Archive pour le 17 septembre, 2015
BENOÎT XVI – LE PSAUME 3
17 septembre, 2015http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110907.html
BENOÎT XVI – LE PSAUME 3
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 7 septembre 2011
Chers frères et sœurs,
Nous reprenons aujourd’hui les audiences place Saint-Pierre et, à l’«école de la prière» que nous vivons ensemble en ces catéchèses du mercredi, je voudrais commencer à méditer sur certains psaumes qui, comme je le disais au mois de juin dernier, forment le «livre de prière» par excellence. Le premier Psaume sur lequel je m’arrête est un Psaume de lamentation et de supplication empreint d’une profonde confiance, dans lequel la certitude de la présence de Dieu fonde la prière qui jaillit d’une situation de difficulté extrême dans laquelle se trouve l’orant. Il s’agit du psaume 3, rapporté par la tradition juive à David au moment où il fuit son fils Absalom (cf. v. 1): il s’agit de l’un des épisodes les plus dramatiques et douloureux de la vie du roi, lorsque son fils usurpe son trône royal et le contraint à quitter Jérusalem pour sauver sa vie (cf. 2 S 15sq). La situation de danger et d’angoisse ressentie par David est donc l’arrière-plan de cette prière et aide à la comprendre, en se présentant comme la situation typique dans laquelle un tel Psaume peut être récité. Dans le cri du Psalmiste, chaque homme peut reconnaître ces sentiments de douleur, d’amertume et dans le même temps de confiance en Dieu qui, selon le récit biblique, avaient accompagné la fuite de David de sa ville.
Le Psaume commence par une invocation au Seigneur: «Seigneur, qu’ils sont nombreux mes oppresseurs, nombreux ceux qui se lèvent contre moi, nombreux ceux qui disent de mon âme: “Point de salut pour elle en son Dieu!”» (vv. 2-3).
La description que fait l’orant de sa situation est donc marquée par des tons fortement dramatiques. Par trois fois, on répète l’idée de multitude — «nombreux» — qui, dans le texte original, est exprimée à travers la même racine hébraïque, de façon à souligner encore plus l’immensité du danger, de façon répétitive, presque martelante. Cette insistance sur le nombre et la multitude des ennemis sert à exprimer la perception, de la part du Psalmiste, de la disproportion absolue qui existe entre lui et ses persécuteurs, une disproportion qui justifie et fonde l’urgence de sa demande d’aide: les oppresseurs sont nombreux, ils prennent le dessus, tandis que l’orant est seul et sans défense, à la merci de ses agresseurs. Et pourtant, le premier mot que le Psalmiste prononce est: «Seigneur»; son cri commence par l’invocation à Dieu. Une multitude s’approche et s’insurge contre lui, engendrant une peur qu’amplifie la menace, la faisant apparaître encore plus grande et terrifiante; mais l’orant ne se laisse pas vaincre par cette vision de mort, il maintient fermement sa relation avec le Dieu de la vie et s’adresse tout d’abord à Lui pour rechercher de l’aide. Mais les ennemis tentent également de briser ce lien avec Dieu et de briser la foi de leur victime. Ils insinuent que le Seigneur ne peut intervenir, et affirment que pas même Dieu ne peut le sauver. L’agression n’est donc pas seulement physique, mais touche la dimension spirituelle: «Le Seigneur ne peut le sauver» — disent-ils, — le noyau central de l’âme du Psalmiste doit être frappé. C’est l’extrême tentation à laquelle le croyant est soumis, c’est la tentation de perdre la foi, la confiance dans la proximité de Dieu. Le juste surmonte la dernière épreuve, reste ferme dans la foi et dans la certitude de la vérité et dans la pleine confiance en Dieu, et précisément ainsi, trouve la vie et la vérité. Il me semble qu’ici, le Psaume nous touche très personnellement: dans de nombreux problèmes, nous sommes tentés de penser que sans doute, même Dieu ne me sauve pas, ne me connaît pas, n’en a peut-être pas la possibilité; la tentation contre la foi est l’ultime agression de l’ennemi, et c’est à cela que nous devons résister, ainsi nous trouvons Dieu et nous trouvons la vie.
L’orant de notre Psaume est donc appelé à répondre par la foi aux attaques des impies: les ennemis — comme je l’ai dit — nient que Dieu puisse l’aider, et lui, en revanche, l’invoque, l’appelle par son nom, «Seigneur», et ensuite s’adresse à Lui en un tutoiement emphatique, qui exprime un rapport stable, solide, et qui contient en soi la certitude de la réponse divine: «Mais toi, Seigneur, mon bouclier, ma gloire tu tiens haute ma tête. A pleine voix je crie vers le Seigneur; il me répond de sa montagne sainte» (vv. 4-5).
La vision des ennemis disparaît à présent, ils n’ont pas vaincu car celui qui croit en Dieu est sûr que Dieu est son ami: il reste seulement le «Tu» de Dieu; aux «nombreux» s’oppose à présent une seule personne, mais beaucoup plus grande et puissante que beaucoup d’adversaires. Le Seigneur est aide, défense, salut; comme un bouclier, il protège celui qui se confie à Lui, et il lui fait relever la tête, dans le geste de triomphe et de victoire. L’homme n’est plus seul, ses ennemis ne sont pas imbattables comme ils semblaient, car le Seigneur écoute le cri de l’opprimé et répond du lieu de sa présence, de sa montagne sainte. L’homme crie, dans l’angoisse, dans le danger, dans la douleur; l’homme demande de l’aide, et Dieu répond. Ce mélange du cri humain et de la réponse divine est la dialectique de la prière et la clef de lecture de toute l’histoire du salut. Le cri exprime le besoin d’aide et fait appel à la fidélité de l’autre; crier signifie poser un geste de foi dans la proximité et dans la disponibilité à l’écoute de Dieu. La prière exprime la certitude d’une présence divine déjà éprouvée et à laquelle on croit, qui dans la réponse salvifique de Dieu se manifeste en plénitude. Cela est important: que dans notre prière soit importante, présente, la certitude de la présence de Dieu. Ainsi, le Psalmiste, qui se sent assiégé par la mort, confesse sa foi dans le Dieu de la vie qui, comme un bouclier, l’enveloppe d’une protection invulnérable; celui qui pensait être désormais perdu peut relever la tête, car le Seigneur le sauve; l’orant, menacé et raillé, est dans la gloire, car Dieu est sa gloire.
La réponse divine qui accueille la prière donne au Psalmiste une sécurité totale; la peur aussi est finie, et le cri s’apaise dans la paix, dans une profonde tranquillité intérieure: «Et moi, je me couche et je dors; je m’éveille: le Seigneur est mon soutien. Je ne crains pas ce peuple nombreux qui me cerne et s’avance contre moi» (vv. 6-7).
L’orant, bien qu’au milieu du danger et de la bataille, peut s’endormir tranquille, dans une attitude sans équivoque d’abandon confiant. Autour de lui, ses adversaires montent leurs campements, l’assiègent, ils sont nombreux, ils se dressent contre lui, se moquent de lui et tentent de le faire tomber, mais lui en revanche se couche et dort tranquille et serein, certain de la présence de Dieu. Et à son réveil, il trouve encore Dieu à côté de lui, comme un gardien qui ne dort pas (cf. Ps 121, 3-4), qui le soutient, le tient par la main, ne l’abandonne jamais. La peur de la mort est vaincue par la présence de Celui qui ne meurt pas. Et précisément la nuit, peuplée de craintes ataviques, la nuit douloureuse de la solitude et de l’attente angoissée, se transforme à présent: ce qui évoque la mort devient présence de l’Eternel.
A l’aspect visible de l’assaut ennemi, massif, imposant, s’oppose l’invisible présence de Dieu, avec toute son invincible puissance. Et c’est à Lui que de nouveau le Psalmiste, après ses expressions de confiance, adresse sa prière: «Lève-toi, Seigneur! Sauve-moi, mon Dieu!» (v. 8a). Les agresseurs «se levaient» (cf. v. 2) contre leur victime. En revanche, celui qui «se lèvera», c’est le Seigneur, et il les abattra. Dieu le sauvera, en répondant à son cri. C’est pourquoi le Psaume se conclut avec la vision de la libération du danger qui tue et de la tentation qui peut faire périr. Après la demande adressée au Seigneur de se lever pour le sauver, l’orant décrit la victoire divine: les ennemis qui, avec leur injuste et cruelle oppression, sont le symbole de tout ce qui s’oppose à Dieu et à son plan de salut, sont vaincus. Frappés à la bouche, ils ne pourront plus agresser avec leur violence destructrice et ils ne pourront plus insinuer le mal du doute dans la présence et dans l’action de Dieu: leur parole insensée et blasphème sera définitivement démentie et réduite au silence par l’intervention salvifique du Seigneur (cf. v. 8bc). Ainsi, le Psalmiste peut conclure sa prière avec une phrase aux connotations liturgiques qui célèbre, dans la gratitude et dans la louange, le Dieu de la vie: «Du Seigneur, le salut! Sur ton peuple, ta bénédiction!» (v. 9).
Chers frères et sœurs, le Psaume 3 nous a présenté une supplique pleine de confiance et de réconfort. En priant ce Psaume, nous pouvons faire nôtres les sentiments du Psalmiste, figure du juste persécuté qui trouve en Jésus son accomplissement. Dans la douleur, dans le danger, dans l’amertume de l’incompréhension et de l’offense, les paroles du Psaume ouvrent notre cœur à la certitude réconfortante de la foi. Dieu est toujours proche — même dans les difficultés, dans les problèmes, dans les ténèbres de la vie — il écoute, il répond et il sauve à sa façon. Mais il faut savoir reconnaître sa présence et accepter ses voies, comme David dans sa fugue humiliante de son fils Absalom, comme le juste persécuté dans le Livre de la Sagesse et, en dernier et jusqu’au bout, comme le Seigneur Jésus sur le Golgotha. Et lorsque, aux yeux des impies, Dieu semble ne pas intervenir et que le Fils meurt, c’est précisément alors que se manifeste, pour tous les croyants, la vraie gloire et la réalisation définitive du salut. Que le Seigneur nous donne foi, qu’il vienne en aide à notre faiblesse et qu’il nous rende capable de croire et de prier à chaque angoisse, dans les nuits douloureuses du doute et dans les longs jours de douleur, en nous abandonnant avec confiance à Lui, qui est notre «bouclier» et notre «gloire». Merci.
DOUCE ÉDUCATION À LA JOIE DE L’ÉVANGILE
17 septembre, 2015http://www.patristique.org/Douce-education-a-la-joie-de-l.html
DOUCE ÉDUCATION À LA JOIE DE L’ÉVANGILE
par Luc Fritz
Depuis la résurrection du Seigneur, les chrétiens se transmettent la joie pascale, de génération en génération. Ils connaissent cette joie et pourtant peinent parfois à la qualifier et à exprimer leur sentiment. Face à cette difficulté, ils peuvent s’appuyer sur certaines homélies de Grégoire de Nysse pour traduire ce qui les habite.
Nous sommes aux alentours des années 380. À cette époque, la célébration de la fête de Pâques connaît des évolutions significatives. De fait, jusqu’au milieu du quatrième siècle, les chrétiens fêtaient la victoire pascale durant toute une semaine, sans distinguer la célébration de la Résurrection proprement dite, de celles de l’Ascension et de la Pentecôte. S’instaure alors progressivement un cycle liturgique qui différencie la résurrection du Seigneur, sa montée auprès du Père et l’envoi de l’Esprit Saint. Ces distinctions permettent d’aborder le thème de la joie pascale sous des angles différents, en fonction de la grâce propre à chaque fête.
Dans ses homélies, Grégoire de Nysse déploie sa méditation sur la joie pascale le plus souvent à partir d’un verset du psaume qui a été chanté au cours de la liturgie car le psautier tout entier est louange à Dieu, action de grâce, et donc source de joie, même s’il comporte aussi des supplications et des demandes de pardon.
À l’occasion de la fête de Pâque, Grégoire médite le passage suivant : « louez le Seigneur, toutes les nations ; glorifiez-le, tous les peuples » (Ps 116, 1). Il invite ses auditeurs à la fête car le Créateur n’a pas abandonné sa créature pécheresse. Au contraire, il la recrée par la mort et la résurrection de Jésus, manifestant ainsi et sa toute-puissance créatrice et son amour de l’humanité. L’allégresse pascale résulte de la contemplation du Créateur qui ne s’arrête pas sur un échec et de l’extrême sollicitude du Sauveur : « De même que ceux qui voient quelqu’un de faible emporté par le torrent et qui, tout en sachant qu’ils risquent eux aussi d’être roulés dans la boue du torrent et blessés par les pierres charriées par le courant, n’hésitent pas à s’y précipiter par sympathie pour la personne en danger, de même aussi notre Sauveur, dans son amour des hommes, a supporté de son propre gré l’arrogance et le mépris, afin de sauver celui qui a été trompé et s’est ainsi perdu. »
Lors de la fête de l’Ascension, Grégoire propose aux chrétiens un parcours qui conduit à une joie toujours plus intense. Il compose son homélie en deux parties commentant respectivement les Psaumes 22 et 23. Il y définit le rapport entre ces deux psaumes comme un accroissement de joie. Le premier décrit la joie de l’initiation baptismale qui ouvre le croyant à la connaissance de Dieu. Le baptisé est comparé à une brebis conduite par le bon Pasteur vers les pâturages célestes. Le second appelle « l’âme à une joie plus grande et plus accomplie encore. » Dans une lecture chrétienne de ce pasume, cette joie magnifique s’épanouit en découvrant que le salut de Dieu n’est pas réservé au baptisé, mais ouvert à la création tout entière. L’ascension et l’allégresse spirituelles du chrétien consistent ainsi en une ouverture du cœur toujours plus grande, en une largesse de vue qui n’exclut absolument rien du salut.
Son homélie sur la Pentecôte manifeste puissamment la tendresse de Dieu à l’égard de l’humanité. Si le Seigneur de la création a pris soin de se révéler progressivement aux hommes, les détournant d’abord du polythéisme, leur révélant ensuite son Fils, leur donnant enfin l’Esprit Saint, « la nourriture parfaite de notre nature », c’est pour que le genre humain puisse s’accoutumer à la majesté, au grand amour de la divinité. Il précise que la fête de la Pentecôte célèbre la perfection du don de Dieu et c’est pourquoi il convient à l’assemblée chrétienne de ne pas rejeter l’Esprit Saint et de répondre avec empressement à l’invitation du prophète David : « Venez, crions de joie pour le Seigneur ! » (Ps 94).
L’Évangile est douce éducation à la joie. Celle qui y est promise est comme tramée par la croix, mémoire de ce que la joie véritable – celle que personne ne saurait ravir (Jn 16, 22) -, reste marquée par la traversée de l’épreuve. Cette joie résulte de la victoire de la croix. Elle est cette victoire, car elle n’est pas atteinte par la tristesse du péché.
La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la joie de l’homme, c’est de découvrir Dieu. Cette découverte passe nécessairement, mais pas uniquement, par la célébration du mystère de la foi.
Sources :
Article paru dans Points de repère, n° 221, décembre 2007-janvier 2008, p. 21-22.