ; ce qui veut dire que la revanche de Dieu, c’est de nous sauver. Pour bien faire, il faudrait écrire : « Voici la revanche de Dieu : (« deux points ») il vient lui-même et va vous sauver » ;
on devrait même dire « voici la revanche de Dieu : (« deux points ») il vient lui-même pour vous sauver ».
Et tout le reste du texte, ce sont des promesses : promesses de guérison, de rétablissement pour les aveugles, les sourds, les muets, les boiteux… « Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds, alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. »
Promesses, surtout, de retour au pays pour les exilés : les versets suivants que nous ne lisons pas ce dimanche viennent éclairer le contexte : « Ils reviendront, les captifs rachetés (c’est-à-dire « libérés ») par le SEIGNEUR, ils arriveront à Jérusalem dans une clameur de joie, un bonheur sans fin illuminera leur visage ; allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuiront. » Effectivement, quand Isaïe prononce ces paroles, le peuple d’Israël est en exil à Babylone, après avoir vécu les atrocités du siège de Jérusalem par les armées de Nabuchodonosor.
Cinquante années d’exil, de quoi perdre courage. Ce n’est pas par hasard qu’Isaïe leur dit « Dites aux gens qui s’affolent : Prenez courage, ne craignez pas ».
Cinquante ans pendant lesquels on a rêvé de ce retour, sans oser y croire. Et voilà que le prophète annonce le retour au pays, il dit « Dieu va vous sauver », c’est-à-dire « vous libérer ». Pour rentrer au pays, le chemin le plus direct entre Babylone et Jérusalem traverse le désert d’Arabie ; mais cette traversée du désert, Isaïe la décrit comme une marche triomphale dans un véritable Paradis :
le désert se réjouira, le pays aride exultera et criera de joie, il « jubilera » dit même le texte hébreu dans les versets qui précèdent le passage que nous lisons aujourd’hui ; ici, il insiste : « L’eau jaillira dans le désert, des torrents dans les terres arides. Le pays torride se changera en lac ; la terre de la soif, en eaux jaillissantes. » ! Il faut entendre la résonance de telles paroles dans un pays de sécheresse et de soif !
Et c’est cela la vengeance de Dieu ! Les assoiffés seront désaltérés ; mieux encore, les humiliés pourront relever la tête ! « Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. »
C’est donc un sens extrêmement positif du mot « vengeance » ; pour l’homme de la Bible, il est bien clair que Dieu ne se venge pas de nous, il ne prend pas sa revanche contre nous, mais contre le mal qui nous atteint, qui nous abîme ; sa revanche c’est de nous rendre notre dignité. C’est cela la gloire de Dieu.

A LA DECOUVERTE DU VRAI VISAGE DE DIEU
Mais il faut bien dire qu’on n’a pas toujours pensé comme cela ! Le texte d’Isaïe est assez tardif dans l’histoire biblique ; il a fallu tout un long chemin de révélation pour en arriver là. Au début de son histoire, le peuple de la Bible était comme tous les autres : il imaginait un Dieu à l’image de l’homme, un Dieu qui se venge comme les humains. Puis, au fur et à mesure de la Révélation, grâce à la prédication des prophètes, on a commencé à découvrir Dieu tel qu’il est, et non pas tel qu’on l’imaginait ; alors le mot « vengeance » est resté mais son sens a complètement changé ; nous avons déjà vu plusieurs fois dans la Bible ce phénomène de retournement complet du sens d’un mot : c’est le cas pour le sacrifice, par exemple, et aussi pour la crainte de Dieu.
Il a fallu bien des étapes et bien des siècles pour qu’on découvre le vrai visage de Dieu, un Dieu tout autre que nous et tout autre que ce que nous imaginons spontanément : « Ses pensées ne sont pas nos pensées et nos chemins ne sont pas ses chemins » (comme dit Isaïe : Is 55, 8)… un Dieu qui n’est qu’amour et miséricorde pour tous les hommes sans exception, même les méchants, un Dieu qui « ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez 18, 23). On a peu à peu découvert que l’expression « voici la revanche de Dieu : il vient lui-même et va vous sauver » signifie « Dieu vous aime plus que tout être au monde, et, quelle que soit l’humiliation physique ou morale que vous ayez subie, il vient pour vous libérer, pour vous relever.
Isaïe parlait de la libération des captifs de Babylone et de leur retour à Jérusalem ; mais l’humanité attend encore sa libération définitive de toute humiliation, de tout aveuglement, de toute surdité : ce sera l’oeuvre du Messie, les contemporains de Jésus le savaient bien. C’est pour cela que pour se présenter à la synagogue de Nazareth (Luc 4), Jésus a cité un autre passage tout à fait semblable d’Isaïe « Le SEIGNEUR m’a envoyé porter un joyeux message aux humiliés, guérir ceux qui ont le coeur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté, annoncer les bienfaits du SEIGNEUR et le jour de la vengeance de notre Dieu. » (Is 61, 1-2). Et quand les disciples de Jean lui ont demandé « Es-tu celui qui doit venir ? » Jésus a simplement répondu : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Luc 7, 22)… La bonne nouvelle, c’est que Dieu nous relève et nous sauve.

 

HOMÉLIE DU 23ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

4 septembre, 2015

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HOMÉLIE DU 23ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

06/09/2015

Les lectures du jour

Ouvre-toi
Les textes bibliques que nous venons d’écouter pourraient se résumer en deux mots : « Ouvre-toi ». Et tout d’abord ouvre-toi à l’espérance. Parfois, nous avons l’impression que le mal l’emporte toujours, que l’homme est un éternel condamné à la souffrance et que demain sera pire qu’aujourd’hui. Or voilà qu’en ce jour, nous avons la réponse d’Isaïe dans la première lecture : « Prenez courage, ne craignez pas, voici votre Dieu ; c’est la vengeance qui vient, la revanche de votre Dieu. Il va vous sauver. »
Nous ne devons pas nous tromper sur le sens de ces paroles. Nous avons tendance à penser à la vengeance contre ceux qui nous ont fait du mal et nous disons que c’est « un plat qui se mange froid ». Ici, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Le prophète ne parle pas de la vengeance contre des hommes mais contre le mal. Il annonce la victoire de l’amour de Dieu contre le mal, la haine, la violence. C’est un encouragement pour ceux et celles qui ont vécu dans la peur. La revanche de Dieu c’est de supprimer le mal, c’est de faire en sorte que les aveugles voient et que les sourds entendent. La bonne nouvelle c’est cet amour infini de Dieu pour tous les hommes. C’est à cette espérance que nous devons nous ouvrir.
La lettre de saint Jacques (2ème lecture) nous apporte un éclairage nouveau sur cette bonne nouvelle : elle nous invite à réagir contre certaines attitudes contraires à l’Évangile. Nous parlons d’égalité et de fraternité, mais nous nous laissons aveugler par tout ce qui brille. Pendant ce temps, les pauvres sont bien laissés de côté. L’apôtre nous rappelle que nous ne devons pas faire de « différence entre nous ». Ce n’est pas l’argent ni la pauvreté qui font la valeur d’un homme mais la foi. La foi c’est l’accueil de Dieu dans toute notre vie. Il n’est contre personne. Si nous voulons être en communion avec lui, il nous faut être ouverts et accueillants pour tous, même s’ils sont différents. Cette mise au point de saint Jacques s’adresse aussi à nous aujourd’hui. Il s’agit d’avoir le regard même de Dieu sur tous ceux et celles qui nous entourent.
Dans l’Évangile, nous trouvons Jésus en plein territoire païen. Il n’hésite pas à sortir des frontières d’Israël. C’est une manière de dire que la bonne nouvelle n’est pas réservée à quelques-uns mais au monde entier. Le voilà donc au milieu de tous ces gens qui n’ont pas d’oreille pour entendre la Parole de Dieu ni de bouche pour proclamer sa louange. Comme leurs idoles ils « ont une bouche et ne parlent pas… des oreilles et n’entendent pas. » (Psaume 113) Or voilà que l’Évangile nous donne une pitoyable illustration de ce monde païen : un sourd muet est amené à Jésus.
Jésus se met tout de suite au travail : imposer les mains ne suffit pas ; le mal est trop grand : il faut aller à l’écart, mettre les doigts dans les oreilles, toucher la langue, lever les yeux au ciel, soupirer et prier. Le mal est très fort. Jésus se bat contre lui ; ce n’est pas sans peine mais il finit par gagner. Les oreilles s’ouvrent, la langue se délie. A travers cet homme, Dieu donne aux païens une oreille pour entendre la Parole de Dieu et une bouche pour proclamer sa louange.
« Ouvre-toi ! » C’est aussi à chacun de nous que le Christ s’adresse en ce jour. Nous savons bien qu’il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas se laisser toucher par les appels de Dieu et de ses frères. Ces sont nos fermetures, nos blocages qui entravent une vraie communication entre nous. « Ouvre-toi » nous dit le Seigneur. Ne reste pas enfermé sur tes soucis personnels ni sur tes relations habituelles, ni sur ton milieu social. Ouvre-toi à Dieu et aux autres. Ce n’est pas pour rien que notre pape François nous recommande d’aller jusqu’aux « périphéries ».
Depuis Pentecôte 2015, notre diocèse de Rodez est en période de synode. Une grande réflexion est lancée sur le thème « Pour que les hommes aient la vie, disciples et missionnaires ». C’est un vaste chantier qui durera deux ans. Des équipes se sont mises en route. Ce dimanche de rentrée est un jour de relance. Les équipes existantes sont appelées à continuer. D’autres sont invitées à se lancer. Tout le monde est invité. Profitons de cette chance pour prendre la parole.
En ce dimanche, accueillons cet appel à nous ouvrir à notre paroisse, à notre diocèse et au monde dans lequel nous vivons. Notre rôle de chrétiens baptisés et confirmés, c’est de bâtir avec Jésus des communions ouvertes et accueillantes aux autres. Soyons plus spécialement attentifs à tous les blessés de la vie, à ceux qui n’ont jamais la parole et que personne n’écoute. Ils ont la première place dans le cœur de Dieu.

En ce jour, nous faisons nôtre cette prière :
« Ouvre mes yeux, Seigneur, aux merveilles de ton amour.
Je suis l’aveugle sur le chemin, guéris-moi, je veux te voir.

Fais que j’entende, Seigneur, tous mes frères qui crient vers moi.
A leur souffrance et à leurs appels, que mon cœur ne soit pas sourd. »

Sources : Revues Signes et Feu Nouveau – Homélies pour l’année B (Amédée Brunot) – Au service de la Parole (Bernard Prévost) – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes (JP. Bagot) – site ADAP Nouvelle Calédonie

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