Archive pour septembre, 2015

LA LUMIÈRE, SYMBOLE RELIGIEUX ENTRE IMMANENCE ET TRANSCENDANCE – GIANFRANCO RAVASI

22 septembre, 2015

http://www.cultura.va/content/cultura/fr/organico/cardinale-presidente/texts/lux.html

LA LUMIÈRE, SYMBOLE RELIGIEUX ENTRE IMMANENCE ET TRANSCENDANCE

Card. GIANFRANCO RAVASI

La lumière, archétype symbolique universel
Dans toutes les civilisations, la lumière est perçue non seulement comme un phénomène physique mais aussi comme un archétype symbolique doté d’un spectre infini de radiations métaphoriques, par dessus tout à caractère religieux. La première est de nature cosmologique : l’entrée de la lumière marque l’incipit absolu de l’être et de l’existence de tout le créé. Le commencement de la Bible, qui demeure encore le « grand code » de la culture occidentale, est en ce sens emblématique : Wayy’omer ʼelohȋm: Yehȋ ʼôr. Wayyehȋ ʼôr, « Dieu dit : “Que la lumière soit !” et la lumière fut ! » (Genèse 1,3). Un événement divin retentissant, une sorte de Big Bang transcendant génère une épiphanie lumineuse : le silence et les ténèbres du néant se déchirent pour permettre le fleurissement de la création.
Dans l’antique culture égyptienne elle-même, l’irisation de la lumière accompagne l’aube cosmique originelle. Elle est marquée par un grand nymphéa qui sort des eaux primordiales et enfante le soleil. Et cet astre deviendra le cœur même de la théologie pharaonique, en particulier à travers les divinités solaires d’Amon et Aton, lequel deviendra, avec Aménophis IV – Akhenaton (XIVème sc. av. Jésus-Christ), le centre d’une espèce de réforme monothéiste exaltée par le pharaon lui-même dans son splendide Hymne à Aton, le disque solaire.
D’une manière similaire, la théologie indienne archaïque du Rig-Veda considérait la divinité créatrice Prajapati comme un son primordial explosant en une myriade de lumières, de créatures, d’harmonies. Ce n’est pas un hasard si, dans un autre mouvement religieux provenant de la même région, son fondateur assumera le titre sacré de Bouddha, qui signifie précisément « l’illuminé ». Et pour en arriver à une époque historique plus proche de la nôtre, l’Islam lui-même choisira la lumière comme symbole théologique. Cela est d’autant plus vrai qu’une entière « sourate » du Coran, la XXIVème, a pour titre An-nûr, « la Lumière ». Un de ses versets connaîtra un énorme succès et une exégèse allégorique de grande profondeur dans la tradition « soufie » (en particulier chez le penseur mystique al-Ghazali du XI-XIIème)
Il s’agit du verset 35 qui clame ainsi : « Dieu est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une lampe posée sur une niche. La lampe est dans un cristal, semblable à un astre de grand éclat et son combustible vient d’un olivier béni… Dieu est lumière sur lumière. Dieu guide celui qu’il aime vers Sa lumière. » Nous pourrions continuer longtemps cette liste d’exemples en nous référant aux multiples expressions culturelles et religieuses de l’Orient et de l’Occident qui adoptent, comme charnière théologique, un donné qui est à la racine commune de toute expérience humaine existentielle. La vie, en effet, est une « entrée dans la lumière » (c’est ainsi que de nombreuses langues définissent la naissance) ; elle consiste à vivre à la lumière du soleil, ou à être guidé dans la nuit par la lumière de la lune et des étoiles.

La lumière comme symbole “théo-logique”
Etant données les limites de notre analyse, nous nous contenterons maintenant de deux observations essentielles dans le but d’aider à percevoir la complexité de l’élaboration symbolique qui s’est construite sur cette réalité cosmique. D’un côté, nous approfondirons la dimension « théo-logique » de la lumière qui en fait une analogie pour parler de Dieu ; d’un autre coté, nous examinerons la dialectique « lumière-ténèbres » avec sa valeur morale et spirituelle. Nous illustrerons nos propos à partir de la Bible qui a produit, pour la culture occidentale, un « lexique » conceptuel et iconographique fondamental. Elle nous offre un paradigme systématique et général tout à fait exemplaire, doué d’une cohérence interne particulièrement significative. Les Ecritures judéo-chrétiennes ont été, entre autres, une référence culturelle capitale durant des siècles entiers, ce que reconnaissait un témoin irrécusable, le philosophe Friederich Nietzsche : « Entre ce que nous ressentons à la lecture des Psaumes et ce que nous éprouvons à la lecture de Pindare et Pétrarque, disait-il, il y a la même différence qu’entre la patrie et la terre étrangère… » (“Matériel préparatoire” pour Aurore).
A la différence des autres civilisations qui, dit d’une manière simplifiée, identifient la lumière (surtout solaire) avec la divinité elle-même, la Bible introduit une distinction significative : la lumière n’est pas Dieu, mais Dieu est lumière. Elle exclut ainsi une interprétation panthéiste réaliste, et elle introduit une perspective symbolique qui conserve la transcendance tout en affirmant une présence de la divinité dans la lumière, tout en demeurant cependant « œuvre de ses mains ». C’est ainsi que doivent être comprises les affirmations parsemées dans les écrits néotestamentaires attribuées à l’évangéliste Jean. Il y est dit : ho Theòs phôs estín, « Dieu est lumière » (1 Jn 1,8). C’est ainsi du reste que Christ lui-même s’autoproclame : egô eímì to phôs tou kósmou, « Je suis la lumière du monde » (Jn 8,12). Le chef d’œuvre littéraire et théologique qu’est le prologue de l’Evangile de Jean, va dans le même sens quand il présente le Lógos, le Verbe-Christ, comme « la véritable lumière qui illumine tout homme » (1,9).
Cette dernière expression est significative. La lumière est prise comme symbole de la révélation de Dieu et de sa présence dans l’histoire. D’un côté, Dieu est transcendant, ce qui est exprimé par le fait que la lumière est externe à nous, qu’elle nous précède, nous excède et nous dépasse. Dieu, cependant, est aussi présent et actif dans la création et dans l’histoire humaine, il s’y montre immanent, et ceci est illustré dans le fait que la lumière nous enveloppe, nous distingue, nous réchauffe et nous envahit. Voici pourquoi le fidèle lui-même devient lumineux : que l’on pense à Moïse irradié de lumière après avoir dialogué avec Dieu sur le sommet du Sinaï (Ex 34, 33-35). Le juste lui-même devient source de lumière une fois qu’il s’est laissé envelopper par la lumière divine, ainsi que Jésus l’affirme dans son célèbre « discours sur la montagne » : « Vous êtes la lumière du monde… Que votre lumière brille aux yeux des hommes » (Mt 5, 14.16).
Toujours dans cette même ligne, si la tradition pythagoricienne imaginait que les âmes des justes défunts se transformaient dans les étoiles de la Voie lactée, le livre biblique de Daniel assume peut-être cette intuition mais la libère de son réalisme immanentiste en la transformant en une métaphore éthico-eschatologique : « Les sages resplendiront comme la splendeur du firmament, eux qui ont rendu la multitude juste, comme les étoiles à tout jamais » (12,3). Dans le christianisme romain des premiers siècles – après que la date du 25 décembre ait été choisie pour fêter la naissance du Christ (cette date était celle de la fête païenne du dieu Soleil qui avait lieu au solstice d’hiver, au commencement de la croissance de la lumière, après son humiliation par l’obscurité hivernale) – on commencera à définir le chrétien, sur les inscription funéraires, comme un eliópais, un « fils du Soleil ». La lumière irradiée par le Christ-Soleil était, ainsi, destinée à envelopper aussi le chrétien.
Dans la tradition chrétienne successive, au contraire, une sorte de système solaire théologique va être élaboré : le Christ est le soleil ; l’Eglise est la lune qui brille d’une lumière réfléchie ; les chrétiens sont les astres, non dotés cependant d’une lumière propre mais illuminés par la lumière céleste suprême. Qu’il s’agisse d’une vision essentiellement symbolique et destinée à exalter la révélation et la communion entre la transcendance divine et la réalité humaine historique, apparaît évident dans un passage surprenant mais cohérent du dernier des livres de la Bible, l’Apocalypse. Une description de la cité idéale d’un futur eschatologique parfait y est faite à travers l’image de la Jérusalem nouvelle et céleste, et il y est proclamé : « Il n’y aura plus de nuit, nul n’aura besoin de la lumière du flambeau ni de la lumière du soleil, car le Seigneur répandra sur eux sa lumière » (22, 5). La communion de l’humanité avec Dieu sera alors totale et les symboles disparaîtront pour laisser place à la vérité de la rencontre dans le face à face éternel.

La dialectique lumière-ténèbres
Il est intéressant de noter que, dans le texte cité, il est fait mention de la fin de la nuit, et donc du rythme circadien. Il s’agit d’un tópos caractéristique de l’eschatologie (c’est-à-dire de la fin des temps), comme on le lit dans le livre du prophète Zacharie qui, quand il décrit l’achèvement de l’histoire, la représente comme « un jour unique : il n’y aura plus de jour et de nuit, mais à l’heure du soir brillera la lumière ». Actuellement, dans le cours de l’histoire, le rythme quotidien entre lumière et obscurité demeure, et il devient lui aussi un signe de nature éthico-métaphysique. Nous entendons parler de la dialectique de la lumière et des ténèbres qui apparaît déjà dans le texte déjà cité du livre de la Genèse. L’acte divin créateur, exprimé à travers l’image de la « séparation », met de l’ordre dans le « désordre » du néant : « Dieu vit que la lumière était chose bonne/belle, et Dieu sépara la lumière de la ténèbre. Dieu appela la lumière jour, et la ténèbre il l’appela nuit. »
La définition de la lumière comme réalité tôb est significative. Tôb est un adjectif hébraïque qui est tout à la fois éthique, esthétique et pratique, et il désigne pour cela quelque chose de bon, de beau et d’utile. Par contraste, dès lors, la ténèbre apparaît comme la négation de l’être, de la vie, du bien et de la vérité. Pour cette raison, alors que le zénith paradisiaque est immergé dans la splendeur de la lumière, le nadir infernal est enveloppé d’obscurité. C’est ce que l’on peut lire dans le livre biblique de Job où les enfers sont décris comme « le pays de ténèbre et d’ombre de mort, le pays où l’aurore est nuit noire, où l’ombre de mort couvre le désordre et la clarté y est nuit noire » (10, 21-22).
Pour la même raison, l’antithèse lumière-ténèbres se transforme en un paradigme moral et spirituel. C’est ce qui apparaît dans de nombreuses cultures et atteint son sommet dans l’hymne-prologue de l’Evangile de Jean déjà cité, où la lumière du Verbe divin « brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas vaincue » (1,5). Un peu plus loin, dans ce quatrième Evangile, il est écrit : « La lumière est venue dans le monde, mais les hommes ont préféré l’obscurité à la lumière… Quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière… Quiconque fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3, 19-21). Et provenant de la communauté juive du Ier sc. av. J.C., un texte que l’on a découvert à Qumran le long des rives occidentales de la Mer morte, décrit « la guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres », suivant un modèle symbolique constant pour définir le contraste entre le bien et le mal, entre les élus et les réprouvés.
Ce dualisme se reflète aussi dans l’opposition anges et démons, ou dans les principes opposés du yang et du yin, dans les divinités qui luttent entre elles comme le Marduk créateur et la Tiamat destructrice de la cosmologie babylonienne, come Ormuzd (ou Ahura Mazda) et Ahriman du culte mazdéen chez les Perses, ou encore comme Deva et Asura de l’hindouisme. Cette même dialectique acquiert une nouvelle forme dans l’horizon mystique, si l’on songe au thème de la « nuit obscure » introduit par le grand auteur mystique et poète espagnol du XVIème, saint Jean de la Croix. Dans ce cas, le tourment, l’épreuve et l’attente de la nuit de l’esprit sont comme le sein fécond qui précède la génération de la lumière de la révélation et de la rencontre avec Dieu.
En synthèse, nous pouvons partager l’affirmation d’Ariel, dans le Faust de Goethe : Welch Getöse bringt das Licht!, « Quel vacarme apporte la lumière ! » (II, acte I, v. 4671). Celle-ci, en effet, est un signe glorieux et vital, il est une métaphore sacrée et transcendante, mais il n’est pas inoffensif parce qu’il génère des tensions avec son contraire, la ténèbre, en se transformant en un symbole de la lutte morale et existentielle. Son irradiation, donc, du cosmos perce dans l’histoire, de l’infini descend dans le fini ; et c’est pour cela que l’humanité aspire à la lumière, comme dans le cri final que l’on attribue à ce même Goethe, Mehr Licht!, « plus de lumière » : en un sens physique à cause du fait de se voiler les yeux dans l’agonie, mais aussi dans un sens existentiel et spirituel d’aspiration à une épiphanie suprême de lumière. C’est ce qu’invoque l’antique poète juif des Psaumes : « Car chez toi est la fontaine de la vie, à ta lumière nous voyons la lumière ! » (Ps 36, 10).

JUDAÏSME ET FÊTES JUIVES , YOM KIPPOUR, JOUR DU GRAND PARDON – (EN 2015 LE 23 SEPTEMBRE)

22 septembre, 2015

http://loicjerusalem.jimdo.com/juda%C3%AFsme-et-f%C3%AAtes-juives/yom-kippour/

JUDAÏSME ET FÊTES JUIVES , YOM KIPPOUR, JOUR DU GRAND PARDON – (EN 2015 LE 23 SEPTEMBRE)

Yom Kippour
(Source : un-echo-israel ; 09/07)
Loïc Le Méhauté

Dans la Bible
Les références bibliques de cette fête sont les livres du Lévitique (16. 29-34 ; 23. 27-32), et des Nombres (29. 7-11).
Ce jour est le jour annuel des expiations, d’où son nom hébreu « Yom ha-Kippourim » : « Le dixième jour de ce septième mois, ce sera le jour des expiations : vous aurez une sainte convocation (Miqra’qodesh), vous humilierez vos âmes, et vous offrirez à l’Éternel des sacrifices consumés par le feu. Vous ne ferez aucun ouvrage ce jour-là, car c’est le jour des expiations, où doit être faite pour vous l’expiation devant l’Éternel, votre Dieu [...]. Ce sera pour vous un shabbat, un jour de repos, et vous humilierez vos âmes ; dès le soir du neuvième jour jusqu’au soir suivant, vous célébrerez votre shabbat. » (Lv 23. 27-32). « C’est ici pour vous une loi perpétuelle : au septième mois, le dixième jour du mois, vous humilierez vos âmes, vous ne ferez aucun ouvrage, ni l’indigène, ni l’étranger qui séjourne au milieu de vous. Car en ce jour on fera l’expiation pour vous, afin de vous purifier : vous serez purifiés de tous vos péchés devant l’Éternel. Ce sera pour vous un shabbat, un jour de repos, et vous humilierez vos âmes. C’est une loi perpétuelle [...]. Il se fera une fois chaque année l’expiation pour les enfants d’Israël, à cause de leurs péchés. » (Lv 16. 29-34).
Dans le Temple, ce jour-là, on offrait en dehors des sacrifices perpétuels, quelques sacrifices spéciaux dont un bouc pour le sacrifice d’expiation : « Vous offrirez en holocauste, d’une agréable odeur à l’Éternel, un jeune taureau, un bélier, et sept agneaux d’un an sans défaut. Vous y joindrez l’offrande de fleur de farine pétrie à l’huile, trois dixièmes pour le taureau, deux dixièmes pour le bélier, et un dixième pour chacun de sept agneaux. Vous offriez un bouc en sacrifice d’expiation, outre le sacrifice des expiations, l’holocauste perpétuel et l’offrande, et les libations ordinaires. » (Nb 29. 11).
Dans ces trois textes sont regroupées les observances de ce jour très saint :
- Sainte convocation : Miqra’qodesh,
- Shabbat : vous ne ferez aucun ouvrage,
- Vous humilierez vos âmes : par le jeûne.
C’est le jour des expiations pour les enfants d’Israël : Yom ha-Kippourim.
Quand le Temple existait un sacrifice d’expiation était offert : un bouc expiatoire.

Dans le chapitre 16 du Lévitique nous avons la description de la présentation d’Aaron dans le Saint des Saints. Après s’être purifié et sanctifié il rentrait dans la présence de Dieu devant le propitiatoire. La première fois il y rentrait pour son expiation et celle de sa maison et la seconde fois pour l’expiation de toute l’assemblée d’Israël : « Il égorgera son taureau expiatoire. Il prendra un brasier plein de charbons ardents ôtés de dessus l’autel devant l’Éternel, et de deux poignées de parfum odoriférant en poudre ; il portera ces choses au delà du voile [...]. Il prendra le sang du taureau, et il fera l’aspersion avec son doigt sur le devant du propitiatoire vers l’orient [...]. Il égorgera le bouc expiatoire pour le peuple, et il portera le sang au delà du voile. Il fera avec ce sang comme il a fait avec le sang du taureau, il en fera l’aspersion sur le propitiatoire et devant le propitiatoire. » (Lv 19. 11-15).
A l’époque du Temple, cette rencontre de Dieu avec son représentant dans le Saint des Saints était la chose la plus sainte et la plus redoutable. Le Grand Prêtre (Cohen Gadol) devait respecter les ordonnances reçues par Moïse concernant sa sanctification et le rituel des sacrifices. Nous en avons un exemple tragique dans le récit de la mort des deux fils d’Aaron qui apportèrent devant l’Éternel du feu étranger : « Les fils d’Aaron, Nadab et Abihu, prirent chacun un brasier, y mirent du feu, et posèrent du parfum dessus ; ils apportèrent devant l’Éternel du feu étranger, ce qu’il ne leur avait point ordonné. Alors le feu sortit de devant l’Éternel, et les consuma : ils moururent devant l’Éternel. Moïse dit à Aaron : C’est ce que l’Éternel a déclaré, lorsqu’il a dit : Je serai sanctifié par ceux qui s’approchent de moi, et je serai glorifié en présence de tout le peuple. » (Lv 10. 1-2).
L’Alliance du Sinaï fut scellée dans le sang, au pied de la montagne : « Moïse, écrivit toutes les paroles de l’Éternel. Puis il se leva de bon matin ; il bâtit un autel au pied de la montagne [...]. Moïse prit la moitié du sang, qu’il mit dans des bassins, et il répandit l’autre moitié sur l’autel. Il prit le livre de l’alliance, et le lut en présence du peuple ; ils dirent : Nous ferons tout ce que l’Éternel a dit et nous obéirons. Moïse prit le sang, et il le répandit sur le peuple, en disant : Voici le sang de l’alliance que l’Éternel a faite avec vous selon toutes ces paroles. » (Ex 24. 4-8).
Ce concept biblique des sacrifices pour la rémission des péchés réside dans ce passage : « Car l’âme de la chair est dans le sang. Je vous l’ai donné sur l’autel, afin qu’il servit d’expiation pour vos âmes, car c’est par l’âme que le sang fait l’expiation » (Lv. 17. 11). C’est ce que nous dit l’épître aux Hébreux : « Et presque tout d’après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n’y a pas de pardon. » (Hé 9. 22). Le sacrifice d’un animal, sacrifice d’expiation n’était qu’une offrande de substitution au sacrifice que chacun devait faire de lui-même.
Aujourd’hui, n’ayant plus de Temple ni de sacrifices d’expiations, il est considéré que la repentance et le jeûne suffisent pour effacer le péché du peuple.

Dans la tradition
Les Sages ont considéré que depuis la disparition des sacrifices, dans le Temple de Jérusalem, l’expiation pour les péchés est obtenue par Dieu lui-même. Le Midrash (Yalkut Shimoni) illustre ce point d’une façon pittoresque : « On demanda à la sagesse : ‘qu’elle est la punition pour le pécheur ?’ Elle a répondu : ‘Le mal persécutera la pécheur.’ La même question fut posée à la Prophétie et sa réponse fut : ‘L’âme qui pêche mourra.’ On a demandé à la Torah, qui répondit : ‘S’il apporte un sacrifice d’expiation, il sera pardonné.’ Quand on a demandé à Dieu, il dit : ‘Qu’il se repente et son péché lui sera pardonné.’ »
Le rabbin Yehouda ha-Nassi, le compilateur de la Mishna, va jusqu’à dire que la puissance de Kippour est telle que le jour lui-même purifie les péchés sans autres demandes de la part de l’homme. Il est évident que d’autres Sages ne sont pas d’accord avec lui. Il est considéré que si seulement une personne se repent il est purifié de ses péchés le Jour du Kippour.
La Bible met l’accent sur la repentance et c’est un thème principal des écrits prophétiques. Le livre entier de Jonas est consacré à la repentance. La possibilité de se repentir est ouverte à chaque homme : « La justice du juste ne le sauvera pas au jour de sa transgression ; et le méchant ne tombera pas par sa méchanceté le jour où il s’en détournera [...] » (Ez 33. 12).
La vraie repentance consiste en trois points principaux : le regret de son passé ; la résolution de ne pas répéter son péché dans le futur ; et de le confesser. Les sages considèrent que la repentance est réelle si le pêcheur ne répète pas son péché quand l’occasion de pécher se représente dans les mêmes circonstances.
Les sages (Yoma 86a-b) ont divisé la repentance en trois catégories : repentance par la souffrance ; repentance par la crainte ; et repentance par amour pour Dieu. Celle-ci a plus de mérite que les autres.
Comme nous l’avons vu dans les pages précédentes la repentance commence entre l’homme et son semblable. Le soir de Kippour, chaque membre de la congrégation se demande pardon pour tous les tords commis intentionnellement ou non.
Si le Jour de Kippour est une expérience personnelle, chaque homme luttant avec sa conscience, c’est aussi une journée importante sur la sphère nationale. Dans le Temple, le Grand Prêtre se tenait devant pour le peuple et intercédait pour le péché de tous. Yom Kippour est le jour quand Moïse est descendu du mont Sinaï avec les nouvelles Tables de la Loi après avoir obtenu le pardon en faveur du peuple d’Israël qui avait péché par le Veau d’or. Les Sages nous rapportent la tradition du deuxième Temple, d’attacher un fil de laine rouge à la porte du Temple. Si les sacrifices d’expiation pour le peuple étaient agrées par Dieu le fil devenait blanc.
Bien que la Bible ne développe pas le caractère pénitentiel de ce jour, d’autres textes bibliques insistent sur l’importance du jeûne (Ps 35. 13 ; Es 58. 3-5), et les Sages prescrivirent pour ce jour un jeûne complet. Le jeûne n’est pas seulement pour affliger notre âme mais un moyen pour transcender la limitation de notre corps physique. Cinq interdictions sont faites pour ce jour : jeûne total de nourriture et de boisson pendant 25 heures, abstention de bain, interdiction de porter des chaussures en cuir et abstention de relations conjugales. Ces interdictions ne s’appliquent pas aux personnes malades ou âgées, aux femmes enceintes et aux enfants. Ceux-ci seront tenus d’observer que le port des chaussures en toile ; ce n’est qu’à l’approche de la majorité qu’on les habitue peu à peu au jeûne.
On porte des vêtements blanc en signe de fête et pendant les prières on s’enveloppe du châle de prière comme d’un linceul, pour s’imaginer sa propre mort et comprendre l’impératif de la conversion (Teshuva) : la vie, le pardon. Il y a une sorte de dichotomie dans le Jour du Kippour : il est demandé d’humilier son âme et en même temps il est fait l’expiation pour les enfants d’Israël. S’humilier nous afflige mais en revanche le pardon qui nous purifie .nous remplit de joie.
Un bain rituel est souvent pratiqué la veille de Kippour ; cette purification est justifiée d’une part par la sainteté du jour, d’autre part par la Teshuva.
C’est un devoir que de manger et boire à satiété en signe de joie de voir arriver le moment du pardon et également pour supporter le jeûne et les prières du Kippour.
On commence la fête avant l’heure et par conséquent le repas doit finir 3/4 d’heure avant le coucher du soleil. Après la bénédiction du repas et la récitation du Psaume 126, on procède à l’allumage des bougies comme aux jours de fêtes, puis les parents bénissent leurs enfants avant de se rendre à la synagogue.

Le Jour de Kippour et le shofar
La Torah n’ordonne pas de sonner du shofar pendant le Jour de Kippour à l’exception de l’année du jubilé (Lv 25. 8-10). Mais depuis le Moyen Âge, c’est devenu une coutume que d’en sonner pour annoncer la fin du jeûne. Cette sonnerie n’a aucune signification liturgique.
A la fin du service religieux du Yom Kippour, la prière du Kaddish est récitée par le Hazzan et l’on sonne du shofar. Dans certaines communautés juives, un simple coup est sonné, tandis que dans d’autres l’on sonne le téqi’ah, shevarim, teru’ah, téqi’ah.
Plusieurs raisons sont invoquées pour sonner du shofar. La sonnerie nous rappelle l’année du Jubilé : « le dixième jour du septième mois, tu feras retentir les sons éclatants du shofar ; le jour des expiations, vous sonnerez de la trompette dans tout votre pays [...]. La cinquantième année sera pour vous le jubilé (yovel) » (Lv 25. 9), quand tout bien retournait à son propriétaire, ou chacun retournait dans son héritage, et que les esclaves étaient libérés. C’est une allusion au retour du peuple juif sur sa terre. C’est aussi une allusion au verset : « Dieu monte au milieu des cris de triomphe, l’Éternel s’avance au son de la trompette » (Ps 47. 6), quand Dieu descendit sur le mont Sinaï.
Au début du XXe siècle il était de coutume de sonner du shofar au Mur Occidental, malgré les interdictions des Britanniques, sur lesquels la Waqf musulmane faisait pression.
Quand la Vieille Ville de Jérusalem fut prise par les Forces de défenses israéliennes (Tsahal) en 1967, le rabbin S. Goren, alors grand chapelain des Armées, sonna du shofar au Mur Occidental symbolisant par cet acte le début de la Rédemption d’Israël.

La liturgie
L’office des cinq différentes prières dure environ treize heures. Ces prières sont : la veille au soir, Kol Nidré et arvit ; le matin, Shaharit et Moussaf ; l’après-midi, Minhah ; le soir, Né’ilah. L’office est celui du Shabbat et des Fêtes, outre ce qui est propre à Kippour.
Les prières du soir de Kippour commencent tôt et continuent tard le soir. La liturgie du Kippour commence par le chant Kol Nidré (Tous les Vœux), qui est une demande de pardon pour tous les vœux ou promesses énoncés par erreur. Par cette déclaration on proclame nuls et non avenus tous les vœux faits entre l’homme et Dieu : « Tous les vœux que nous pourrions faire depuis ce jour de Kippour jusqu’à celui de l’année prochaine, toute interdiction ou sentence d’anathème que nous prononcerions contre nous-mêmes, toute privation ou renonciation que, par simple parole, par vœux ou par serment, nous pourrions nous imposer, nous les rétractons d’avance ; qu’ils soient tous déclarés non valides, annulés, dissous, nuls et non avenus [...]. » (Livre des Prières).
Une des grandes prières de Kippour est la confession des péchés, nécessité pour la repentance, Teshuvah. Dans le Temple c’était le Grand Prêtre qui faisait la confession en posant ses deux mains sur le bouc. Aujourd’hui la confession doit être récitée par chaque participant. On confesse tous les péchés, même ceux que l’on n’a pas commis, car chacun est responsable de tous.
Le service se termine par la prière Anenou, Réponds-nous : « Réponds-nous, Seigneur, réponds-nous. Réponds-nous, notre Père, réponds-nous. Réponds-nous, notre Créateur, réponds-nous [...]. »
Aux services du matin et du midi, en plus des prières, on fait la lecture de la Torah (Lv 16 et 18 ; Nb 29. 7-11) et de la Haftarah (Is 57. 14 à 58. 14, et Jonas), et une prière pour les morts.
Le service Moussaf est caractérisé par le Seder ha-Avodah (l’ordonnance du service), qui fait mémoire du service du Grand Prêtre au Temple le jour de Kippour, seul jour où il rentrait dans le saint des Saints. Les détails du Seder ha-Avodah ont été préservés dans la Mishna, (Yoma 1,5) sur la base de Lévitique 16. Lorsque les prêtres et le peuple entendaient le Grand Prêtre prononcer le Nom ineffable, glorieux et redoutable, ils s’agenouillaient, se prosternaient et tombaient la face contre terre en disant : « Béni le Nom glorieux de son règne à jamais ! »
La liturgie du Yom Kippour comporte un office de clôture, Né’ilah, qui n’a pas d’équivalent dans l’année liturgique juive. Lorsque le jour de Kippour s’achève, le jugement tombe et le livre est scellé où seuls ceux qui ont fait Teshuvah sont inscrits. Ce soir on dit : « Scelle-nous au livre de Vie. » L’on supplie encore une dernière fois l’Éternel : « Ouvre-nous les portes des cieux au moment où les portails se ferment ! Car le jour décline, il va disparaître et le soleil se coucher. Entrons dans tes portails. » Cette supplication fait peut être référence aux portes du Temples qui se fermaient à l’heure où le soleil couchant jette ses derniers rayons sur les cimes des arbres. La cérémonie se termine à l’apparition des trois premières étoiles, peu de temps après la fermeture des portes du Temple.
L’office culmine et s’achève quand toute l’assemblée proclame : « Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est UN » (Dt 6. 4) ; « Béni le Nom glorieux de son règne à jamais. Le Seigneur, c’est lui qui est Dieu » (1 R 18. 39).

Front side of the church « Virgen de la Caridad del Cobre » in Santiago de Cuba

21 septembre, 2015

Front side of the church

https://it.wikipedia.org/wiki/Chiesa_cattolica_a_Cuba

PAPE FRANÇOIS À CUBA – CÉLÉBRATION DES VÊPRES – 20 septembre

21 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2015/documents/papa-francesco_20150920_cuba-omelia-vespri.html

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS À CUBA, AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
ET VISITE AU SIÈGE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

(19-28 SEPTEMBRE 2015)

CÉLÉBRATION DES VÊPRES AVEC LES PRÊTRES, LES CONSACRÉS ET LES SÉMINARISTES

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Cathédrale de la Havane

Dimanche 20 septembre 2015

Nous sommes réunis dans cette cathédrale historique de La Havane pour chanter avec les psaumes la fidélité de Dieu à son peuple, afin de rendre grâce pour sa présence, pour son infinie miséricorde. Fidélité et miséricorde dont font mémoire non seulement les murs de cet édifice, mais aussi certains « cheveux blancs »,rappel vivant, actualisé, que « sa miséricorde est infinie, et [que] sa fidélité demeure pour les âges ». Frères, rendons grâce ensemble !
Rendons grâce pour la présence de l’Esprit à travers la richesse des divers charismes sur les visages de tant de missionnaires qui sont venus sur ces terres, parvenant à devenir Cubains parmi les Cubains, signe que sa miséricorde est éternelle.
L’Évangile nous présente Jésus en dialogue avec son Père, il nous met au centre de l’intimité faite prière entre le Père et le Fils. Quand approchait son heure, Jésus a prié le Père pour ses disciples, pour ceux qui étaient avec lui et pour ceux qui viendraient (cf. Jn 17, 20). Cela nous fait penser qu’à son heure cruciale, Jésus met dans sa prière la vie des siens, notre vie. Et il demande à son Père de les garder dans l’unité et dans la joie. Jésus connaissait bien le cœur des siens, il connaît bien notre cœur. C’est pourquoi il prie, il demande au Père que ne les gagne pas une conscience qui tend à s’isoler, à se réfugier dans ses propres certitudes, sécurités, espaces ; à se désintéresser de la vie des autres en s’installant dans de petites «fermes » qui brisent le visage multiforme de l’Eglise. Situations qui débouchent sur une tristesse individualiste, sur une tristesse faisant peu à peu place au ressentiment, à la plainte continuelle, à la monotonie ; « ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit » (Evangelii Gaudium, n. 2) à laquelle il les a invités, à laquelle il nous invite. C’est pourquoi Jésus prie, il demande que la tristesse et l’isolement ne gagnent pas notre cœur. Nous voulons faire de même, nous voulons nous unir à la prière de Jésus, à ses paroles, pour dire ensemble : « Père, garde-les unis dans ton nom… pour qu’ils soient un comme nous-mêmes » (Jn 17, 11) « et que leur joie soit parfaite » (Jn 15, 11).
Jésus prie et nous invite à prier parce qu’il sait qu’il y a des choses que nous pouvons recevoir seulement comme un don, il y a des choses que nous pouvons vivre seulement comme un don. L’unité est une grâce que seul l’Esprit Saint peut nous donner, il nous revient de la demander et de donner le meilleur de nous-mêmes pour être transformés par ce don.
Il est fréquent de confondre l’unité avec l’uniformité, avec le fait que tous font, sentent et disent la même chose. Cela n’est pas l’unité, c’est l’homogénéité. C’est tuer la vie de l’Esprit, c’est tuer les charismes qu’il a distribués pour le bien de son peuple. L’unité se trouve menacée chaque fois que nous voulons faire les autres à notre image et ressemblance. C’est pourquoi l’unité est un don, ce n’est pas quelque chose que l’on peut imposer de force ou par décret. Je me réjouis de vous voir ici, hommes et femmes de différentes générations, milieux, parcours personnels, unis par la prière en commun. Prions Dieu de faire croître en nous le désir de la proximité. Que nous puissions être des prochains, être proches, avec nos différences, nos habitudes, nos styles, mais proches. Avec nos discussions, nos luttes, en nous parlant en face, et non par derrière. Que nous soyons des pasteurs proches de notre peuple, que nous nous laissions questionner, interroger par nos gens. Les conflits, les discussions dans l’Église sont normales, et j’ose même dire nécessaires ; ils sont des signes que l’Église est vivante et que l’Esprit continue d’agir, continue de la dynamiser. Malheur à ces communautés où il n’y a ni un ‘oui’, ni un ‘non’ ! Elles sont comme ces mariages où on ne discute plus, parce qu’on a perdu l’intérêt, on a perdu l’amour.
En second lieu, le Seigneur prie pour que nous soyons remplis de « la même joie parfaite » qu’il possède (cf. Jn 17, 13). La joie des chrétiens, et spécialement celle des consacrés, est un signe très clair de la présence du Christ dans leurs vies. Quand il y a des visages attristés c’est un signal d’alerte, quelque chose ne va pas bien. Et Jésus demande cela à son Père, juste avant d’aller au jardin, lorsqu’il doit renouveler son « fiat ». Je ne doute pas que vous deviez tous vous charger du poids de nombreux sacrifices, et que pour certains d’entre vous, depuis des décennies, les sacrifices auront été durs. Par son sacrifice, Jésus prie aussi pour que nous ne perdions pas la joie de savoir qu’il est vainqueur du monde. Cette certitude nous pousse chaque matin à réaffirmer notre foi. A travers sa prière, dans le visage de notre peuple, « il nous permet de relever la tête et de recommencer, avec une tendresse qui ne nous déçoit jamais et qui peut toujours nous rendre la joie » (Evangelii Gaudium, n. 3).
Que c’est important ! Quel témoignage si précieux, pour la vie du peuple cubain, que celui de rayonner toujours et partout de cette joie, malgré les fatigues, les scepticismes, y compris malgré le désespoir qui est une tentation très dangereuse qui mine l’âme !
Frères, Jésus prie pour que nous soyons un et pour que sa joie demeure en nous ; faisons de même, unissons-nous les uns aux autres dans la prière. 

BENOÎT XVI – SAINT MATTHIEU, 21 SEPTEMBRE

21 septembre, 2015

https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20060830.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 30 août 2006

MATTHIEU, 21 SEPTEMBRE

Chers frères et soeurs,

En poursuivant la série de portraits des douze Apôtres, que nous avons commencée il y a quelques semaines, nous nous arrêtons aujourd’hui sur Matthieu. En vérité, décrire entièrement sa figure est presque impossible, car les informations qui le concernent sont peu nombreuses et fragmentaires. Cependant, ce que nous pouvons faire n’est pas tant de retracer sa biographie, mais plutôt d’en établir le profil que l’Evangile nous transmet.
Pour commencer, il est toujours présent dans les listes des Douze choisis par Jésus (cf. Mt 10, 3; Mc 3, 18; Lc 6, 15; Ac 1, 13). Son nom juif signifie « don de Dieu ». Le premier Evangile canonique, qui porte son nom, nous le présente dans la liste des Douze avec une qualification bien précise: « le publicain » (Mt 10, 3). De cette façon, il est identifié avec l’homme assis à son bureau de publicain, que Jésus appelle à sa suite: « Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain. Il lui dit: « Suis-moi ». L’homme se leva et le suivit » (Mt 9, 9). Marc (cf. 2, 13-17) et Luc (cf. 5, 27-30) racontent eux aussi l’appel de l’homme assis à son bureau de publicain, mais ils l’appellent « Levi ». Pour imaginer la scène décrite dans Mt 9, 9, il suffit de se rappeler le magnifique tableau du Caravage, conservé ici, à Rome, dans l’église Saint-Louis-des-Français. Dans les Evangiles, un détail biographique supplémentaire apparaît: dans le passage qui précède immédiatement le récit de l’appel, nous est rapporté un miracle accompli par Jésus à Capharnaüm (cf. Mt 9, 1-8; Mc 2, 1-12) et l’on mentionne la proximité de la mer de Galilée, c’est-à-dire du Lac de Tibériade (cf. Mc 2, 13-14). On peut déduire de cela que Matthieu exerçait la fonction de percepteur à Capharnaüm, ville située précisément « au bord du lac » (Mt 4, 13), où Jésus était un hôte permanent dans la maison de Pierre.
Sur la base de ces simples constatations, qui apparaissent dans l’Evangile, nous pouvons effectuer deux réflexions. La première est que Jésus accueille dans le groupe de ses proches un homme qui, selon les conceptions en vigueur à l’époque en Israël, était considéré comme un pécheur public. En effet, Matthieu manipulait non seulement de l’argent considéré impur en raison de sa provenance de personnes étrangères au peuple de Dieu, mais il collaborait également avec une autorité étrangère odieusement avide, dont les impôts pouvaient également être déterminés de manière arbitraire. C’est pour ces motifs que, plus d’une fois, les Evangiles parlent à la fois de « publicains et pécheurs » (Mt 9, 10; Lc 15, 1), de « publicains et de prostituées » (Mt 21, 31). En outre, ils voient chez les publicains un exemple de mesquinerie (cf. Mt 5, 46: ils aiment seulement ceux qui les aiment) et ils mentionnent l’un d’eux, Zachée, comme le « chef des collecteurs d’impôts et [...] quelqu’un de riche » (Lc 19, 2), alors que l’opinion populaire les associait aux « voleurs, injustes, adultères » (Lc 18, 11). Sur la base de ces éléments, un premier fait saute aux yeux: Jésus n’exclut personne de son amitié. Au contraire, alors qu’il se trouve à table dans la maison de Matthieu-Levi, en réponse à ceux qui trouvaient scandaleux le fait qu’il fréquentât des compagnies peu recommandables, il prononce cette déclaration importante: « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs » (Mc 2, 17).
La bonne annonce de l’Evangile consiste précisément en cela: dans l’offrande de la grâce de Dieu au pécheur! Ailleurs, dans la célèbre parabole du pharisien et du publicain montés au Temple pour prier, Jésus indique même un publicain anonyme comme exemple appréciable d’humble confiance dans la miséricorde divine: alors que le pharisien se vante de sa propre perfection morale, « le publicain… n’osait même pas lever les yeux vers le ciel, mais il se frappait la poitrine en disant: « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis! »". Et Jésus commente: « Quand ce dernier rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste. Qui s’élève sera abaissé; qui s’abaisse sera élevé » (Lc 18, 13-14). Dans la figure de Matthieu, les Evangiles nous proposent donc un véritable paradoxe: celui qui est apparemment le plus éloigné de la sainteté peut même devenir un modèle d’accueil de la miséricorde de Dieu et en laisser entrevoir les merveilleux effets dans sa propre existence. A ce propos, saint Jean Chrysostome formule une remarque significative: il observe que c’est seulement dans le récit de certains appels qu’est mentionné le travail que les appelés effectuaient. Pierre, André, Jacques et Jean sont appelés alors qu’ils pêchent, Matthieu précisément alors qu’il lève l’impôt. Il s’agit de fonctions peu importantes – commente Jean Chrysostome – « car il n’y a rien de plus détestable que le percepteur d’impôt et rien de plus commun que la pêche » (In Matth. Hom.: PL 57, 363). L’appel de Jésus parvient donc également à des personnes de basse extraction sociale, alors qu’elles effectuent un travail ordinaire.
Une autre réflexion, qui apparaît dans le récit évangélique, est que Matthieu répond immédiatement à l’appel de Jésus: « il se leva et le suivit ». La concision de la phrase met clairement en évidence la rapidité de Matthieu à répondre à l’appel. Cela signifiait pour lui l’abandon de toute chose, en particulier de ce qui lui garantissait une source de revenus sûrs, même si souvent injuste et peu honorable. De toute évidence, Matthieu comprit qu’être proche de Jésus ne lui permettait pas de poursuivre des activités désapprouvées par Dieu. On peut facilement appliquer cela au présent: aujourd’hui aussi, il n’est pas admissible de rester attachés à des choses incompatibles avec la « sequela » de Jésus, comme c’est le cas des richesses malhonnêtes. A un moment, Il dit sans détour: « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi » (Mt 19, 21). C’est précisément ce que fit Matthieu: il se leva et le suivit! Dans cette action de « se lever », il est légitime de lire le détachement d’une situation de péché et, en même temps, l’adhésion consciente à une nouvelle existence, honnête, dans la communion avec Jésus.
Rappelons enfin que la tradition de l’Eglise antique s’accorde de façon unanime à attribuer à Matthieu la paternité du premier Evangile. Cela est déjà le cas à partir de Papia, Evêque de Hiérapolis en Phrygie, autour de l’an 130. Il écrit: « Matthieu recueillit les paroles (du Seigneur) en langue hébraïque, et chacun les interpréta comme il le pouvait » (in Eusèbe de Césarée, Hist. eccl. III, 39, 16). L’historien Eusèbe ajoute cette information: « Matthieu, qui avait tout d’abord prêché parmi les juifs, lorsqu’il décida de se rendre également auprès d’autres peuples, écrivit dans sa langue maternelle l’Evangile qu’il avait annoncé; il chercha ainsi à remplacer par un écrit, auprès de ceux dont il se séparait, ce que ces derniers perdaient avec son départ » (Ibid., III, 24, 6). Nous ne possédons plus l’Evangile écrit par Matthieu en hébreu ou en araméen, mais, dans l’Evangile grec que nous possédons, nous continuons à entendre encore, d’une certaine façon, la voix persuasive du publicain Matthieu qui, devenu Apôtre, continue à nous annoncer la miséricorde salvatrice de Dieu et écoutons ce message de saint Matthieu, méditons-le toujours à nouveau pour apprendre nous aussi à nous lever et à suivre Jésus de façon décidée.

LE JARDIN D’EDEN

19 septembre, 2015

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LE JARDIN D’EDEN

Meir Lazar

Qu’est ce que le Jardin d’Eden ?
Il s’agit d’un lieu où les âmes méritantes ayant quitté ce monde jouissent de la lumière de la présence divine en attendant d’accéder au monde futur, c’est-à-dire l’époque post-messianique
(Talmud Chabbat 152 b ; Derekh Hachem 1 :3 :11)
Éden abritait l’Arbre de la Vie, l’Arbre de la connaissance du bien et du mal , ainsi qu’une végétation luxuriante et variée, suffisant à pourvoir aux besoins d’Adam et Ève.
Les versets 2:10-14 semblent contenir un indice assez vague quant à la localisation :
Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.
Le nom du premier est Pishôn; c’est celui qui entoure tout le pays de Havilah, où se trouve l’or.
L’or de ce pays est pur; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d’onyx.
Le nom du second fleuve est Guihôn; c’est celui qui entoure tout le pays de Coush (Éthiopie ? Hindi Kush ).
Le nom du troisième est Hiddèkel; c’est celui qui coule à l’orient d’Ashour (l’Assyrie, donc le Tigre). Le quatrième fleuve, c’est l’Euphrate.

Dire de RABBI ELIÉZER,
« Dieu aima le premier homme d’un amour excessif… Il l’introduisit dans Son palais…Adam flânait tranquillement dans le jardin d’Éden comme l’un des anges du Service.Dieu Se dit : je suis unique en Mon monde et l’homme est unique dans le sien. Il n’y a devant Moi ni fructification, ni accroissement et l’homme connaît la même situation. par la suite, les créatures pourraient se dire, désignant l’homme : Puisque celui – là n’a devant lui ni fructification, ni accroissement, c’est lui qui nous a créés.
C’est pourquoi il n’est pas bon que l’homme soit seul selon le verset : « YHVH Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai une aide face à lui »(GEN. 2.18). Rabbi Juda dit : ne lis pas « face à lui » (kenégdo) mais « contre lui » (lenagdo) – si l’homme est méritant, elle sera une aide pour lui, sinon elle sera contre lui, pour lui faire la guerre ».

Que faisait Adam au jardin d’Eden?
Et Elokim prit l’homme et il le fit reposer dans le jardin d’Eden pour le travailler et pour le garder (Genèse II, 15). Quel travail y avait-il donc à faire dans le jardin,puisqu’il est dit: pour le travailler et le garder? Peut-être diras-tu qu’il y avait à y travailler, comme, par exemple, tailler les vignes, labourer et herser la terre, faire les gerbes et moissonner. Tous les arbres, cependant, ne croissaient-ils pas d’eux-mêmes? Tu diras sans doute qu’il y avait tout de même du travail, par exemple, arroser. Mais un fleuve s’y répandait et en sortait. N’est-il pas écrit en effet: Et un fleuve sortait de l’Eden (Genèse II, 10)? Pourquoi alors: le travailler et le garder?
C’était vaquer aux paroles de la Torah et garder le chemin de l’arbre de vie. Et il n’y a pas d’autre arbre de vie que la Torah elle-même, selon qu’il est écrit: C’est l’arbre de vie pour ceux qui la saisissent (Proverbes III, 18)12.»

Le Premier Sabbat
«Et Il chassa l’homme (Genèse III, 24). Chassé, il sortit du jardin d’Eden et il se reposa au Mont Moriah, car la porte du jardin d’Eden s’appuie sur le Mont Moriah. De là Il l’avait pris, et là, Il le fit revenir, c’est-à-dire, au lieu d’où il avait été pris, selon le verset disant: Et Elokim prit l’homme (Genèse II,15). Et de quel lieu le prit-Il? Du lieu du Temple dont il est dit: Pour travailler la terre d’où il avait été pris (Genèse III, 23)

Le Paradis selon le Talmud
Ce jardin dl’Éden, disent les talmudistes, est soixante fois plus grand que l’Égypte; il est placé dans la septième sphère du firmament II a deux portes où entrent soixante myriades d’anges dont les figures brillent comme le firmament. Au moment où le juste arrive devant eux, ils le dépouillent de ses vêtements, placent sur sa tête deux couronnes, l’une d’or et l’autre de pierres précieuses, lui donnent huit bâtons de myrte, et dansent devant lui, en lui disant : mange ton pain en te réjouissant. Alors, ils le font entrer dans un lieu entouré d’eau; quatre fleuves y coulent, un de miel, un de lait, un de vin, et un d’encens; il y a aussi des tables de pierres précieuses; quatre-vingts myriades d’arbres s’élèvent de chacun des angles; dans chacun de qes angles sont placés soixante myriades qui chantent continuellement d’une voix agréable, des louanges à Dieu; au milieu du jardin, est planté, l’arbre de la vie; son feuillage ombrage tout le jardin.
Au sujet du Jardin d’Eden, le Zohar (Tikouné 14) nous enseigne :
le Jardin (le Gan) c’est la Torah. Les âmes du peuple d’Israël qui étudient et comprennent la Torah, ce sont les herbes et les fleurs qui poussent dans ce Jardin, grandissent et se développent grâce au fleuve, qui est la Source, la Sagesse comme il est dit:  » la Source des Jardins, une Source d’eaux vives…  » (Cantique des Cantiques 4:15). Et comment puiser à cette Source, à cette Sagesse? grâce à la prière, comme il est écrit
« …et une Source jaillit de la Maison de l’Eter‑nel…  » (Joël 4) qui est « …la maison de prières…  » (Isaïe 56). L’essentiel du Jardin d’Eden (Gan Eden) réside donc dans le fait de lier l’étude à la prière.
Il en résulte qu’il faut comprendre le verset du chapitre 2 de la Génèse de la manière suivante: un fleuve (la Sagesse) sortait d’Eden (la prière) pour arroser le Jardin (la Torah) dans lequel les âmes juives grandissent, se développent et acquièrent la compréhension de la Torah. De là, il (le fleuve) se divisait (les âmes peuvent alors distinguer le permis de l’interdit, le pur etc… et séparer ainsi le bien du mal), et formait quatre bras (qui sont les quatre lettres du Nom de D‑ieu qui sont la sainte racine des 4 éléments fondamentaux voir IV‑5 et note 64,66). C’est pourquoi, il faut multiplier les prières afin de parvenir à l’interprétation authentique des Textes sacrés. Il est donc interdit de s’appuyer uniquement sur ses capacités intellectuelles et sur son érudition dans la Torah, car une pareille étude peut mener à une interprétation erronée des Textes et ne plait pas du tout à D‑ieu..! (Etsoth mévouharoth Téfilah 14)

« LE FLEUVE QUI SORTAIT D’EDEN »
« L’Eternel D-ieu planta un jardin en Eden, vers l’orient, et y placa l’homme qu’ il avait faconne. L’ Eternel D-ieu fit pousser du sol toutes especes d’arbres, beaux a voir et bons a manger; et l’ arbre de vie au milieu du jardin, avec l’ arbre de la connaissance du bien et du mal.
Un fleuve sortait d’ Eden pour arroser le jardin, et de la il se divisait et formait quatre bras.
L’Eternel D-ieu prit l’homme et l’etablit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder. L’Eternel D-ieu donna un ordre a l’homme en disant: « Tous les arbres du jardin, tu peux t’en nourrir, mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas, car du jour ou tu en mangerais tu mourrais »
.(Gen.2:8-17).
L’homme fut place en etat de perfection dans le jardin d’Eden. Apres la faute, l’homme est chasse et c’est des lors a l’exterieur de ce jardin que l’homme devra assumer cet etat d’imperfection que nous connaissons jusqu’a ce jour.
Cependant, au beau milieu du recit, la Thora interompt sa narration sans raison apparente, et nous donne la description detaillee du fleuve qui sortait d’Eden.
Comme nous l’avons deja vu, le temple etait un sanctuaire ou le mal n’avait pas acces. Ce sanctuaire etait une sorte de jardin d’Eden en miniature, entierement consacre au service Divin, excluant tout ce qui pouvait evoquer la faute d’Adam. Car c’est de la faute d’Adam que toute impurete prend sa source; c’est de la que provient la mort et avec elle la decheance humaine.
En consequence, toute chose liee a cette faute interdira l’acces de ce jardin d’Eden que represente le Temple.
Un midrache nous dit que Adam apres avoir fait « Techouva » (s’etre repenti) s’est trempe dans ce fleuve pour tenter ainsi de garder un contact avec le jardin d’Eden d’ou il avait ete expulse.
Comme nous l’avons deja souligne, le seul moyen de se debarrasser de cet etat d’impurete et de retablir le lien que nous avions avec le jardin d’Eden se fera au moyen de l’eau, qui est le lien le plus important que nous ayons conserve avec le jardin d’Eden. Car nous dit le Talmud: toutes les eaux du monde prennent leur source dans le fleuve qui sortait de ce jardin.
Et cela expliquerait pourquoi le Mikve doit etre approvisionne par une source d’eau naturelle: pour retablir un lien direct avec les eaux d’Eden et ainsi sortir l’homme de son exil spirituel.
C’est la raison pour laquelle le recit du jardin d’Eden est interrompu par une description du « fleuve qui sortait du jardin ».
La Thora nous dit que D-ieu planta l’arbre de la connaissance du bien et du mal dans le jardin. Ainsi la possibilite que Adam faute et soit chasse du jardin existait. Aussi avant meme d’y installer l’homme, D-ieu etablit un lien entre ce jardin et le monde exterieur: « Le fleuve qui sortait d’Eden »

Les eaux d’Eden » par le Rav Aryeh Kaplan.

Angels

18 septembre, 2015

Angels dans images sacrée angels-1a
http://www.catholictradition.org/Angels/angelorum.htm

L’HUMILITÉ COMME VERITE ET COMME SERVICE CHEZ FRANCOIS D’ASSISE – P. CANTALAMESSA

18 septembre, 2015

http://www.zenit.org/fr/articles/avent-seconde-predication-du-p-cantalamessa-ofmcap

AVENT : SECONDE PRÉDICATION DU P. CANTALAMESSA, OFMCAP.

L’HUMILITÉ COMME VERITE ET COMME SERVICE CHEZ FRANCOIS D’ASSISE

Rome, 13 décembre 2013 (ZENIT.org)

«L’humilité comme verite et comme service chez Francois d’Assise» : c’est le thème de la seconde prédication du P. Raniero Cantalamessa, ofmcap, prédicateur de la Maison pontificale pour l’Avent 2013, dont voici le texte intégral dans notre traduction en français.
Le P. Cantalamessa a donné cette méditation ce vendredi matin, 13 décembre, au Vatican, en présence ddu pape François et de ses collaborateurs.

Prédication du P. Cantalamessa
1. Humilité objective et humilité subjective
François d’Assise, nous l’avons vu la fois passée, est la démonstration vivante que la réforme la plus utile pour l’Eglise est celle par voie de sainteté, que celle-ci consiste à chaque fois en un courageux retour à l’Evangile et doit commencer par soi-meme. Dans cette deuxième mèditation je voudrais approfondir un aspect de ce retour à l’Evangile, vertu de François. Selon Dante Alighieri, toute la gloire de François repose sur son « se faire petit »[1], c’est-à-dire sur son humilité. Mais en quoi consiste la proverbiale humilité de saint François?
Dans toutes les langues, par lesquelles la Bible est passée pour arriver jusqu’à nous, soit l’hébreu, le grec, le latin et l’italien, le mot « humilité » possède deux significations fondamentales: un sens objectif qui indique un état de fait – bassesse, petitesse ou misère – et un sens subjectif qui indique le sentiment et la reconnaissance de sa propre petitesse. Ce dernier est ce que nous entendons pas vertu de l’humilité.
Quand dans le Magnificat Marie dit : « Il a regardé l’humilité (tapeinosis) de sa servante », elle le dit dans un sens objectif et non subjectif ! C’est pourquoi très opportunément dans diverses langues, par exemple en allemand, ce terme est traduit par « petitesse » (Niedrigkeit). Comment peut-on d’ailleurs penser que Marie exalte son humilité et attribue à celle-ci le choix de Dieu sans la détruire en même temps ? Il est pourtant arrivé que l’on écrive maladroitement que Marie ne se reconnaissait aucune autre vertu que celle de l’humilité, comme si on faisait, de cette façon, un grand honneur et non un grand tort, à telle vertu.
La vertu de l’humilité a un statut spécial : le possède celui qui croit ne pas l’avoir, ne l’a pas celui qui croit l’avoir. Seul Jésus peut se dire « humble de cœur » et l’être vraiment; c’est, comme nous le verrons, la caractéristique unique de l’humilité de l’homme-Dieu. Marie n’avait-elle donc pas cette vertu de l’humilité ? Bien entendu qu’elle l’avait et à un niveau supérieur, mais seul Dieu le savait, pas elle. Et c’est qui fait toute la valeur de la vraie humilité : son parfum n’est senti que par Dieu, pas par celui qui l’émane. Saint Bernard écrit: « Celui qui est vraiment humble veut être estimé vil et abject, non pas humble »[2].
L’humilité de François s’inscrit dans cette ligne. Ses Fioretti y font allusion dans un épisode significatif, et au fond, certainement historique.
Un jour que saint François revenait du bois où il avait prié et qu’il était à l’orée du bois, ledit frère Massée voulut éprouver son humilité, alla ò sa rencontre et lui dit comme en plaisantant : « Pourquoi à toi ? Pourquoi à toi ? Pourquoi à toi ? » Saint François répondit : Qu’est-ce que tu veux dire ? » Frère Massée dit : « Je dis : pourquoi tout le monde court-il après toi et pourquoi chacun semble-t-il désirer te voir, et t’entendre, et t’obéir ? De corps, tu n’est pas bel homme, tu n’as pas grande science, tu n’es pas noble ; d’où te vient-il donc que tout le monde après toi ? » Entendant cela, saint François, tout réjoui en esprit […], se tourna vers frère Massée et dit : « Tu veux savoir pourquoi à moi ? Tu veux savoir pourquoi à moi, tout le monde me court après ? Cela je tiens de ces yeux de Dieu très haut, qui en tous lieux contemplent les bons et les méchants : car ces yeux très saints n’ont vu parmi les pécheurs que moi » [3]

2. L’humilité comme vérité
L’humilité de François a deux sources lumineuses, une de nature théologique et une de nature christologique. Réfléchissons à la première. Dans la Bible nous trouvons des actes d’humilité qui ne partent pas de l’homme, de la considération de sa propre misère ou de son propre péché, mais qui a pour unique cause Dieu et sa sainteté. Telle est l’exclamation d’Isaïe « je suis un homme aux lèvres impures », face à la manifestation inattendue de la gloire et de la sainteté de Dieu dans le temple (Is 6, 5 s); mais aussi le cri de Pierre après la pêche miraculeuse : « Eloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur ! » (Lc 5,8).
Nous voici devant l’humilité essentielle, celle de la créature qui prend conscience d’elle-même aux côtés de Dieu. Tant que la personne se mesure à soi-même, aux autres, à la société, elle n’aura jamais l’idée exacte de ce qu’elle est; il lui manque la mesure. « Quel accent infini Dieune donne-t-ilaumoien devenant samesure! »[4]. François possédait cette humilité de manière remarquable. Une de ses grandes maximes était : « tant vaut l’homme devant Dieu, tant vaut-il en réalité, sans plus. »[5].
Les Fioretti racontent qu’une nuit, frère Léon voulut épier de loin ce que faisait François durant sa prière nocturne dans le bois d’Alverne et qu’il l’entendait de loin murmurer longtemps certaines paroles. Le lendemain, le saint l’appela et, après l’avoir aimablement réprimandé d’avoir enfreint son ordre, lui révéla le contenu de sa prière:
« Sache, frère brebis de Jésus-Christ, que quand je disais ces paroles que tu ouïs, alors étaient montrées à mon âme deux lumières l’une de l’intelligence et connaissance de moi-même, l’autre de l’intelligence et connaissance du Créateur. Quand je disais : Qui es-tu, ô Dieu mien très doux ? Alors j’étais en une lumière de contemplation, en laquelle je voyais l’abîme de l’infinie bonté et sagesse et puissance de Dieu; et quand je disais : Qui suis-je, j’étais en une lumière de contemplation, en laquelle je voyais la profondeur déplorable de ma vileté et misère ? »[6]
C’était ce que saint Augustin demandait à Dieu et qui était pour lui le summum de toute la sagesse: « Noverim me, noverim te. Que je me connaisse et que je te connaisse ; et que je me connaisse pour m’humilier et que je te connaisse pour t’aimer »[7].
L’épisode de frère Léon est certainement embelli, comme toujours dans les Fioretti, mais le contenu correspond parfaitement à l’idée que François se faisait de lui-même et de Dieu. En est la preuve le début du Cantique des créatures et la distance infinie qu’il met entre Dieu « Très-Haut, Tout puissant, Tout Bon Seigneur », à qui l’on doit « louanges, gloire, honneur et toute bénédiction », et que nul homme, même le plus miséreux des mortels, n’est digne de « nommer », soit de prononcer son nom.

Altissimu, onnipotente, bon Signore,
Tue so’ le laude, la gloria e l’honore et onne benedictione.
Ad Te solo, Altissimo, se konfane,
et nullu homo ène dignu Te mentovare.

Cette source lumineuse, que j’ai appelée théologique, nous montre que l’humilité est vérité. « Je me demandais un jour, écrit sainte Thérèse d’Avila, pour quelle raison le Seigneur aime tant l’humilité et subitement, sans aucune réflexion de ma part, il me vint à l’esprit que ce doit être parce qu’Il est la suprême Vérité et que l’humilité est vérité »[8].
C’est une lumière qui n’humilie pas, mais donne au contraire une joie immense et exalte. En effet, être humble ne veut pas dire être mécontent de soi, ni même reconnaître sa propre misère, ou, sous certains côtés, sa petitesse. C’est regarder Dieu avant de se regarder soi-même et prendre la mesure du fossé qui sépare le fini de l’infini. Plus on se rend compte de cela, plus on devient humble. Et l’on finit alors par se réjouir de son propre néant, car c’est grâce à lui que l’on peut offrir à Dieu un visage dont la petitesse, la misère, a fasciné le cœur de la Trinité dès d’éternité.
Une grande disciple du Poverello, que le pape François a proclamée sainte récemment, Angela da Foligno, juste avant de mourir, déclara : « O néant inconnu, o néant inconnu! L’âme ne peut avoir meilleure vision dans ce monde que contempler son propre néant et habiter en lui comme dans la cellule d’une prison »[9].Il y a un secret dans ce conseil, une vérité qui s’expérimente en essayant. On découvre alors que cette cellule existe vraiment et que l’on peut y entrer vraiment à chaque fois qu’on le veut. Celle-ci consiste en un calme et tranquille sentiment d’être « un rien » devant Dieu, mais « un rien » aimé par lui!
Quand on est à l’intérieur de cette prison lumineuse, on ne voit plus les défauts de notre prochain, ou bien on les voit sous une autre lumière. On comprend qu’il est possible, avec la grâce et en le pratiquant, de réaliser ce que dit l’Apôtre et qui paraît à première vue excessif, soit « estimer les autres supérieurs à soi-même » (cf. Phi 2, 3), ou du moins on comprend comment cela a pu être possible pour les saints.
S’enfermer dans cette prison n’est donc pas s’enfermer en soi-même, absolument pas : c’est au contraire s’ouvrir aux autres, à l’être, à l’objectivité des choses. Le contraire de ce que les ennemis de l’humilité chrétienne ont toujours pensé. C’est se fermer à l’égoïsme, et non dans l’égoïsme. C’est la victoire contre un des maux que la psychologie moderne estime d’ailleurs elle aussi funeste pour la personne humaine: le narcissisme. D’autre part, dans cette cellule, l’ennemi n’entre pas. Un jour, Antoine Le Grand eut une vision ; il vit, en un instant, tous les filets de l’ennemi déployés sur la terre et il dit en gémissant: « Qui donc passe outre ces pièges ? ». Et il entendit une voix lui répondre : « Antoine, l’humilité! »[10]. « Rien, écrit l’auteur de l’Imitation du Christ, ne portera à l’orgueil celui qui est fondé et affermi en Dieu »[11].

3. L’humilité comme service d’amour
Nous avons parlé de l’humilité comme vérité de la créature devant Dieu, mais paradoxalement, ce qui surprend le plus l’âme de François n’est pas tant la gloire de Dieu, mais son humilité. Dans les Louanges à Dieu le Très-Haut, écrites de sa main et conservées à Assise, à un certain moment François, au milieu des perfections de Dieu – « Tu es saint. Tu es Fort. Tu es Trine et Un, Tu es Amour, Charité. Tu es Sagesse… »-, en glisse une autre, insolite: « Tu es humilité ! ». Ce titre n’est pas mis là par hasard. François a saisi une vérité très profonde sur Dieu qui devrait nous remplir, nous aussi, de stupeur.
Dieu est humilité parce qu’il est Amour. Face aux créatures humaines, Dieu se trouve dépourvu de toute capacité non seulement créatrice mais aussi défensive. Si les êtres humains choisissent, comme ils l’ont fait, de refuser son amour, il ne peut intervenir de manière autoritaire pour s’imposer à eux. Il ne peut que respecter le libre choix des hommes. On pourra le rejeter, l’éliminer : lui ne se défendra pas, il laissera faire. Ou mieux, sa manière de se défendre et de défendre les hommes contre leur propre destruction, sera d’aimer encore et toujours, éternellement. L’amour crée, de par sa nature même, de la dépendance et la dépendance crée l’humilité. Il en est ainsi, mystérieusement, aussi pour Dieu.
L’amour fournit donc la clef pour comprendre l’humilité de Dieu: se faire remarquer ne demande pas beaucoup d’efforts, il en faut par contre beaucoup pour se mettre de côté, pour s’effacer. Dieu possède en lui cette force illimitée d’effacement et comme tel il se révèle dans l’incarnation. La manifestation visible de l’humilité de Dieu passe par la contemplation du Christ qui se met à genou devant ses disciples pour leur laver les pieds – et c’était, on peut l’imaginer, des pieds sales -, et plus encore, lorsque, réduit à la plus radicale impuissance sur la croix, il continue à aimer, sans jamais condamner.
François a saisi ce lien très étroit entre l’humilité de Dieu et l’incarnation. Voici quelques unes de ses paroles enflammées :
« Voyez: chaque jour il s’abaisse, exactement comme à l’heure où, quittant son palais royal, il s’est incarné dans le sein de la Vierge; chaque jour c’est lui-même qui vient à nous, et sous les dehors les plus humbles; chaque jour il descend du sein du Père sur l’autel entre les mains du prêtre. [12] » . « O humilité sublime, ô humble sublimité ! Le maître de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie pour notre salut, au point de se cacher sous une petite hostie de pain ! Voyez, frères, l’humilité de Dieu, et faites lui l’hommage de vos cœurs. »[13].
Nous connaissons maintenant le deuxième mobile de l’humilité de François: l’exemple du Christ. C’est le même que celui indiqué par Paul aux Philippiens, quand il leur recommandait d’être dans les mêmes dispositions que le Christ Jésus qui « s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir » (Phil 2, 5.8). Avant Paul, c’était Jésus en personne qui avait invité les disciples à imiter son humilité: « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de Cœur ! » (Mt 11, 29).
En quoi, pourrions-nous nous demander, Jésus nous dit il d’imiter son humilité ? En quoi Jésus a-t-il été humble ? En feuilletant les Evangiles, nous ne trouvons pas la moindre admission de faute dans la bouche de Jésus, ni quand il converse avec les hommes, ni quand il converse avec le Père. Cela dit en passant, c’est une des preuves à la fois les plus cachées et les plus convaincantes de la divinité du Christ et de l’absolue unicité de sa conscience. Chez aucun saint, chez aucun grand de l’histoire et chez aucun fondateur de religion, on ne trouve une telle conscience d’innocence.
Tous reconnaissent, plus ou moins, d’avoir commis quelque faute et d’avoir quelque chose à se faire pardonner, du moins par Dieu. Gandhi, par exemple, avait bien conscience d’avoir pris, en certaines circonstances, des positions erronées ; il avait lui aussi ses remords. Jésus jamais. Il peut dire en s’adressant à ses adversaires: « Qui d’entre vous peut m’accuser de péché ? » (Jn 8, 46). Jésus proclame qu’il est « Maître et Seigneur » (cf. Jn 13, 13), plus qu’Abraham, plus que Moïse, que Jonas, que Salomon. Où est donc l’humilité de Jésus, pour pouvoir dire: « Prenez sur vous mon joug car je suis humble de cœur » ?
Nous découvrons ici une chose importante. L’humilité ne consiste pas essentiellement à être petits, car on peut être petits, sans être humbles; cela ne consiste pas essentiellement à se sentir petits, car on peut se sentir petit et l’être réellement, mais cela serait de l’objectivité et pas encore de l’humilité; sans compter que se sentir petits et insignifiants peut naître aussi d’un complexe d’infériorité et porter au repliement sur soi, au désespoir, plutôt qu’à l’humilité. Donc l’humilité, pour soi, au degré le plus parfait, ne réside pas dans « l’être petit », dans le « se sentir petit », ou se proclamer petit. Mais dans le « se faire » petit, et non pour une quelconque nécessité ou utilité personnelle, mais par amour, pour « élever » les autres.
C’était ça l’humilité de Jésus ; lui s’est fait si petit qu’il est allé jusqu’à s’ « annuler » pour nous. L’humilité de Jésus est celle qui descend de Dieu et qui a son modèle suprême en Dieu, et non dans l’homme. Dieu se trouve dans une position où il ne peut pas « s’élever » ; il n’y a rien au-dessus de Lui. Si Dieu sort de lui-même et fait quelque chose en dehors de la Trinité, cela ne pourra être qu’un abaissement : s’abaisser et se faire petit; il ne pourra être, autrement dit, qu’humilité, ou, comme disaient les Pères grecs, synkatabasis, c’est-à-dire condescendance.
Saint François fait de « sœur eau » le symbole de l’humilité, la définissant comme « utile, humble, précieuse et chaste ». En effet l’eau ne « s’élève » jamais, elle ne « monte » pas, mais « descend » toujours, jusqu’à atteindre son point le plus bas. La vapeur monte et c’est pourquoi elle est le symbole traditionnel de l’orgueil et de la vanité ; l’eau descend, et donc symbole d’humilité.
Maintenant nous savons ce que veut dire la parole de Jésus : « Prenez sur vous mon joug car je suis humble de cœur ». C’est une invitation à se faire petits par amour, à laver comme lui les pieds de nos frères. Mais Jésus nous montre aussi qu’il s’agit d’un choix sérieux. Il n’est en effet pas question de descendre et de se faire petit de temps en temps, comme un roi qui, dans sa générosité, se daigne de temps à autre, à descendre au milieu du peuple et, pourquoi pas, de le servir aussi en quelque chose. Jésus se fit « petit », comme il « se fit chair », c’est-à-dire de manière stable, jusqu’au fond. Il a choisi d’appartenir à la catégorie des petits et des humbles.
Ce nouveau visage de l’humilité se résume en un mot: service. Un jour – lit-on dans l’Evangile – les disciples discutaient entre eux pour savoir qui était « le plus grand » ; alors Jésus, « s’étant assis » – comme pour donner plus de solennité à la leçon qu’il allait donner –, appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous” (Mc 9, 35). Qui veut être le « premier » soit « le dernier », c’est-à-dire qu’il descende, s’abaisse. Mais il explique aussitôt après ce qu’il entend par « dernier »: qu’il soit le « serviteur » de tous. L’humilité proclamée par Jésus est donc un service. Dans l’Évangile de Matthieu, cette leçon de Jésus s’accompagne d’un exemple: « Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28).

4. Une Eglise humble
Quelque considération concrète sur la vertu de l’humilité, prise dans toutes ses manifestations, c’est-à-dire, tant vis-à-vis de Dieu que vis-à-vis des hommes. Il ne faut pas croire qu’on arrive à l’humilité uniquement parce que la parole de Dieu nous a conduits à découvrir notre néant et nous a montré que celui-ci doit se traduire en service fraternel. En fait d’humilité, on voit qu’on y est arrivé quand l’initiative passe de nous aux autres, soit quand ce n’est plus nous qui reconnaissons nos défauts et nos torts, mais d’autres ; quand nous ne sommes pas uniquement capables de nous dire la vérité, mais aussi de nous la laisser dire, de plein gré, par d’autres. Avant de se reconnaitre devant frère Matthieu comme le plus vil des hommes, François avait accepté, de plein gré et pendant longtemps, d’être raillé, considéré par ses amis, parents et par tout le village d’Assise comme un ingrat, un exalté, comme quelqu’un qui n’aurait jamais rien fait de bon dans la vie.
Autrement dit, dans notre lutte contre l’orgueil, le niveau que l’on atteint dépend de comment nous réagissons, extérieurement ou intérieurement, quand nous sommes contredits, corrigés, critiqués ou laissés de côté. Prétendre de tuer son orgueil en le frappant tout seul, sans que personne n’intervienne de l’extérieur, est comme utiliser son propre bras pour se punir soi-même: on ne se fera jamais vraiment mal. C’est comme si un médecin voulait s’extraire tout seul une tumeur.
Quand je cherche à recevoir la gloire d’un homme pour quelque chose que je dis ou je fais, il est pratiquement certain que celui qui est devant moi, dans sa manière d’écouter et de répondre, recherche lui aussi la gloire de moi. Il arrive donc que chacun recherche sa propre gloire et personne ne l’obtient, et si par hasard il l’obtenait ce n’est que « vaine gloire », c’est-à-dire une gloire vide, destinée à partir en fumée avec la mort. Mais l’effet est tout aussi terrible; Jésus allait jusqu’à attribuer à cette recherche de gloire l’impossibilité de croire. Il disait aux pharisiens: « Comment pourriez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ! » (Jn 5, 44).
Quand on se retrouve enlisés dans des pensées et des aspirations de gloire humaine, nous jetons dans la mêlée de telles pensées, comme une torche ardente, la parole que Jésus lui-même utilisa et qu’il nous a laissée: « Ce n’est pas moi qui recherche ma gloire ! » (Jn 8, 50). Cette lutte de l’humilité est une lutte qui dure toute la vie et s’étend à chacun de ses aspects. L’orgueil est capable de se nourrir du mal comme du bien; même plus, contrairement à ce qui se passe pour tout autre vice, le bien, non le mal, est le terrain de culture préféré de ce terrible « virus ». Le philosophe Pascal nous éclaire en disant ceci :
« La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme qu’un soldat, un gougeât, un cuisinier, un crocheteur, se vante et veut avoir des admirateurs : et les philosophes mêmes· en veulent ; et ceux qui écrivent contre veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit; et moi qui écris ceci, ai peut-être cette envie; et peut-être que ceux qui le liront l’auront aussi. »[14].
Pour que l’homme « ne se surestime pas », Dieu le fixe généralement au sol comme une sorte d’ancre; il méta ses côtés, comme pour Paul, un « envoyé de Satan qui le gifle », « une écharde dans la chair » (2 Cor 12,7). Nous ne savons pas ce que fut exactement pour l’Apôtre cette « écharde dans la chair », mais nous savons bien ce qu’elle est pour nous! Tous ceux qui veulent suivre le Seigneur et servir l’Eglise l’ont. Ce sont des situations humiliantes qui nous renvoient constamment, parfois nuit et jour, à la dure réalité de ce que nous sommes. Cela peut être un défaut, une maladie, une faiblesse, une impuissance, que le Seigneur nous laisse, malgré toutes les suppliques ; une tentation persistante et humiliante, voire une tentation à se surestimer; une personne avec laquelle ont est obligé de vivre et qui, malgré la rectitude des deux parties, a le pouvoir de mettre à nu notre fragilité, de démolir notre présomption.
L’humilité n’est néanmoins pas qu’une vertu privée. Il existe une humilité qui doit briller dans l’Eglise comme institution et peuple de Dieu. Si Dieu est humilité, l’Eglise aussi doit être humilité; si le Christ a servi, l’Eglise aussi doit servir, et servir par amour. Pendant trop longtemps l’Eglise, dans son ensemble, a représenté devant le monde la vérité du Christ, mais peut-être pas assez l’humilité du Christ. Pourtant c’est avec elle, mieux qu’avec toute apologétique, que s’apaisent les hostilités et les préjugés à son égard et que s’aplanit le chemin qui amène à accueillir l’Evangile.
Il y a un épisode des « Promessi Sposi » (Les fiancés) d’Alessandro Manzoni qui renferme une profonde vérité psychologique et évangélique. Frère Christophe, après avoir terminé son noviciat, décide de demander publiquement pardon aux parents de l’homme qu’il a tué en duel avant de devenir frère. La famille s’aligne d’un côté, formant une sorte de fourches caudines, de manière ce que le geste soit le plus humiliant possible pour le frère et source de plus grande satisfaction pour l’orgueil de la famille. Mais quand ils voient le jeune frère avancer la tête basse, s’agenouiller aux pieds du frère de l’homme qu’il a tué et demander pardon, leur morgue retombe et ils se sentent à leur tour confus, s’excusent auprès de lui, et tous finissent par l’entourer et lui baiser la main, à se recommander à ses prières[15]. Ce sont les miracles de l’humilité.
Dans le livre du prophète Sophonie Dieu affirme : « Je ne laisserai subsister au milieu de toi qu’un peuple petit et pauvre, qui aura pour refuge le nom du Seigneur » (Soph. 3,12). Cette parole est encore d’actualité et c’est peut-être d’elle que dépendra le succès de l’évangélisation dans laquelle l’Eglise est engagée.

Maintenant c’est moi qui, avant de terminer, dois rappeler à moi-même une maxime chère à saint François. Celui-ci avait l’habitude de répéter : « L’empereur Charles, Roland, Olivier, et tous les grands héros, ont fini par emporter une glorieuse et mémorable victoire … Mais aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui veulent se gagner de la gloire et des louanges auprès des hommes »[16]. François utilisait cet exemple pour dire que les saints ont pratiqué les vertus et que d’autres recherchent la gloire dans le seul fait de les raconter[17].
Pour ne pas compter moi aussi parmi eux, je m’efforce de mettre en pratique le conseil qu’un ancien Père du désert, Isaac de Ninive, donnait à celui qui s’était plié au devoir de parler de choses spirituelles, auxquelles il n’était pas encore arrivés par sa vie: « Parle comme quelqu’un qui appartient à la classe des disciples et non avec [ton] autorité, après avoir humilié ton âme et t’être fait le plus petit de tous tes auditeurs ». C’est dans cet esprit, Saint-Père, Vénérables Pères, frères et sœurs, que j’ai osé vous parler d’humilité.

Traduction de Zenit, Océane Le Gall*

HOMÉLIE DU 25ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

18 septembre, 2015

http://preparonsdimanche.puiseralasource.org/

HOMÉLIE DU 25ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

20/09/2015

Les lectures du jour
http://levangileauquotidien.org/main.php?module=read&date=2015-09-20&language=FR

QUI EST LE PLUS GRAND ?

Dimanche dernier, le prophète Isaïe nous parlait d’un homme persécuté, tout simplement parce qu’il avait reçu de Dieu une mission et un engagement. Aujourd’hui, le livre de la Sagesse nous renvoie à la situation des juifs qui sont partis à l’étranger. Dans le cas présent, il s’agit de ceux qui sont à Alexandrie. Les grecs le ridiculisent parce qu’ils prétendent avoir une connaissance particulière de Dieu. Ils se disent fils de Dieu et mis à part.

C’est ainsi qu’on les voit dénigrés de toutes les manières. Mais ils ont la ferme certitude que Dieu ne les abandonnera pas : « Les justes sont dans la main de Dieu qui veille sur eux. » Ils sont victimes de la haine des païens mais aussi des juifs qui ont renié leur foi. Pour ces derniers ce n’est pas supportable. La fidélité des croyants est un reproche vivant pour ceux qui ont renié leur foi. Mais le mal et la haine n’auront pas le dernier mot. Quelqu’un disait à Lourdes : « Là où il y a des montagnes de souffrance, il y a un Himalaya d’amour (L’Himalaya c’est la plus haute montagne du monde). Nous sommes donc invités à demander au Seigneur qu’il nous rende fermes dans la foi. Il n’abandonne jamais ceux qui comptent sur lui.

Dans la seconde lecture, saint Jacques s’adresse à des chrétiens qui sont dispersés dans l’empire Romain. Beaucoup sont éblouis par le prestige de la culture grecque. Ils finissent, eux aussi, par abandonner leur foi et la pratique de leur religion. Ils raillent et persécutent ceux qui sont restés fidèles. Saint Jacques dénonce cette hypocrisie. Il leur rappelle que les guerres et les conflits viennent de tous ces instincts qui mènent leur combat en nous. Tout cela finit par polluer la prière. Personne ne songe à prier quand il se livre à la recherche avide des biens d’ici-bas. La vraie lumière, nous ne pouvons la trouver que dans la sagesse qui descend de Dieu. Elle est « droiture, paix, tolérance, compréhension, féconde en bienfaits ». Elle transforme notre cœur. Elle rendra possible la vraie paix.

L’Évangile nous montre également cette opposition entre l’esprit du monde et l’esprit de Dieu. L’événement qui nous est rapporté se passe juste après la Transfiguration. Les apôtres Pierre, Jacques et Jean ont été les témoins émerveillés de la gloire de Dieu. Ils ont entendu la voix du Père qui le déclarait « Bien aimé de Dieu ». Ils s’attendaient pour lui à un destin glorieux et victorieux.

Or voilà que Jésus leur annonce qu’il va affronter la souffrance et la haine des hommes. Il sera arrêté, condamné et mis à mort sur une croix. Les disciples ne comprennent plus parce que c’est totalement contraire à l’idée qu’ils se font du Messie. Ils découvrent que celui qui prendra la tête de l’humanité sera traité comme un rebut.

La suite du récit nous montre bien qu’ils n’ont rien compris. En effet, ils en viennent à discuter entre eux pour savoir qui est le plus grand parmi eux. C’est l’éternelle question du pouvoir. Que ce soit en politique, en économie ou dans le milieu professionnel, on veut se mettre en position de force, on veut dominer l’autre et le soumettre à son vouloir personnel.

Ce n’est pas ainsi que Jésus voit les choses. Pour les conduire vers une vraie perfection, il prend un enfant et le place au milieu d’eux. Dans le monde de la Bible, l’enfant c’est celui qui n’a pas droit à la parole. C’est le dernier de tous. Accueillir un enfant comme celui qu’il leur montre, c’est accueillir Jésus lui-même. La vraie grandeur, c’est l’accueil et le service des petits. C’est ainsi que l’humble service est élevé au rang de service de Dieu. C’est important pour nous, en particulier pour ceux qui sont engagés dans des associations caritatives.

A travers ces trois lectures de la Bible, c’est Dieu qui nous parle. Le juste qui souffre (1ère lecture) nous renvoie aux chrétiens persécutés qui sont obligés de fuir leur pays. Nous pouvons aussi nous reconnaître à travers l’intrigant dont nous parle saint Jacques. Le Seigneur veut nous libérer de cette recherche de nous-mêmes. Dans l’Évangile, il nous rappelle que les vrais grands ne sont pas ceux qui recherchent les premières places et les honneurs mais ceux dont le cœur est ouvert aux autres.

Nous voilà donc provoqués à réviser nos positions puisque, aux yeux de Jésus, le plus grand c’est le plus petit. Quand notre monde fonctionnera selon cet ordre de grandeur, quand les plus fragiles seront au cœur de la communauté, la vie sera tout autre. Chacun peut, à son niveau, mettre en pratique cette parole qui sera celle de l’accueil final : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait ». Amen

Sources : Revue Signes – Homélies du dimanche (Mgr Léon Soulier) – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes – Homélies de l’année liturgique B (Simon Faivre – Reste avec nous quand vient le soir (Laurette lepage) – Homélies année B (Amédée Brunot) – Entretiens du dimanche (Noël Quesson)

La guérison du paralytique

17 septembre, 2015

La guérison du paralytique dans images sacrée 3

http://ostrov-preobr.cerkov.ru/2014/05/11/nedelya-4-ya-po-pasxe-o-rasslablennom/

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