Archive pour le 24 septembre, 2015

Les arbres du Jardin d’Éden

24 septembre, 2015

Les arbres du Jardin d’Éden dans images sacrée adam-eve

https://krapooarboricole.wordpress.com/2008/11/26/les-arbres-du-jardin-d%E2%80%99eden/

QUELQUES JARDINS DE LA BIBLE

24 septembre, 2015

http://www.centre-biblique.ch/echanges/2003/2003-1-a.htm

QUELQUES JARDINS DE LA BIBLE

Lucien Jouve

Le jardin d’Eden
« L’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y plaça l’homme qu’il avait formé. Et l’Éternel Dieu fit croître du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (Gen. 2. 8, 9).
« Dieu planta un jardin », cette expression suggère déjà tout le travail que Dieu déploiera pour produire et trouver du fruit dans les hommes, c’est-à-dire du plaisir en eux, le plaisir de son amour.
Ces pensées sont très nettement lisibles dans l’histoire du peuple d’Israël qui est comparé à une vigne que Dieu a aussi plantée (voir Es. 5. 1-7).
Dieu confie Éden, ce jardin merveilleux, à Adam pour le cultiver et le garder pour Lui. Ce jardin est donc à la fois symbole, cadre merveilleux et sphère de responsabilité. Tout doit contribuer au plaisir de Dieu. Or Satan ne peut supporter ce qui apporte du plaisir à Dieu et il gâte ce jardin en introduisant, dans le cœur d’Adam et d’Ève, le germe de la désobéissance et de l’indépendance vis-à-vis de Dieu. Mais Dieu n’abandonne pas la pensée du jardin, c’est-à-dire ce qui est pour le plaisir de son amour, et nous le retrouvons dans l’Apocalypse, le livre qui clôt la révélation de Dieu (Apoc. 2. 7).
Pour le moment, Adam et Ève sont chassés de ce paradis terrestre car il n’est plus pour le plaisir de Dieu. Toutefois, Dieu les revêt de peaux. Ces vêtements, qui ont nécessité un sacrifice sanglant, indiquent le travail de Dieu en salut pour l’homme.

Le jardin de l’homme
Salomon a exprimé personnellement, dans l’Ecclésiaste, la recherche du bonheur terrestre par l’homme privé de la Lumière de la Révélation. Ayant tout essayé, il peut dire : « J’ai fait de grandes choses : je me suis bâti des maisons, je me suis planté des vignes ; je me suis fait des jardins et des parcs, et j’y ai planté des arbres à fruit de toute espèce » (Ecc. 2. 4, 5).
Cette recherche se perpétue aujourd’hui sous différentes formes, mais elle exprime toujours ce sentiment ancré au plus profond de l’être humain : sa nostalgie du paradis perdu. Notre culture hédoniste en est le témoin.
Cela peut aller d’un parc d’agrément au salon du bien-être, en passant par le confort de la voiture et de la maison luxueuse. Cela peut prendre la forme de plaisirs euphorisants.
Le croyant aussi peut profiter de certains avantages terrestres avec reconnaissance, mais il sait que son bonheur n’est pas là : il use du monde comme n’en usant pas à son gré. (1 Cor. 7. 31).
Tous ces efforts de l’homme pour trouver le bonheur sur la terre, sans Dieu, sont vains. Salomon lui-même l’exprime après toutes ses recherches : « Vanité des vanités, tout est vanité ».
Le croyant est aussi en danger de considérer ce monde avec un œil peu spirituel, comme le fit Lot qui estimait la plaine du Jourdain avec Sodome et Gomorrhe semblable au « jardin de l’Éternel » (Gen. 13. 10). C’en était loin, hélas ! A Lot peut s’appliquer cette expression étrange d’Ésaïe : « Vous rougirez des jardins (c’est-à-dire des sources de joie) que vous aurez choisis… car vous serez comme… un jardin qui n’a pas d’eau » (Es. 1. 29, 30). Oui, Lot eut à rougir de son choix qui n’a pas été pour le plaisir de Dieu.

Le jardin du Bien-aimé
« Tu es un jardin clos, ma sœur, ma fiancée, une source fermée, une fontaine scellée » (Cant. 4. 12).
Contrastant avec l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques a été appelé le jardin des parfums. Ici, le Bien-aimé évoque, d’une façon délicatement poétique, la virginité de sa fiancée. Ce premier sens est un appel à tous les jeunes gens pour qu’ils respectent ce « jardin clos », cette source fermée, cette source scellée jusqu’à l’union du mariage.
L’apôtre Paul a-t-il ce passage devant lui quand il écrit aux Corinthiens ? En tout cas, il le spiritualise : « Je vous ai fiancés à un seul mari, pour vous présenter au Christ comme une vierge chaste » (2 Cor. 11. 2), c’est-à-dire que les affections des croyants (comme le corps de la jeune fille) doivent être gardées pour le Seigneur. « Tous les fruits exquis, nouveaux et anciens : mon bien-aimé, je les ai gardés pour toi ! » (Cant. 7. 13).
Le jardin, une image aussi du cœur de la fiancée, est plein de fruits et de senteurs : « Tes plants sont un paradis de grenadiers et de fruits exquis, de henné et de nard, de nard et de safran, de roseau odorant et de cinnamome, avec tous les arbres à encens ; de myrrhe et d’aloès, avec tous les principaux aromates » (Cant. 4. 13-14).
Quelle joie pour le Bien-aimé de venir dans un tel jardin qu’il revendique comme étant le sien : « Mon jardin » (4. 16 ; 5. 1). Que nos cœurs soient sanctifiés pour Lui procurer de la joie. Il faut parfois pour cela l’âpre vent de l’épreuve qui vient du nord ou le souffle desséchant du midi pour faire exhaler ses parfums (Cant. 4. 16 ; voir aussi Job 37. 9).

Le jardin de Gethsémané
« Ayant dit ces paroles, Jésus s’en alla avec ses disciples au-delà du torrent du Cédron, où était un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples » (Jean 18. 1).
Ce jardin leur était coutumier, « car Jésus s’y était souvent assemblé avec ses disciples » (v. 2).
Mais cette fois, ce jardin est témoin d’une scène étrange : ce n’est plus, comme autrefois, « le premier homme » qui désobéit à Dieu sans combat, mais c’est « le second homme », le Fils de Dieu, qui se soumet à la volonté de son Père. Mais quel combat dans ce jardin, quelles ardentes prières, quels grands cris, quelles larmes, quelle sueur chez cet Homme prosterné ! Ce jardin de la souffrance – étrange association de mots – est aussi le jardin de l’obéissance du Fils de Dieu.
Encore ceci : Lors du procès de Jésus, un homme pose une question pénétrante à Pierre : « Ne t’ai-je pas vu, moi, dans le jardin avec lui ? » (Jean 18. 26). Cette question nous sonde aussi : Si nous pensons à la souffrance de notre Seigneur dans le jardin de Gethsémané, comment pourrions-nous rechercher ensuite la compagnie de ses ennemis ?

Le jardin de la mort
« Il y avait, au lieu où il avait été crucifié, un jardin, et dans le jardin un sépulcre neuf, dans lequel personne n’avait jamais été déposé. Il déposèrent donc Jésus là » (Jean 19. 41, 42).
« Dans le jardin, un sépulcre »… quelle étrange association de mots ! Là où tout devrait être charme, quiétude pour le corps et l’esprit, c’est la mort, un sépulcre, un corps mort dans un jardin ! C’est bien l’image de ce qu’est devenue la première création sortie belle des mains de Dieu.
Mais ce qui est extraordinaire, inouï, c’est que ce corps mort est celui du Fils de Dieu, devenu homme. Il a voulu prendre cette place où le péché avait mis l’homme, dans la mort. Mais ici, il ne sera pas dit : « Il sent déjà » (Jean 11. 39). S’il y a dysharmonie entre la pensée du jardin et la mort, il y a, dans le cas de Jésus, une corrélation merveilleuse : de ce jardin où le corps de Jésus repose inanimé, se dégage le parfum de la myrrhe et de l’aloès que Nicodème et Joseph ont apporté, le parfum du sacrifice total montant jusqu’à Dieu. Toutefois, la pierre est roulée devant le sépulcre, la défaite semble complète. Mais là encore la pensée du jardin est merveilleuse : « Grain de blé tombé en terre », qui a « la vie en lui-même », il est une semence divine semée « en déshonneur » et « en faiblesse », mais qui ressuscite en gloire et en puissance (Voir 1 Cor. 15. 43 et 2 Cor. 13. 4).
Très tôt le matin du premier jour de la semaine, comme le soleil se levait, ce jardin est témoin de la résurrection et du triomphe de Jésus. Le jardin de la mort est aussi celui de la résurrection !

Le jardin céleste et millénaire
« A celui qui vaincra, je lui donnerai de manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu » (Apoc. 2. 7)
A la fin de sa révélation, Dieu nous montre qu’il n’a pas abandonné sa pensée première, celle d’un jardin, d’un paradis, d’un lieu de délices. Maintenant ce jardin est céleste, et c’est notre Seigneur Jésus Christ qui lui donne ce caractère : « Avec moi, dans le paradis » dit-il au brigand repentant. Paul a été enlevé dans ce paradis où il a entendu des paroles ineffables (2 Cor. 12. 4).
L’arbre de vie, c’est Jésus lui-même. Il sera la récompense de celui qui, maintenant, apprécie son amour. Ce jardin céleste a sa correspondance sur la terre durant le millenium. Ici, l’arbre de vie porte douze fruits, il donne son fruit chaque mois et ses feuilles sont pour la guérison des nations (Apoc. 22. 2). C’est une appréciation renouvelée de Jésus, un plaisir abondant pour Dieu, une guérison complète pour les nations si longtemps meurtries par Satan et le péché. Tout est maintenu en fraîcheur spirituelle par la puissance de l’Esprit de Dieu, ce « fleuve d’eau vive » qui y coule librement.
Tel est cet Eden céleste et millénaire, merveilleux, à jamais hors d’atteinte du mal. D’ailleurs, l’arbre de la connaissance du bien et du mal ne s’y trouve plus. Cette question a été entièrement résolue à la croix de Golgotha et pour la gloire de Dieu. Il n’y a plus que vie et fécondité.
Le plaisir de Dieu est enfin et à jamais établi par notre Seigneur Jésus Christ avec ceux qui Lui sont unis comme son épouse. L’image de cette union dans le premier couple humain en Eden a été gâtée. La réalité ne pourra plus l’être dans « le paradis de Dieu ».

 

SOLIDAIRES DES HOMMES.

24 septembre, 2015

http://www.spiritains.org/pub/esprit/archives/art2012.htm

SOLIDAIRES DES HOMMES.

Père Gérard Sireau, spiritain

« Solidaires », « être en solidarité », des mots de plus en plus utilisés… Qui dénotent une prise de conscience que nous ne pouvons plus vivre isolés. Le monde est devenu « un village » avec l’accroissement des informations véhiculées. Mais recevoir l’information ne veut pas dire que nous prenons partie, que nous sommes sensibles à tout ce qui se passe. Dans notre société, quantité de gens basent leur identité sur des fidélités ou des préjugés de race, de nationalité, de langage, de culture, de famille, de génération, de parti politique ou de confession religieuse. Regardons l’attitude de Jésus, et posons-nous la questions: suis-je vraiment, à la suite du Christ, solidaires de ceux qui m’entourent ?
La solidarité de JESUS pour tous les hommes.
A l’époque de Jésus, ce n’était plus seulement la famille, au sens large, qui vivait comme un seul corps. La solidarité s’était étendue aux amis, aux relations, au groupe social, au groupe religieux choisi, comme les pharisiens ou les esséniens. Jésus va élargir le voisinage, jusqu’à y inclure les ennemis. Il ne pouvait trouver de moyen plus efficace pour choquer son auditoire ! Que tout homme soit accueilli dans la solidarité et l’amour, c’est un paradoxe insoutenable !
Jésus insiste: la solidarité de groupe n’est pas une vertu. Elle existe même à l’intérieur des pires bandes de truands. Jésus appelle à une solidarité avec l’humanité, qui ne dépendrait pas de la réciprocité mais qui s’ouvrirait à ceux-là même qui nous haïssent et nous persécutent…
« Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, femme, enfants, frères, sœurs, et sa propre vie, il ne peut être mon disciple. » (Lc 14, 26) Le mot « haine » désigne tout ce qui n’est pas amour (ne pas accorder de préférence à…) Ce que Jésus réclame, c’est que la solidarité familiale soit remplacée par une solidarité plus fondamentale avec l’ensemble de l’humanité. Ce n’est plus seulement parce qu’ils sont de la famille qu’on les aimera, mais parce qu’ils sont des hommes.
Ce glissement d’une solidarité familiale à celle qui lie des personnes entre elles risque de briser l’unité des liens familiaux. Jésus en est bien conscient: « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, mais plutôt la division… On se divisera père contre fils et fils contre père, mère contre fille et fille contre mère, belle-mère contre belle-fille et belle-fille contre belle-mère. » (Lc 12, 51-53) D’ailleurs Jésus tenait énormément à ce que son amour pour sa mère et sa famille n’apparaisse pas comme un simple lien biologique ou familial. Il répond à cette femme s’écriant « Heureux le ventre qui t’a porté ! », « Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent. » (Lc 11, 28). De plus, tous ceux qui l’entourent sont des « frères, soeurs et mères. » (Mc 3, 31) De sorte que tout ce que l’on fait à l’un des plus petits d’entre eux, c’est à lui qu’on le fait (Mt 25, 45).
La solidarité de Jésus pour tous les hommes n’a pas été vague, envers le genre humain en général… « Il est entré en relation avec les personnes concrètes qui apparaissaient dans sa vie, ses préoccupations, de telle sorte que personne ne s’est jamais senti exclu, que chacun a été aimé pour lui-même et non pas pour son ascendance, sa race, sa classe, ses relations familiales, son intelligence, sa réussite ou tout autre qualité. C’est en ce sens concret, personnel, que Jésus a aimé tous les hommes, qu’il a vécu en solidarité avec tout humain. Et c’est pour cette raison qu’il a été au côté des pauvres et des opprimés, de ceux qui n’avaient rien pour les recommander. Solidarité avec ceux qui ne sont rien dans le monde, avec les laissés-pour-compte, voilà la seule manière de vivre concrètement la solidarité avec le genre humain. »
Ce qui est à la base de cette solidarité, de cet amour, c’est toujours la compassion, cette émotion qui monte des « tripes » à la vue d’un homme dans le besoin. Nous l’avons compris dans la parabole du samaritain: nous sommes invités à nous identifier à cet homme qui a eu le malheur de tomber entre les mains des brigands. Nous éprouvons sa déception lorsque ceux-là qui devaient se montrer solidaires, le prêtre, le lévite, passent leur chemin de l’autre côté de la route. Nous partageons son soulagement lorsque le Samaritain, ému de compassion, lui vient en aide.
Jésus était ému de compassion pour les foules et guérissait les malades (Mt 14, 14). Tous ces gens étaient comme des brebis sans berger (Mt 9, 36). Il fut saisi de compassion par les larmes de la veuve de Naïm (Lc 7, 13), par un lépreux (Mc 1, 41), deux aveugles (Mt 20, 34) ou bien à la vue de ceux qui n’avaient rien à manger (Mc 8, 2). Il répète toujours les mêmes mots : « Ne pleure pas », « N’aie pas peur »… Ce qui rend Jésus différent, c’est sa compassion sans limite pour le pauvre et l’opprimé. Au point de se mêler aux derniers des derniers jusqu’à s’identifier à eux. Il est devenu un rejeté par choix. Il est mort sur ce bois, comme l’esclave.
Il existait de forts tabous sociaux, du temps de Jésus, comme dans toute société. Il a provoqué un grand scandale quand il s’est mis à vivre avec les « pécheurs », lorsqu’il s’est mêlé aux mendiants, aux collecteurs d’impôts et aux prostituées. Il les accueillait, acceptait même de devenir « un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs » (Mt 11,19) « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » (Lc 15, 2) « Quand il s’allongeait à table dans sa maison, de nombreux collecteurs d’impôts et de pécheurs se retrouvaient avec Jésus et ses disciples; car il y en avaient beaucoup parmi eux qui le suivaient. » Ce n’était pas un repas ordinaire, mais de fête, puisqu’on « s’allongeait ». Dans la parabole des invités au festin (Lc 14, 15-24), on peut se demander si Jésus n’a pas vécu ces événements. Est-ce qu’il a dû envoyer ses disciples « dans les rues, sur les places de la ville » pour amener « les pauvres, les infirmes, les aveugles, les boiteux » ?
Zachée était le principal collecteur d’impôts de Jéricho. S’il était riche, il n’en demeurait pas moins exclu à cause de son métier. Et c’est Jésus lui-même qui ose s’inviter chez lui ! Ce sera sa conversion, sans que Jésus ne prononce quelque parole: sa présence amicale a suffit…
« L’amitié de Jésus envers les pécheurs montre, très clairement, qu’il ignorait leur passé, qu’il se refusait à retenir quoi que ce soit contre eux. Il les traitait comme des gens qui n’avaient plus de dettes envers Dieu, et qui, par conséquent ne méritaient plus ni mise à l’écart, ni châtiment. Ils étaient pardonnés ». C’est ce qu’il dit explicitement à l’homme paralysé : « Tes péchés sont pardonnés » (Mc 2, 10,11), ainsi qu’à la pécheresse qui essuie ses pieds : « Tes péchés te sont pardonnés… Ta foi t’a sauvée, va en paix ! » (Lc 7, 48-50)
On comprend alors que tous ces gens soient remplis de joie. Et, en ce sens, Jésus scandalisait les pharisiens. N’était-il pas accusé d’être un « jouisseur, un ivrogne et un glouton » (Lc 7, 34) ? Jésus, non seulement guérissait et pardonnait tous ceux qui venaient à lui, mais il dissipait leur peur, allégeait leurs soucis. Sa présence elle-même les libérait.
Et nous, quelle solidarité avons-nous ?
Nous sommes régulièrement sollicités pour « donner une pièce »… Les nouvelles des guerres, des catastrophes font appel à notre compassion. Depuis ce 11 septembre 2001, les médias nous parlent abondamment de la solidarité du peuple américain derrière son Président. Nous sommes aussi mis au courant de l’évolution de la guerre en Afghanistan. Ces appels et ces informations ne suffisent pas à nous rendre « solidaires ».
Le même P. Albert Nolan, dominicain, prenant appui sur la parabole du samaritain, souligne une approche en quatre étapes dans tout engagement envers les pauvres et les marginalisés. La compassion est la caractéristique de la première étape. Nous avons eu une expérience directe des souffrances de certaines personnes, ou bien ce que nous avons entendu ou lu dans les journaux nous a ému. Plus nous avons été exposés à la souffrance et plus notre compassion s’est intensifiée. Si, comme cela arrive parfois, notre première réaction est : « Je ne peux rien faire. » Ou bien « Ce n’est pas mon problème, » la compassion sera étouffée. Mais nous pouvons aussi participer à des actions pour répondre à cette compassion, par exemple donner des vêtements ou de l’argent à des pauvres, seconder bénévolement les associations qui viennent en aide aux personnes démunies. Nous reprenons l’attitude du samaritain qui n’est pas « passé de l’autre côté » (comme l’avaient fait le prêtre et le lévite), mais qui « s’approcha de la victime, versa de l’huile et du vin sur ses blessures et le banda ». (Lc 10, 34-35) Cet homme se permet d’avoir un contact direct avec la victime. Ce contact direct change radicalement sa vie, et il est maintenant plein de compassion, prêt à travailler pour trouver une solution. Si ce que nous lisons ou voyons à la TV nous indigne souvent, est-ce suffisant ? Bien sûr chacun a beaucoup d’activités déjà programmées. C’est vrai aussi que les possibilités sont souvent limitées. Mais nous pouvons aussi avoir un contact direct avec les victimes: en allant les rencontrer dans leurs quartiers, en les invitant peut-être dans nos maisons ou communautés.
La deuxième étape commence lorsque nous découvrons que la pauvreté dans le monde ne vient pas de la malchance ou par accident. Les souffrances n’ont pas été provoquées par la malchance mais ont été créées. Et cela provoque, chez le pauvre, des réactions qui vont de l’indignation à la colère. Dès que nous réalisons que la pauvreté et l’injustice sont provoquées par des problèmes structurels, notre réponse est bien différente: maintenant, nous voulons œuvrer pour un changement social. Si, au début, nous répondions aux besoins urgents, nous voulons maintenant nous attaquer aux racines des problèmes.
Mais, chez quelques-uns, cela provoque un sentiment d’écrasement: ils se sentent si petits et si insignifiants. C’est un peu comme le combat de David et de Goliath. Et une sorte de paralysie, un sentiment d’être complètement perdu, peut apparaître. Comment s’opposer à des structures internationales qui semblent complètement dominer le monde ?
La troisième étape : quand nous découvrons que les pauvres doivent se sauver, et de fait, se sauveront par eux-mêmes. C’est la découverte de l’humilité dans notre service auprès des pauvres. Avant, notre sentiment était que « nous » pouvons: nous qui avons reçu une éducation, une formation, nous qui avons un besoin de sauver les pauvres, nous, les mieux lotis, allons les aider… Souvent, les pauvres sont perçus comme des créatures impuissantes. Aujourd’hui, nous commençons à réaliser que le changement social ne peut venir que des pauvres. Cela peut provoquer une crise où nous serons tentés de tout laisser tomber.
Un autre risque est de considérer que les pauvres ont toujours raison. Nous en sommes venus, dans l’Eglise, à valoriser la pauvreté elle-même, attitude qui paraît bien étrangère à l’Ancien et Nouveau Testament. C’est ce qu’on appelé « le romanesque chrétien sur les pauvres »: nous pensons que tout ce qui a été dit par quelqu’un qui est pauvre doit être vrai. Tout ce que font les gens opprimés doit être juste… C’est le genre d’idées qui ne fait du bien ni aux pauvres ni à nous-mêmes.
Enfin, la quatrième étape est celle de la solidarité avec les pauvres. La vraie solidarité commence quand nous nous éloignons de l’opposition entre « nous » et « eux ». Elle grandit quand nous nous respectons mutuellement, quand nous ne parlons plus en termes du supériorité ou d’infériorité, quand nous sommes conscients de nos défauts et faiblesses. Cette solidarité est modelée sur la volonté de Dieu pour la justice, telle que l’a vécue Jésus lui-même.
Le missionnaire se veut dans une grande solidarité avec le peuple au milieu duquel il vit. Il a pris le temps d’apprendre la langue, d’en comprendre le mieux possible les us et coutumes, de vivre au même rythme. Mais, paradoxalement, ce missionnaire reçoit en retour l’image de l’européen. On lui fait savoir que sa solidarité a des limites, et qu’il a, en cas de difficulté grave, des solutions de repli en retournant chez lui… Il se veut solidaire et en même temps, il lui est donné à entendre que sa solidarité a des limites.
Certains peuvent être amenés à vivre cette solidarité très concrète: par exemple, les missionnaires résidant dans des pays en guerre vont partager avec les gens la peur, l’insécurité. Des témoignages récents ont été révélés en Algérie où ces missionnaires étrangers ont décidé de rester malgré les dangers. On pense aussi à toutes ces situations très troublées, lors de guerres civiles, où d’autres n’hésitent pas à rester avec leur peuple, quitte à être accusés de prendre parti pour une milice par rapport à une autre. Nous n’aurons pas tous à vivre ces situations limites. Mais alors, comment comprendre notre solidarité avec ce monde qui nous entoure ?
Participer à la vie de Dieu répandue dans le monde.
C’est ce que St Paul décrit dans son épitre aux Corinthiens (1 Co 12, 12-31). Paul veut remédier aux abus constatés dans cette communauté; il veut faire régner la paix en affirmant : « Vous êtes le corps du Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. » (v. 27). Cette solidarité, à l’intérieur de ce grand corps qu’est l’Eglise, devient alors une union intense à Dieu et à tous les frères et sœurs. C’est là que la prière prend toute sa place, et l’on perçoit le soutien spirituel qu’apportent les moines et moniales, dans leur intercession pour toute l’humanité.
Dans son expérience apostolique, Paul a fait la connaissance de Dieu et de l’homme. Face à Dieu, il s’est retrouvé indigne. Mais en même temps, « En ceci Dieu prouve son amour envers nous: Christ est mort pour nous alors que nous étions pécheurs. » (Rm 5, 8) Aussi, Paul jette un regard d’amour sur l’humanité qui l’entoure. Il porte le souci de toutes les églises et fait sienne leurs faiblesses, leurs défaillances (2 Co 11, 28-29). Ainsi, la rencontre avec Dieu entraîne l’ouverture au monde.