Archive pour septembre, 2015
25 SEPTEMBER : SAINT SERGE DE RADONÈGE
26 septembre, 2015http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/synaxaire/StSergeRadonege.htm
25 SEPTEMBER : SAINT SERGE DE RADONÈGE
La Vie du Saint Père Théophore Serge de Radonège, Thaumaturge et Protecteur de la Russie
Saint Serge naquit en 1313 à Rostov. Ses parents, Cyrille et Marie, lui donnèrent au baptème le nom de Barthélémy. Dès le sein de sa mère, Dieu laissa prévoir la gloire future de son serviteur. C’est ainsi qu’une fois, au cours de la liturgie avant la lecture de l’Evangile, l’enfant se mit à crier dans le sein de sa mère, si fort que sa voix fut entendue par d’autres. Au moment de l’hymne des chérubins, la voix de l’enfant se mit encore à retentir, ce qui effraya Marie. Lorsque le prêtre prononça l’ecphonèse : «Ce qui est saint aux saints !», l’enfant poussa un cri pour la troisième fois, et sa mère commença à pleurer. Ceux qui étaient présents à la liturgie souhaitaient voir l’enfant; mais la mère fut contrainte de dire qu’il criait non pas sur ses bras, mais dans son sein. Après cet événement inhabituel, Marie, pendant toute la période de sa grossesse, ne mangeait ni viande ni lait ni poisson; elle se nourrissait exclusivement de pain et d’eau, et vaquait à la prière. Lorsqu’il eut sept ans, on envoya l’enfant ètudier. Or, contrairement à ses frères Etienne et Pierre qui apprenaient bien, Barthélémy éprouvait des difficultés. Le maître le punissait, ses camarades se moquaient de lui, ses parents le réprimandaient; mais Barthélémy, malgré toute sa bonne volonté, ne parvenait pas à apprendre. C’est alors que se produisit le même phénomène qu’avec Saül. Un jour, alors que son père l’avait envoyé au champ chercher des chevaux, Barthélémy aperçut un moine âgé sous un chêne, qui priait en versant des larmes. Le jeune garçon s’approcha doucement, attendant la fin de la prière du staretz, qui lui dit: «Que te faut-il, mon enfant?» Barthélémy répondit: «Je ne puis apprendre malgré mes efforts. Prie Dieu pour moi, saint père, pour que je puisse apprendre les lettres». Le staretz, en prononçant une prière, donna un morceau de prosphore à l’enfant et lui dit: «Ne t’afflige point. A partir de ce jour, le Seigneur te donnera la compréhension des lettres!» Alors que le staretz voulait sortir, Barthélémy tomba à ses pieds et lui demanda de visiter la maison de ses parents. Il ajouta: «Mes parents aiment fort les personnes semblables à toi, Père». L’Ancien, en souriant, se rendit à la maison des parents de l’enfant, qui le reçurent avec grande considération. Ils le prièrent de partager leur repas, puis le staretz entra dans la chapelle familiale. Prenant l’enfant avec lui, le vieux moine lui ordonna de lire les heures. Cependant, Barthélémy, troublé, répondit qu’il ne pouvait pas lire. Le staretz réintima l’ordre, et l’enfant, ayant pris sa bénédiction, commença à lire le psautier correctement et distinctement, à l’étonnement général. A table, les parents racontèrent au moine ce qui s’était produit à l’église quand l’enfant était encore dans le sein de sa mère. Le staretz, avant de se séparer d’eux, dit ces paroles énigmatiques: «Cet enfant va devenir la demeure de la Sainte Trinité, et amènera une multitude à la compréhension de Sa volonté». Après cela, Barthélémy commença à fréquenter avec ardeur l’église et à lire la sainte Ecriture. Après un certain temps, alors qu’il était âgé de douze ans, il se mit à observer une stricte tempérance, s’abstenant de toute nourriture le mercredi et le vendredi et se contentant, les autres jours, de pain sec et d’eau. En raison de certains malheurs qui le frappèrent à Rostov, le père de Barthélémy, Cyrille, partit à Radonège avec sa famille. Là, Barthélémy continua son ascèse. Alors que ses deux frères s’étaient mariés, il demanda à ses parents la permission de s’engager dans la vie monastique. Ceux-ci le prièrent d’ajourner son désir jusqu’à leur mort. Cependant, peu de temps après, ils entrèrent eux-mêmes au monastère et décédèrent bientôt. Pendant quarante jours, Barthélémy pria sur leur tombe, nourrit les pauvres et fit servir des offices de requiem. Ensuite, il fit don de ses biens à son frère cadet Pierre et décida d’accomplir son désir. Son frère aîné Etienne, dont la femme était décédée, effectua sa profession monastique au monastère de Khotov, où ses parents étaient enterrés. Barthélémy, qui souhaitait une profonde solitude, convainquit Etienne de rechercher un endroit qui conviendrait mieux à la vie ascétique. Ils cheminèrent longtemps dans les forêts, puis trouvèrent un endroit approvisionné en eau et éloigné des chemins battus, à dix verstes de Radonège et de Khotov. Ils bâtirent une cellule avec une petite église. Le frère cadet, obéissant à l’aîné, demanda en quel nom serait construite l’église. Barthélémy, se rappelant les paroles du staretz, répondit qu’il convenait de dédier l’église à la Sainte Trinité. Le frère cadet dit alors que telle était aussi sa pensée. L’église fut consacrée avec la bénédiction du métropolite Théognoste. Ayant demandé à l’higoumène Métrophane de venir, Barthélémy reçut la tonsure monastique avec le nom de Serge. Il avait alors vingt-quatre ans (1337). Etienne, quant à lui, parti peu de temps après au monastère de la Theophanie à Moscou.
Et voici que Serge se trouva seul dans cette forêt, où les loups hurlaient près de sa cellule. Les ours aussi s’approchaient du lieu où vivait le saint. Une fois, Serge s’aperçut qu’un ours n’était pas tant féroce qu’affammé, et il commença à éprouver de la pitié pour cet animal, puis lui donna de la nourriture. Le fauve s’éprit du père et vint souvent recevoir de lui sa pitance. Le saint la lui donnait à chaque fois, partageait son dernier morceau de pain avec cet animal, et allait même jusqu’à se priver de nourriture pour lui. Saint Serge resta seul pendant trois ans jusqu’à ce que des zélateurs de la piété commencent à lui demander de vivre sous sa direction spirituelle. Peu à peu, douze fréres se rasemblèrent, et chacun d’entre eux construisit sa propre cellule. L’office de minuit, les matines, les heures, les vêpres et les complies étaient quotidiennement célébrées à l’église. Pour la célébration de la liturgie, les frères appelaient un prêtre de l’extérieur, car il n’y en avait pas encore parmi eux. Enfin, l’higoumène Métrophane, qui avait tonsuré Serge, vint vivre avec eux. Mais, peu de temps après, cet ancien mourut. Quant à Serge, il ne voulait pas, par humilité, devenir higoumène. Les frères se réunirent alors, vinrent voir le saint et lui dirent: «Père, nous ne pouvons vivre sans higoumène, et nous souhaitons que ce soit toi qui remplisses cette fonction. Ainsi, lorsque nous viendrons te révéler nos péchés, nous recevrons des enseignements et l’absolution. Il convient également que la liturgie soit célébrée et que nous recevions les saints Mystères de tes pures mains». Cependant Serge refusa et, quelques jours après, la communauté se réunit de nouveau chez le saint, en le priant d’accepter la charge d’higoumène. «Il ne m’appartient pas d’accomplir le ministère angélique; il m’appartient de pleurer mes péchés», répondit-il. Les frères pleurèrent et dirent enfin: «Si tu ne veux pas prendre soin de nos âmes, nous serons contraints de quitter ce lieu, nous errerons alors comme des brebis égarées, et tu devras en répondre devant Dieu.» «Je préfère me soumettre que de commander, dit Serge; mais, craignant le jugement de Dieu, je laisse ce problème à la volonté du Seigneur». Prenant avec lui deux des moines les plus âgés, il se rendit à Péréïaslavl, chez Athanase, l’évêque de Volynie, auquel S. Alexis, alors à Constantinople, avait remis les affaires du diocèse metropolitain.
En 1354, Serge fut ordonné prêtre et élevé au rang d’higoumène par l’évêque Athanase. Il célébrait quotidiennement la sainte liturgie, et arrivait le premier à l’église pour chaque office. Il fabriquait lui-même les cierges et les prosphores, ne permettant jamais à quiconque de participer à cette dernière tâche. Pendant trois ans, le nombre des moines resta identique, le premier qui fit augmenter ce nombre fut l’archimandrite Simon de Smolensk, qui préférait obéir à S. Serge plutôt que commander ailleurs.
Le soir après les complies, et sauf en cas de besoin urgent, nul n’avait l’autorisation de se rendre dans la cellule d’un autre moine. Car les heures de la nuit devaient être réservées à Dieu seul. Le reste du temps, ils restaient dans le silence à alterner la prière et le travail manuel. A la fin de la prière que les frères devaient accomplir dans leur cellule, le saint faisait secrètement le tour de celles-ci. S’il entendait de vaines conversations ou des rires, il frappait à la fenêtre pour les faire cesser et s’en allait tout triste. Le matin, il réunissait les fautifs, et «de loin», à l’aide de paraboles et sur un ton humble et doux, il les instruisait. Il n’employait une sévérité toute mesurée que pour ceux qui refusaient de faire pénitence et persistaient dans leurs fautes. Il aimait tant la pauvreté qu’il institua comme règle stricte de ne jamais faire de quête au profit du monastère: quels que soient ses besoins. Le dépouillement était extrême dans la communauté: On s’éclairait avec des tisons pour l’office, et les livres étaient faits en écorce de bouleau. Un jour, le monastère se trouva réduit à une si extrême misère qu’on ne pouvait plus y trouver ni pain ni eau. Après avoir passé trois jours sans nourriture, Serge se rendit chez le frère Daniel et lui dit: «J’ai entendu que tu voudrais construire une entrée devant ta cellule. Je te la construirai afin que mes mains ne restent pas oisives. Cela ne te coûtera pas cher, je veux du pain avarié et tu en as.» Daniel lui apporta donc des morceaux de pain moisis qu’il avait chez lui. «Garde-les, lui dit le saint, jusqu’à la neuvième heure; je ne prends pas de salaire avant d’avoir travaillé». Ayant achevé son travail, Serge pria, bénit le pain, en mangea, puis but de l’eau, ce qui constitua son repas. En raison de l’absence de nourriture, les frères commencèrent à manifester leur mécontentement: «Nous mourons de faim», dirent les faibles, «et tu ne permets pas de demander l’aumône. Demain, nous partirons d’ici, chacun de son côté, et nous ne reviendrons plus ! » Le saint les persuada alors de ne pas affaiblir leur espoir en Dieu. «Je crois, dit-il, que Dieu ne délaissera pas les habitants de ce lieu». A ce moment, on entendit quelq’un frapper à la porte. Le portier vit que l’on avait apporté beaucoup de pains. Il accourut tout joyeux, et dit à l’higoumène: «Père, on nous a apporté beaucoup de pains. Donne-nous ta bénédiction afin que nous les prenions! » Le saint ordonna de laisser entrer les bienfaiteurs, et convia tous les frères à table, ayant au préalable célébré un office d’action de grâces. «Où sont ceux qui nous ont apportè ces dons ?» demanda-t-il. «Nous les avons invites à table et leur avons demandé qui les avait envoyés», répondit le moine, «et ils nous dirent que c’était quelqu’un qui aime le Christ, qui les avait envoyés; mais que, ayant une autre tâche accomplir, ils devaient partir».
Une autre fois, le saint, tard dans la soirée, priait pour les frères de son monastère. Soudain, il entendit une voix lui dire: «Serge! » Ayant terminé une prière, il ouvrit la fenêtre et aperçut une lumière inhabituelle qui descendait du ciel, et la voix continua: «Serge ! Le Seigneur a entendu la prière pour tes enfants; vois quelle multitude s’est rassemblée autour de toi au nom de la Sainte Trinité». Alors, le saint vit une multitude d’oiseaux merveilleux, volant non seulement dans le monastère, mais également tout autour. «Ainsi, poursuivit la voix, se multipliera le nombre de tes disciples et il ne te manquera point de successeurs pour marcher sur tes traces».
Peu de temps après, le patriarche Philothée’ fit parvenir au saint une croix et encore d’autres présents avec une lettre, dont voici le contenu : «Par la Miséricorde Divine, l’archevêque de Constantinople, patriarche œcuménique, Philothée, à Serge, fils dans le Saint-Esprit et concélébrant de notre humble personne. Que la grâce, la paix et notre bénédiction soient avec vous tous! Nous avons entendu parler de ta vie vertueuse, nous l’approuvons, et nous en glorifions Dieu. Mais il te manque une chose: la vie commune (cénobitique). Tu sais, Père très semblable au Christ, que le parent de Dieu, le prophète David, qui saisissait tout par son esprit, loua la vie commune. «Qu’y a-t-il de meilleur et de plus beau pour des frères gue de vivre ensemble» ? (Ps 132). Pour cela, je vais vous donner un conseil utile: instituez le cénobitisme. Que la miséricorde de Dieu et notre bénédiction soient avec vous! » Suivant le conseil du patriarche, le saint, avec la bénédiction du métropolite Alexis, introduisit la vie commune intégrale dans son monastère. Il construisit les bâtiments nécessaires, définit les devoirs propres à cette vie, et ordonna que toute chose soit commune, interdisant d’avoir sa propriété ou d’appeler quelque chose «sien». Le nombre des disciples s’accrut alors et l’abondance régna au monastère. On introduisit l’hospitalité, on nourrit les pauvres et on donna l’aumône à ceux qui le demandaient. Saint Serge s’était soumis à ce conseil du patriarche par esprit d’obéissance. Bien qu’il demeurât amant de la solitude, il accepta d’assumer cette forme plus rigide de direction, sans cesser pourtant d’être un père et un éducateur plutôt qu’un administrateur. Mais il devait bientôt subir de cruelles épreuves. Un samedi, le saint se trouvait dans le sanctuaire, célébrant les vêpres. Son frère, revenu au monastère, demanda au canonarque: «Qui t’a donné ce livre ?» «L’higoumène», répondit celui-ci. «Qui est higoumène ici ?» répondit à son tour Etienne, avec colère. «N’ai-je pas fondé ce lieu en premier ?» A ceci, il ajouta de violentes paroles. Le saint entendait tout cela dans le sanctuaire, et il comprit que cette manifestation de mécontentement était dûe en fait au nouvel ordre qui régnait dans le monastère. Mécontents du cénobitisme, certains quittèrent en secret le monastère, et d’autres souhaitaient ne plus avoir Serge pour higoumène. Le saint, laissant ceux qui voulaient vivre selon leur volonté face à leur conscience, ne rentra même pas dans sa cellule, mais s’éloigna du monastère. Les meilleurs moines étaient inquiets, mais pensaient encore que Serge reviendrait. Toutefois, leur attente fut déçue. Le saint s’installa à Kirjatch. Sur la demande de certains, saint Alexis dépêcha une délégation auprès de saint Serge,afin qu’il revînt au monastère où il était si utile. Mais saint Alexis, sentant sa mort prochaine, souhaitait trouver en la personne de Serge son successeur. Il le fit venir chez, lui fit cadeau de sa croix épiscopale. Mais saint Serge, par humilité, la refusa en disant: «Pardonne-moi, Seigneur, mais depuis mon enfance je n’ai jamais porté d’or et maintenant, je souhaite d’autant plus rester dans le dépouillement». «Je le sais, bien-aimé, mais accepte par obéissance!» répondit Alexis. Ce faisant, il lui passa la croix autour du cou et lui annonça qu’il le désignait comme son successeur. «Pardonne-moi, vénéré pasteur, mais tu veux me charger d’un fardeau qui dépasse mes forces. Tu ne trouveras pas en moi ce que tu cherches. Je suis le plus pécheur et le pire de tous.»
Lorsque les hordes tatares déferlèrent sur la terre russe, et alors que la population était effrayée, le grand Duc Dimitri Ioannovitch, qui avait une grande foi en saint Serge, lui demanda s’il devait entrer en guerre contre les impies Tatares. Le saint bénit le grand Duc pour entrer en guerre et lui dit: «Avec l’aide de Dieu, tu seras victorieux et tu sortiras de la bataille sain et sauf et couvert d’honneurs.». Au moment de la bataille de Koulikovo*, le saint était en prière avec ses frères et parlait du déroulement heureux des combats. Il citait même les noms de ceux qui tombaient, faisant une prière pour eux. Conformément à la prédiction de saint Serge, le grand Duc remporta la célèbre victoire de Koulikovo, qui constituait le début de la délivrance du joug tatare.
Une nuit, alors que saint Serge chantait l’Acathiste à la Mère de Dieu et lui adressait de ferventes prières pour le monastère devant son icône, il s’interrompit un instant pour dire à son disciple Michée: «Sois vigilant, mon enfant, car nous allons recevoir une visite miraculeuse!» A peine avait-il prononcé ces paroles qu’il entendit une voix: «La Très Pure arrive! » Il se précipita à l’entrée de sa cellule et, soudain, une lumière inhabituelle l’entoura, plus éclatante encore que le soleil. Il vit la Très Sainte Mère de Dieu, accompagnée des Apôtres Pierre et Jean, rayonnante d’une gloire indescriptible. Le saint se prosterna à terre, mais la Mère de Dieu le toucha de sa main et dit: «Ne crains point, mon élu! Je suis venue te visiter, car j’ai entendu ta prière pour tes disciples et pour ce lieu. Dorénavant je ne quitterai pas ton monastère, durant ta vie comme après ta mort, et je le protégerai». Après cela, le saint resta sans sommeil toute la nuit, méditant avec piété sur la miséricorde céleste.
Six mois avant son trépas, le saint, appelant sa communauté, la recommanda à Nicon, et se consacra lui-même à la solitude et à la prière. En septembre, il pressentit la maladie, appela de nouveau les frères et leur donna à tous ses dernières instructions. Il mourut le 25 septembre 1391, à l’âge de 78 ans.
* Bataille décisive pour la Russie, que l’on peut comparer à la bataille de Poitiers en France.
HOMÉLIE DU 26ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE.
26 septembre, 2015http://preparonsdimanche.puiseralasource.org/
HOMÉLIE DU 26ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE.
27/09/2015
Les lectures du jour
http://levangileauquotidien.org/main.php?module=read&date=2015-09-27&language=FR
Changez vos cœurs…
Les lectures bibliques de ce dimanche nous révèlent un Dieu qui veut nous conduire sur le chemin de la Vie. Pour cela, il vient nous libérer de tout ce qui nous en détourne. Sur la route vers la terre promise, les hébreux n’étaient qu’un simple ramassis d’esclaves. Moïse avait été choisi par Dieu pour les conduire vers la liberté. Mais comme la charge devenait trop lourde, il a réparti son pouvoir en nommant des responsables. Dieu lui a promis de répandre son esprit sur ces derniers.
Mais un problème se pose : deux hommes, Eldad et Médad se mettent à prophétiser alors qu’ils n’ont pas été désignés. Josué les dénonce à Moïse. Il leur reproche un « exercice illégal de prophétie ». Mais on ne peut empêcher l’Esprit de Dieu de souffler où il veut. Personne n’en a le monopole. C’est vrai aussi pour nous aujourd’hui. On a longtemps pensé que seuls le pape, les évêques et les prêtres étaient les seuls à avoir le droit de parler de la part de Dieu. Aujourd’hui, nous voyons des chrétiens qui se forment pour exercer des responsabilités d’enseignement religieux et d’aumônerie dans les collèges, les lycées ou les hôpitaux. Et ce qui est extraordinaire c’est que l’Esprit est à l’œuvre même en dehors de l’Église. Il intervient aussi dans le cœur de ceux qui sont d’une autre religion et dans celui de tous les hommes.
Dans l’Évangile, c’est un peu la même question qui est posée à Jésus. Rappelons-nous, ils viennent de se disputer les premiers postes. Ils pensent qu’ils sont les seuls titulaires de ce pouvoir. Ils sont contrariés de voir un homme qui chasse les démons au nom de Jésus. C’est de la concurrence déloyale. Le Christ voudrait les ramener à un peu plus d’humilité. Il ne faut pas empêcher celui qui agit au nom de Jésus. Comprenons bien, le démon c’est celui qui nous entraîne sur des chemins de perdition. Si on le chasse, on ne peut pas être contre Jésus.
La suite de l’Évangile nous montre les avertissements sévères à l’égard de celui qui entraînera la chute d’un petit. Faire tomber un disciple qui a décidé de suivre Jésus est extrêmement grave. Quand saint Marc écrit son Évangile, il pense à ceux qui ne sont pas de « notre Église ». Parmi eux, se trouvent des sympathisants qui sont prêts à franchir le seuil. On ne doit pas les refouler. Bien au contraire, nous sommes envoyés pour travailler au salut de tous les hommes. Dieu les aime tous et il ne veut pas qu’un seul se perde.
Dans l’Évangile, nous trouvons trois exemples pour prévenir la chute. Jésus nous parle d’abord de la main. Elle est faite pour recevoir les dons de Dieu et les partager. La main qui entraîne au péché c’est celle qui cherche à accumuler des richesses au détriment des plus pauvres. Elle n’hésite pas à frapper pour en avoir encore plus. C’est cette soif de richesses qui peut entraîner la chute d’un petit. C’est extrêmement grave, surtout quand ça vient d’un chrétien.
Le pied, c’est l’indépendance et l’autonomie. Il permet d’aller et venir. Aujourd’hui, nous comprenons que Jésus nous appelle tous à marcher à sa suite. Il est le chemin, la Vérité et la Vie. C’est par lui que nous allons au Père. On peut pécher avec le pied quand on court vers le mal et qu’on y entraîne les autres. Pécher avec le pied, c’est se détourner de Dieu et s’engager sur des chemins de perdition.
Le péché de l’œil c’est de voir bon ce que Dieu déclare mauvais. Les yeux peuvent nous entraîner dans l’illusion et nous détourner de Dieu et des autres. Nous pensons au riche qui n’avait pas vu le pauvre Lazare au pied de sa porte. Son péché a été de ne voir que lui même et ses intérêts personnels immédiats.
C’est exactement cela que dénonce la lettre de Saint Jacques (2ème lecture). Il s’attaque à ceux qui accumulent pour eux richesses et argent. Il s’en prend à ceux qui exploitent les travailleurs qui sont sous leurs ordres. Ces richesses qu’ils empilent « sont pourries ». Elles ne font que fausser les relations de fraternité et de justice. Si Dieu nous donne plus de biens, c’est pour faire plus d’heureux. Ce qui fait la valeur d’une vie c’est l’amour.
Dans l’Évangile, Jésus nous demande de couper et de trancher. Il ne s’agit pas d’une mutilation ; ce qui nous est demandé c’est de rompre d’une manière catégorique avec ces habitudes qui nous entraînent au péché. Le Seigneur attend de nous un véritable retournement : que notre main soit toujours tendue vers Dieu et vers les autres, que nos pieds marchent à la suite de Jésus, que nos yeux voient les autres avec le regard même de Dieu, un regard plein d’amour et de tendresse.
En ce jour, nous faisons nôtres les paroles de ce chant : « Changez vos cœurs, croyez à la Bonne Nouvelle. Changez de vie, croyez que Dieu vous aime ! »
Sources : Revue Signes, Homélies pour l’année B (Amédée Brunot) – au service de la Parole (Bernard Prévost) – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes (JP. Bagot) – Commentaire de Sœur Claire.
Les arbres du Jardin d’Éden
24 septembre, 2015QUELQUES JARDINS DE LA BIBLE
24 septembre, 2015http://www.centre-biblique.ch/echanges/2003/2003-1-a.htm
QUELQUES JARDINS DE LA BIBLE
Lucien Jouve
Le jardin d’Eden
« L’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y plaça l’homme qu’il avait formé. Et l’Éternel Dieu fit croître du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (Gen. 2. 8, 9).
« Dieu planta un jardin », cette expression suggère déjà tout le travail que Dieu déploiera pour produire et trouver du fruit dans les hommes, c’est-à-dire du plaisir en eux, le plaisir de son amour.
Ces pensées sont très nettement lisibles dans l’histoire du peuple d’Israël qui est comparé à une vigne que Dieu a aussi plantée (voir Es. 5. 1-7).
Dieu confie Éden, ce jardin merveilleux, à Adam pour le cultiver et le garder pour Lui. Ce jardin est donc à la fois symbole, cadre merveilleux et sphère de responsabilité. Tout doit contribuer au plaisir de Dieu. Or Satan ne peut supporter ce qui apporte du plaisir à Dieu et il gâte ce jardin en introduisant, dans le cœur d’Adam et d’Ève, le germe de la désobéissance et de l’indépendance vis-à-vis de Dieu. Mais Dieu n’abandonne pas la pensée du jardin, c’est-à-dire ce qui est pour le plaisir de son amour, et nous le retrouvons dans l’Apocalypse, le livre qui clôt la révélation de Dieu (Apoc. 2. 7).
Pour le moment, Adam et Ève sont chassés de ce paradis terrestre car il n’est plus pour le plaisir de Dieu. Toutefois, Dieu les revêt de peaux. Ces vêtements, qui ont nécessité un sacrifice sanglant, indiquent le travail de Dieu en salut pour l’homme.
Le jardin de l’homme
Salomon a exprimé personnellement, dans l’Ecclésiaste, la recherche du bonheur terrestre par l’homme privé de la Lumière de la Révélation. Ayant tout essayé, il peut dire : « J’ai fait de grandes choses : je me suis bâti des maisons, je me suis planté des vignes ; je me suis fait des jardins et des parcs, et j’y ai planté des arbres à fruit de toute espèce » (Ecc. 2. 4, 5).
Cette recherche se perpétue aujourd’hui sous différentes formes, mais elle exprime toujours ce sentiment ancré au plus profond de l’être humain : sa nostalgie du paradis perdu. Notre culture hédoniste en est le témoin.
Cela peut aller d’un parc d’agrément au salon du bien-être, en passant par le confort de la voiture et de la maison luxueuse. Cela peut prendre la forme de plaisirs euphorisants.
Le croyant aussi peut profiter de certains avantages terrestres avec reconnaissance, mais il sait que son bonheur n’est pas là : il use du monde comme n’en usant pas à son gré. (1 Cor. 7. 31).
Tous ces efforts de l’homme pour trouver le bonheur sur la terre, sans Dieu, sont vains. Salomon lui-même l’exprime après toutes ses recherches : « Vanité des vanités, tout est vanité ».
Le croyant est aussi en danger de considérer ce monde avec un œil peu spirituel, comme le fit Lot qui estimait la plaine du Jourdain avec Sodome et Gomorrhe semblable au « jardin de l’Éternel » (Gen. 13. 10). C’en était loin, hélas ! A Lot peut s’appliquer cette expression étrange d’Ésaïe : « Vous rougirez des jardins (c’est-à-dire des sources de joie) que vous aurez choisis… car vous serez comme… un jardin qui n’a pas d’eau » (Es. 1. 29, 30). Oui, Lot eut à rougir de son choix qui n’a pas été pour le plaisir de Dieu.
Le jardin du Bien-aimé
« Tu es un jardin clos, ma sœur, ma fiancée, une source fermée, une fontaine scellée » (Cant. 4. 12).
Contrastant avec l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques a été appelé le jardin des parfums. Ici, le Bien-aimé évoque, d’une façon délicatement poétique, la virginité de sa fiancée. Ce premier sens est un appel à tous les jeunes gens pour qu’ils respectent ce « jardin clos », cette source fermée, cette source scellée jusqu’à l’union du mariage.
L’apôtre Paul a-t-il ce passage devant lui quand il écrit aux Corinthiens ? En tout cas, il le spiritualise : « Je vous ai fiancés à un seul mari, pour vous présenter au Christ comme une vierge chaste » (2 Cor. 11. 2), c’est-à-dire que les affections des croyants (comme le corps de la jeune fille) doivent être gardées pour le Seigneur. « Tous les fruits exquis, nouveaux et anciens : mon bien-aimé, je les ai gardés pour toi ! » (Cant. 7. 13).
Le jardin, une image aussi du cœur de la fiancée, est plein de fruits et de senteurs : « Tes plants sont un paradis de grenadiers et de fruits exquis, de henné et de nard, de nard et de safran, de roseau odorant et de cinnamome, avec tous les arbres à encens ; de myrrhe et d’aloès, avec tous les principaux aromates » (Cant. 4. 13-14).
Quelle joie pour le Bien-aimé de venir dans un tel jardin qu’il revendique comme étant le sien : « Mon jardin » (4. 16 ; 5. 1). Que nos cœurs soient sanctifiés pour Lui procurer de la joie. Il faut parfois pour cela l’âpre vent de l’épreuve qui vient du nord ou le souffle desséchant du midi pour faire exhaler ses parfums (Cant. 4. 16 ; voir aussi Job 37. 9).
Le jardin de Gethsémané
« Ayant dit ces paroles, Jésus s’en alla avec ses disciples au-delà du torrent du Cédron, où était un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples » (Jean 18. 1).
Ce jardin leur était coutumier, « car Jésus s’y était souvent assemblé avec ses disciples » (v. 2).
Mais cette fois, ce jardin est témoin d’une scène étrange : ce n’est plus, comme autrefois, « le premier homme » qui désobéit à Dieu sans combat, mais c’est « le second homme », le Fils de Dieu, qui se soumet à la volonté de son Père. Mais quel combat dans ce jardin, quelles ardentes prières, quels grands cris, quelles larmes, quelle sueur chez cet Homme prosterné ! Ce jardin de la souffrance – étrange association de mots – est aussi le jardin de l’obéissance du Fils de Dieu.
Encore ceci : Lors du procès de Jésus, un homme pose une question pénétrante à Pierre : « Ne t’ai-je pas vu, moi, dans le jardin avec lui ? » (Jean 18. 26). Cette question nous sonde aussi : Si nous pensons à la souffrance de notre Seigneur dans le jardin de Gethsémané, comment pourrions-nous rechercher ensuite la compagnie de ses ennemis ?
Le jardin de la mort
« Il y avait, au lieu où il avait été crucifié, un jardin, et dans le jardin un sépulcre neuf, dans lequel personne n’avait jamais été déposé. Il déposèrent donc Jésus là » (Jean 19. 41, 42).
« Dans le jardin, un sépulcre »… quelle étrange association de mots ! Là où tout devrait être charme, quiétude pour le corps et l’esprit, c’est la mort, un sépulcre, un corps mort dans un jardin ! C’est bien l’image de ce qu’est devenue la première création sortie belle des mains de Dieu.
Mais ce qui est extraordinaire, inouï, c’est que ce corps mort est celui du Fils de Dieu, devenu homme. Il a voulu prendre cette place où le péché avait mis l’homme, dans la mort. Mais ici, il ne sera pas dit : « Il sent déjà » (Jean 11. 39). S’il y a dysharmonie entre la pensée du jardin et la mort, il y a, dans le cas de Jésus, une corrélation merveilleuse : de ce jardin où le corps de Jésus repose inanimé, se dégage le parfum de la myrrhe et de l’aloès que Nicodème et Joseph ont apporté, le parfum du sacrifice total montant jusqu’à Dieu. Toutefois, la pierre est roulée devant le sépulcre, la défaite semble complète. Mais là encore la pensée du jardin est merveilleuse : « Grain de blé tombé en terre », qui a « la vie en lui-même », il est une semence divine semée « en déshonneur » et « en faiblesse », mais qui ressuscite en gloire et en puissance (Voir 1 Cor. 15. 43 et 2 Cor. 13. 4).
Très tôt le matin du premier jour de la semaine, comme le soleil se levait, ce jardin est témoin de la résurrection et du triomphe de Jésus. Le jardin de la mort est aussi celui de la résurrection !
Le jardin céleste et millénaire
« A celui qui vaincra, je lui donnerai de manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu » (Apoc. 2. 7)
A la fin de sa révélation, Dieu nous montre qu’il n’a pas abandonné sa pensée première, celle d’un jardin, d’un paradis, d’un lieu de délices. Maintenant ce jardin est céleste, et c’est notre Seigneur Jésus Christ qui lui donne ce caractère : « Avec moi, dans le paradis » dit-il au brigand repentant. Paul a été enlevé dans ce paradis où il a entendu des paroles ineffables (2 Cor. 12. 4).
L’arbre de vie, c’est Jésus lui-même. Il sera la récompense de celui qui, maintenant, apprécie son amour. Ce jardin céleste a sa correspondance sur la terre durant le millenium. Ici, l’arbre de vie porte douze fruits, il donne son fruit chaque mois et ses feuilles sont pour la guérison des nations (Apoc. 22. 2). C’est une appréciation renouvelée de Jésus, un plaisir abondant pour Dieu, une guérison complète pour les nations si longtemps meurtries par Satan et le péché. Tout est maintenu en fraîcheur spirituelle par la puissance de l’Esprit de Dieu, ce « fleuve d’eau vive » qui y coule librement.
Tel est cet Eden céleste et millénaire, merveilleux, à jamais hors d’atteinte du mal. D’ailleurs, l’arbre de la connaissance du bien et du mal ne s’y trouve plus. Cette question a été entièrement résolue à la croix de Golgotha et pour la gloire de Dieu. Il n’y a plus que vie et fécondité.
Le plaisir de Dieu est enfin et à jamais établi par notre Seigneur Jésus Christ avec ceux qui Lui sont unis comme son épouse. L’image de cette union dans le premier couple humain en Eden a été gâtée. La réalité ne pourra plus l’être dans « le paradis de Dieu ».
SOLIDAIRES DES HOMMES.
24 septembre, 2015http://www.spiritains.org/pub/esprit/archives/art2012.htm
SOLIDAIRES DES HOMMES.
Père Gérard Sireau, spiritain
« Solidaires », « être en solidarité », des mots de plus en plus utilisés… Qui dénotent une prise de conscience que nous ne pouvons plus vivre isolés. Le monde est devenu « un village » avec l’accroissement des informations véhiculées. Mais recevoir l’information ne veut pas dire que nous prenons partie, que nous sommes sensibles à tout ce qui se passe. Dans notre société, quantité de gens basent leur identité sur des fidélités ou des préjugés de race, de nationalité, de langage, de culture, de famille, de génération, de parti politique ou de confession religieuse. Regardons l’attitude de Jésus, et posons-nous la questions: suis-je vraiment, à la suite du Christ, solidaires de ceux qui m’entourent ?
La solidarité de JESUS pour tous les hommes.
A l’époque de Jésus, ce n’était plus seulement la famille, au sens large, qui vivait comme un seul corps. La solidarité s’était étendue aux amis, aux relations, au groupe social, au groupe religieux choisi, comme les pharisiens ou les esséniens. Jésus va élargir le voisinage, jusqu’à y inclure les ennemis. Il ne pouvait trouver de moyen plus efficace pour choquer son auditoire ! Que tout homme soit accueilli dans la solidarité et l’amour, c’est un paradoxe insoutenable !
Jésus insiste: la solidarité de groupe n’est pas une vertu. Elle existe même à l’intérieur des pires bandes de truands. Jésus appelle à une solidarité avec l’humanité, qui ne dépendrait pas de la réciprocité mais qui s’ouvrirait à ceux-là même qui nous haïssent et nous persécutent…
« Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, femme, enfants, frères, sœurs, et sa propre vie, il ne peut être mon disciple. » (Lc 14, 26) Le mot « haine » désigne tout ce qui n’est pas amour (ne pas accorder de préférence à…) Ce que Jésus réclame, c’est que la solidarité familiale soit remplacée par une solidarité plus fondamentale avec l’ensemble de l’humanité. Ce n’est plus seulement parce qu’ils sont de la famille qu’on les aimera, mais parce qu’ils sont des hommes.
Ce glissement d’une solidarité familiale à celle qui lie des personnes entre elles risque de briser l’unité des liens familiaux. Jésus en est bien conscient: « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, mais plutôt la division… On se divisera père contre fils et fils contre père, mère contre fille et fille contre mère, belle-mère contre belle-fille et belle-fille contre belle-mère. » (Lc 12, 51-53) D’ailleurs Jésus tenait énormément à ce que son amour pour sa mère et sa famille n’apparaisse pas comme un simple lien biologique ou familial. Il répond à cette femme s’écriant « Heureux le ventre qui t’a porté ! », « Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent. » (Lc 11, 28). De plus, tous ceux qui l’entourent sont des « frères, soeurs et mères. » (Mc 3, 31) De sorte que tout ce que l’on fait à l’un des plus petits d’entre eux, c’est à lui qu’on le fait (Mt 25, 45).
La solidarité de Jésus pour tous les hommes n’a pas été vague, envers le genre humain en général… « Il est entré en relation avec les personnes concrètes qui apparaissaient dans sa vie, ses préoccupations, de telle sorte que personne ne s’est jamais senti exclu, que chacun a été aimé pour lui-même et non pas pour son ascendance, sa race, sa classe, ses relations familiales, son intelligence, sa réussite ou tout autre qualité. C’est en ce sens concret, personnel, que Jésus a aimé tous les hommes, qu’il a vécu en solidarité avec tout humain. Et c’est pour cette raison qu’il a été au côté des pauvres et des opprimés, de ceux qui n’avaient rien pour les recommander. Solidarité avec ceux qui ne sont rien dans le monde, avec les laissés-pour-compte, voilà la seule manière de vivre concrètement la solidarité avec le genre humain. »
Ce qui est à la base de cette solidarité, de cet amour, c’est toujours la compassion, cette émotion qui monte des « tripes » à la vue d’un homme dans le besoin. Nous l’avons compris dans la parabole du samaritain: nous sommes invités à nous identifier à cet homme qui a eu le malheur de tomber entre les mains des brigands. Nous éprouvons sa déception lorsque ceux-là qui devaient se montrer solidaires, le prêtre, le lévite, passent leur chemin de l’autre côté de la route. Nous partageons son soulagement lorsque le Samaritain, ému de compassion, lui vient en aide.
Jésus était ému de compassion pour les foules et guérissait les malades (Mt 14, 14). Tous ces gens étaient comme des brebis sans berger (Mt 9, 36). Il fut saisi de compassion par les larmes de la veuve de Naïm (Lc 7, 13), par un lépreux (Mc 1, 41), deux aveugles (Mt 20, 34) ou bien à la vue de ceux qui n’avaient rien à manger (Mc 8, 2). Il répète toujours les mêmes mots : « Ne pleure pas », « N’aie pas peur »… Ce qui rend Jésus différent, c’est sa compassion sans limite pour le pauvre et l’opprimé. Au point de se mêler aux derniers des derniers jusqu’à s’identifier à eux. Il est devenu un rejeté par choix. Il est mort sur ce bois, comme l’esclave.
Il existait de forts tabous sociaux, du temps de Jésus, comme dans toute société. Il a provoqué un grand scandale quand il s’est mis à vivre avec les « pécheurs », lorsqu’il s’est mêlé aux mendiants, aux collecteurs d’impôts et aux prostituées. Il les accueillait, acceptait même de devenir « un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs » (Mt 11,19) « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » (Lc 15, 2) « Quand il s’allongeait à table dans sa maison, de nombreux collecteurs d’impôts et de pécheurs se retrouvaient avec Jésus et ses disciples; car il y en avaient beaucoup parmi eux qui le suivaient. » Ce n’était pas un repas ordinaire, mais de fête, puisqu’on « s’allongeait ». Dans la parabole des invités au festin (Lc 14, 15-24), on peut se demander si Jésus n’a pas vécu ces événements. Est-ce qu’il a dû envoyer ses disciples « dans les rues, sur les places de la ville » pour amener « les pauvres, les infirmes, les aveugles, les boiteux » ?
Zachée était le principal collecteur d’impôts de Jéricho. S’il était riche, il n’en demeurait pas moins exclu à cause de son métier. Et c’est Jésus lui-même qui ose s’inviter chez lui ! Ce sera sa conversion, sans que Jésus ne prononce quelque parole: sa présence amicale a suffit…
« L’amitié de Jésus envers les pécheurs montre, très clairement, qu’il ignorait leur passé, qu’il se refusait à retenir quoi que ce soit contre eux. Il les traitait comme des gens qui n’avaient plus de dettes envers Dieu, et qui, par conséquent ne méritaient plus ni mise à l’écart, ni châtiment. Ils étaient pardonnés ». C’est ce qu’il dit explicitement à l’homme paralysé : « Tes péchés sont pardonnés » (Mc 2, 10,11), ainsi qu’à la pécheresse qui essuie ses pieds : « Tes péchés te sont pardonnés… Ta foi t’a sauvée, va en paix ! » (Lc 7, 48-50)
On comprend alors que tous ces gens soient remplis de joie. Et, en ce sens, Jésus scandalisait les pharisiens. N’était-il pas accusé d’être un « jouisseur, un ivrogne et un glouton » (Lc 7, 34) ? Jésus, non seulement guérissait et pardonnait tous ceux qui venaient à lui, mais il dissipait leur peur, allégeait leurs soucis. Sa présence elle-même les libérait.
Et nous, quelle solidarité avons-nous ?
Nous sommes régulièrement sollicités pour « donner une pièce »… Les nouvelles des guerres, des catastrophes font appel à notre compassion. Depuis ce 11 septembre 2001, les médias nous parlent abondamment de la solidarité du peuple américain derrière son Président. Nous sommes aussi mis au courant de l’évolution de la guerre en Afghanistan. Ces appels et ces informations ne suffisent pas à nous rendre « solidaires ».
Le même P. Albert Nolan, dominicain, prenant appui sur la parabole du samaritain, souligne une approche en quatre étapes dans tout engagement envers les pauvres et les marginalisés. La compassion est la caractéristique de la première étape. Nous avons eu une expérience directe des souffrances de certaines personnes, ou bien ce que nous avons entendu ou lu dans les journaux nous a ému. Plus nous avons été exposés à la souffrance et plus notre compassion s’est intensifiée. Si, comme cela arrive parfois, notre première réaction est : « Je ne peux rien faire. » Ou bien « Ce n’est pas mon problème, » la compassion sera étouffée. Mais nous pouvons aussi participer à des actions pour répondre à cette compassion, par exemple donner des vêtements ou de l’argent à des pauvres, seconder bénévolement les associations qui viennent en aide aux personnes démunies. Nous reprenons l’attitude du samaritain qui n’est pas « passé de l’autre côté » (comme l’avaient fait le prêtre et le lévite), mais qui « s’approcha de la victime, versa de l’huile et du vin sur ses blessures et le banda ». (Lc 10, 34-35) Cet homme se permet d’avoir un contact direct avec la victime. Ce contact direct change radicalement sa vie, et il est maintenant plein de compassion, prêt à travailler pour trouver une solution. Si ce que nous lisons ou voyons à la TV nous indigne souvent, est-ce suffisant ? Bien sûr chacun a beaucoup d’activités déjà programmées. C’est vrai aussi que les possibilités sont souvent limitées. Mais nous pouvons aussi avoir un contact direct avec les victimes: en allant les rencontrer dans leurs quartiers, en les invitant peut-être dans nos maisons ou communautés.
La deuxième étape commence lorsque nous découvrons que la pauvreté dans le monde ne vient pas de la malchance ou par accident. Les souffrances n’ont pas été provoquées par la malchance mais ont été créées. Et cela provoque, chez le pauvre, des réactions qui vont de l’indignation à la colère. Dès que nous réalisons que la pauvreté et l’injustice sont provoquées par des problèmes structurels, notre réponse est bien différente: maintenant, nous voulons œuvrer pour un changement social. Si, au début, nous répondions aux besoins urgents, nous voulons maintenant nous attaquer aux racines des problèmes.
Mais, chez quelques-uns, cela provoque un sentiment d’écrasement: ils se sentent si petits et si insignifiants. C’est un peu comme le combat de David et de Goliath. Et une sorte de paralysie, un sentiment d’être complètement perdu, peut apparaître. Comment s’opposer à des structures internationales qui semblent complètement dominer le monde ?
La troisième étape : quand nous découvrons que les pauvres doivent se sauver, et de fait, se sauveront par eux-mêmes. C’est la découverte de l’humilité dans notre service auprès des pauvres. Avant, notre sentiment était que « nous » pouvons: nous qui avons reçu une éducation, une formation, nous qui avons un besoin de sauver les pauvres, nous, les mieux lotis, allons les aider… Souvent, les pauvres sont perçus comme des créatures impuissantes. Aujourd’hui, nous commençons à réaliser que le changement social ne peut venir que des pauvres. Cela peut provoquer une crise où nous serons tentés de tout laisser tomber.
Un autre risque est de considérer que les pauvres ont toujours raison. Nous en sommes venus, dans l’Eglise, à valoriser la pauvreté elle-même, attitude qui paraît bien étrangère à l’Ancien et Nouveau Testament. C’est ce qu’on appelé « le romanesque chrétien sur les pauvres »: nous pensons que tout ce qui a été dit par quelqu’un qui est pauvre doit être vrai. Tout ce que font les gens opprimés doit être juste… C’est le genre d’idées qui ne fait du bien ni aux pauvres ni à nous-mêmes.
Enfin, la quatrième étape est celle de la solidarité avec les pauvres. La vraie solidarité commence quand nous nous éloignons de l’opposition entre « nous » et « eux ». Elle grandit quand nous nous respectons mutuellement, quand nous ne parlons plus en termes du supériorité ou d’infériorité, quand nous sommes conscients de nos défauts et faiblesses. Cette solidarité est modelée sur la volonté de Dieu pour la justice, telle que l’a vécue Jésus lui-même.
Le missionnaire se veut dans une grande solidarité avec le peuple au milieu duquel il vit. Il a pris le temps d’apprendre la langue, d’en comprendre le mieux possible les us et coutumes, de vivre au même rythme. Mais, paradoxalement, ce missionnaire reçoit en retour l’image de l’européen. On lui fait savoir que sa solidarité a des limites, et qu’il a, en cas de difficulté grave, des solutions de repli en retournant chez lui… Il se veut solidaire et en même temps, il lui est donné à entendre que sa solidarité a des limites.
Certains peuvent être amenés à vivre cette solidarité très concrète: par exemple, les missionnaires résidant dans des pays en guerre vont partager avec les gens la peur, l’insécurité. Des témoignages récents ont été révélés en Algérie où ces missionnaires étrangers ont décidé de rester malgré les dangers. On pense aussi à toutes ces situations très troublées, lors de guerres civiles, où d’autres n’hésitent pas à rester avec leur peuple, quitte à être accusés de prendre parti pour une milice par rapport à une autre. Nous n’aurons pas tous à vivre ces situations limites. Mais alors, comment comprendre notre solidarité avec ce monde qui nous entoure ?
Participer à la vie de Dieu répandue dans le monde.
C’est ce que St Paul décrit dans son épitre aux Corinthiens (1 Co 12, 12-31). Paul veut remédier aux abus constatés dans cette communauté; il veut faire régner la paix en affirmant : « Vous êtes le corps du Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. » (v. 27). Cette solidarité, à l’intérieur de ce grand corps qu’est l’Eglise, devient alors une union intense à Dieu et à tous les frères et sœurs. C’est là que la prière prend toute sa place, et l’on perçoit le soutien spirituel qu’apportent les moines et moniales, dans leur intercession pour toute l’humanité.
Dans son expérience apostolique, Paul a fait la connaissance de Dieu et de l’homme. Face à Dieu, il s’est retrouvé indigne. Mais en même temps, « En ceci Dieu prouve son amour envers nous: Christ est mort pour nous alors que nous étions pécheurs. » (Rm 5, 8) Aussi, Paul jette un regard d’amour sur l’humanité qui l’entoure. Il porte le souci de toutes les églises et fait sienne leurs faiblesses, leurs défaillances (2 Co 11, 28-29). Ainsi, la rencontre avec Dieu entraîne l’ouverture au monde.
Station II – Jesus is given His cross
23 septembre, 2015PAPE FRANÇOIS À CUBA, AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE – RENCONTRE AVEC LES FAMILLES
23 septembre, 2015VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS À CUBA, AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
ET VISITE AU SIÈGE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES
(19-28 SEPTEMBRE 2015)
RENCONTRE AVEC LES FAMILLES
DISCOURS DU SAINT-PÈRE
Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption, Santiago de Cuba
Mardi 22 septembre 2015
Nous sommes en famille. Et lorsqu’on est en famille, on se sent chez soi. Merci à vous, familles cubaines, merci, Cubains, de faire que je me sens tous les jours en famille, de faire que je me sens chez moi. Merci pour tout. Cette rencontre avec vous en vient à être comme la ‘‘cerise sur le gâteau’’. Terminer ma visite par cette rencontre en famille est un motif de rendre grâce à Dieu pour la ‘‘chaleur’’ qui émane de personnes qui savent recevoir, qui savent accueillir, qui savent faire sentir qu’on est chez soi. Merci à tous les Cubains.
Je remercie Monseigneur Dionisio García, archevêque de Santiago, pour les salutations qu’il m’a adressées au nom de vous tous, ainsi que le couple qui a eu le courage de partager avec nous ses aspirations, ses efforts pour faire du foyer une ‘‘Eglise domestique’’.
L’Evangile de Jean nous présente comme premier événement public de Jésus les noces de Cana, à l’occasion de la fête d’une famille. Il s’y trouve avec Marie, sa mère, et certains de ses disciples. Ils partageaient la fête de famille.
Les noces sont des moments particuliers dans la vie de beaucoup de personnes. Pour les ‘‘plus âgés’’, parents, grands-parents, c’est une occasion pour recueillir le fruit de la semence. Cela réjouit le cœur de voir les enfants grandir et de voir qu’ils peuvent fonder un foyer. C’est l’occasion de voir, tout d’un coup, que tout ce pour quoi on a lutté valait la peine. Accompagner les enfants, les soutenir, les stimuler pour qu’ils puissent avoir le courage de construire leurs vies, de former leurs familles, est un grand défi pour les parents. D’autre part, la joie des jeunes époux. Et tout un avenir qui commence, tout a la ‘‘saveur’’ d’une maison nouvelle, d’une espérance. Lors des mariages, le passé dont nous héritons et l’avenir qui nous attend s’unissent toujours. Il y a mémoire et espérance. L’occasion s’y présente toujours de remercier de tout ce qui nous a permis d’arriver jusqu’à ce jour, grâce au même amour reçu.
Et Jésus commence sa vie publique précisément à la faveur d’un mariage. Il s’insère dans cette histoire de semences et de récoltes, de rêves et de recherches, d’efforts et d’engagements, de travaux ardus qui ont labouré la terre pour que celle-ci donne son fruit. Jésus commence sa vie dans une famille, dans un foyer. Et il est, précisément, au cœur de nos foyers où, constamment, il continue de s’introduire, il continue d’être partie prenante. Cela lui plaît d’intervenir dans la famille.
Il est intéressant d’observer comment Jésus se manifeste aussi par la nourriture, au cours de dîners. Manger avec diverses personnes, visiter diverses maisons a été une occasion, privilégiée par Jésus, pour faire connaître le projet de Dieu. Il va dans la maison de ses amis – Marie et Marthe –, mais il n’est pas sélectif, eh ? peu lui importe s’il y a des publicains ou des pécheurs, comme Zachée. Il se rend dans la maison de Zachée. Non seulement il agissait ainsi, mais en envoyant ses disciples annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, il leur a dit : restez dans la maison où l’on vous reçoit, mangeant et buvant ce que l’on vous sert (cf. Lc 10, 7). Mariages, visites dans les familles, dîners, ces moments ont certainement quelque chose de ‘‘spécial’’ dans la vie des personnes pour que Jésus choisisse de s’y manifester.
Je me rappelle que dans mon précédent diocèse beaucoup de familles me disaient que l’unique moment qu’elles avaient pour être ensemble était ordinairement le dîner, le soir, après le travail, et lorsque les enfants avaient terminé leurs devoirs pour l’école. C’était un moment spécial de la vie familiale. On parlait de la journée, de ce que chacun avait fait, on mettait de l’ordre dans la maison, on rangeait les vêtements, on programmait des tâches importantes pour les jours suivants, les enfants se querellaient, mais c’en était le moment. Ce sont des moments où l’on arrive aussi fatigué si bien que l’une ou l’autre discussion, l’une ou l’autre ‘‘querelle’’ voit le jour entre mari et femme, mais il ne faut pas en avoir peur… moi, j’ai plutôt peur des couples qui me disent que jamais, jamais, ils ne sont disputés. Bizarre, c’est bizarre ! Jésus choisit ces moments pour nous montrer l’amour de Dieu, Jésus choisit ces espaces pour entrer dans nos maisons et nous aider à découvrir l’Esprit vivant et agissant dans nos maisons et dans notre vie quotidienne. C’est à la maison que nous apprenons la fraternité, où nous apprenons la solidarité, où nous apprenons à ne pas être des dominateurs. C’est à la maison que nous apprenons à recevoir la vie et à en être reconnaissants comme une bénédiction, et c’est là que nous apprenons que chacun a besoin des autres pour aller de l’avant. C’est à la maison que nous expérimentons le pardon, et que nous sommes invités à pardonner continuellement, à nous laisser transformer. C’est curieux, à la maison, il n’y a pas de place pour les ‘‘masques’’, nous sommes ce que nous sommes et, d’une manière ou d’une autre, nous sommes invités à chercher le meilleur pour les autres.
C’est pourquoi la communauté chrétienne désigne les familles du nom d’églises domestiques, parce que c’est dans la chaleur du foyer que la foi imprègne chaque coin, illumine chaque espace, construit la communauté. Car en ces moments, c’est comme si les personnes apprenaient à découvrir l’amour concret et l’amour agissant de Dieu.
Dans beaucoup de cultures, aujourd’hui, ces espaces disparaissent progressivement, ces moments en famille sont en train de disparaître ; peu à peu tout conduit à la séparation, à l’isolement. Les moments passés en commun, pour être ensemble, pour être en famille, deviennent rares. Donc, on ne sait pas attendre, on ne sait pas demander l’autorisation, on ne sait pas demander pardon, on ne sait pas remercier, parce que la maison se vide progressivement non pas des personnes, mais elle se vide des relations, elle se vide des contacts humains, elle se vide des rencontres, entre parents, enfants, grands-parents, petits-enfants, frères. Récemment, quelqu’un qui travaille avec moi m’a raconté que son épouse et ses enfants étaient partis en vacances et qu’il était resté seul, parce qu’il devait travailler ces jours-là. Le premier jour, la maison était toute silencieuse, ‘‘en paix’’, il était heureux, rien n’était désordonné. Le troisième jour, quand je lui demande comment il allait, il me répond : je voudrais qu’ils reviennent déjà tous. Il sentait qu’il ne pouvait vivre sans son épouse et ses enfants. Et ça, c’est beau, c’est beau.
Sans famille, sans la chaleur du foyer, la vie devient vide ; les réseaux, qui nous soutiennent dans l’adversité, les réseaux qui nous alimentent dans la vie quotidienne et motivent la lutte pour la prospérité, commencent à manquer. La famille nous sauve de deux phénomènes actuels, deux choses qui arrivent de nos jours : la fragmentation, c’est-à-dire la division, et le phénomène de masse. Dans les deux cas, les personnes deviennent des individus isolés, faciles à manipuler, à gouverner. Et ainsi, nous trouvons dans le monde des sociétés divisées, cassées, séparées ou très affectées par le phénomène de masse, qui sont une conséquence de la rupture des liens familiaux, lorsque se perdent les relations qui nous constituent comme personnes, qui nous enseignent à être des personnes. Et, bon, on oublie comment dire papa, maman, fils, fille, grand-père, grand-mère… on est en train d’oublier ces relations qui sont le fondement. Elles sont le fondement du nom que nous portons.
La famille est école d’humanité, une école qui enseigne à avoir à cœur les besoins des autres, à être attentif à la vie des autres. Quand nous avons de bonnes relations en familles, les égoïsmes diminuent – ils existent, parce que tous nous avons quelque chose d’égoïste -, mais lorsqu’on ne mène pas une vie de famille, il se crée ces personnalités que nous pouvons qualifier comme ceci : ‘‘je, moi, mon, avec moi, pour moi’’, totalement centrées sur elles-mêmes, qui ignorent la solidarité, la fraternité, le travail en commun, l’amour, la discussion entre frères. Elles les ignorent. Malgré tant de difficultés, comme nos familles en sont aujourd’hui affectées dans le monde, n’oublions pas une chose, s’il vous plaît : les familles ne sont pas un problème, elles sont d’abord une opportunité. Une opportunité que nous devons préserver, protéger et accompagner. C’est une façon de dire qu’elles sont une bénédiction. Lorsque tu commences à considérer la famille comme un problème, tu te fatigues, tu n’avances pas, parce que tu es très centré sur toi-même.
L’on discute beaucoup aujourd’hui sur l’avenir, sur le monde que nous voulons léguer à nos enfants, sur la société que nous voulons pour eux. Je crois que l’une des réponses possibles réside dans le fait de vous voir – cette famille qui a parlé-, chacun de vous : laissons un monde avec des familles. C’est le meilleur héritage. Léguons un monde de familles. Certes, il n’existe pas de famille parfaite, il n’existe pas d’époux parfaits, de parents parfaits ni d’enfants parfaits, et si elle ne se fâche pas – je dirais – de belle-mère parfaite. Ils n’existent pas. Ils n’existent pas, mais cela n’empêche pas que vous soyez la réponse pour demain. Dieu nous incite à l’amour et l’amour engage toujours la personne qui aime. L’amour s’engage toujours en faveur des personnes aimées. Par conséquent, prenons soin de nos familles, véritables écoles de demain. Prenons soin de nos familles, véritables espaces de liberté. Prenons soin de nos familles, véritables centres d’humanité. Et ici, me vient à l’esprit une scène : lorsque, durant les Audiences du mercredi, je passe saluer les gens ; beaucoup, beaucoup de femmes me montrent leur ventre et me disent Padre : ‘‘Le bénissez-vous pour moi?’’. Je vais proposer quelque chose à toutes ces femmes qui sont ‘‘enceintes de l’espérance’’, car un enfant est une espérance : en ce moment, qu’elles se touchent le ventre. S’il y en avait ici, qu’elles le fassent ici. De même que celles qui sont en train d’écouter à la radio ou à la télévision. Et moi, à chacune d’elles, à chaque garçon ou fille qui est là, dedans, attendant, je donne la bénédiction. Donc, que chacune se touche le ventre, et moi je donne la bénédiction, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Et je souhaite qu’il naisse en bonne santé, qu’il croisse bien, que vous puissiez bien l’allaiter. Caressez l’enfant que vous attendez.
Je ne saurais terminer sans faire mention de l’Eucharistie. Vous avez dû vous rendre compte que Jésus veut utiliser comme lieu de son mémorial, un repas. Il choisit comme espace de sa présence parmi nous un moment concret de la vie familiale. Un moment vécu et que tous peuvent comprendre, le dîner.
Et l’Eucharistie est le repas de la famille de Jésus, qui par toute la terre se réunit pour écouter sa Parole et se nourrir de son Corps. Jésus est le Pain de Vie de nos familles, il veut être présent en nous alimentant de son amour, en nous soutenant de sa foi, en nous aidant à marcher avec son espérance, pour qu’en toute circonstance nous puissions expérimenter qu’il est le vrai Pain du ciel.
Dans quelques jours, je participerai avec les familles du monde à la Rencontre Mondiale des Familles et, dans moins d’un mois, au Synode des Evêques, qui a comme thème la Famille. Je vous demande, s’il vous plaît, de prier à ces deux intentions, pour que nous sachions tous nous aider à prendre soin de la famille, pour que nous sachions continuer à découvrir l’Emmanuel, c’est-à-dire le Dieu qui vit au milieu de son Peuple en faisant de chaque famille, et toutes les familles, son foyer. Je compte sur vos prières. Merci.
Salutation finale du Pape à partir de la terrasse :
(Je vous salue. Je vous remercie… pour l’accueil… pour la chaleur… merci). Les Cubains sont vraiment aimables, gentils et font qu’on se sent chez soi. Merci beaucoup. Et je veux dire un mot d’espérance. Un mot d’espérance qui, peut-être, nous fera tourner le regard par derrière et par devant. En regardant par derrière, la mémoire. La mémoire de ceux qui nous ont donné la vie, et surtout, la mémoire des grands-parents. Une salutation spéciale aux grands-parents. Ne négligeons pas les grands-parents. Les grands-parents sont notre mémoire vivante. Et en regardant par devant, les enfants et les jeunes, qui sont la force d’un peuple. Un peuple qui prend soin de ses grands-parents et qui prend soin de ses enfants ainsi que de ses jeunes, a la victoire assurée. Que Dieu vous bénisse et permettez-moi de vous donner la bénédiction, mais à une condition. Vous allez devoir payer quelque chose. Je vous demande de prier pour moi. C’est la condition. Que Dieu Tout-Puissant vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Au revoir, merci !
BENOÎT XVI EN TERRE SAINTE (MAI 2009) – LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX
23 septembre, 2015PÈLERINAGE DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI EN TERRE SAINTE (8-15 MAI 2009)
RENCONTRE AVEC LES ORGANISATIONS ENGAGÉES DANS LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX
DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI
Auditoire du centre Notre Dame de Jérusalem – Jérusalem
Lundi 11 mai 2009
Chers Frères Évêques,
Honorables chefs religieux,
Chers amis,
C’est pour moi une source de grande joie que de pouvoir vous rencontrer ce soir. Je désire remercier Sa Béatitude le Patriarche Fouad Twal pour les aimables paroles de bienvenue qu’il m’a adressées en votre nom à tous. Et, en retour des sentiments chaleureux dont j’ai reçu l’assurance, je vous salue avec joie, vous tous, ainsi que les membres des groupes et organisations que vous représentez.
« Dieu dit à Abram, ‘Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai … Abram partit… et prit sa femme Saraï avec lui » (Gn 12, 1-5). L’appel soudain de Dieu, qui marque le début de l’histoire de nos traditions de foi, a retenti au cœur de l’existence quotidienne ordinaire d’un homme. Et l’histoire qui s’est ensuivie, se modela, non pas de façon isolée, mais à travers la rencontre avec les cultures égyptienne, hittite, sumérienne, babylonienne, perse et grecque.
La foi est toujours vécue à l’intérieur d’une culture. L’histoire des religions montre qu’une communauté de croyants avance progressivement dans la foi en Dieu, prenant appui sur la culture qu’elle rencontre et la modelant. Le même mouvement se retrouve pour chaque croyant des grandes traditions monothéistes : en syntonie avec la voix de Dieu, tout comme Abraham, nous répondons à son appel et nous nous mettons en marche cherchant l’accomplissement de ses promesses, désireux de nous soumettre à sa volonté, et traçant une voie dans notre culture propre.
De nos jours, presque quatre mille ans après Abraham, la rencontre des religions avec la culture n’advient pas simplement sur un plan géographique. Certains aspects de la mondialisation et particulièrement tout ce qui concerne internet ont fait naître une vaste culture virtuelle dont la valeur est tout aussi diverse que ses innombrables manifestations. Il ne fait pas de doute que l’on est parvenu à créer en bien des cas une certaine impression de proximité et d’unité au sein de l’ensemble de la famille humaine. Pourtant, en même temps, la série illimitée de portails qui sont mis à la disposition des gens pour leur donner accès facilement à toutes sortes de sources d’information peut facilement devenir un instrument de fragmentation sociale croissante : l’unité de la connaissance vole en éclats et les aptitudes complexes à la critique, au discernement et au jugement, acquises grâce aux savoirs académiques et éthiques sont souvent délaissées ou comptées comme négligeables.
La question qui vient alors spontanément à l’esprit est de savoir quelle est la contribution que la religion apporte aux cultures du monde devant les effets d’une mondialisation rapide. Dès lors que nombreux sont ceux qui soulignent volontiers les apparentes oppositions entre les religions, il nous revient, en tant que croyants, de relever le défi de présenter clairement ce que nous partageons ensemble.
Les premiers pas d’Abraham sur le chemin de la foi, et les pas que nous faisons pour aller ou revenir de la synagogue, de l’église, de la mosquée ou du temple, battent le sentier de notre unique histoire humaine, et ouvrent, au fur et à mesure, la route vers la Jérusalem éternelle (cf. Ap 21, 23). De la même manière, toute culture, avec sa capacité interne de donner et de recevoir, est un signe de l’unité de la nature humaine. Pourtant, l’individu n’est jamais pleinement exprimé à travers sa propre culture mais au contraire il la transcende dans sa constante recherche de quelque chose qui la dépasse. Dans cette perspective, chers amis, nous voyons la possibilité d’une unité qui n’est pas dépendante de l’uniformité. Tandis que les différences que nous individualisons dans le dialogue interreligieux peuvent parfois apparaître comme des barrières, il ne faut pas pour autant qu’elles jettent une ombre sur le sens commun d’adoration et de respect pour l’universel, l’absolu et la vérité qui pousse les membres des religions à se parler entre eux en premier lieu. En effet, c’est la conviction commune que ces réalités transcendantes ont leur source dans le Tout-Puissant, et qu’elles en portent les traces, que les croyants professent les uns devant les autres, devant nos institutions, notre société, notre monde. C’est ainsi que, non seulement nous enrichissons la culture, mais nous lui donnons forme : des vies faites de fidélité religieuse font écho à la présence envahissante de Dieu et forment de cette manière une culture qui n’est pas définie par des limites de temps ou d’espace mais qui se modèle fondamentalement sur des principes et des actions qui résultent de la foi.
La croyance religieuse présuppose la vérité. Quelqu’un qui croit est quelqu’un qui cherche la vérité et en vit. Bien que le moyen par lequel nous comprenons la découverte et la communication de la vérité soit en partie différent d’une religion à l’autre, cela ne devrait pas nous détourner de nos efforts en vue de témoigner du rayonnement de la vérité. Ensemble, nous pouvons proclamer que Dieu existe et qu’on peut le connaître, que la terre est sa création, que nous sommes ses créatures, et qu’il appelle tout homme et toute femme à vivre de manière à respecter son dessein sur le monde. Chers amis, si nous croyons que nous avons un critère de jugement et de discernement qui est d’origine divine et qui est valable pour toute l’humanité, alors nous ne devons pas nous lasser de faire en sorte que cette connaissance puisse avoir une influence sur la vie civile. La vérité devrait être proposée à tous ; elle est au service de tous les membres de la société. Elle éclaire les fondements de la morale et de l’éthique, et elle insuffle à la raison la force de dépasser ses propres limites pour donner forme aux aspirations les plus profondes que nous avons en commun. Loin d’être une menace pour la tolérance vis-à-vis des différences culturelles ou du pluralisme (culturel), la vérité rend possible un consensus et permet au débat public de rester rationnel, honnête et solide, elle ouvre enfin le chemin de la paix. Encourager la volonté d’obéir à la vérité, permet en fait d’élargir notre conception de la raison et son champ d’application et rend possible le dialogue authentique entre cultures et religions qu’il est si urgent de développer aujourd’hui.
Chacun de nous ici sait bien que, malgré tout, la voix de Dieu se fait entendre moins clairement aujourd’hui, que la raison elle-même en bien des cas devient sourde au divin. Toutefois, ce « vide » n’est pas celui du silence. Bien au contraire, c’est la cacophonie des requêtes de l’égoïsme, des promesses vaines et des fausses espérances, qui le plus souvent envahissent les espaces mêmes où Dieu nous cherche. Pouvons-nous dès lors créer des lieux, – des oasis de paix et de méditation profonde – où la voix de Dieu puisse de nouveau être entendue, où sa vérité puisse être découverte au cœur de la raison universelle, où chaque individu, quelles que soient son origine, son appartenance ethnique ou politique, ou sa croyance religieuse, puisse être respecté comme une personne, comme un semblable ? En cet âge d’accès immédiat à l’information et marqué par des tendances sociales qui engendrent une forme de monoculture, une réflexion approfondie sur la présence permanente de Dieu pourra enhardir la raison, stimuler le génie créatif, faciliter une évaluation critique des pratiques culturelles et renforcer la valeur universelle de la croyance religieuse.
Chers amis, les institutions et les groupes que vous représentez vous engagent dans le dialogue interreligieux et la promotion d’initiatives culturelles à des niveaux très divers. Depuis des institutions académiques – permettez-moi ici de saluer spécialement les brillantes réalisations de l’Université de Bethléem – à des groupes de parents affligés ; depuis des initiatives musicales ou artistiques à l’exemple courageux donné par des pères ou des mères de famille ordinaires ; depuis des groupes organisés de dialogue aux organismes caritatifs, vous démontrez votre conviction que notre devoir envers Dieu ne s’exprime pas seulement à travers le culte que nous lui rendons mais aussi dans l’amour et le souci que nous avons pour la société, pour la culture, pour notre monde et pour tous ceux qui vivent sur cette terre. Certains voudraient nous faire croire que nos différences sont nécessairement une cause de division et donc, ne doivent être au plus que tolérées. Quelques autres affirment même que nous devrions être réduits au silence. Mais nous savons que nos différences ne doivent jamais être dénaturées au point d’être considérées comme une cause inévitable de friction ou de tension soit entre nous, soit avec la société dans son ensemble. Au contraire, elles fournissent une merveilleuse opportunité pour les personnes des différentes religions de vivre ensemble dans un profond respect, dans l’estime et la considération, s’encourageant les unes les autres sur les chemins de Dieu. Avec l’aide du Tout-Puissant et éclairés par sa vérité, puissiez-vous continuer d’avancer avec courage, en respectant tout ce qui nous rend différents et en promouvant tout ce qui nous unit comme créatures bénies par le désir d’apporter l’espérance à nos communautés et au monde ! Que Dieu nous guide tout le long de ce chemin !
2009 – Libreria Editrice Vaticana