Archive pour juillet, 2015
BENOÎT XVI – MERCREDI DES CENDRES 2010
31 juillet, 2015http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2010/documents/hf_ben-xvi_aud_20100217.html
BENOÎT XVI – MERCREDI DES CENDRES 2010
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 17 février 2010
Mercredi des Cendres
Chers frères et sœurs!
Nous commençons aujourd’hui, mercredi des cendres, le chemin du carême: un chemin qui dure quarante jours et qui nous conduit à la joie de la Pâque du Seigneur. Sur cet itinéraire spirituel, nous ne sommes pas seuls, car l’Eglise nous accompagne et nous soutient dès le début à travers la Parole de Dieu, qui contient un programme de vie spirituelle et d’engagement pénitentiel, et avec la grâce des Sacrements.
Les paroles de l’apôtre Paul nous offrent une consigne précise: « Nous vous exhortons encore à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu [...] Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut » (2 Co 6, 1-2). En vérité, dans la vision chrétienne de la vie, chaque moment doit se dire favorable et chaque jour doit se dire jour de salut, mais la liturgie de l’Eglise rapporte ces paroles d’une façon toute particulière au cours du temps de carême. C’est l’appel qui nous est adressé à travers le rite austère de l’imposition des cendres et qui s’exprime, dans la liturgie, par deux formules: « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile! » « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière » qui nous fait justement comprendre que les quarante jours de préparation à Pâques doivent être un temps favorable et un temps de grâce.
Le premier appel est à la conversion, un mot qu’il faut prendre dans son extraordinaire gravité, en saisissant la surprenante nouveauté qu’elle libère. L’appel à la conversion, en effet, met à nu et dénonce la superficialité facile qui caractérise très souvent notre façon de vivre. Se convertir signifie changer de direction sur le chemin de la vie: non pas à travers un simple ajustement, mais à travers une véritable inversion de marche. La conversion signifie aller à contre-courant, le « courant » étant le style de vie superficiel, incohérent et illusoire, qui nous entraîne souvent, nous domine et nous rend esclaves du mal, ou tout au moins prisonniers d’une médiocrité morale. Avec la conversion, au contraire, on vise le haut degré de la vie chrétienne, on se confie à l’Evangile vivant et personnel, qui est le Christ Jésus. Sa personne est l’objectif final et le sens profond de la conversion, Il est le chemin sur lequel tous sont appelés à marcher dans la vie, se laissant éclairer par sa lumière et soutenir par sa force qui fait avancer nos pas. De cette façon, la conversion manifeste son visage le plus splendide et fascinant: il ne s’agit pas d’une simple décision morale, qui rectifie notre conduite de vie, mais d’un choix de foi, qui nous touche entièrement dans la communion intime avec la personne vivante et concrète de Jésus. Se convertir et croire à l’Evangile ne sont pas deux choses différentes, ou d’une certaine façon uniquement placées l’une à côté de l’autre, mais elles expriment la même réalité. La conversion est le « oui » total de celui qui remet son existence à l’Evangile, en répondant librement au Christ qui s’offre en premier à l’homme comme chemin, vérité et vie, comme celui qui seul le libère et le sauve. C’est précisément là le sens des premières paroles avec lesquelles, selon l’évangéliste Marc, Jésus ouvre la prédication de l’« Evangile de Dieu »: « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche: repentez-vous et croyez à l’Evangile » (Mc 1, 15).
L’appel: « convertissez-vous et croyez à l’Evangile » ne se trouve pas seulement au début de la vie chrétienne, mais il en accompagne tous les pas, il demeure en se renouvelant et il se diffuse en se ramifiant dans toutes ses expressions. Chaque jour est un moment favorable et de grâce, car chaque jour nous invite à nous remettre entre les mains de Jésus, à avoir confiance en Lui, à demeurer en Lui, à en partager son style de vie, à apprendre de Lui l’amour véritable, à le suivre dans l’accomplissement quotidien de la volonté du Père, l’unique grande loi de la vie. Chaque jour, même lorsque ne manquent pas les difficultés et les épreuves, la lassitude et les chutes, même quand nous sommes tentés d’abandonner le chemin à la suite du Christ et de nous renfermer sur nous-mêmes, dans notre égoïsme, sans nous rendre compte de la nécessité que nous avons de nous ouvrir à l’amour de Dieu en Christ, pour vivre la même logique de justice et d’amour. Dans le récent Message pour le carême, j’ai voulu rappeler qu’« il faut être humble pour accepter que quelqu’un d’autre me libère de mon « moi » et me donne gratuitement en échange son « soi ». Cela s’accomplit spécifiquement dans les sacrements de la réconciliation et de l’Eucharistie. Grâce à l’amour du Christ, nous pouvons entrer dans une justice « plus grande », celle de l’amour (cf. Rm 13, 8-10), la justice de celui qui, dans quelque situation que ce soit, s’estime davantage débiteur que créancier parce qu’il a reçu plus que ce qu’il ne pouvait espérer » (cf. ORLF n. 6 du 9 février 2010).
Le moment favorable et de grâce du carême nous montre sa propre signification spirituelle également à travers l’antique formule: Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière, que le prêtre prononce lorsqu’il impose un peu de cendres sur notre tête. Nous sommes ainsi renvoyés aux débuts de l’histoire humaine, quand le Seigneur dit à Adam, après la faute des origines: « A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise » (Gn 3, 19). Ici, la parole de Dieu nous rappelle notre fragilité, et même notre mort, qui en est la forme extrême. Face à la peur innée de la fin, et encore davantage dans le contexte d’une culture qui, de tant de manières, tend à censurer la réalité et l’expérience humaine de la mort, la liturgie quadragésimale, d’une part, nous rappelle la mort en nous invitant au réalisme et à la sagesse, mais, d’autre part, nous pousse surtout à saisir et à vivre la nouveauté inattendue que la foi chrétienne transmet à la réalité de la mort elle-même.
L’homme est poussière et il retournera à la poussière, mais il est une poussière précieuse aux yeux de Dieu, parce que Dieu a créé l’homme en le destinant à l’immortalité. Ainsi, la formule liturgique: « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière » trouve la plénitude de son sens en référence au nouvel Adam, le Christ. Le Seigneur Jésus lui aussi a librement voulu partager avec chaque homme le sort de la fragilité, en particulier à travers sa mort sur la croix; mais cette mort précisément, pleine de son amour pour le Père et pour l’humanité, a été le chemin de la glorieuse résurrection, à travers laquelle le Christ est devenu la source d’une grâce donnée à tous ceux qui croient en Lui et participent à la vie divine elle-même. Cette vie qui n’aura pas de fin est déjà en acte dans la phase terrestre de notre existence, mais elle sera portée à son accomplissement après la « résurrection de la chair ». Le petit geste de l’imposition des cendres nous révèle la richesse singulière de sa signification: c’est une invitation à parcourir le temps du carême comme une immersion plus consciente et plus intense dans le mystère pascal du Christ, dans sa mort et sa résurrection, à travers la participation à l’Eucharistie et à la vie de charité, qui naît de l’Eucharistie et dans laquelle elle trouve son accomplissement. Avec l’imposition des cendres nous renouvelons notre engagement à suivre Jésus, à nous laisser transformer par son mystère pascal, pour l’emporter sur le mal et faire le bien, pour faire mourir notre « vieil homme » lié au péché et faire naître l’« homme nouveau » transformé par la grâce de Dieu.
Chers amis! Tandis que nous nous apprêtons à entreprendre l’austère chemin du carême, nous voulons invoquer avec une confiance particulière la protection et l’aide de la Vierge Marie. Que ce soit elle, la première croyante en Christ, à nous accompagner au cours de ces quarante jours d’intense prière et de sincère pénitence, pour arriver à célébrer, purifiés et entièrement renouvelés dans l’intelligence et dans l’esprit, le grand mystère de la Pâque de son Fils.
Bon carême à tous!
HOMÉLIE DU 18ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE : LE VRAI PAIN DE VIE
31 juillet, 2015http://preparonsdimanche.puiseralasource.org/
HOMÉLIE DU 18ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE 02/08/2015
Les lectures du jour
http://levangileauquotidien.org/main.php?module=read&date=2015-08-02&language=FR
LE VRAI PAIN DE VIE
Les lectures bibliques de ce dimanche nous parlent de la situation dramatique de ceux qui sont tenaillés par la faim. C’était le cas pour les hébreux lorsqu’ils ont été libérés de l’esclavage d’Egypte. Sous la conduite de Moïse, ils se sont mis en marche vers la Terre promise. Mais en attendant, ils se retrouvent dans le désert et la vie y est dure. Ils se sont trouvés affrontés au manque de nourriture et à la faim ; le ton s’est mis à monter ; ils ont récriminé contre Moïse et Aaron. Ils regrettent les marmites et le pain qu’ils avaient à satiété en Egypte. Venir mourir dans le désert, ça n’a pas de sens.
Ces récriminations, Dieu les entend. Et le livre de l’Exode nous donne la réponse de Dieu. En nous rapportant ces événements, les croyants qui ont rédigé ce livre veulent nous transmettre un message de la plus haute importance. Ils ne cessent de nous dire que, même dans les situations les plus difficiles, Dieu ne nous abandonne pas. Il faut lui faire confiance contre vents et marées. Le véritable bonheur c’est de suivre sa loi et son enseignement. C’est le pain que le Seigneur nous donne à manger ; et il est chaque jour à notre disposition.
L’Evangile de ce dimanche vient compléter cet enseignement ; il fait suite au récit de la multiplication des pains ; Jésus vient de nourrir une foule affamée. Pour tous ces pauvres gens c’est quelque chose d’extraordinaire. Ils pensent avoir trouvé en lui le roi qui répondra à tous leurs besoins. Mais Jésus ne l’entend pas ainsi. Ce n’est pas sa mission. Il a beaucoup mieux à proposer. C’est important pour nous aussi : en effet, nos prières se limitent souvent à des demandes matérielles terre-à-terre. Nous oublions alors ce qui est bien plus important. Et c’est cela que Jésus voudrait nous faire découvrir.
Tout d’abord, pour échapper à l’enthousiasme des foules, Jésus se retire sur « l’autre rive » du lac. Cette « autre rive » c’est un symbole biblique très important. Il ne s’agit pas seulement de l’autre côté. Passer sur « l’autre rive » c’est renoncer à la facilité et se mettre sur le chemin que Dieu nous montre. Jésus a renoncé à la royauté terrestre ; il n’a pas voulu des prestiges ni des honneurs. Il s’est retiré loin de la foule pour rejoindre son Père dans le silence et la prière.
Les foules sont parties à la recherche de Jésus. Elles sont également passées sur l’autre rive. Mais elles se sont trompées de rive. Le vrai passage que Jésus attend de nous, c’est celui de la foi et de l’amour. Il nous faut quitter la rive de notre confort et de nos certitudes et rejoindre celle de la vérité de l’Evangile. Ceux et celles qui ont répondu à l’appel du Christ ont renoncé à une vie facile. La grande priorité ce n’est pas les biens que nous possédons ni ceux que nous voulons posséder. Jésus voit tous ces gens qui travaillent dur pour leur nourriture corporelle. Or c’est « une nourriture périssable pour une vie périssable ». Aujourd’hui, il voudrait leur révéler une autre nourriture, un pain « venu du ciel » pour la Vie Eternelle.
C’est là que Jésus voudrait les éveiller à cet autre pain. Il nous parle du « vrai pain », « le pain de Dieu », « le pain de vie », « le pain venu du ciel ». Ce n’est pas comme la manne que les anciens ont mangée dans le désert au temps de Moïse. Le seul vrai pain, c’est Jésus. Il est le pain du ciel, celui qui donne la vie. Cette nourriture largement offerte à tous c’est d’abord la parole de Jésus : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Dt. 8. 3). Jésus est également nourriture par son Corps et son Sang donnés en nourriture lors de la célébration Eucharistique.
Actuellement, le même Christ continue à nous révéler notre faim et notre soif d’absolu. Il voit tous ces jeunes et moins jeunes qui courent vers les plaisirs que procure la société de consommation, la drogue, l’alcool, les décibels. Il voit tous ces gens qui sont angoissés parce qu’ils ont perdu leur emploi. Leur grande douleur c’est que personne n’a besoin d’eux. Il leur manque un climat de tendresse et d’amour qui pourrait illuminer leur vie. Nous chrétiens, nous sommes envoyés pour témoigner de cet amour qui est en Dieu et le communiquer à tous ceux qui nous entourent.
Saint Paul nous montre le chemin. Il invite les croyants de son temps et chacun de nous à se laisser guider par un esprit renouvelé. Les Ephésiens, auxquels il s’adresse, sont passés sur l’autre rive. Ils ont quitté leurs anciennes pratiques pour se mettre à la suite du Christ. . Leur foi en Jésus a fait d’eux des hommes nouveaux. Mais saint Paul sait que cette foi est encore fragile car ils vivent dans un monde païen. Nous aussi, nous pouvons être atteins par l’esprit païen de notre temps. C’est ce qui se passe quand nous donnons la première place à l’argent et aux satisfactions matérielles. Mais le Seigneur veille ; il nous appelle inlassablement à revenir vers l’autre rive. C’est là qu’il nous attend. Il nous destine à partager sa vie.
En ce jour, nous venons vers toi Seigneur. Toi seul peux nous guider sur le chemin de la vraie conversion. Garde-nous fidèles à tes paroles car elles sont celles de la Vie Eternelle. Amen
Sources : Revues Signes et Feu Nouveau ; La Parole de Dieu pour chaque jour (V. Paglia) ; Pensées sur l’Evangile de Marc (C. Schonborn) ; Homélies pour l’année B (Amédée BRUNOT) ; dossiers personnels (archives)
Jean Compazieu, prêtre de l’Aveyron ( 02/08/2015)
NOTRE RÉDEMPTEUR VIT, IL A UN VISAGE ET UN NOM: JÉSUS-CHRIST – PAR LE CARDINAL JOSEPH RATZINGER
30 juillet, 2015http://www.30giorni.it/articoli_id_4379_l4.htm
DOCUMENTS Tiré du n° 09 – 2004
NOTRE RÉDEMPTEUR VIT, IL A UN VISAGE ET UN NOM: JÉSUS-CHRIST
Nous publions l’homélie que le cardinal Ratzinger a prononcée durant la messe en mémoire des Souverains Pontifes défunts Paul VI et Jean Paul Ier Chapelle papale, 28 septembre 2004
PAR LE CARDINAL JOSEPH RATZINGER
Paul VI avec le patriarche de Venise Albino Luciani durant la visite du Pape à Venise, en septembre 1972
Paul VI avec le patriarche de Venise Albino Luciani durant la visite du Pape à Venise, en septembre 1972
Chers frères et chères sœurs !
La liturgie nous offre dans la collecte et dans la prière après la communion une interprétation du ministère pétrinien, qui apparaît également comme un portrait spirituel des deux Papes Paul VI et Jean-Paul Ier, que nous commémorons à travers la célébration de cette Messe. La collecte dit que les Papes ont «dans l’amour du Christ… présidé [son] Église» et la prière après la communion implore le Seigneur de concéder aux Souverains Pontifes, ses serviteurs, «d’entrer… en pleine possession de la vérité, dans laquelle, avec un courage apostolique, ils confirmèrent leurs frères». Amour et vérité apparaissent ainsi comme les deux pôles de la mission confiée aux successeurs de saint Pierre.
Présider l’Église dans l’amour du Christ – ces paroles font naturellement penser à la lettre de saint Ignace à l’Église de Rome, à laquelle le saint martyr, qui vient d’Antioche, le premier siège de Pierre, reconnaît la «présidence dans l’amour»; sa lettre continue en disant que l’Église de Rome «est dans la loi du Christ»; il fait ici référence aux paroles de saint Paul dans l’Épître aux Galates: «Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la loi du Christ» (Ga 6,2). Présider dans la charité, c’est avant tout précéder «dans l’amour du Christ». Rappelons-nous ici le fait que la remise définitive de la Primauté à Pierre après la résurrection est liée à la demande trois fois répétée par le Seigneur: «Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci?» (Jn 21,15sq). Paître le troupeau du Christ et aimer le Seigneur sont la même chose. C’est l’amour du Christ qui guide les brebis sur la bonne voie et édifie l’Église. Ici, nous ne pouvons pas manquer de penser au grand discours par lequel Paul VI inaugura la deuxième session du Concile Vatican II. «Te, Christe, solum novimus», furent les paroles déterminantes de ce sermon. Le Pape parla de la mosaïque de Saint-Paul-hors-les-Murs, avec la grandiose figure du Pantocrator et, prosterné à ses pieds, le pape Honorius III, de petite stature et presque insignifiant devant la grandeur du Christ. Le Pape poursuivit: cette scène se répète ici dans toute sa réalité à l’occasion de notre réunion. Telle fut sa vision du Concile, sa vision également de la Primauté: nous tous aux pieds du Christ, pour être des serviteurs du Christ, pour servir l’Évangile. L’essence du christianisme est le Christ – non pas une doctrine, mais une personne, et évangéliser, c’est conduire à l’amitié avec le Christ, à la communion d’amour avec le Seigneur, qui est la véritable lumière de notre vie.
Présider dans la charité signifie – répétons-le – précéder dans l’amour du Christ. Mais l’amour du Christ implique la connaissance du Christ – la foi – et implique la participation à l’amour du Christ: porter les fardeaux les uns des autres, comme le dit saint Paul. La Primauté, dans son essence intime, n’est pas un exercice de pouvoir, mais c’est «porter les fardeaux des autres», c’est la responsabilité de l’amour. L’amour est précisément le contraire de l’indifférence à l’égard de l’autre, il ne peut admettre que s’éteigne dans l’autre l’amour du Christ, que l’amitié et la connaissance du Seigneur puissent s’atténuer, que «le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent cette parole» (Mt 13,22). Et enfin: l’amour du Christ est l’amour pour les pauvres, pour les personnes qui souffrent. Nous savons combien ces Papes étaient engagés avec force contre l’injustice, pour les droits des opprimés, de ceux qui n’ont aucun pouvoir: l’amour du Christ n’est pas quelque chose d’individualiste, d’uniquement spirituel – il concerne la chair, il concerne le monde et doit transformer le monde.
Christ en majesté, détail de la mosaïque de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs
Christ en majesté, détail de la mosaïque de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs
Présider dans la charité concerne enfin l’Eucharistie, qui est la présence réelle de l’amour incarné, présence du Corps du Christ offert pour nous. L’Eucharistie crée l’Église, crée ce grand réseau de communion, qui est le Corps du Christ, et crée ainsi la charité. Dans cet esprit, nous célébrons, avec les vivants et avec les défunts, la Messe – le sacrifice du Christ, d’où jaillit le don de la charité. L’amour serait aveugle sans la vérité. Et c’est pourquoi celui qui doit précéder dans l’amour reçoit du Seigneur la promesse: «Simon, Simon… mais moi j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas» (Lc 22,32). Le Seigneur voit que Satan cherche «pour vous cribler comme le froment» (Lc 22,31). Alors que cette épreuve concerne tous les disciples, le Christ prie en particulier «pour [lui]» – pour la foi de Pierre et sur cette prière est fondée la mission «Confirme tes frères». La foi de Pierre ne vient pas de ses propres forces – l’indéfectibilité de la foi de Pierre est fondée sur la prière de Jésus, le Fils de Dieu: «J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas». Cette prière de Jésus est le fondement sûr de la fonction de Pierre pour tous les siècles et la prière après la communion peut, à juste titre, dire que les Souverains Pontifes Paul VI et Jean-Paul I ont «avec un courage apostolique» confirmé leurs frères: à une époque où nous voyons comment Satan «crible comme le froment» les disciples du Christ, la foi imperturbable des Papes, fut de façon visible le roc sur lequel repose l’Église.
«Je sais que mon Rédempteur est vivant», dit dans la première lecture de notre liturgie le texte de Job – il le dit à un moment d’épreuve extrême; il le dit alors que Dieu se cache et semble être son adversaire. Couvert par le voile de la souffrance, sans connaître son nom ni son visage, Job “sait” que son Rédempteur est vivant, et cette certitude est sa grande consolation dans les ténèbres de l’épreuve. Jésus a levé le voile qui couvrait pour Job le visage de Dieu: oui, notre Rédempteur est vivant, «et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image» dit saint Paul (2Co 3,18). Notre Rédempteur est vivant – il a un visage et un nom: Jésus-Christ. Nos «yeux le contempleront» – c’est cette certitude que nous donnent les Papes défunts et ils nous guident ainsi «vers la pleine possession de la vérité», en nous confirmant dans la foi de notre Rédempteur. Amen.
» MIS À PART DÈS LE SEIN DE MA MÈRE » – (Jérémie et Paul)
30 juillet, 2015http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1319.html
» MIS À PART DÈS LE SEIN DE MA MÈRE «
THÉOLOGIE
Approfondir
Choisis par Dieu pour une mission divine, Jérémie et Paul sont « mis à part dès le sein maternel » : pour quels enjeux ?
Parmi les personnages bibliques choisis par Dieu pour une mission divine, Jérémie et Paul sont » mis à part dès le sein maternel ». Si l’expression n’est pas utilisée pour Samson, Jean-Baptiste ou Jésus, les parallèles sont pourtant nombreux. Quels sont les enjeux de cette mise à part ? Comment éclaire-t-elle la mission donnée à l’élu ? Et quelle liberté réserve-t-elle à l’appelé ?
L’expression « mis à part » (ou « consacré » selon les traductions), signifie « choisi parmi un groupe pour être institué dans une mission ». Elle sous-entend une délimitation, une définition et une séparation. Dans l’Ancien Testament, elle qualifie la distinction entre le pur et l’impur, entre le profane et le sacré. Elle désigne également la mission confiée au peuple élu (Cf. Lv 20,26).
• Le choix de Dieu
La mise à part s’inscrit dans le mouvement de l’appel de Dieu. Pour Jérémie, Paul, Samson ou Jean-Baptiste, choisis dès le sein de leur mère, l’initiative du choix revient à Dieu de manière absolue. La perception d’un Dieu qui façonne sa créature dans le sein maternel, qui en connaît d’emblée toute l’existence (Cf. Ps 139), est placée ici au cœur de la vocation. Cette tradition est complétée dans le Psaume 51 (50) où l’élu de Dieu se reconnaît pécheur dès le sein de sa mère, et donc déjà placé sous le regard de Dieu. On peut parler d’une « prédestination » de la part de Dieu qui raisonne comme un appel à orienter et engager toute sa vie sur la voie qu’il nous ouvre.
La mise à part est liée aussitôt à une mission. C’est là son fondement et son but. Jérémie est mis à part dès le sein maternel car Dieu « fait (de lui) un prophète pour les nations « . De même, Paul est mis à part pour voir se révéler le Fils et l’annoncer aux païens. Jean-Baptiste, lui, reçoit la mission d’être prophète du Très-Haut, de marcher devant, sous le regard du Seigneur, et de préparer ses chemins (Lc 1,16.76).
• La réponse de l’élu
Pour accomplir sa mission, l’élu est supposé avoir une vie intime avec le Seigneur, une connaissance particulière. L’assurance de la présence du Seigneur avec lui ou de l’Esprit en lui, le rendra fidèle à sa mission. Sa fidélité ne lui vient pas d’une qualité personnelle qu’il détiendrait mais de sa capacité à accueillir la grâce de Dieu. Ainsi Jérémie se considère trop jeune ou incapable d’assumer sa mission au point de maudire le jour de sa naissance. Mais le Seigneur lui confirme son choix à plusieurs reprises pour lui ôter ses doutes. L’élu devient comme l’instrument du Seigneur.
La consécration réduirait-elle la liberté de l’élu, puisque sa mise à part a lieu dès le sein de sa mère ? Le Seigneur appelle et suscite une réponse de l’élu. Celui-ci accepte d’accueillir sa grâce, son Esprit, devenir son mandataire et rester fidèle en dépit de l’adversité rencontrée. Les réticences de Jérémie à l’encontre de l’appel divin montrent qu’entre Dieu et son envoyé, s’instaure un dialogue. La liberté de l’élu se situe non pas du côté de l’appel, mais du côté de sa réponse et de son consentement à faire la volonté de Dieu. L’appelé ne connaît pas d’emblée la mission qui lui est confiée. Il la découvrira progressivement, se laissera modeler par elle, et aura à l’accepter librement (ou y renoncer) à chaque instant. Elle s’inscrit dans le dessein de Dieu, lequel échappe à l’élu. C’est dans ce oui à la volonté de Dieu que se dit la liberté de l’appelé.
Jésus accomplit pleinement cette adhésion libre à la volonté du Père. Sa mise à part et sa mission sont exprimées dès l’Annonciation : le fruit du sein de Marie est saint et béni, recevra le nom de Jésus, sera grand et appelé fils du Très-Haut, recevra le trône de David son père et régnera pour toujours (Lc 1,31-32). Sa conception mystérieuse par l’action de l’Esprit Saint manifeste la volonté de Dieu. Sa mission accueillie et assumée, Jésus la vivra dans la connaissance intime du Père. Il priera pour la partager avec ceux que le Père lui a donnés et qu’il lui demande de consacrer alors (Jn 17). Mis à part et consacré pour la mission, Jésus vient accomplir et donner sens à toute vocation.
Christophe RAIMBAULT.
Jesus the carpenter
29 juillet, 2015SANCTIFIER LE TRAVAIL, SE SANCTIFIER DANS LE TRAVAIL, ET SANCTIFIER PAR LE TRAVAIL
29 juillet, 2015SANCTIFIER LE TRAVAIL, SE SANCTIFIER DANS LE TRAVAIL, ET SANCTIFIER PAR LE TRAVAIL
FR. THIERRY-JOSEPH DE MARIE MÈRE DE DIEU
Il faut «sanctifier le travail, se sanctifier dans le travail, et sanctifier par le travail», affirmait le fondateur de l’Opus Dei, saint Josémaria Escriva que Jean-Paul II a canonisé le 6 octobre 2002. En affirmant que le baptême est le fondement de l’appel universel à la sainteté, saint Josémaria a donné à des millions de fidèles à travers le monde une façon de vivre – un savoir vivre – qui fait du travail humain un pivot de la sanctification. «Elever le monde vers Dieu et le transformer de l’intérieur : voici l’idéal que le saint fondateur vous indique1». Nous voudrions faire notre cet enseignement.
Sanctifier le travail.
Le travail humain apparaît comme une réalité omniprésente dans toute l’Ecriture, à commencer par les deux récits de la Création. Dans le texte le plus ancien nous lisons : «Au temps où le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il n’y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n’avait encore poussé, car le Seigneur Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol» (Gn 2,4-5). La Création, sans la pluie – symbole du don de Dieu – et le travail de l’homme, n’est qu’un désert. La vie ne se développe que par l’alliance du don de Dieu et du travail humain. Le thème de l’Alliance par le travail précède la chute originelle à la suite de laquelle le travail sera marqué d’une malédiction. Comme le souligne le Catéchisme, «le travail n’est pas une peine, mais la collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu dans le perfectionnement de la création visible (CÉC n° 378)». Notons simplement en passant que cette Alliance est rappelée à l’offertoire de la Messe – sacrement de la vie – «Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes ; nous te le présentons: il deviendra le pain de la vie». Ce récit de la Création souligne également la confiance que Dieu accorde à l’homme : «Le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder» (Gn 2,15). Au cœur de l’ouvrage de l’homme il y a la responsabilité de celui-ci vis-à-vis de la Création que Dieu lui confie, ce que souligne le second récit : «Dieu les bénit et leur dit ‘soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la (…)’ Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon» (Gn 1,28;31).
Parce qu’il est signe de l’Alliance et de la confiance entre Dieu et l’homme, le travail est marqué par la rupture originelle. «C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie (…). C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris» (Gn 3,17-19). L’Alliance n’est plus une évidence pour celui qui peine à la tâche et le travail humain devient un lieu de combat où l’homme doit retrouver la confiance en son Créateur. «Même s’il est associé à la fatigue et à l’effort, le travail ne cesse pas d’être un bien, en sorte que l’homme se développe en aimant son travail2». Mais ce combat n’aurait aucun sens si le Seigneur lui-même n’était venu assumer cette réalité de la vie humaine non seulement pour la rétablir dans l’ordre originel mais plus encore pour lui donner une valeur nouvelle dans l’ordre de la Rédemption. Parce qu’il a embrassé le travail humain, le Christ lui confère une valeur dans l’œuvre du Salut. Sanctifier le travail c’est comprendre que tout labeur, qu’il soit intellectuel ou manuel, professionnel ou familial, toute peine laborieuse vécue dans l’amour de Dieu, peut être uni au travail rédempteur de la Croix. Il s’agit de vivre le travail comme le Christ en son Incarnation, mais plus encore de le vivre AVEC le Christ afin de «Lui être comme une humanité de surcroît en laquelle Il puisse perpétuer sa vie de réparations, de sacrifices, de louanges et d’adoration3 » au cœur de toute activité humaine. Sanctifier le travail c’est désirer se sanctifier dans le travail.
Se sanctifier dans le travail.
Au cœur de la spiritualité de saint Josémaria il y a l’appel universel à la sainteté. Si le travail est pour lui comme le pivot de la sainteté c’est parce qu’il est une activité humaine commune à tous. La valeur première et fondamentale du travail c’est l’homme qui l’accompli. Non pas ce qu’il fait, mais la façon dont il le fait. «En fin de compte, le but du travail, écrit Jean-Paul II, de tout travail exécuté par l’homme fût-ce le plus humble service, le travail le plus monotone selon l’échelle commune d’évaluation, voire le plus marginalisant reste toujours l’homme lui-même 4». La référence à la Croix maintient le baptisé dans un réalisme spirituel, marque de toute spiritualité chrétienne. Quel que soit son travail, tout homme connaît un jour ou l’autre, une lassitude qui lui fait éprouver sa misère. C’est là que le Seigneur l’appelle à poser un acte de foi et d’amour pour unir cette souffrance à celle du Christ Rédempteur. «Tu me demandes : pourquoi cette Croix de bois ? Écrit saint Josémaria, (…) En levant les yeux du microscope, le regard tombe sur la Croix noire et vide. Cette Croix sans Crucifié est un symbole. Elle a un sens que les autres ne verront pas. Et celui qui, fatigué, était sur le point d’abandonner la tâche, se remet à l’oculaire et poursuit son travail, parce que la Croix vide appelle des épaules qui la portent5». Le travail n’est jamais un but en lui-même, il est un moyen en vue de notre sanctification, elle-même finalisée par la Gloire de Dieu. Ce qui sanctifie ce n’est pas le travail effectué, mais l’union d’amour avec Dieu recherché au travers de ce travail. «Notre sanctification, écrit le frère Laurent de la Résurrection, dépend, non du changement de nos œuvres, mais de faire pour Dieu ce que nous faisons ordinairement pour nous-mêmes6». Tout baptisé est appelé à cette conversation continuelle avec le Bien-Aimé. Un cœur à cœur que rien ne peut interrompre si la volonté est orientée vers Dieu. «Quand on l’aime, les choses extérieures ne peuvent distraire du Maître», écrit Elisabeth de la Trinité 7. Cette présence continuelle à Dieu au sein même du travail est rendue possible par la pratique de temps particuliers réservés uniquement à la prière dans le silence du cœur. La lettre apostolique Dies Domini8 rappelle également l’importance fondamentale du repos dominical et de la sanctification de ce premier jour de la semaine qui la colore toute entière (cf. n°64-68).
Sanctifier par le travail.
La joie qui naît pour le chrétien de se savoir à chaque instant sous le regard plein de tendresse de Dieu, fait de lui un apôtre. La valeur de son apostolat dépend d’abord de sa vie et non de ses paroles. Vase d’argile, lampe brillant d’un feu qui le dépasse, le chrétien qui cultive sa relation amoureuse avec Dieu devient, pour ceux qui le côtoient, un témoin du Ressuscité. Quel que soit son travail, il le vit pleinement, tout entier présent à Celui qui est sa Vie. «Quel que soit votre travail, faites-le avec âme, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que le Seigneur vous récompensera en vous faisant ses héritiers. C’est le Seigneur Christ que vous servez» (Col 3,23-24). Que de temps perdu pour celui qui travail la semaine dans l’attente du week-end, l’année dans l’attente des vacances… la vie dans l’attente de la retraite ! Le travail peut être vécu comme une parenthèse absurde dans une vie sans but surnaturel, toute orientée vers le vide et l’illusion de plaisirs éphémères. Il peut aussi être vécu comme une drogue abrutissante, servi comme une idole capricieuse qui demande toujours plus de sacrifices : repos dominical, famille, loisir, etc…
Plus que jamais le chrétien doit être dans son travail le levain dans la pâte. L’apostolat, pour être vrai, n’a pas besoin de foules immenses à convertir, mais de cœurs à toucher simplement par une présence, une bonne parole, un encouragement, une façon de regarder sans mépris et de travailler avec l’amour de l’ouvrage bien fait. «Inutile de t’empresser à tant d’œuvres extérieures, s’il te manque l’Amour. – C’est coudre avec une aiguille sans fil. Quel dommage si, en fin de compte, tu avais fait ‘ton’ apostolat au lieu de ‘son’ Apostolat!9». La fécondité surnaturelle du travail est le fruit de la vie théologale de celui qui œuvre simplement là où Dieu l’appelle : dans son humble quotidien. Et cela commence toujours par la prise au sérieux de la grâce baptismale. Une grâce entretenue par une vraie vie théologale : dans une prière de simple présence à Dieu, dans une écoute quotidienne de sa Parole, dans les sacrements reçus régulièrement et avec foi. Mais aussi dans une étude proportionnée aux capacités de chacun, avec un vrai désir de connaître Celui avec qui l’on converse dans la prière. Tout chrétien doit nourrir son cœur et son intelligence de ce que l’Eglise donne à chacun pour porter des fruits dans l’amour de Dieu et du prochain.
Quelle grâce pour le monde qu’une mère de famille simplement enracinée dans l’Amour du Christ, qu’un artisan ou un ouvrier aimant Dieu par le travail de ses mains, qu’un chercheur contemplant la sagesse de Dieu au travers de l’intelligence de l’homme ! Laisser s’épanouir la grâce baptismale c’est apprendre à vivre son travail en communion amoureuse avec ce Dieu qui a assumé, en son Incarnation, toutes les réalités humaines à l’exception du péché. Vécu ainsi, le travail humain peut retrouver sa dimension d’Alliance. Au cœur de cette spiritualité, il y a un grand désir d’unification de toute l’existence chrétienne, comme le rappelait le Saint Père dans son homélie lors de la canonisation de saint Josémaria Escriva :
«En fait, il ne se lassait pas d’inviter ses fils spirituels à invoquer l’Esprit Saint pour faire en sorte que leur vie intérieure, c’est-à-dire la vie de relation avec Dieu, et leur vie familiale, professionnelle et sociale, faite de petites réalités terrestres, ne soient pas séparées, mais constituent une seule existence sainte et pleine de Dieu».
Article paru dans la revue de spiritualité carmélitaine Vives Flammes* (septembre 2004 / n°256).
* les Editions du Carmel – 33 avenue Jean Rieux – 31500 Toulouse
LA CROIX : ÉCHEC DE LA SAGESSE HUMAINE, SCANDALE ET FOLIE
29 juillet, 2015http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200227.html
LA CROIX : ÉCHEC DE LA SAGESSE HUMAINE, SCANDALE ET FOLIE
Approfondir
« Eh bien nous, nous proclamons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Grecs », affirme saint Paul
Échec de la sagesse humaine
La première étape met en crise toutes les prétentions humaines à la sagesse pour leur opposer la croix. Le verset 21 offre une expression condensée de l’échec de la sagesse : « puisque plongé dans la sagesse de Dieu, le monde n’a pas reconnu Dieu grâce à la sagesse de Dieu… ». Ni les œuvres de la création, ni la raison accordée à l’être humain lui-même n’ont conduit les hommes à reconnaître Dieu créateur ; ils n’ont su, dit la Lettre aux Romains, ni le glorifier ni lui rendre grâce ! Au contraire, les hommes ont fait des œuvres la création et de leur propre sagesse un objet d’idolâtrie sur lequel ils ont refermé la main. Aussi la sagesse des hommes affolée de son propre pouvoir s’est-elle recourbée sur elle-même et s’est-elle affaissée.
Dès lors, Dieu a choisi l’antithèse, l’opposé absolu de la sagesse, « la folie de la proclamation » qui appelle les hommes à la foi : « c’est par la folie de la proclamation que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient ». Folie qui renvoie dos-à-dos toutes les grandes traditions philosophiques et religieuses que l’humanité avait jusqu’alors parcourues : « Puisque les Juifs demandent des signes et les Grecs recherchent une sagesse… ». Les Grecs et les Juifs, dans la bouche du juif Paul, sont les deux parties constitutives de l’humanité. Or, les uns sont en quête de sagesse : la recherche de la connaissance et de la vérité occupe la philosophie grecque depuis des siècles, la raison y cherche une maîtrise du monde ; les autres réclament des signes : les Juifs attendent que la puissance de Dieu qui s’est manifestée jadis dans un acte spectaculaire de délivrance « à main forte et à bras étendu » se déploie à nouveau dans une intervention décisive, sauvant le peuple élu que distinguent les marques dans la chair.
« Eh bien nous, nous proclamons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Grecs ». Toutes les tentatives humaines pour s’assurer un pouvoir sur le monde et sur l’être humain, les tentations symétriques et opposées que sont pour les uns la recherche d’une sagesse supérieure qui sauve, pour les autres la certitude d’une élection qui les sépare pour leur donner la terre, tout cela revient à mettre la main sur Dieu et sur l’avenir de l’humanité. Tout cela, dit Paul, Dieu le balaie au nom d’une folie qui est celle de la croix et qu’il est chargé de proclamer.
Le scandale et la folie
Les deux mots sont lourds de sous-entendus, l’un dans le monde juif, l’autre dans le monde grec.
Nous avons réduit le scandale soit à son étymologie (la pierre que le pied heurte et qui fait tomber), soit à sa dimension sociale (ce qui heurte les représentations communes). Mais la croix est d’abord pour le monde juif un scandale d’ordre religieux. Dans la Lettre aux Galates, où Paul se bat contre la tentation judaïsante, il explicite le scandale : « Christ est devenu pour nous malédiction, car il est écrit : « maudit quiconque est pendu au bois »» (Ga 3,13). La citation de Dt 21,23 rappelle que pour la loi juive la pendaison est malédiction de Dieu : un Messie pendu au bois, un Messie crucifié est plus qu’une contradiction dans les termes, l’expression s’apparente au blasphème, et atteint l’image même de Dieu.
Symétriquement, pour le monde grec, la croix est objet d’horreur, moins par la cruauté du supplice que par l’ignominie de la condition sociale qu’elle évoque : c’est le supplice des esclaves et des criminels, le supplice humiliant par excellence. Un Messie crucifié est l’inverse de tout ce que la sagesse grecque dans sa quête de connaissance et d’intelligence peut rechercher. C’est une folie, et Paul n’emploie pas le terme grec de mania, cette folie envoyée par les dieux, qui peut caractériser le poète, voire le sage ou même le philosophe ; non, il choisit la môria, le contraire de l’intelligence spéculative ou pratique, la stupidité de la bête brute. Si la violence des termes et des représentations nous échappe largement, elle n’échappait pas aux Corinthiens : tout ce qu’ils avaient espéré comme avancée vers le monde de la connaissance, vers la seigneurie grecque de la raison, tout est balayé et renvoyé à la stupidité brute de la croix !
© Roselyne Dupont-Roc, Cahier Évangile n° 166, Le mystère de la croix, p. 11-12.