Archive pour juin, 2015

HOMÉLIE DU 13ÈME DIMANCHE DU T.O. : « DIEU N’A PAS FAIT LA MORT »

26 juin, 2015

http://preparonsdimanche.puiseralasource.org/

HOMÉLIE DU 13ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – 28/06/2015

« DIEU N’A PAS FAIT LA MORT »

Les textes liturgiques de ce dimanche nous annoncent une bonne nouvelle de la plus haute importance. La première lecture, extraite du Livre de la Sagesse, nous dit que « Dieu n’a pas fait la mort ». Elle n’a pas été créée par lui. Elle est entrée dans le monde par la jalousie du démon. Ceux qui se rangent dans son parti en font l’expérience. Le Livre de la Genèse nous rapporte que Dieu est le créateur de toute chose. Et à chaque étape de la création, nous lisons : « Dieu vit que cela était bon. » L’œuvre de Dieu est bonne. Elle est semence de vie et de bonheur. On n’y trouve pas le poison qui fait mourir. Mais le démon a défiguré cette œuvre divine. Il y a introduit la tentation et le péché. Cette rupture avec Dieu entraîne la mort. Mais sa puissance ne règne pas sur la terre « car la justice est immortelle ». Satan ne peut empêcher Dieu d’aimer tous les hommes. Puisque c’est par son péché que l’homme meurt, qu’il se convertisse et il vivra. Désormais un choix de vie s’imposera à tous : Dieu ou la mort. Notre Dieu ne cesse de nous combler de son amour. Mais ce don que nous avons reçu de lui, il nous faut le partager. Nous sommes une grande famille et dans cette famille, nous devons être solidaires les uns des autres. C’est ce message que saint Paul adresse aux corinthiens. Il a su provoquer un mouvement de solidarité en faveur de l’Église mère de Jérusalem. La situation matérielle de celle-ci était devenue très critique. En partageant, ils suivent Jésus qui a tout donné. Il s’est fait pauvre pour que vous deveniez riches de sa pauvreté. L’Évangile nous montre Jésus qui a rejoint l’autre rive, celle du monde païen. Il y est accueilli par une grande foule. Dès son arrivée, il rencontre des gens éprouvés par la souffrance. C’est d’abord Jaïre qui le supplie pour sa fille en danger de mort : « Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. » Jésus se met donc en route. Mais voilà que dans cette atmosphère bruyante, une femme atteinte d’hémorragies, s’approche de lui pour être guérie. Jésus ne lui dit pas : « Tu es guérie » mais « tu es sauvée ». Elle pourra donc être réintégrée dans sa communauté et y retrouver toute sa place. Le Christ se présente à nous comme celui qui sauve et qui relève. Puis c’est l’arrivée chez Jaïre. On lui annonce que sa fille vient de mourir et que ça ne sert plus à rien de déranger le Maître. Mais Jésus l’invite à un acte de foi. Cette fille dort et il va la réveiller et la relever. C’est comme quand on relève quelqu’un qui s’est couché. Jésus entre dans la maison. Il fait sortir tout le monde. Il ne garde que le père et la mère de l’enfant et quelques disciples. Il ne fait pas sur la jeune fille un geste de guérison. Il lui saisit la main et le dit : « Lève-toi ». Dans le langage du Nouveau Testament, le verbe « se lever » est synonyme de ressusciter. C’est ainsi que Jésus se révèle au monde comme le Sauveur de tous. S’il est venu dans le monde, c’est pour que tous les hommes aient la vie en abondance. Dimanche dernier, nous avons compris que Jésus est parti vers l’autre rive pour rejoindre le monde païen. Il nous fait comprendre que l’amour de Dieu est sans frontière. Il n’accepte pas de discrimination. Plus tard, Jésus enverra ses apôtres dans le monde entier. C’est pour répondre à cet appel que des prêtres, des religieux, des religieuses et des laïcs ont quitté leur famille, leur pays pour annoncer Jésus Christ à ceux qui ne le connaissent pas. Il y a dans cet Évangile une parole de Jésus qui risque de passer inaperçue : « Il leur dit de la faire manger ». Oui, bien sûr, elle a besoin de reprendre des forces. Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que le Seigneur est venu nous « ressusciter » dans la foi. Il nous remet debout. Mais si nous voulons vivre de sa vie, nous devons nous nourrir de sa Parole et des sacrements. Si nous ne le faisons pas, la faiblesse reprendra le dessus et nous retomberons. Le grand désir du Seigneur, c’est que nous soyons réveillés de notre médiocrité, notre égoïsme et de notre désespérance. Il veut nous associer tous à sa mission. En nous nourrissant de sa Parole et de son Corps, il veut nous donner le dynamisme qui transforme les « sauvés » en « sauveurs ». Avec lui, nous pourrons entraîner les malades vers la Source de Vie. Et comme lui, nous tendrons les mains vers les endormis pour les aider à se lever et à marcher. Ils pourront ainsi aller à la rencontre de Celui qui est la vie et la résurrection.

Nous faisons nôtres ce chant de John Littleton : Allez-vous en sur les places et sur les parvis ! Allez-vous en sur les places, Y chercher mes amis,… Allez-vous en sur les places Et soyez mes témoins chaque jour !

Sources : Revue Signes, Feu Nouveau – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes – Homélies du dimanche B (Léon Soulier) – Lectures bibliques des dimanches B (Albert Vanhoye) – Reste avec nous quand vient le soir (Laurette Lepage) – Ta Parole est ma joie (Joseph Proux) – ADAP (Nouvelle Calédonie)

Jean Compazieu, prêtre de l’Aveyron ( 28/06/2015)

Mat-05,01-07-Sermon sur la montagne

25 juin, 2015

Mat-05,01-07-Sermon sur la montagne dans images sacrée 15%20MISSEL%20FRANCISCAIN%20C%20PRECHANT%20SUR%20LA%20MONTAGNE%202

http://www.artbible.net/3JC/-Mat-05,01-07-Sermon_%20on%20the%20mount_sur%20la%20montagne/slides/15%20MISSEL%20FRANCISCAIN%20C%20PRECHANT%20SUR%20LA%20MONTAGNE%202.html

DOV BAER DE LOUBAVITCH ET LE HASSIDISME

25 juin, 2015

http://www.cheminsmystiques.fr/HISTOIRE/5.1-4.etoilement.htm#_Toc254814252

DOV BAER DE LOUBAVITCH ET LE HASSIDISME

(Cette étude fait partie d’une recherche plus approfondie dans divers auteurs , si vous êtes intéressé aller sur le site)

Dov Baer a dirigé l’approche habad en faveur d’une contemplation mentale sobre, qui prit place par son père Schnéour Zalman au sein du mouvement hassidique créé par Israël ben Eliézer, le « Maître du Nom » ou Ba’al Shem Tov [10]. Pour le habad, « ce n’est que du point de vue de Ses créatures que le monde semble jouir d’une existence indépendante … Il a voilé à leurs yeux la divine lumière afin que puissent durer les créatures…[11] ». Dieu est ainsi transcendant par rapport à l’univers, bien qu’il n’y ait pas d’univers sans Lui, ce qui distingue cette conception du panthéisme de Spinoza. « L’âme divine est revêtue de l’âme naturelle à travers laquelle elle s’exprime, tout comme l’âme naturelle est revêtue de volonté, pensée, émotions et actes [12] ».
Nous allons citer assez longuement l’« échelle » habad parce que, loin d’être théorie, elle traduit avec précision une expérience mystique vécue du côté juif – égale aux plus profondes rapportées dans ce volume du côté chrétien. Les cinq degrés de l’âme sont présentés avec clarté par L. Jacobs : « Le plus bas est celui de néphesh ; c’est un simple désir, pas davantage, d’être proche de Dieu ; l’homme réfléchit sur son indignité et son grand éloignement du divin ; il souhaite ressentir le divin, mais ne trouve aucune réponse en son âme. (C’est ce que Dov Baer exprime par l’« entendre-du-lointain ».) Mais, comme il a reconnu qu’il est loin de Dieu, il décide de mener une vie meilleure. Le degré de néphesh a donc des implications dans l’action, mais sans chaleur spirituelle, même pas dans l’action. Vient ensuite le degré de rouah qui engage les émo­tions. Dieu est suffisamment proche pour que soit pris l’enga­gement de mener une vie selon le bien, et la chaleur spirituelle est assez grande pour être transmise à l’acte. Celui qui parvient à ce stade se comporte suivant l’importance du bien qu’il accorde à la proximité de Dieu. Mais la véritable expérience du divin est encore très faible ici. Vient ensuite le degré de neshamah : le cœur est vraiment impliqué. Il ne s’agit plus seulement de désirer Dieu ou de vouloir accomplir Sa volonté. L’homme jouit véritablement de Dieu. Plus haut est le degré de hayyah où le mental, autant que le cœur, est transporté d’extase. A ce degré, l’homme est si proche de Dieu que le divin est perçu avec une grande plénitude. Aussi le ravissement peut-il se prolonger. Enfin, supérieur à tous, est le degré de yehidah où il y a « simple vouloir », volonté pure de connaître Dieu, plus haute que tout intellect et toute émotion. A ce stade, l’homme a virtuellement accompli le dépassement de soi, et il aborde le divin par-delà toutes les limites normales impo­sées par sa nature physique [13]. » On retrouve ainsi une expérience comparable à celle des mystiques chrétiens qui donnent la première place à la volonté, comme par ex. Canfield (qui suit une longue tradition). Au-delà de ce bref résumé, citons Dov Baer qui précise et donne vie aux trois derniers degrés de la vie mystique, en commençant par celui de neshamah :
…extase essentielle de l’âme divine. Si même elle pénètre dans le cœur avec une forte sensation, elle n’est en rien une extase consciente. Elle est en effet si peu ressentie par celui qui l’éprouve, que, au moment de l’extase, il ne se rend absolument pas compte qu’il est transporté d’extase. … Telle est la nature de toute extase essentielle ; par exemple, de l’extase essentielle de l’âme naturelle dans le désir physique. Nous voyons bien que lors­qu’on est transporté d’extase à cause de quelque chose d’agréable, on est totalement inconscient de cet état : l’extase est vécue dans le cœur, mais sans conscience de soi. Plus l’extase essentielle est profonde (par exemple, l’amour ou la volonté, et le ravissement d’une très grande profondeur), moins on la sent. On rencontre ce stade chez la plupart des hommes dont l’âme divine n’est pas devenue impure et n’a pas été fortement souillée par la contamination du corps dans le désir étranger du cœur charnel extérieur. Comme il est écrit (Ps. 24, 4) : « Celui dont les mains sont sans tache et le coeur pur… » L’intention de son esprit irradiant son cœur, il est dit de lui (Ps. 119, 10) : « De tout mon cœur je Te cherche »[14].
Le degré de hayyah :
…doit, par la force des choses, venir sponta­nément et sans artifice. Exactement comme survient sponta­nément, par exemple, une soudaine extase de l’âme qui vous fait frapper des mains, etc., de même ce chant pénètre de lui­-même et involontairement le cœur charnel à la manière de toute extase essentielle. Et ce spontané est la principale carac­téristique du divin … Cette concentration donc n’est autre que celle de la véritable lumière divine en elle-même, et ne provient pas de la compré­hension ou de l’intelligence de la lumière divine. [15].
Enfin le dernier degré de yehidah est :
…l’essence véritable qui s’élève dans le chant, chant simple essentiel [la mélodie avant qu’elle ne soit traduite dans la suite des notes, (n. Jacobs)], et non « chant double ». Car le « chant double » dont nous avons parlé est le ravissement essentiel qui se produit de manière détaillée … cela s’appelle aussi simple vouloir essentiel, qui n’est pas res­senti et ne se morcelle pas … le vouloir essentiel est un. Il comprend toutes les volontés, et celles-ci lui sont secondes. On peut en donner une illustration. Lorsqu’un homme lutte contre une mort toute proche, toute la pointe de la volonté essentielle de l’âme s’éveille en lui, car ce qui est enjeu est de la plus haute importance pour son essence véritable. Toutes ses autres volontés à propos d’autres sujets qui ne concernent pas son essence véritable, comme l’amour de la nourriture ou l’amour pour sa femme et ses enfants, sont toutes considérées comme rien, car elles sont toutes incluses dans sa volonté essentielle qui concerne son essence tout entière. C’est cela « l’extase de l’essence tout entière ». En d’autres termes, tout son être est si totalement absorbé que rien ne subsiste et qu’il n’a aucune conscience de soi. Tel est l’amour sans limite … Ce stade est radicalement plus élevé que la raison et la connais­sance [16].
Ce qui touche le plus chez Dov Baer, c’est son souci de répondre à la tâche écrasante qui lui est confié auprès des « amis » qu’il corrige et réveille du sommeil provoqué par leurs soucis de la dure survie dans l’empire russe. En même temps est décrite avec vivacité la pesanteur de novices qu’il doit éveiller. Car le spirituel non accompli :
…paraît humble et méprisable à ses propres yeux et semble être parvenu à l’« anéantissement de soi », mais c’est en réalité le contraire : il a une haute idée de lui-même, c’est l’orgueil dans toute son ampleur. La preuve en est que lorsqu’on le réprimande vertement (on lui dit Shah !) , il est grande­ment troublé jusqu’à tomber malade. Il désirait parvenir au stade de l’« anéantissement », comme si c’était bien la seule chose qui manquait en lui. De là surgissent, chez de nombreux jeunes, les divers appétits de domination, le besoin d’influencer les autres, et cela n’est dû qu’à l’illusion que leur but est désintéressé. Cette maladie se rencontre fréquemment chez la majorité des « enfants », ces hommes jeunes et fragiles qui n’ont jamais vraiment goûté la saveur de la vraie amertume de la mélancolie naturelle [non la dépression mais celle du « cœur brisé » qui apprend à ne désirer rien pour lui-même], de la « brisure », et qui aspirent à atteindre trop rapidement la divine sagesse dans toute son ampleur. Cela est dû principalement à l’enchevêtrement (du bien et du mal) dans l’âme naturelle qui lui a été transmise par ses parents, – et le résultat en est qu’il est conscient de soi, et cela, comme on le sait, est le mal de nogah [excès de conscience de soi (n. J.)]. C’est pourquoi, dans tout ce qu’il entreprend, même à propos de sujets divins, il ne se débarrasse jamais [de la conscience de soi].
C’est là une des causes fondamentales. Tel homme possède peut-être une âme [parcelle de Dieu] plus haute que d’autres, et pourtant l’âme naturelle, quant à elle, peut provenir d’un « lieu » très bas. C’est pourquoi il possède un plus haut degré d’extase divine essentielle, mais, dans les vêtements de nogah dans le corps, elle est d’une grande conscience de soi. Réciproquement, tel autre aura l’âme divine humble et éloignée de l’extase divine, par comparaison à d’autres, mais son âme naturelle peut être très affinée, au niveau de l’ « anéantissement » et de l’absence de conscience de soi ; il n’a même pas le sens du bien qu’il fait, ignorant être parvenu à accomplir quelque chose. Et celui dont l’âme et le corps viennent tous deux d’un « lieu » élevé, le Seigneur est avec lui puisqu’il est un vase prêt à rece­voir toute chose.
Ceux qui sont parvenus au degré le plus haut dans ce domaine, ce sont les plus anciens d’entre nous qui ont reçu en leur âme chaque goutte amère à l’âme même, et cela en rap­port avec les paroles du Dieu vivant [par l’exercice du « cœur brisé » (n. J.)]. Lorsque même ils parviennent à l’extase de l’esprit, ce n’est pas dans l’intention d’atteindre un « degré », ni dans leur propre intérêt, mais, au fond d’eux-mêmes, ils désirent seulement la proximité de Dieu. Ce sont alors délices divines en intention droite. Là réside le Seigneur, en chacun selon le degré de pureté dans les profon­deurs de la concentration divine. La preuve en est qu’ensuite, on parvient à l’humilité vraie, au « rien » ; on n’est rien, en essence et non de ce « rien » artificiel qui vient en considérant sa propre indignité [réfléchir à son néant serait attirer l’attention sur son moi (n. J.)] C’est pourquoi, il n’est nullement ému par une insulte (comme ce « chut ! ») et ne la sent même pas, car il est vraiment méprisable à ses propres yeux, puisqu’il ne possède rien en propre, et c’est là le contraire même de l’orgueil [17].
En conclusion il affirme avec autorité un pouvoir spirituel dont il est le canal :
Je veux également mentionner cette indulgence que l’on s’ac­corde en engageant tout son cœur dans la recherche de sa sub­sistance au point que tous les jours de l’homme sont gaspillés en vain. Car telle est la cause principale de l’effondrement pour la majorité de nos amis, grands et petits, anciens et nouveaux, jusqu’à ce que le Seigneur répande des Hauts ­Lieux Son esprit sur eux, et qu’ils s’éveillent de leur torpeur. … Mais, ô mes frères bien-aimés ! vous dont l’âme est attachée à la mienne, qui cherchez les paroles du Dieu vivant … vous me croirez lorsque je dis que toutes les paroles de ma bouche sortent en vérité de la pointe de mon cœur, telles qu’elles sont dans mon cœur et mon âme, en ma nature et mon être essen­tiels, telles que j’y ai été formé depuis ma jeunesse sous la direction de mon Maître et père, qui m’a enseigné et instruit – bénie est sa mémoire, jour après jour. On ne doit pas dire – Dieu nous en garde – qu’il y a ici des secrets à ne révéler qu’au « modeste » (c’est-à-dire : aux « initiés »), ou au contraire des choses qui ne s’adressent qu’à ceux qui n’ont pas encore été formés à la vérité … je jure, par ma vie, que pas même la moitié d’un mot, dans tous les sujets que je vous ai expliqués, ne vient d’ailleurs que de la pointe de mon cœur, et tous sont destinés à être découverts et compris par chacun de ceux qui ont goûté la saveur de l’engagement depuis sa jeunesse dans les paroles du Dieu vivant. Car toutes ces paroles que j’ai pro­noncées sont bâties sur l’expérience que j’ai acquise depuis ma jeunesse, depuis vingt années et plus, dans le saint temple de mon Maître et père qui m’a enseigné et guidé, – bénie est sa mémoire -. De lui, j’ai connu dans tous leurs détails les souffrances de nos amis, et j’ai examiné par moi-même le cœur de chacun et l’erreur de chacun, autant que l’a permis ma compréhension. C’est pourquoi, que celui qui le désire, obéisse. J’attends votre réponse de la main de notre distingué ami, le messager … Dov Baer, fils du Rabbi notre Maître et père, qui nous a enseignés et guidés, le vrai Gaon…[18].
Le hassidisme fut très présent dans toute l’Europe orientale. On connaît surtout ses beaux apologues [19]. Il a été cependant décrit de première main par un ami de Kafka [20]. La branche des « Loubavitch » a survécue à la shoah.

ÉTUDE BIBLIQUE – LE BONHEUR À TRAVERS LES LIVRES POÉTIQUES

25 juin, 2015

http://www.promesses.org/arts/187p10.html

ÉTUDE BIBLIQUE – LE BONHEUR À TRAVERS LES LIVRES POÉTIQUES

Joël Prohin

Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance, tout en s’impliquant activement dans son église locale, en région parisienne, et en collaborant à diverses revues ou commentaires bibliques.

La poursuite du bonheur est une aspiration fondamentale de l’être humain. Au fond, chacun cherche le bonheur, un état objectif et surtout subjectif de bien-être, de besoins satisfaits, de tranquillité, de joie, d’harmonie…
Les fondateurs des États-Unis d’Amérique avaient bien compris cet élan général vers le bonheur. La Déclaration d’indépendance de 1776 stipule que les trois droits inaliénables de tout homme sont « la vie, la liberté et la poursuite du bonheur ».
Si l’homme a cette aspiration innée vers le bonheur, il la puise dans l’image de Dieu qu’il possède — de ce « Dieu bienheureux » (1 Tim 1.11). Dans la perfection de son être trinitaire, « le Bienheureux » (1 Tim 6.15) n’a besoin de rien ni de personne pour être « heureux » ; dans un sens, son bonheur, préexistant à la création, ne dépend en rien de l’homme.
La poursuite du bonheur doit-elle être le but suprême du chrétien ? Dans un sens, le rechercher n’est pas illégitime : les premières paroles de Jésus lors du sermon sur la montagne ne sont-elles pas : « Bienheureux… » ? Le Dieu bienheureux veut fondamentalement le bien de sa créature : la perfection du cadre dans lequel il avait placé Adam et Ève en Éden le montre assez. Mais ce bonheur transcendait ce cadre idyllique et se puisait avant tout dans l’harmonie du dialogue entre Dieu et le premier couple et à l’intérieur du couple. La rupture des relations avec le Créateur induite par le péché originel introduisit un « malheur » que la beauté du jardin ne pouvait en rien compenser. Désormais le bonheur humain ne sera plus jamais complet tant qu’il ne passera pas par le rétablissement de ce lien entre Dieu et l’homme. Aussi, le chrétien, pour qui ce lien a été renoué par le pardon fondamental de ses péchés, dispose-t-il d’une « capacité de bonheur » unique parmi les hommes. Pour autant, c’est en renonçant à vivre de façon égoïste et autonome qu’il progressera sur la voie du vrai bonheur. Chercher la gloire de Dieu et le bien des autres (ce qui revient, dans une autre formulation, aux deux premiers commandements de la loi, aimer Dieu et son prochain) sont la voie directe vers le vrai bonheur et doivent constituer le but n° 1 de la vie chrétienne.
Bien qu’antérieurs à la plénitude de la révélation du N.T., les livres poétiques, dans la sensibilité que leur forme permet d’exprimer, parlent fréquemment du bonheur et peuvent nous aider à saisir concrètement ce qu’est vraiment le bonheur et comment le vivre.
L’Ecclésiaste ou les fausses sources du bonheur
Le début de l’Ecclésiaste dresse une liste de sources du bonheur que Salomon, le riche roi a explorées :
– la connaissance (1.13,16-18) : tout le savoir humain, à travers les sciences, la culture, la littérature, les arts, etc. ;
– les plaisirs (2.1-3) : les fêtes, la bonne chère, la boisson, etc. ;
– les possessions matérielles (2.4-8a) : qu’elles soient immobilières (maisons, jardins), liées à l’outil de travail (troupeaux, serviteurs) ou financières (or, trésors), etc. ;
– le sexe (2.8b) : « des femmes en grand nombre » ;
– le travail (2.10-11,17-19), en cherchant à se réaliser au travers des réussites de son activité ;
– la folie (2.12-16), en désespoir de cause, en explorant toute source irrationnelle possible de bonheur.
La conclusion fait écho au désespoir de notre génération : « vanité, poursuite du vent, grand mal » (2.20-26) ! Ce constat biblique est là pour nous éviter de faire par nous-mêmes les mêmes expériences ; celui qui les a explorées beaucoup plus loin que nous ne pourrons jamais le faire, et avec les immenses moyens qu’il avait à sa disposition, n’y a pas trouvé le bonheur. Ces pistes, dont beaucoup sont bonnes par elles-mêmes, ne sauraient jamais être la source de notre bonheur. Aussi ne nous laissons pas avoir et n’essayons pas à notre tour d’y chercher la satisfaction suprême : la conclusion serait la même…
L’Ecclésiaste ouvre cependant à la fin une première piste vers le bonheur : craindre Dieu et observer ses commandements, dans la perspective d’un jugement divin inévitable sur la vie de tout homme (12.13-14).
Les Proverbes ou le bonheur en écoutant la sagesse
Les Proverbes, quant à eux, ouvrent un chemin vers le bonheur par la pratique de la sagesse. Ils encouragent à une vie concrète de mesure, d’équilibre, de réflexion. Le bonheur trouvé dans l’expérimentation de la sagesse au quotidien est bien résumé au ch. 3, v. 13 à 18 : « Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse, et l’homme qui possède l’intelligence ! […] Elle est un arbre de vie pour ceux qui la saisissent, et ceux qui la possèdent sont heureux. » La sagesse n’est pas un ascétisme, mais une vie de plénitude marquée avant tout par la « crainte de l’Éternel », qui en est le commencement.
Les Proverbes nous permettent d’aller un cran plus loin. Au ch. 8, la sagesse devient personnifiée. Elle interpelle directement : « Et maintenant, mes fils, écoutez-moi, et heureux ceux qui observent mes voies ! Heureux l’homme qui m’écoute, qui veille chaque jour à mes portes, et qui en garde les poteaux ! » (8.32-34) La vraie sagesse se vit dans une relation avec une personne, à peine esquissée ici, mais que le N.T. présentera comme Jésus-Christ, notre sagesse (1 Cor 1.30). Le bonheur se trouvera dans la mesure où nous « l’écouterons ».
Les Psaumes ou les fondements du bonheur
À de nombreuses reprises, les psalmistes louent Dieu pour le bonheur qu’il donne aux fidèles. Comme presque toujours dans les Psaumes, cette louange est motivée. Parmi les 25 exclamations : « Heureux celui (ou ceux)… » qui parsèment les 150 Psaumes, retenons les 6 qui se trouvent au début d’un Psaume. Sous une forme concise, elles décrivent les fondements du bonheur :

• 1er fondement : se savoir sauvé. « Heureux celui à qui la transgression est remise, à qui le péché est pardonné ! Heureux l’homme à qui l’Éternel n’impute pas d’iniquité, et dans l’esprit duquel il n’y a point de fraude ! » (32.1-2) David — et nous à sa suite (cf. Rom 4) — se réjouit de ce que la question fondamentale de son péché a été réglée par son Dieu. Quelles que soient nos circonstances, nous pourrons toujours, chaque jour, trouver notre joie en nous souvenant que Dieu n’est plus en colère contre nous et que son pardon nous est définitivement acquis ! Quel bonheur !
• 2e fondement : marcher selon Dieu. « Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, qui ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs, Et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs. » (1.1-3). Se savoir sauvé sans le vivre dans une vie quotidienne qui plaît à Dieu est une incohérence qui rend forcément malheureux, au fond. En contraste, le premier Psaume présente le bonheur de celui qui choisit délibérément d’éviter le mauvais chemin et de prendre le bon.
• 3e fondement : écouter la Parole de Dieu. « Heureux ceux qui sont intègres dans leur voie, qui marchent selon la loi de l’Éternel ! Heureux ceux qui gardent ses préceptes, qui le cherchent de tout leur cœur (119.1-2) : le psalmiste trouvait son plaisir dans la méditation de la loi de l’Éternel (1.2). Comment marcher de façon à plaire à Dieu, sinon en connaissant sa pensée à travers l’Écriture ? Quel bonheur d’ouvrir quotidiennement la Bible pour y trouver toutes les instructions dont nous avons besoin — plus encore, pour y trouver une relation personnelle, de cœur à cœur, avec notre Dieu !
• 4e fondement : imiter Dieu. « Heureux l’homme qui craint l’Éternel, qui trouve un grand plaisir à ses commandements. […] Heureux l’homme qui exerce la miséricorde et qui prête. » (112.1,5) Connaître la pensée de Dieu par sa Parole va modeler notre action. Nous allons ainsi progressivement imiter notre Père, en montrant un peu de sa miséricorde et de sa générosité. Quel bonheur de pouvoir donner aux autres (112.9 ; cf. Act 20.35) !
• 5e fondement : savourer le bonheur dans la famille, le travail, l’église : « Heureux tout homme qui craint l’Éternel, qui marche dans ses voies ! » (128.1) Bâtir sur les quatre fondements précédents induit des conséquences positives dans divers domaines de la vie. Comme souvent dans les Proverbes, ce Psaume 128 énonce des vérités générales, et non absolues, qui souffrent de nombreuses exceptions en raison des conséquences du péché dans le monde et dans les êtres humains. Toutefois il reste vrai qu’un homme qui craint Dieu a plus de probabilités d’être béni dans son travail (v. 2), dans son couple (v. 3a), dans sa famille (v. 3b,6a) et dans son église (v. 5, pris métaphoriquement). Apprécions à leur juste valeur tous ces bonheurs, quand Dieu juge bon de nous les donner. Ils ne sont pas réservés aux chrétiens, mais notre privilège est de les recevoir avec reconnaissance de la main d’un Dieu généreux.
• 6e fondement : avoir le souci des autres. « Heureux celui qui s’intéresse au pauvre ! » (41.1) Le bonheur se trouve dans une juste relation avec Dieu, entretenue au quotidien, mais aussi dans l’attention portée à son prochain, en premier lieu le « pauvre » (au sens large de celui qui est abaissé, faible, nécessiteux — et pas seulement financièrement). Se centrer sur soi, sur ses propres besoins, sur son épanouissement personnel est un sûr moyen de ne pas être heureux. Par contre : « Heureux celui qui tourne ses regards / Vers son prochain, en s’oubliant soi-même ! / Il trouvera sa pleine part / Dans le bonheur de ce frère qu’il aime. »1

Job ou le bonheur au travers de la souffrance
Nous ne pensons pas à Job comme à un bienheureux, mais plutôt au malheureux par excellence… Pourtant son ami Éliphaz n’hésite pas à lui dire : « Heureux l’homme que Dieu châtie ! Ne méprise pas la correction du Tout-Puissant. » (5.17) Éliphaz a des paroles justes : d’ailleurs, le seul verset du livre cité explicitement dans le N.T. est de sa bouche, tiré du même chapitre (5.13 ; voir 1 Cor 3.19). Mais on peut bien penser que cette parole-là n’était vraiment pas à propos à ce moment (cf. la réaction de Job en 6.14).
Seuls ceux qui ont traversé la souffrance ont le droit de dire pour eux-mêmes : « Il est bon pour moi que j’aie été affligé, afin que j’apprenne tes statuts. » (Ps 119.71, Darby) L’épreuve est rarement un « sujet de joie complète » sur le moment (Jac 1.2) ; mais « plus tard », quand elle a produit son fruit (Héb 12.11), le malheureux peut constater que c’était pour son bonheur à « la fin » (Jac 5.11). Il peut connaître ainsi de façon spéciale la miséricorde et la compassion du Seigneur et il sait expérimentalement, comme l’ajoute heureusement Éliphaz, que Dieu « fait la plaie, et il la bande ; il blesse, et sa main guérit. » (5.18)

Le Cantique ou le bonheur de la communion
Le Cantique des cantiques peut être lu comme une hymne au bonheur. Bonheur du couple amoureux, en premier lieu, dans la joie du partage des sentiments et des corps que Dieu a prévue pour l’homme et la femme sur la terre. Bonheur aussi de la relation entre l’âme du fidèle (la bien-aimée) et celle de son Seigneur (le « Bien-aimé »), selon une lecture symbolique riche d’une longue tradition.
Ce bonheur n’a pas besoin d’être déclamé et le mot « bienheureux » ne s’y trouve pas. Pour autant, combien d’expressions imagées de ce livre le traduisent !
« Les jeunes filles la voient et la disent heureuse.2 » (6.9) Le bonheur de la bien-aimée est observé par les « jeunes filles » qui en parlent. De même, si nous entretenons vraiment une communion vivante avec notre Seigneur et Roi, si cette relation constitue le fondement inébranlable et objectif de notre bonheur présent, au-delà des circonstances plus ou moins favorables que nous pouvons connaître, si ce bonheur se traduit par une reconnaissance envers le riche Donateur de tout vrai bien, ceux qui nous entourent le verront et cela sera un témoignage puissant.
Quelque réelle que soit notre communion actuelle avec le Seigneur, elle n’en demeure pas moins partielle, intermittente, imparfaite ; notre bonheur est forcément assombri par les circonstances pénibles que nous pouvons traverser, par le comportement des autres, par le péché qui nous entoure et que nous déplorons encore en nous. Mais notre espérance est d’être un jour prochain dans le bonheur parfait, éternel, incomparable qui nous attend dans la maison du Père, le lieu de la communion ininterrompue.

1 Cantique d’Edmond Pidoux, « Que notre amour se montre en vérité », Reflets n° 73, str. 2.
2 Le mot « heureuse » n’est pas celui utilisé d’ordinaire et contient la nuance « d’être rendue heureuse ».

Abraham’s Journey

24 juin, 2015

Abraham's Journey dans images sacrée abraham_journey

https://220lily.wordpress.com/2014/03/14/grace/

LES ANCÊTRES D’ABRAHAM

24 juin, 2015

http://bible.archeologie.free.fr/ancetresdabraham.html

LES ANCÊTRES D’ABRAHAM

Insérées entre les différents récits de la vie des patriarches, le livre de la Genèse contient plusieurs listes généalogiques de personnages qui constituent la descendance du premier homme et les ancêtres d’Abraham. Entre l’histoire de Caïn et d’Abel, celle du Déluge et celle d’Abraham, figurent ces longues énumérations de personnages avec leurs noms et les durées de leurs vies (Gn. 5, 3-32 ; Gn. 10, 1-31 ; Gn. 11, 10-26). On peut s’interroger sur la valeur historique des arbres généalogiques bibliques.

Une ancienne civilisation renaît
Les recherches archéologiques conduites au Proche-Orient ont fait revivre des civilisations antiques qui remontent à l’aube de l’Histoire. Parmi celles-ci, la Mésopotamie tient une place unique car c’est précisément dans la région de Sumer, autour de l’embouchure des deux fleuves, que l’écriture fut inventée (vers 3300 av. J.-C.), et que prit forme le modèle d’une société urbaine politiquement organisée.
Les fouilles effectuées en Mésopotamie ont livré un grand nombre de documents écrits de cette époque, qui ont permis de mettre en lumière toute l’histoire de cette civilisation disparue. Les écrits consistent en millions de tablettes en argile cuite gravées en écriture cunéiforme. L’abondance de cette documentation est telle que même aujourd’hui, le travail de leur traduction systématique est loin d’être terminé.

Parallèles généalogiques
L’histoire redécouverte de la Mésopotamie antique présente quelques particularités étonnantes dont on retrouve un certain écho dans la Bible. Par exemple, les plus anciens rois sumériens sont dotés de durées de vie incroyablement longues, puisqu’ils atteignent des âges de plusieurs milliers d’années ! D’autre part, les archives chaldéennes qui font état d’un Déluge, marquent un changement dans les durées de vie des monarques postérieurs au Déluge, qui deviennent équivalentes aux nôtres.
Très curieusement, on retrouve dans une moindre mesure à peu près le même schéma avec les listes généalogiques de la Bible. En effet les patriarches de la Genèse antérieurs au Déluge auraient vécu pendant des centaines d’années, le record de longévité étant tenu par le fameux Mathusalem, un patriarche qui mourut à neuf cent soixante-neuf ans (Gn. 5, 27). Juste avant le Déluge, Dieu déclara que les hommes ne vivraient plus désormais que durant cent vingt ans (Gn. 6, 3). Après la catastrophe, les générations suivantes ont pourtant des durées de vies encore très longues : Sem, fils de Noé, mourut à six cents ans. Mais l’âge des patriarches postdiluviens se réduisit nettement, et au temps d’Abraham l’espérance de vie tourne autour de deux cents ans. Abraham lui-même mourut à cent soixante-quinze ans (Gn. 25, 7).
Noé avait eu trois fils appelés Sem, Cham et Japhet, fondant ainsi une famille rescapée du Déluge qui serait à l’origine de toute l’Humanité. Leurs descendants se dispersèrent pour s’établir dans plusieurs régions, où ils bâtirent des villes auxquelles ils donnèrent leurs propres noms. Ainsi certains lieux géographiques que nous connaissons aujourd’hui semblent avoir un lien patronymique avec des personnages de l’Ancien Testament. C’est le cas par exemple de Canaan, de Saba, d’Assour, de Sidon et d’Elam, qui sont également des noms de personnes dans la généalogie biblique (Gn. 10).
L’un des descendants de Noé, Abraham, futur ancêtre de toute la lignée israélite, était originaire de Ur en Chaldée. Il suivit son père et sa famille qui partirent s’établir dans une ville nommée Harân. Abraham entendit à Harân un premier appel divin, qui l’invitait à quitter la maison paternelle pour se diriger vers une nouvelle terre. Il emmena sa femme Saraï ainsi que quelques personnes proches et se rendit en Canaan (Gn. 11, 31 – 12, 5).

Ur des Chaldéens
Jusqu’au XIXème siècle de notre ère, personne ne pouvait situer sur une carte les villes où Abraham et sa famille auraient séjourné. Depuis lors, de nombreuses missions archéologiques menées en Mésopotamie ont permis de les révéler. Parmi les sites fouillés, un lieu appelé Tell al-Muqaiyar, au sud de l’Euphrate terminal en Basse Mésopotamie, fut excavé en 1854 par le consul britannique John George Taylor. Il livra à côté des restes d’une massive ziggurat, plusieurs petits sceaux cylindriques inscrits en caractères cunéiformes. Ces inscriptions révélèrent le nom du roi sumérien qui avait fait ériger la tour : Ur-Nammu.
En 1923, l’archéologue Leonard Woolley revint sur le même chantier et dégagea au pied de la tour les vestiges d’une grande et riche ville de l’époque. Faisant alors le rapprochement entre le nom du roi Ur-Nammu et la ville biblique de « Ur en Chaldée », il identifia la ville de Ur au site de Tell al-Muqaiyar. Les ruines de l’antique cité de Ur constitueraient donc l’une des plus anciennes racines géographiques du peuple d’Israël.

Où se trouve la Harân biblique ?
Cette question trouva sa réponse lorsque les restes d’une riche cité antique furent dégagés à Abu-Kemal, en Syrie. Ce que les pioches du professeur André Parrot révélèrent à partir de 1933, c’était l’ancienne capitale du royaume de Mari. Parrot et son équipe mirent à jour un immense et magnifique palais, qu’ils datèrent d’entre 2000 et 1700 av. J.-C., et dans les salles duquel ils trouvèrent une bibliothèque contenant 23 000 tablettes d’argile gravées. Leur déchiffrement allait permettre de reconstituer l’histoire de ce royaume, mais aussi de dévoiler quelques indices bibliques.
Au cours du patient travail de traduction de ces documents, sont apparus là aussi quelques noms de personnes et de lieux également cités dans la Genèse en tant que noms de personnes : Pelage, Serug, Nahor, Tharé et Harân (Gn. 11, 20-26). Il ressortait de cette documentation que la ville de Harân se trouvait au centre de la plaine d’Aram. De la même manière, on put également situer Nahor, ville natale de Rébecca, la future épouse de son fils Isaac.
On peut donc suivre les étapes du périple qu’emprunta le patriarche vers la terre où Dieu l’invitait à s’établir. Parti de Ur, il remonta les deux fleuves jusqu’à Harân, puis se dirigea vers la Méditerranée et l’attrayante plaine de Canaan.

PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE -19. DEUIL

24 juin, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/it/audiences/2015/documents/papa-francesco_20150617_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – LA FAMILLE -19. DEUIL

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 17 juin 2015

Chers frères et sœurs bonjour !

Dans l’itinéraire de catéchèses sur la famille, nous prenons aujourd’hui directement notre inspiration de l’épisode rapporté par l’évangéliste Luc, que nous venons d’écouter (cf. Lc 7, 11-15). C’est une scène très émouvante, qui nous montre la compassion de Jésus pour celui qui souffre — dans ce cas une veuve qui a perdu son fils unique — et nous montre également la puissance de Jésus sur la mort.
La mort est une expérience qui concerne toutes les familles, sans aucune exception. Elle fait partie de la vie, pourtant, quand elle touche les membres de la famille, la mort ne réussit jamais à nous apparaître naturelle. Pour les parents, survivre à ses propres enfants est quelque chose de particulièrement déchirant, qui contredit la nature élémentaire des relations qui donnent un sens à la famille elle-même. La perte d’un fils ou d’une fille est comme si le temps s’arrêtait : un précipice s’ouvre, qui engloutit le passé et aussi l’avenir. La mort, qui emporte l’enfant petit ou jeune, est une gifle aux promesses, aux dons et aux sacrifices d’amour joyeusement faits pour la vie que nous avons fait naître. Très souvent, à Sainte-Marthe, des parents viennent avec la photographie d’un fils, d’une fille, un enfant, un jeune homme ou une jeune fille, et ils me disent : « Il s’en est allé, elle s’en est allée ». Et leur regard est profondément douloureux. La mort touche et quand il s’agit d’un enfant, elle touche profondément. Toute la famille reste comme paralysée, muette. Et c’est quelque chose de semblable dont souffre un enfant qui reste seul, à la suite de la perte d’un de ses parents, ou de tous les deux. Cette question : « Mais où est papa ? Où est maman ? » — « Mais il est au ciel » — « Mais pourquoi est-ce que je ne le vois pas ? ». Cette question couvre une angoisse dans le cœur de l’enfant qui reste seul. Le vide de l’abandon qui s’ouvre en lui est d’autant plus angoissant qu’il n’a pas encore l’expérience suffisante pour « donner un nom » à ce qui est arrivé. « Quand revient papa ? Quand revient maman ? ». Que répondre quand l’enfant souffre ? Voilà ce qu’est la mort dans une famille.
Dans ces cas, la mort est comme un trou noir qui s’ouvre dans la vie des familles et auquel nous ne savons donner aucune explication. Parfois, on arrive même à en attribuer la faute à Dieu. Combien de personnes — je les comprends — se fâchent contre Dieu, blasphèment : « Pourquoi m’as-tu enlevé mon fils, ma fille ? Dieu n’est pas là, Dieu n’existe pas ! Pourquoi a-t-il fait cela ? ». Très souvent, nous avons entendu cela. Mais cette colère est un peu ce qui vient du cœur à la suite d’une grande douleur ; la perte d’un fils ou d’une fille, d’un père ou d’une mère, est une grande douleur. Cela arrive sans cesse dans les familles. Dans ces cas, je l’ai dit, la mort est presque comme un abîme. Mais la mort physique a des « complices » qui sont encore pire qu’elle, et qui s’appellent haine, envie, orgueil, avarice, en somme, le péché du monde qui travaille pour la mort et la rend encore plus douloureuse et injuste. Les liens d’affection en famille apparaissent comme les victimes prédestinées et sans défense de ces puissances auxiliaires de la mort, qui accompagnent l’histoire de l’homme. Pensons à l’absurde « normalité » avec laquelle, à certains moments et dans certains lieux, les événements qui ajoutent l’horreur à la mort sont provoqués par la haine et par l’indifférence d’autres êtres humains. Que le Seigneur nous garde de nous habituer à cela !
Au sein du peuple de Dieu, avec la grâce de sa compassion donnée en Jésus, de nombreuses familles démontrent par les faits que la mort n’a pas le dernier mot : cela est un véritable acte de foi. Toutes les fois qu’une famille endeuillée — même par un deuil terrible — trouve la force de conserver la foi et l’amour qui nous unissent à ceux que nous aimons, elle empêche déjà à présent à la mort de tout emporter. L’obscurité de la mort doit être affrontée avec un travail d’amour plus intense. « Mon Dieu, éclaire mes ténèbres ! », est l’invocation de la liturgie du soir. Dans la lumière de la Résurrection du Seigneur, qui n’abandonne aucun de ceux que le Père lui a confiés, nous pouvons ôter son « aiguillon » à la mort, comme disait l’apôtre Paul (1 Co 15, 55) ; nous pouvons l’empêcher de nous empoisonner la vie, de rendre vains nos liens d’affection, de nous faire tomber dans le vide le plus obscur.
Dans cette foi, nous pouvons nous consoler l’un l’autre, en sachant que le Seigneur a vaincu la mort une fois pour toutes. Nos proches n’ont pas disparu dans l’obscurité du néant : l’espérance nous assure qu’ils sont entre les mains bonnes et fortes de Dieu. L’amour est plus fort que la mort. C’est pour cela que la voie est de faire grandir l’amour, de le rendre plus solide, et l’amour nous protègera jusqu’au jour où chaque larme sera essuyée, lorsqu’ « il n’y aura plus de mort, de pleur, de cri et de peine » (Ap 21, 4). Si nous nous laissons soutenir par cette foi, l’expérience du deuil peut générer une plus forte solidarité des liens familiaux, une nouvelle ouverture à la douleur des autres familles, une nouvelle fraternité avec les familles qui naissent et renaissent dans l’espérance. Naître et renaître dans l’espérance, cela nous donne la foi. Mais je voudrais souligner la dernière phrase de l’Évangile que nous avons entendue aujourd’hui (cf. Lc 7, 11-15). Après que Jésus a ramené à la vie ce jeune, fils de la mère qui était veuve, l’Évangile dit : « Jésus le rendit à sa mère ». Et telle est notre espérance ! Tous nos proches qui sont partis, le Seigneur nous les rendra et nous nous retrouverons. Cette espérance ne déçoit pas ! Rappelons-nous bien de ce geste de Jésus : « Et Jésus le rendit à sa mère », le Seigneur fera de même avec tous nos proches dans la famille !
Cette foi nous protège de la vision nihiliste de la mort, ainsi que des fausses consolations du monde, de sorte que la vérité chrétienne « ne risque pas de se mélanger avec des mythologies de différents genres », cédant aux « rites de la superstition, ancienne ou moderne » (Benoît XVI, Angélus du 2 novembre 2008). Il est aujourd’hui nécessaire que les pasteurs et tous les chrétiens expriment de façon concrète le sens de la foi à l’égard de l’expérience familiale du deuil. On ne doit pas nier le droit de pleurer — nous devons pleurer dans le deuil —, même Jésus « pleura » et fut « profondément troublé » pour le deuil grave d’une famille qu’il aimait (Jn 11, 33-37). Nous pouvons plutôt puiser dans le témoignage simple et fort de tant de familles qui ont su saisir, dans le très difficile passage de la mort, également le passage certain du Seigneur, crucifié et ressuscité, avec son irrévocable promesse de résurrection des morts. Le travail de l’amour de Dieu est plus fort que le travail de la mort. C’est de cet amour, c’est précisément de cet amour que nous devons nous faire « complices » actifs, avec notre foi ! Et souvenons-nous de ce geste de Jésus : « Et Jésus le rendit à sa mère », il fera de même avec tous nos proches et avec nous quand nous nous rencontrerons, lorsque la mort sera définitivement vaincue en nous. Celle-ci est vaincue par la croix de Jésus. Jésus nous rassemblera tous en famille !

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les personnes venues de Belgique et de France.
Je souhaite aujourd’hui me faire particulièrement proche, par la prière, des familles que la mort a douloureusement éprouvées. Qu’elles gardent ferme la foi en la résurrection des morts promise par le Seigneur, et que les secours de la grâce les rendent plus encore unies et solidaires.
Que Dieu vous bénisse !
Demain, comme vous le savez, sera publiée l’encyclique sur la sauvegarde de la « maison commune » qu’est la création. Notre « maison » est en train de se détériorer et cela porte préjudice à tous, en particulier aux plus pauvres. Je lance donc un appel à la responsabilité, sur la base du devoir que Dieu a confié à l’être humain dans la création : « cultiver et garder », le jardin dans lequel il nous a placés (cf. Gn 2, 15). J’invite chacun à accueillir avec un cœur ouvert ce document, qui se place dans la ligne de la doctrine sociale de l’Église.
Samedi prochain aura lieu la Journée mondiale du réfugié, promue par les Nations unies. Prions pour nos nombreux frères et sœurs qui cherchent refuge loin de leur terre, qui cherchent une maison où pouvoir vivre sans crainte, afin qu’ils soient toujours respectés dans leur dignité. J’encourage l’œuvre de ceux qui leur apportent de l’aide et je souhaite que la communauté internationale agisse de façon concordante et efficace pour prévenir les causes des migrations forcées. Et je vous invite tous à demander pardon pour les personnes et les institutions qui ferment la porte à ces gens qui cherchent une famille, qui cherchent à être protégé

Solemnity of the Nativity of Saint John the Baptist

23 juin, 2015

Solemnity of the Nativity of Saint John the Baptist  dans images sacrée

http://nforgukang.typepad.com/blog/2013/06/reflections-for-the-nativity-of-john-the-baptist-.html

QUE SIGNIFIE « ACCUEILLIR LE RÈGNE DE DIEU COMME UN ENFANT » ? – LETTRE DE TAIZÉ

23 juin, 2015

http://www.taize.fr/fr_article3261.html

QUE SIGNIFIE « ACCUEILLIR LE RÈGNE DE DIEU COMME UN ENFANT » ?

LETTRE DE TAIZÉ : 2006/2

Un jour, des gens amènent à Jésus des enfants pour qu’il les bénisse. Les disciples s’y opposent. Jésus se fâche et leur enjoint de laisser les enfants venir à lui. Puis il leur dit : « Quiconque n’accueille pas le règne de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera certainement pas » (Marc 10,13-16).
Il est utile de se rappeler que, plus tôt, c’est à ces mêmes disciples que Jésus avait dit : « Le mystère du règne de Dieu vous a été donné » (Marc 4,11). À cause du règne de Dieu, ils ont tout quitté pour suivre Jésus. Ils cherchent la présence de Dieu, ils veulent faire partie de son règne. Mais voilà que Jésus les avertit qu’en repoussant les enfants, ils sont justement en train de se fermer la seule porte d’entrée dans ce royaume de Dieu tant désiré !
Mais que signifie « accueillir le règne de Dieu comme un enfant » ? On comprend en général : « accueillir le règne de Dieu comme un enfant l’accueille ». Cela correspond à une parole de Jésus en Matthieu : « Si vous ne retournez pas et ne devenez pas comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le règne des cieux » (Matthieu 18,3). Un enfant fait confiance sans réfléchir. Il ne peut pas vivre sans faire confiance à ceux qui l’entourent. Sa confiance n’a rien d’une vertu, elle est une réalité vitale. Pour rencontrer Dieu, le meilleur dont nous disposons, c’est notre cœur d’enfant qui est spontanément ouvert, ose demander simplement, veut être aimé.
Mais on peut aussi bien comprendre : « accueillir le règne de Dieu comme on accueille un enfant ». Car le verbe « accueillir » a en général le sens concret d’« accueillir quelqu’un », comme on peut le constater quelques versets plus tôt où Jésus parle d’« accueillir un enfant » (Marc 9,37). Dans ce cas, c’est à l’accueil d’un enfant que Jésus compare l’accueil de la présence de Dieu. Il y a une connivence secrète entre le règne de Dieu et un enfant.
Accueillir un enfant, c’est accueillir une promesse. Un enfant croît et se développe. C’est ainsi que le règne de Dieu n’est jamais sur terre une réalité achevée, mais une promesse, une dynamique et une croissance inachevée. Et les enfants sont imprévisibles. Dans le récit d’Evangile, ils arrivent quand ils arrivent, et de toute évidence ce n’est pas au bon moment selon les disciples. Mais Jésus insiste qu’il faut les accueillir puisqu’ils sont là. C’est ainsi qu’il nous faut accueillir la présence de Dieu quand elle se présente, que ce soit au bon ou au mauvais moment. Il faut jouer le jeu. Accueillir le règne de Dieu comme on accueille un enfant, c’est veiller et prier pour l’accueillir quand il vient, toujours à l’improviste, à temps ou à contretemps.
Pourquoi Jésus a-t-il montré une attention si particulière aux enfants ?
Un jour, les douze apôtres discutent pour savoir qui est le plus grand (Marc 9,33-37). Jésus, qui a deviné leurs réflexions, leur dit une parole déroutante qui bouleverse et ébranle leurs catégories : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous ».
À sa parole, il joint le geste. Il va chercher un enfant. Est-ce un enfant qu’il trouve abandonné au coin d’une rue de Capharnaüm ? Il l’amène, le « place au milieu » de cette réunion de futurs responsables de l’Eglise et leur dit : « Quiconque accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille ». Jésus s’identifie à l’enfant qu’il vient de prendre dans ses bras. Il affirme que c’est « un enfant comme celui-ci » qui le représente le mieux, à tel point qu’accueillir un tel enfant revient à l’accueillir lui-même, lui, le Christ.
Peu avant, Jésus avait dit cette parole énigmatique : « Le fils de l’homme est livré aux mains des hommes » (Marc 9,31). « Le fils de l’homme », c’est lui-même, et ce sont en même temps tous les fils d’homme, c’est-à-dire tous les humains. Le mot de Jésus peut se comprendre : « les humains sont livrés au pouvoir de leurs semblables ». C’est en particulier lors de l’arrestation et des mauvais traitements infligés à Jésus que se vérifiera une fois de plus que les hommes font n’importe quoi avec leurs semblables qui sont sans défense. Que Jésus se reconnaisse dans l’enfant qu’il est allé chercher, n’est alors pas étonnant, car, si souvent, les enfants aussi sont livrés sans défense à ceux qui ont pouvoir sur eux.
Jésus a montré une attention si particulière aux enfants car il veut, parmi les siens, une attention prioritaire pour les démunis. Jusqu’à la fin des temps, ils seront ses représentants sur la terre. Ce qu’on leur fera, c’est à lui, le Christ, qu’on le fera (Matthieu 25,40). Les « plus petits de ses frères », ceux qui comptent peu et que l’on traite comme on veut car ils n’ont ni pouvoir ni prestige, sont le chemin, le passage obligé, pour vivre en communion avec lui.
Si Jésus a placé un enfant au milieu de ses disciples réunis, c’est aussi afin qu’eux-mêmes acceptent d’être des petits. Il le leur explique, dans l’enseignement qui suit : « Quiconque vous donne à boire un verre d’eau au nom de ce que vous êtes de Christ, amen, je vous le dis qu’il ne perd pas sa récompense » (Marc 9,41). Allant sur les chemins pour annoncer le règne de Dieu, les apôtres seront aussi « livrés aux mains des hommes ». Ils ne sauront jamais à l’avance comment ils seront accueillis. Mais même pour ceux qui les accueilleront avec un simple verre d’eau fraîche, sans même les prendre très au sérieux, ils auront été porteurs d’une présence de Dieu.

24 JUIN – NATIVITÉ DE SAINT JEAN-BAPTISTE

23 juin, 2015

http://missel.free.fr/Sanctoral/06/24.php

24 JUIN – NATIVITÉ DE SAINT JEAN-BAPTISTE

Sommaire :
Evangile (Luc, I 57-80)
Méditation et historique
Evangile selon saint Luc (I 57-80)

Quand à Elisabeth, le temps fut révolu où elle devait enfanter, et elle donna naissance à un fils. Et ses voisines et ses parents apprirent que le Seigneur avait magnifié sa miséricorde à son égard, et ils s’en réjouissaient avec elle.
Or, le huitième jour, ils vinrent pour circoncire[1] l’enfant, et ils voulaient l’appeler Zacharie, du nom de son père[2]. Et prenant la parole, sa mère dit : « Non, mais il s’appellera Jean.[3] » Et on lui dit : « Il n’y a personne de ta parenté qui soit appelé de ce nom. » Et on demandait par signes au père comment il voulait qu’on l’appelât[4]. Et ayant demandé une tablette, il écrivit : « Jean est son nom.[5] » Et ils furent tous étonnés.
Sa bouche s’ouvrit à l’instant même et sa langue se délia[6], et il parlait, bénissant Dieu. Et la crainte s’empara de tous leurs voisins et, dans toute la région montagneuse de la Judée, on s’entretenait de toutes ces choses. Et tous ceux qui en entendirent parler les mirent dans leur cœur, en disant : « Que sera donc cet enfant ? » Et de fait la main du Seigneur était avec lui[7].
Et Zacharie, son père, fut rempli du Saint-Esprit et il prophétisa[8] en disant[9] :
« Béni soit le Seigneur Dieu d’Israël : il visite[10] et rachète son peuple. Il nous suscite une force de salut dans la maison de David, son serviteur, comme il l’a dit par la bouche des saints, ceux d’autrefois[11] , ses prophètes[12]. Salut qui nous arrache à l’oppresseur, aux mains de tous nos ennemis[13] ; amour qu’il scellait avec nos pères et souvenir de son alliance sainte ; serment juré à notre père Abraham de nous donner, qu’affranchis de la crainte, délivrés des mains de l’oppresseur, nous le servions en justice[14] et sainteté devant sa face tout au long de nos jours. Et toi, petit enfant, qu’on nommera prophète du Très-Haut, tu marcheras devant la face du Seigneur pour préparer ses voies ; pour annoncer à son peuple le salut en rémission de ses péchés, par l’amour du cœur de notre Dieu qui vient nous visiter ; soleil levant, lumière d’en haut sur ceux de la ténèbre qui gisent dans l’ombre de la mort[15] , et guide pour nos pas au chemin de la paix.[16] »
Quant à l’enfant, il croissait, et son esprit se fortifiait[17]. Et il fut dans les endroits déserts jusqu’au jour où il se présenta à Israël.

[1] La circoncision avait été donnée à Abraham pour distinguer sa race de toute autre race et la préparer à posséder les biens promis à Dieu; quand arriva ce qui avait été promis, le signe fut aboli. A la circoncision, qui cesse à J.-C., succède le baptême; et c’est pourquoi Jean devait être circoncis. On l’imposait au huitième jour; l’enfant était moins sensible à la souffrance; et d’autre part on lui imposait cette marque qui l’incorporait au peuple de Dieu avant qu’il ne put le vouloir lui-même, pour établir que c’était une pure grâce. On lui donnait après la circoncision le nom qu’il devait porter, car avant de faire nombre dans le peuple de Dieu, il devait porter le signe de Dieu. Cela signifiait aussi que pour être inscrit au livre de vie, il devait avoir dépouillé les passions charnelles (saint Jean Chrysostome : « Contra Judæos et Gentiles quod Christus sit Deus »).
[2] On pensait qu’à cet enfant du miracle on ne pouvait donner de nom plus honorable que celui de son père Zacharie, de ce prêtre qui avait passé sa longue vie dans la piété et la justice. » Cela ne pouvait déplaire à la mère. Ce ne fut donc pas par répugnance pour ce nom, mais sous l’action de l’Esprit Saint qu’elle se montra si affirmative (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, II 31).
[3] Elle ne pouvait pas ignorer le nom du précurseur du Christ, elle qui avait prophétisé le Christ (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, II 31).
[4] Zacharie, prêtre de la classe d’Abia, époux d’Elisabeth, avait été réduit au silence pour n’avoir pas cru à l’annonce de l’Ange : « Moi, je suis Gabriel, qui me tiens devant Dieu, et j’ai été envoyé pour te parler et t’annoncer cette bonne nouvelle. Et voici que tu vas être réduit au silence et sans pouvoir parler jusqu’au jour où ces choses arriveront, pour ce que tu n’as pas cru à mes paroles, lesquelles s’accompliront en leur temps » (évangile selon saint Luc, I 19-20).
[5] Nous ne lui imposons pas nous-mêmes sont nom : il a déjà son nom donné par Dieu, nous le faisons connaître seulement. Les saints méritent de recevoir leur nom de Dieu ; les anges ne font que transmettre ces noms, ils ne les donnent pas eux-mêmes. Il apparaît bien que ce sera là non pas un nom de parenté, mais de prophétie (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, II 31 & 32).
[6] Il aurait été contradictoire qu’à l’apparition de celui qui devait être la voix, son père demeurât muet (saint Grégoire de Nazianze : discours XII).
Cette bouche avait été fermée par l’Ange; elle est ouverte par le fils qui avait été promis par l’Ange (saint Maxime de Turin : homélie LXV).
Il convenait que la foi déliât cette langue qui avait été liée par l’incrédulité. Croyons, nous aussi, et notre langue qui demeure embarrassée tant que nous sommes dans les liens de l’incrédulité, saura trouver des paroles pleines de raison. Si nous voulons savoir parler, sachons écrire en esprit les mystères de Dieu : sachons écrire non sur des tablettes, mais dans nos cœurs, tout ce qui annonce le Christ (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, II 32).
[7] Maintenant encore l’Eglise célèbre cette naissance ; elle ne célèbre que trois naissances, celle du Fils de Dieu, celle de sa mère et celle-ci ; elle sait « que pour l’homme le jour de la mort est meilleur que celui de sa naissance », et que toute naissance humaine est accompagnée de tristesse. C’est pourquoi elle célèbre la mort des martyrs qu’elle appelle leur naissance, car ils naissent vraiment à la vie quand ils se dépouillent de la vie pour le Christ. Mais cette naissance de Jean, l’Eglise la célèbre avec assurance sur la parole si expresse de l’Ange (saint Pierre Damien : sermon XXIII, sur la nativité de saint Jean-Baptiste, 4).
[8] Voyez comme Dieu est bon et comme il pardonne complètement : non seulement il rend ce qu’il avait pris, mais il accorde des faveurs que l’on ne pouvait espérer. Cet homme, tout à l’heure muet, prophétise; ceux qui auront renié Dieu, sous l’action des grâces nouvelles, le loueront. Que personne donc ne perde confiance; que personne, au souvenir des fautes anciennes, ne désespère des dons de Dieu. Dieu sait changer ses jugements, si vous savez renoncer à vos fautes (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc, II 33).
[9] Ce cantique contient deux prophéties : l’une relative au Christ, l’autre à Jean. La première est exprimée dans ces paroles qui annoncent la chose comme déjà présente : « Dieu a visité. » Celle qui a rapport au Précurseur sera annoncée tout à l’heure au futur (Origène : homélie X sur l’évangile selon saint Luc).
[10] Ce peuple qu’il a visité, c’est cette nation qui depuis si longtemps portait le nom de peuple de Dieu, et qui depuis longtemps semblait abandonnée de Dieu. C’était aussi ce peuple qui, dans le monde entier, gémissait sous le joug du péché et que le sang du Sauveur allait racheter et dont il allait faire son peuple par cette rédemption (saint Jean Chrysostome : « Contra Judæos et Gentiles quod Christus sit Deus »).
[11] Je pense qu’Abraham, Isaac et Jacob, au jour de l’avènement du Christ, ont joui des effets de sa miséricorde; il n’est pas possible que ceux qui avaient vu de loin son jour et en avaient eu une grande joie, n’aient pas eu une joie plus grande au jour où vint celui dont il est dit, « qu’il a, par le sang de sa croix, fait la paix et sur la terre et dans le ciel » (Origène : homélie X sur l’évangile selon saint Luc).
[12] Toutes les Ecritures de l’ancienne Loi avaient eu pour objet le Christ ; Adam lui-même et tous les patriarches après lui, par leurs paroles ou par leurs actes, avaient rendu témoignage de cette économie qui préparait le Christ (saint Bède le Vénérable).
[13] Nos ennemis sont aussi nos convoitises, qui nous font la guerre dans nos membres, et nos péchés qui nous accablent, et nos faiblesses qui nous tuent, et les terreurs de la conscience qui ne nous laissent aucun repos (Bossuet).
[14] Non plus dans la justice charnelle des Juifs qui mettaient leur confiance dans les victimes et les observances de la Loi, mais dans une justice spirituelle, se traduisant en œuvres bonnes : dans la sainteté qui nous rend dignes de Dieu, et dans la justice qui nous fait accomplir tous nos devoirs envers le prochain; non plus dans une justice extérieure, comme est celle des hommes qui cherchent à plaire aux hommes, mais dans une justice qui agit devant Dieu, qui cherche non l’approbation des hommes, mais celle de Dieu; et cela non pas une fois ou pour un temps, mais tous les jours de la vie (saint Jean Chrysostome : « Contra Judæos et Gentiles quod Christus sit Deus »).
[15] L’ombre de la mort c’est l’oubli envahissant l’âme : de même que la mort met un abîme entre le mort et les régions de la vie, de même l’oubli entre l’âme et l’objet qui s’est éloigné de son souvenir : le peuple juif, ayant oublié Dieu, était dans la mort par rapport à Dieu (saint Grégoire le Grand : « Moralia in Job », XVI 30).
[16] Nous dressons nos pas dans le chemin de la paix quand le mouvement de nos actes est toujours en accord avec la grâce de notre Créateur (saint Grégoire le Grand : homélie XXXIII sur les péricopes évangéliques, 4).
[17] Il y a des hommes qui cultivent en eux la vigueur corporelle pour être vainqueurs dans les combats : l’athlète de Dieu se fortifiait dans l’esprit pour briser la puissance de la chair (Origène : homélie XI sur l’évangile selon saint Luc).

Méditation et historique
L’Église célèbre la naissance du Sauveur au solstice d’hiver et celle de Jean-Baptiste au solstice d’été. Ces deux fêtes, séparées l’une de l’autre par un intervalle de six mois, appartiennent au cycle de l’Incarnation ; elles sont, par leur objet, dans une mutuelle dépendance ; à cause de ces relations, on peut leur donner le même titre, c’est en latin : nativitas, naissance ; natalis dies, Noël.
Pourquoi célébrer la naissance de Jean-Baptiste, se demande saint Augustin, dans un sermon qui se lit à l’office nocturne ? La célébration de l’entrée de Jésus-Christ dans ce monde s’explique fort bien ; mais les hommes – et Jean-Baptiste en est un – sont d’une condition différente ; s’ils deviennent des saints, leur fête est plutôt celle de leur mort : leur labeur est consommé, leurs mérites sont acquis ; après avoir remporté la victoire sur le monde, ils inaugurent une vie nouvelle qui durera toute l’éternité. Saint Jean-Baptiste est le seul à qui soit réservé cet honneur ; et cela dès le cinquième siècle, car la nativité de la Vierge Marie ne fut instituée que beaucoup plus tard. Ce privilège est fondé sur ce fait que Jean a été sanctifié dès le sein de sa mère Élisabeth, quand elle reçut la visite de Marie sa cousine ; il se trouva délivré du péché originel ; sa naissance fut sainte, on peut donc la célébrer. C’est un homme à part, il n’est inférieur à personne, non surrexit inter natos mulierum major Jobanne Baptista. L’ange Gabriel vint annoncer sa naissance, son nom et sa mission, nous dit saint Maxime, dans une leçon de l’octave ; sa naissance merveilleuse a été suivie d’une existence admirable, qu’un glorieux trépas a couronnée ; l’Esprit Saint l’a prophétisé, un ange l’a annoncé, le Seigneur a célébré ses louanges, la gloire éternelle d’une sainte mort l’a consacré. Pour ces motifs, l’Église du Christ se réjouit dans tout l’univers de la naissance du témoin qui signala aux mortels la présence de celui par lequel leur arrivent les joies de l’éternité.
Saint Augustin, qui s’appliquait à découvrir les raisons mystérieuses des événements, a voulu savoir pourquoi Jésus-Christ est né à l’équinoxe d’hiver et Jean-Baptiste à celui d’été. Dans le sermon du quatrième jour dans l’octave, il nous propose ce qu’il a découvert : Jean est un homme, le Christ est Dieu. Que l’homme se fasse petit, pour que Dieu apparaisse plus grand, suivant ces paroles dites par Jean au sujet du Sauveur : il faut qu’il croisse et que moi, je diminue. Pour que l’homme soit abaissé, Jean naît aujourd’hui, où les jours commencent à diminuer ; pour que Dieu soit exalté, le Christ naît au moment où les jours commencent à grandir. tout cela est très mystérieux. La naissance de Jean-Baptiste, que nous célébrons, est, comme celle du Sauveur, pleine de mystère. Quel est ce mystère, si ce n’est celui de notre humiliation, comme la naissance du Christ est pleine du mystère de notre élévation.
Ces témoignages de saint Maxime et de saint Augustin prouvent que cette fête est l’une des plus anciennes du calendrier. Sa célébration est constatée dès le milieu du quatrième siècle. Elle a déjà sa place parmi les solennités importantes ; on lui donna bientôt une octave et une vigile et elle traversa le moyen âge avec ce complément.
Les Pères du Concile de Bâle, dans leur quarante-troisième session (1441), firent suivre son octave d’une fête nouvelle, la Visitation, et Eugène IV eut soin de confirmer plus tard cette mesure. Ce n’est pas le Concile de Bâle, il est vrai, qui établit cette fête, il n’eut qu’à la fixer au 2 juillet ; son institution remonte au pontificat d’Urbain VI qui espérait, par ce moyen, appeler la protection de Notre Dame sur l’Église menacée d’un nouveau schisme ; la bulle qui lui assignait un jour après l’Annonciation fut promulguée par Boniface IX (1389).
Le Noël d’été a, comme celui d’hiver, son cortège liturgique. Sa vigile est une réduction de l’Avent : L’Église présente à nos réflexions le récit évangélique de la mission de l’ange Gabriel auprès de Zacharie, pour lui prédire la naissance d’un enfant : l’envoyé céleste lui dit qu’il sera grand devant le Seigneur ; l’Esprit Saint le remplira de sa vertu, dès le sein de sa mère ; il convertira un grand nombre de fils d’Israël au Seigneur leur Dieu ; il précédera le Seigneur, dans l’esprit et la vertu d’Élie ; il conciliera aux fils le cœur des pères ; il amènera les incrédules à la prudence des justes ; il préparera au Seigneur un peuple parfait. L’octave de la fête pourrait fort bien être appelée la circoncision de Jean-Baptiste : en ce jour, son père lui donna son nom et il entonna ce Benedictus Dominus Deus Israël que nous chantons tous les jours de l’année, à l’office du matin, en l’honneur de l’Oriens ex alto. La Visitation est, en quelque sorte, l’épiphanie de Jean-Baptiste : il confesse par un tressaillement la manifestation de Jésus, caché dans le sein maternel. Notre Dame chante au Seigneur le Magnificat anima mea Dominum.Ce Noël d’été précède le Noël d’hiver, comme saint Jean-Baptiste est le précurseur de Jésus-Christ ; elle l’annonce ; nous le verrons paraître quand le soleil sera au terme de ses diminutions.
L’objet historique de la fête et la doctrine qui l’éclaire sont exposés par saint Luc, au chapitre premier de son Évangile. Les trois passages qui nous intéressent sont lus aux messes de la vigile, de la Nativité et de la Visitation ; il est nécessaire d’y ajouter quelques lignes de l’évangile de saint Jean, qui termine la messe : Fuit homo missus a Deo, cui nomen erat Johannes ; his venit in testimonium, ut testimonium perbiberet de lumine, ut omnes crederent per illum ; non erat ille lux, sed ut testimonium perbiret de lumine. Il est le témoin, le précurseur, la voix de Dieu…
Une mission de ce caractère n’a pu échapper aux Prophètes de l’Ancien Testament ; il faut nous attendre à trouver, sous leur plume, des figures lumineuses qui aident à la saisir. Le plus expressif est Jérémie. Le début de sa prophétie s’applique aussi bien à saint Jean-Baptiste qu’à lui-même ; l’analogie est frappante ; il n’y a qu’à le reproduire et chacun, à première vue, pourra s’en convaincre : La parole du Seigneur s’est fait entendre ; il me disait : Je te connaissais avant de te former dans le sein de ta mère ; je t’ai sanctifié avant que tu en sortes ; je t’ai choisi pour être mon prophète devant les nations. Et j’ai bégayé, A, a, a, Seigneur, mon Dieu ; mais je ne sais pas parler, je ne suis qu’un enfant. Et le reste. L’Église fait lire Jérémie aux matines de la fête et à la messe de la vigile. L’épître du jour est empruntée à Isaïe ; c’est de Jean-Baptiste qu’il écrit : Que les îles écoutent ; peuples éloignés, faites attention. Le Seigneur m’a appelé, il s’est souvenu de mon nom dès le sein de ma mère. Il a fait de ma langue un glaive aigu ; il m’a protégé de l’ombre de sa main ; il m’a pris comme une flèche de son choix et il m’a caché dans son carquois… Le Seigneur, qui a fait de moi son serviteur dès le sein maternel, me dit : Je t’ai donné aux nations comme leur lumière pour que tu sois mon salut jusqu’aux extrémités de la terre.
Ces lectures fournissent le texte des antiennes et des répons : l’introït et le graduel enferment, dans leur mélodie, ce que Jérémie et Isaïe ont pu dire de la sanctification de Jean-Baptiste avant sa naissance ; le verset alleluiatique et la communion répètent cette déclaration de Zacharie devant le berceau et les langes de son enfant : Tu, puer, Propheta altissimi vocaberis ; prœibis enim ante faciem Domini parare vias ejus. Tu t’appelleras, enfant, le prophète du Très-Haut ; tu iras devant la face du Seigneur pour lui préparer les voies. Nous retrouvons ces mêmes paroles aux offices du jour et de la nuit : les antiennes, qui accompagnent les psaumes de vêpres, de matines ou de laudes, sont tirées de l’Évangile et des prophètes. Les unes prennent les traits principaux du récit et le reconstituent ; par exemple, celles des laudes et des secondes vêpres : Élisabeth Zachariæ magnum virum genuit, Jobannem prœcursorem Domini, c’est l’annonce de l’événement ; de là, nous passons à la circoncision et à la tradition du nom : Innuebant patri ejus, quem vellet vocari eum ; et scripsit, dicens : Joannes est nomen ejus ; la troisième revient sur la même pensée ; après quoi, il semble que nous soyons mis en présence de l’enfant et, en le saluant nous ne pouvons que lui rendre les témoignages contenus dans l’Évangile : Inter natos mulierum non surrexit major Jobanne Baptista. Les antiennes des premières vêpres traduisent les mêmes impressions et empruntent leurs formules aux mêmes sources : le peuple chrétien se représente la scène et s’approprie les sentiments et le langage de ceux qui remplissent un rôle actif ; avec eux, il dit de Jean : Ipse præbit ante illum in spiritu et virtute Eliæ – Joannes est nomen ejus ; vinum et siceram non bibet. – Ex utero senectutis et sterili Joannes natus est præcursor Domini. Je ne dis rien des antiennes de matines : elles ont ce même caractère. Pendant que l’âme s’applique à suivre le sens des psaumes, l’imagination est occupée par ces souvenirs ; cela ne lui damande guère d’effort ; elle est paisible ; l’esprit, qui reçoit ses impulsions, découvre dans la psalmodie, à la faveur d’aperçus auxquels il n’aurait jamais songé de lui-même, des allusions ingénieuses à la solennité ; la pensée de saint Jean apparaît partout.
Les observations faites au sujet des antiennes valent pour les répons ; on s’exposerait, en les citant, à des répétitions inutiles : ils transportent, dans le chant, des textes connus déjà ; je n’en reproduirai qu’un, d’une facture assez originale. Hic est præcursor dilectus, voici le précurseur bien-aimé, et lucerna lucens ante dominum, et la lumière qui brille devant le Seigneur. Ipse est enim Joannes, qui viam Domino preparavit in eremo, c’est Jean qui a préparé au Seigneur la voie dans le désert, sed et Agnum Dei demonstravit et illuminavit mentes hominum, il a montré l’agneau de Dieu et éclairé l’esprit des hommes. Ipse præibit ante illum in spiritu et virtute Eliæ. En résumé, les antiennes et les répons ne font que répéter ce que l’Évangile présente de saillant ; ces traits sont de nature à pénétrer l’âme de la mission du précurseur et de son importance ; ils accroissent, par leur répétition même, l’admiration pour son caractère et sa personne ; son souvenir prend vie dans le cœur.
L’Ange Gabriel avait annoncé à Zacharie que la naissance de Jean serait, pour un grand nombre, une occasion de joie, multi in nativitate ejus gaudebunt. En souvenir de cette prophétie, sa fête est joyeuse ; elle a pour signe caractéristique une allégresse qui ne se trouve pas ailleurs. L’Église invite les fidèles à s’y abandonner ; il lui suffit de leur répéter, par ses antiennes, les paroles de Gabriel. Mais la piété chrétienne ne s’est pas contentée du chant liturgique pour manifester sa joie ; elle a emprunté, en les transformant, les usages par lesquels les païens célébraient le solstice : on sait que l’instinct qui portait ces derniers à substituer, dans leur vénération religieuse, les forces créées de la nature à leur auteur, les faisait rendre un culte au soleil et au feu dont il est le grand foyer ; leur dévotion s’épanchait en manifestations bruyantes, au moment des équinoxes ; les fêtes, qui bénéficiaient d’une popularité extraordinaire, consistaient surtout en des réjouissances publiques ; la principale était d’allumer de grands feux autour desquels dansait la population. Le paganisme grec et romain avait eu l’art de mêler ainsi son culte à la vie extérieure des peuples, et c’est ce qui contribua le plus à le faire entrer dans les mœurs, si profondément même que ces coutumes ont survécu au paganisme.
Il y avait là, pour les chrétiens, un véritable danger ; tout le monde prenait part à ces réjouissances, qui en elles-mêmes n’avaient rien de condamnable. Mais les circonstances, en les liant à une superstition, les mettaient au service du paganisme naturaliste ; c’était un entraînement auquel on résistait fort mal. Tertullien, le premier, dénonça les chrétiens impudents, qui ne craignaient pas de célébrer ainsi les calendes de janvier, les brumalies et les saturnales. La conversion de l’Empire laissa leur popularité aux réjouissances solsticiales dans l’Afrique romaine, à Rome et dans les Gaules. Les évêques voyaient ce fait avec mécontentement ; saint augustin protestait avec énergie. Habeamus solemnem istum diem, disait-il, non sicut infideles, prpter hunc solem, sed propter eum qui fecit hunc solem, solennisons ce jour, non comme des infidèles, à cause du soleil, mais à cause de celui qui a fait le soleil. Saint Césaire proscrivit, pour les mêmes motifs, ces survivances païennes ; l’évêque franc, auteur des sermons qui nous sont parvenus sous le nom de saint Éloi, défend aux chrétiens de célébrer les solstices par des danses, des caroles et des chants diaboliques. Mais la fidélité aux superstitions pyrolatriques était tenace ; les évêques ne purent en avoir raison. C’est en vain que Charlemagne leur recommanda, par un capitulaire, de proscrire de nouveau ces feux sacrilèges et ces usages païens ; il fallut en prendre son parti et chercher à transformer, par une intention pieuse, l’abus qu’on ne pouvait supprimer. Cette évolution se produisit l’abus qu’on ne pouvait supprimer. Cette évolution se produisit dans le cours du neuvième siècle : on s’apercevait enfin qu’un retour offensif du paganisme n’était plus à craindre ; il était donc inutile de se prémunir contre un ennemi définitivement vaincu.
La réaction contre les pagania solsticiales avait sans nul doute accru la note joyeuse de la fête de saint Jean-Baptiste. Cette joie spirituelle, par son charme, contribuait à détourner les chrétiens de ces réjouissances profanes ; elle servit à ménager l’évolution, qui débarrassa ces dernières de toute pensée superstitieuses, en les associant à la fête de saint Jean-Baptiste. Le solstice d’été tomba dans l’oubli ; les feux furent allumés pour manifester la joie que la naissance du Précurseur causait au monde ; le feu devint ecclésiastique : le clergé alla processionnellement le bénir ; la Jouannée, ainsi que nos pères la nommaient, resta l’une des fêtes les plus populaires et les bourgeois des villes ne l’appréciaient pas moins que les campagnards.
Les Parisiens, entre autres, étaient amateurs des feux de saint Jean ; ils en allumaient un par quartier. Celui de la Bastille passait pour l’un des mieux réussis, la garnison de la forteresse assistait en armes à son embrasement. Il ne valait pas cependant celui de la place de Grève ; on laissait au roi l’honneur de l’allumer : Louis XI le fit en 1471, François Ier en 1528, Henri II et Catherine de Médicis en 1549, Charles IX en 1573, Henri IV en 1596, Louis XIII en 1615 et 1620, Anne d’Autriche en 1616 et 1618, Louis XIV en 1648 ; à partir de cette date, l’honneur d’allumer le feu revint au conseil de ville.
Les hommes de la Révolution furent incapables de comprendre ces réjouissances et elles disparurent, à Paris du moins, en 1789 ; il en fut de même dans la plupart des villes importantes ; à Douai, où la population tenait à ces feux au point d’en allumer un dans chaque rue, tous les soirs du 23 au 29 juin, la police les interdit en 1793 ; ils furent rallumés en 1795 et les années suivantes jusqu’en 1806, sans tenir compte d’une nouvelle défense promulguée en 1797.
Ces réjouissances populaires et religieuses faisaient entrer le sentiment chrétien dans la vie des villages et des villes ; la religion n’était pas reléguée entre les murailles des sanctuaires ; les hommes la connaissaient, ils l’aimaient comme un élément essentiel de leur existence. Les coutumes auxquelles on avait l’esprit de la mêler transmettaient, avec elles, sa pensée d’une génération à l’autre ; cela pouvait aller fort loin, car ces habitudes populaires sont tenaces. Ce fait n’a pas été toujours compris au dix-neuvième siècle. Ces traditions ont eu fréquemment pour adversaires aveugles des catholiques, qualifiés hommes d’œuvre, et des prêtres, qui ont affecté d’y voir des pratiques superstitieuses. C’est ainsi que les feux de saint Jean se sont éteints peu à peu dans un grand nombre de campagnes ; il est juste de dire que saint Jean-Baptiste n’y a pas gagné un rayon de joie spirituelle ; sa fête passe presque inaperçue ; elle attire certainement beaucoup moins de monde à la messe et à la Sainte Table que le premier vendredi du mois.

12345...7