Archive pour le 8 septembre, 2015

Grotte dans laquelle Sant’Antonio Abbé vécut en Egypte

8 septembre, 2015

Grotte dans laquelle Sant'Antonio Abbé vécut en Egypte dans images sacrée Grotta-in-cui-visse-SantAntonio-Abate-in-Egitto

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JEAN-PAUL II -(AUSSI À TRAVERS LA COMMUNION DES GENS L’HOMME DEVIENT IMAGE DE DIEU, TITRE DU TEXTE EN ITALIEN)

8 septembre, 2015

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/1979/documents/hf_jp-ii_aud_19791114.html

JEAN-PAUL II -(AUSSI À TRAVERS LA COMMUNION DES GENS L’HOMME DEVIENT IMAGE DE DIEU, TITRE DU TEXTE EN ITALIEN)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 14 novembre 1979

1. Au fil du récit, nous avons constaté, dans le livre de la Genèse, que la création « définitive » de l’homme consiste en la création de l’unité de deux êtres. Leur unité dénote surtout l’identité de la nature humaine ; la dualité, par contre, manifeste ce qui, sur la base de cette identité, constitue homme et femme l’homme créé. Cette dimension ontologique de l’unité et de la dualité a, en même temps un sens axiologique. Il résulte clairement de Genèse 2, 23 et de tout le contexte que l’homme a été créé comme une valeur particulière devant Dieu (« Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon » – Gn 1, 31), mais aussi comme une valeur particulière pour l’homme lui-même : d’abord parce qu’il est « homme » ; et ensuite parce que la femme est pour l’homme et l’homme pour la femme. Tandis que le chapitre 1 de la Genèse exprime cette valeur sous une forme purement théologique (et indirecte ment métaphysique), le chapitre 2 révèle pour ainsi dire le premier cercle de l’expérience vécue par l’homme comme valeur. Cette expérience est déjà inscrite dans le sens de la solitude originelle, et ensuite dans tout le récit de la création de l’être humain comme homme et femme. Le texte concis de Genèse 2, 23, qui contient les paroles du premier homme en voyant la femme créée à partir de lui, peut être considéré comme le prototype biblique du Cantique des cantiques. Et s’il est possible de lire des impressions et des émotions à travers des paroles si lointaines, on pourrait aussi risquer de dire que la profondeur et la force de cette première et « originelle » émotion de l’homme de sexe masculin devant l’humanité de la femme, et en même temps devant la féminité de cet autre être humain, apparaît comme quelque chose d’unique, sans équivalent.
2. C’est ainsi que la signification de l’unité originelle de l’homme, à travers son sexe masculin ou féminin, exprime la rupture de sa solitude et en même temps l’affirmation — devant l’un et l’autre être humain — de tout ce qui est constitutif de l’ « homme » dans la solitude. Dans le récit biblique, la solitude achemine à cette unité que, avec Vatican II, nous pouvons définir comme une « communion de personnes » [1]. Comme nous l’avons déjà constaté précédemment l’homme, dans sa solitude originelle, acquiert une conscience personnelle dans le processus selon lequel il se « distingue » de tous les êtres vivants ( « animalia ») et en même temps, dans cette solitude, il s’ouvre à un être semblable à lui que la Genèse (2, 18 et 20) définit comme « une aide qui lui est accordée ». Pour l’homme-personne, cette ouverture est tout autant décisive, et peut-être même plus, que cette « distinction ». Dans le récit yahviste, la solitude de l’homme se présente non seulement comme la première découverte de la transcendance caractéristique qui est propre à la personne mais aussi comme la découverte d’une juste relation « à la » personne, et donc comme une ouverture comme l’attente d’une « communion des personnes ».
Ici, on pourrait utiliser aussi le mot « communauté » s’il n’était pas générique et s’il n’avait pas tant de significations. « Communion » dit plus et d’une façon plus précise. Ce mot désigne en effet l’ « aide » qui, en un certain sens, découle du fait même d’exister comme personne « à côté » d’une autre personne. Dans le récit biblique, ce fait devient par lui-même existence de la personne « pour » la personne, étant donné que dans sa solitude originelle l’homme était déjà d’une certaine manière dans cette relation. Cela est confirmé, dans un sens négatif, précisément par sa solitude. En outre, la communion des personnes ne pouvait se réaliser que sur la base d’une « double solitude » de l’homme et de la femme, ou bien comme une rencontre dans leur « distinction » d’avec le monde des êtres vivants (« animalia »), qui donnait à l’un et à l’autre la possibilité d’être et d’exister dans une réciprocité particulière. La notion d’ « aide » exprime aussi cette réciprocité dans l’existence, qu’aucun autre être vivant n’aurait pu assurer. Pour cette réciprocité était indispensable tout ce qui fondait constitutivement la solitude de chacun d’eux, et donc également l’ « autoconnaissance » et l’autodétermination, ou bien la subjectivité et la conscience de ce que signifie son propre corps.
3. Le récit de la création de l’homme, au chapitre I, affirme dès le début et directement que l’homme a été créé à l’image de Dieu en tant qu’homme et femme. Le récit du chapitre II, lui, ne parle pas de l’ « image de Dieu », mais il révèle, selon le mode qui lui est propre, que la création complète et définitive de l’ « homme » (qui passe d’abord par l’expérience de la solitude originelle) s’exprime en donnant vie à cette « communion de personnes » que constituent l’homme et la femme. Le récit yahviste s’accorde ainsi avec le contenu du premier récit. Et si nous voulons trouver aussi dans le récit yahviste la notion d’ « image de Dieu », nous pouvons alors déduire que l’homme est devenu « image et ressemblance » de Dieu non seulement à travers sa propre humanité mais aussi à travers la communion de personnes que l’homme et la femme constituent dès le début. Le rôle de l’image est de refléter celui qui en est le modèle, de reproduire le prototype. L’homme devient image de Dieu au moment de la communion plus qu’au moment de la solitude. « Dès le début », en effet, il est non seulement une image dans laquelle se reflète la solitude d’une Personne qui gouverne le monde, mais aussi, et essentiellement, l’image d’une mystérieuse communion divine de personnes.
C’est ainsi que le deuxième récit pourrait aussi préparer à comprendre la notion trinitaire d’ « image de Dieu », même si celle-ci n’apparaît que dans le premier récit. Cela n’est manifestement pas sans signification également pour la théologie du corps. Peut-être est-ce même l’aspect théologique le plus profond de tout ce que l’on peut dire sur l’homme. Dans le mystère de la création — sur la base de la « solitude » originelle et constitutive de son être — l’homme a été doté d’une profonde unité entre ce qui en lui, humainement et par le corps, est masculin, et ce qui, tout aussi humainement et par le corps, est féminin. Sur tout cela, dès le début, est descendue la bénédiction de la fécondité, unie à la procréation humaine (cf. Gn 1, 28).
4. Nous sommes donc, pour ainsi dire, au cœur même de cette réalité anthropologique qu’est le « corps ». Genèse 2, 23 en parle directement et pour la première fois avec l’expression : « l’os de mes os et la chair de ma chair ». L’homme de sexe masculin prononce ces paroles comme si c’était seulement en voyant la femme qu’il pouvait identifier et appeler par son nom ce qui les rend semblables l’un à l’autre d’une façon visible, et en même temps ce en quoi se manifeste l’humanité. À la lumière de la précédente analyse de tous les « corps » avec lesquels l’homme est entré en contact et qu’il a définis d’une façon conceptuelle en leur donnant un nom (« animalia »), l’expression « chair de ma chair » prend précisément ce sens : le corps révèle l’homme. Cette formule concise contient déjà tout ce que pourra jamais dire la science humaine sur la structure du corps en tant qu’organisme, sur sa vitalité, sur sa physiologie sexuelle particulière, etc. Dans cette première expression de l’homme de sexe masculin, a chair de ma chair » il y a aussi une référence à ce par quoi ce corps est authentiquement humain, et donc à ce qui détermine l’homme en tant que personne, c’est-à-dire en tant qu’être « semblable » à Dieu, également dans toute sa « corporéité » [2].
5. Nous nous trouvons donc pour ainsi dire au cœur même de cette réalité anthropologique qui s’appelle le « corps », le corps humain. Cependant, comme il est facile de le remarquer, ce « cœur » est non seulement anthropologique mais aussi, essentiellement, théologique. La théologie du corps, qui dès le début est liée à la création de l’homme à l’image de Dieu, devient d’une certaine manière également théologie du sexe, ou plutôt théologie de la masculinité et de la féminité, laquelle a son point de départ ici dans le livre de la Genèse. Le sens originel de l’unité, dont témoigne le texte de Genèse 2, 24 trouvera de vastes perspectives dans la révélation de Dieu. Cette unité réalisée par le corps (« ils deviennent une seule chair ») a une dimension multiforme : une dimension morale, comme cela est confirmé par la réponse du Christ aux Pharisiens dans Matthieu 19 (Mc 10), et aussi une dimension sacramentelle strictement théologique comme on le voit dans les paroles de saint Paul aux Ephésiens [3], qui se réfèrent aussi à la tradition des prophètes (Osée, Isaïe, Ezéchiel). Et il en est ainsi parce que cette unité qui se réalise à travers le corps renvoie, dès le début, non seulement au « corps », mais aussi à la communion « incarnée » des personnes — « communio personarum » — et requiert cette communion dès le début. La masculinité et la féminité expriment le double aspect de la constitution somatique de l’homme (« voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair »). En outre, elles indiquent, par ces mêmes paroles de Genèse 2, 23, la nouvelle conscience du sens de son propre corps ; sens qui, peut-on dire consiste en un enrichissement réciproque. Cette conscience, à travers laquelle l’humanité se constitue de nouveau en communion de personnes, semble constituer un niveau qui, dans le récit de la création de l’homme (et dans la révélation du corps qu’il renferme), est plus profond que sa structure somatique masculine et féminine. En tout cas cette structure est présentée dès le début avec une profonde conscience de la « corporéité » et de la sexualité humaine, et cela établit une règle inaliénable pour la compréhension de l’homme sur le plan théologique.

UNE SOLITUDE À COMBATTRE ET UNE SOLITUDE À CULTIVER

8 septembre, 2015

https://oratoiredulouvre.fr/predications/une-solitude-a-combattre-et-une-solitude-a-cultiver.php

UNE SOLITUDE À COMBATTRE ET UNE SOLITUDE À CULTIVER

(Marc 1:9-13, Luc 5:15-16, Matthieu 12:14-15, Marc 6:30-34,

Jean 16:32-33, Matthieu 26:36-40, Matthieu 6:1-9)

Culte du dimanche 15 avril 2012 à l’Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Il existe tant de mauvaise, de méchante solitude, tant de personnes seules, isolées, malgré nos 7 milliards de voisins de palier.
Il y a bien trop de mauvaise solitude mais en même temps, nous n’avons pas assez de cette bonne solitude choisie qui nous permettrait d’être plus en forme et d’avoir de meilleures relations avec les autres, avec notre propre existence et avec Dieu.
Jésus nous apporte un éclairage intéressant sur la juste solitude, dans quelques paroles mais surtout dans sa manière d’être.
1) Contre la mauvaise solitude
L’homme est un animal social, ou politique. La solitude ne nous est pas si naturelle que ça, elle nous met plutôt mal à l’aise. Et quand une personne est seule, c’est donc souvent bien malgré elle.
Parfois, c’est un accident de la vie qui est la cause de son isolement.
Parfois c’est une certaine maladresse dans les relations, comme une trop grande timidité, par exemple.
Parfois c’est la méchanceté de quelques personnes qui isole une personne en dehors du groupe, et c’est la faiblesse des autres qui ont peur de se montrer solidaire. C’est ce qui est arrivé à Jésus à la fin de sa vie, mais cela arrive aussi tous les jours un peu partout, dans tous les groupes humains.
C’est parfois en partie notre propre faute si nous sommes rejetés et isolé…
L’Évangile est plein de ces situations de personnes qui se retrouvent en marge, pour diverses raisons.
Jésus fait preuve d’une vraie solidarité, sans s’arrêter pour savoir si la personne a une part de responsabilité dans le pétrin dans lequel elle se trouve. Pour Jésus ce n’est pas un critère. Il combat de toute façon la solitude avec une incroyable liberté, avec une liberté choquante et au péril de sa propre mission. Rien ne l’oblige de fréquenter Zachée ou Matthieu qui sont visiblement des requins mal vus de la population après avoir bien profité de leurs fonctions pour tondre les pauvres gens. Rien ne l’oblige de guérir un aveugle ou un paralytique mendiant sur le bord d’un chemin. Jésus aurait pu, il aurait dû se dire en lui-même : ma mission est d’annoncer le Royaume de Dieu, je vais annoncer à cet homme que même s’il est malade il est aimé par Dieu, que sa vie est digne d’être vécue de toute façon et qu’il est gardé précieusement dans le sein du Père pour l’éternité, Amen.
Mais en agissant ainsi, Jésus serait resté en dehors de la bulle de solitude de l’homme malade ou de l’homme légitimement méprisé par tous. Nous le savons bien, même une rage de dents peut faire que nous sommes dans une souffrance qui nous isole de tout, même d’un sens possible à notre vie ! Combien plus quand nous sommes en soucis sur sa situation, ou pire : quand nous avons le sentiment d’être indigne… ou diverses autres difficultés qui peuvent nous isoler, nous prendre à la gorge, nous enserrer comme ce cercle d’accusateurs qui entourent cette femme pécheresse que Jésus délivre (Jean 8).
Même si nous ne résolvons pas tout, un simple geste peut rejoindre vraiment l’autre et, comme qui dirait, percer la bulle qui l’isole du monde. Parfois cette bulle éclate, parfois c’est comme si un trou était fait permettant à une personne ensevelie dans des décombres de prendre enfin une goulée d’air frais et d’entendre une voix.
Jésus perce cette bulle de solitude qui isole la personne, quelle qu’elle soit.
Cette attitude nous appelle à un peu de compassion et de solidarité. Mais c’est aussi un des grands bénéfices de la foi que de sentir l’aide de Dieu, un peu comme le dit Jésus quand il sent que même ses proches l’abandonnent : « vous me laisserez seul, mais je ne suis jamais seul, car le Père est avec moi. » Bien des personnes sentent la présence de ce « quelque chose » qui nous connaît, qui nous reconnaît et qui nous aime. Cela vient percer notre bulle de solitude. Et alors, en lisant les pages des évangiles, nous pouvons saisir que les témoins disent vrai en disant que Christ est ressuscité, qu’il est « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28 :20), qu’il est l’Emmanuel « Dieu avec nous », (Matthieu 1 :23) car en lisant ces récits, en lisant ces témoignages nous pouvons sentir que nous aussi sommes cet isolé que Christ rejoint, qu’il guérit et qu’il envoie en Paix poursuivre sa route dans la liberté. C’est un des rôles de l’église que d’être les uns pour les autres des signes visibles et sensibles de ce Dieu qui nous rejoint. Chacun de nous est, ou peut vraiment être, un sacrement pour quelqu’un d’autre, c’est à mon avis le plus véritable des signes visibles de la grâce de Dieu quand une personne se tient près d’une autre.
Et Jésus lui-même se sent seul quand il est rejeté et menacé, il s’appuie sur la prière, mais il cherche aussi l’appui de quelques amis proches, de Pierre, de Jacques et de Jean, pour veiller avec lui. Et quand ils flanchent, Jésus en est affecté et il le dit avec amertume et tristesse. Même s’il n’est, comme il dit, « jamais seul, car le Père est avec lui ». Il a besoin ne serait-ce que de cette présence humaine qui veille sur lui, c’est comme signe visible de la grâce invisible de Dieu, signe que son existence a du prix au moins pour une personne. En général, ce n’est donc pas le 13e des travaux d’Hercule que d’être ce signe qui perce la bulle de mauvaise solitude de quelqu’un.
L’Évangile nous montre que Jésus a besoin d’amitié dans les moments clefs de son cheminement, mais aussi dans le quotidien de son ministère de Christ. Il a besoin de l’amitié de Lazare et de ses sœurs, il est vraiment reconnaissant du geste d’une femme anonyme qui gaspille follement un litre de Chanel N°5 sur ses pieds. Il a besoin de prendre du temps avec ceux qu’il aime…
Même Jésus a besoin de ne pas se sentir tout seul, chacun de nous en a plus besoin encore que d’un toit sur sa tête.Jésus nous invite à avoir des gestes qui percent les bulles de mauvaise solitude, mais qui respectent la bonne solitude. C’est là toute la difficulté.

2) Reconnaître la bonne solitude
Car, à côté des accidents qui nous ensevelissent plus ou moins dans une mauvaise solitude, il est normal de ressentir une solitude qui est saine et qui est utile et bonne, elle. En effet. Chaque personne humaine est unique, et c’est donc à juste titre que nous nous sentons plus ou moins incompris, seul de notre espèce. Nous sommes, bien sûr, dans une certaine mesure un extra-terrestre. Même le plus proche des amis, se tenant à nos côtés et regardant le même paysage que nous, ne verra pas les choses tout à fait sous le même angle à cause de la parallaxe. Oui, nous sommes seuls dans nos chaussures et tout l’amour du monde n’y fera rien. Et heureusement parce que l’amour n’existe que s’il y a des individus distincts qui s’aiment dans leurs différences.
Mais cette solitude n’est pas évidente à vivre, il peut y avoir une tentation de repli, et une perplexité : puisque personne n’a jamais tout à fait été ce que je suis, ni visité l’existence que je vis maintenant, qui pourra me comprendre ? Qui pourra m’aider ?
Cette solitude est encore renforcée par le fait que nous sommes un être en évolution, en genèse. Cela fait que nous sommes toujours un peu, ou devrions être, dans un léger déséquilibre, connaissant des difficultés pour savoir qui nous sommes aujourd’hui et ce que nous devenons, avec la difficulté pour l’enfant de grandir, pour l’adolescent de devenir adulte, puis la difficulté d’apprendre à vieillir et à bien vieillir…
Cette solitude est encore un peu plus dramatiquement vécue car nous sentons que nous existons mais que nous glissons. Nous sentons que nous pourrions être heureux maintenant si nous n’avions pas si peur, si peur devant l’inconnu de notre avenir déjà en ce monde et de notre avenir encore plus incertain au-delà de ce monde visible.
Il est utile de se réconcilier avec ce sentiment de solitude, car il est bon. C’est le prix à payer de l’extraordinaire noblesse non seulement de l’existence humaine, mais de notre existence individuelle qui est si riche, si mobile, si vivante, et de cette idée d’une éternité possible qui nous a été donnée. Mais dire que ce sentiment de solitude est « un prix à payer » est sans doute trop négatif, c’est une façon de voir qui est pervertie par la mauvaise solitude. Car effectivement, le ressenti est presque le même entre ces deux solitudes, entre la mauvaise solitude où nous subissons l’exclusion et la menace ; et la bonne solitude qui consiste à sentir la merveille unique, vivante, et spirituelle que nous sommes.
Si nous n’arrivons pas à apprivoiser ce sentiment de bonne solitude, nous risquons de chercher à nous rassurer n’importe comment, en tentant de nous fondre dans la masse ou au contraire de dépasser les autres, ou bien de nous rassurer avec des grigris divers et variés (chaque âge, chaque caractère, chaque milieu a les siens).
Tout l’Évangile nous invite, bien entendu, à nous aider les autres à accepter cette bonne solitude, à la vivre comme des membres tous différents qui sont unis dans un même corps. Servir l’autre c’est d’abord l’aider à se réconcilier avec cette bonne solitude, c’est être un signe visible que l’autre, dans sa singularité, a du prix à nos yeux et donc un sens qui le dépasse. C’est accepter d’avoir besoin de lui, de son génie propre et de son point de vue différent. C’est accepter qu’il puisse évoluer librement. C’est lui demeurer fidèle malgré cela, l’aider un peu à être en forme, dans sa forme à lui.
La tentation, pour parer à cette solitude, c’est parfois de chercher à la réduire en se regroupant en un club de gens qui se serrent les uns les autres pour se tenir chaud, et qui se bâtissent un donjon de valeurs et de dogmes, de pratiques et de solidarités humaines qui donnent un certain sentiment de sécurité, un sentiment d’appartenance bien visible. Ça aide effectivement certaines personnes, au moins un certain temps. Mais le Christ nous mène plus loin, le Christ nous libère en nous donnant le courage de vivre et d’évoluer, car notre sécurité est ailleurs. Pour cela :

3) Se retirer dans sa chambre avec le Père
Jésus pratique lui-même une certaine solitude volontaire, en particulier dans chacune des grandes étapes de son ministère de Christ, et il exerce ses disciples à cet exercice, et il nous dit « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret… ». Il ne nous dit pas : de temps en temps pense à prendre 5 minutes pour réfléchir face à ta glace pour te connaître toi-même. Mais Jésus nous invite à prendre des temps de solitude devant Dieu, même très courts, mais que cela structure notre existence comme le rythme de nos repas.
Pourquoi ? Parce que quand nous sommes avec les autres nous essayons de nous sécuriser faussement et parfois cruellement. Dans la solitude physique, nous sommes moins dans le paraître, surtout devant ce Dieu qui voit même ce que nous tenons secret à nous-mêmes et qui nous aime profondément après nous avoir ainsi vu. Cet instant remet les choses en perspective.
Quelques instants pour s’isoler dans la réflexion, en plaçant son être tout simplement devant Dieu, ou au moins se placer devant cette promesse du Christ que toute personne est digne de vivre et d’être aimée, d’être bénie, secourue et aidée (Matthieu 5 :44-45), digne de s’exprimer à sa façon en portant ses propres fruits à son propre rythme (Psaume 1 :3).
C’est utile de s’isoler et de prier avant d’aider quelqu’un, avant de travailler, avant de sortir dans le monde, avant même de créer une œuvre d’art. Car il n’est pas bon de mettre la charrue avant les bœufs, ni de planter un arbre les branches en terre et les racines vers le ciel… Nos fruits seront nos fruits et de bons fruits s’ils sont l’expression de notre propre personnalité vivante, une expression de notre bonne solitude et de notre fragilité un petit peu assumées.
Si je fais quelque chose pour me sentir vivant et non parce que je suis vivant, ce que je fais alors n’est pas une œuvre d’art mais c’est une projection de mon égoïsme. Ou si je fais l’aumône pour redorer mon ego, c’est comme si j’utilisais le pauvre comme un bout de Sopalin avec lequel je fais briller mes chaussures avant de partir dans le monde. C’est triste.
Mais, comme le dit Jésus, en priant Dieu dans la solitude, non seulement nous sommes au bénéfice de l’aide de Dieu qui nous permet de nous lever un petit peu sur nos jambes et de voir plus clair, mais en plus nous avons des chances de découvrir que ce Dieu qui nous enfante ainsi est non seulement mon Père mais « notre Père » (et notre Mère, d’ailleurs). En fait nous sommes seuls, mais dans un autre sens nous sommes dans le même corps.
Jésus nous dit que c’est plutôt une bonne hygiène de se retirer un peu dans la solitude pour prier notre Père dans le secret. Et Jésus le fait. Il avait pourtant un sacré travail à faire, et un travail sacré. Là encore, il a du courage, celui de mettre en suspens l’impératif de solidarité qui s’impose à lui (guérir les gens) ainsi que l’urgence de son travail pour accomplir sa vocation (prêcher)… Mais Jésus sait se laisser aussi déranger dans cette utile solitude pour reprendre son travail pour les autres et avec les autres un peu plus tôt qu’il ne le pensait.
Jésus est pragmatique, et cela est extraordinairement libérant, je trouve. Il y a des temps où il accomplit sa mission, il a de juste temps de solitude pour laisser Dieu le nourrir et le ressusciter, il a des temps de retraits pour les amis et le repos, des temps de fêtes et de banquets. Mais Jésus ne maîtrise pas tout, lui non plus. Et quand ça va mal, quand l’ennemi est trop fort, les méchants trop méchants, les enthousiastes trop enthousiastes (ils veulent le faire roi), quand ce n’est pas le bon moment… il s’adapte.
4) Il y a parfois le temps du : courage, fuyons !

Nous ne sommes pas à l’usine. Avec Jésus et comme lui, faisons selon nos propres forces, comme nous le sentons, comptant sur l’aide fidèle de Dieu.

Amen