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DOV BAER DE LOUBAVITCH ET LE HASSIDISME
25 juin, 2015http://www.cheminsmystiques.fr/HISTOIRE/5.1-4.etoilement.htm#_Toc254814252
DOV BAER DE LOUBAVITCH ET LE HASSIDISME
(Cette étude fait partie d’une recherche plus approfondie dans divers auteurs , si vous êtes intéressé aller sur le site)
Dov Baer a dirigé l’approche habad en faveur d’une contemplation mentale sobre, qui prit place par son père Schnéour Zalman au sein du mouvement hassidique créé par Israël ben Eliézer, le « Maître du Nom » ou Ba’al Shem Tov [10]. Pour le habad, « ce n’est que du point de vue de Ses créatures que le monde semble jouir d’une existence indépendante … Il a voilé à leurs yeux la divine lumière afin que puissent durer les créatures…[11] ». Dieu est ainsi transcendant par rapport à l’univers, bien qu’il n’y ait pas d’univers sans Lui, ce qui distingue cette conception du panthéisme de Spinoza. « L’âme divine est revêtue de l’âme naturelle à travers laquelle elle s’exprime, tout comme l’âme naturelle est revêtue de volonté, pensée, émotions et actes [12] ».
Nous allons citer assez longuement l’« échelle » habad parce que, loin d’être théorie, elle traduit avec précision une expérience mystique vécue du côté juif – égale aux plus profondes rapportées dans ce volume du côté chrétien. Les cinq degrés de l’âme sont présentés avec clarté par L. Jacobs : « Le plus bas est celui de néphesh ; c’est un simple désir, pas davantage, d’être proche de Dieu ; l’homme réfléchit sur son indignité et son grand éloignement du divin ; il souhaite ressentir le divin, mais ne trouve aucune réponse en son âme. (C’est ce que Dov Baer exprime par l’« entendre-du-lointain ».) Mais, comme il a reconnu qu’il est loin de Dieu, il décide de mener une vie meilleure. Le degré de néphesh a donc des implications dans l’action, mais sans chaleur spirituelle, même pas dans l’action. Vient ensuite le degré de rouah qui engage les émotions. Dieu est suffisamment proche pour que soit pris l’engagement de mener une vie selon le bien, et la chaleur spirituelle est assez grande pour être transmise à l’acte. Celui qui parvient à ce stade se comporte suivant l’importance du bien qu’il accorde à la proximité de Dieu. Mais la véritable expérience du divin est encore très faible ici. Vient ensuite le degré de neshamah : le cœur est vraiment impliqué. Il ne s’agit plus seulement de désirer Dieu ou de vouloir accomplir Sa volonté. L’homme jouit véritablement de Dieu. Plus haut est le degré de hayyah où le mental, autant que le cœur, est transporté d’extase. A ce degré, l’homme est si proche de Dieu que le divin est perçu avec une grande plénitude. Aussi le ravissement peut-il se prolonger. Enfin, supérieur à tous, est le degré de yehidah où il y a « simple vouloir », volonté pure de connaître Dieu, plus haute que tout intellect et toute émotion. A ce stade, l’homme a virtuellement accompli le dépassement de soi, et il aborde le divin par-delà toutes les limites normales imposées par sa nature physique [13]. » On retrouve ainsi une expérience comparable à celle des mystiques chrétiens qui donnent la première place à la volonté, comme par ex. Canfield (qui suit une longue tradition). Au-delà de ce bref résumé, citons Dov Baer qui précise et donne vie aux trois derniers degrés de la vie mystique, en commençant par celui de neshamah :
…extase essentielle de l’âme divine. Si même elle pénètre dans le cœur avec une forte sensation, elle n’est en rien une extase consciente. Elle est en effet si peu ressentie par celui qui l’éprouve, que, au moment de l’extase, il ne se rend absolument pas compte qu’il est transporté d’extase. … Telle est la nature de toute extase essentielle ; par exemple, de l’extase essentielle de l’âme naturelle dans le désir physique. Nous voyons bien que lorsqu’on est transporté d’extase à cause de quelque chose d’agréable, on est totalement inconscient de cet état : l’extase est vécue dans le cœur, mais sans conscience de soi. Plus l’extase essentielle est profonde (par exemple, l’amour ou la volonté, et le ravissement d’une très grande profondeur), moins on la sent. On rencontre ce stade chez la plupart des hommes dont l’âme divine n’est pas devenue impure et n’a pas été fortement souillée par la contamination du corps dans le désir étranger du cœur charnel extérieur. Comme il est écrit (Ps. 24, 4) : « Celui dont les mains sont sans tache et le coeur pur… » L’intention de son esprit irradiant son cœur, il est dit de lui (Ps. 119, 10) : « De tout mon cœur je Te cherche »[14].
Le degré de hayyah :
…doit, par la force des choses, venir spontanément et sans artifice. Exactement comme survient spontanément, par exemple, une soudaine extase de l’âme qui vous fait frapper des mains, etc., de même ce chant pénètre de lui-même et involontairement le cœur charnel à la manière de toute extase essentielle. Et ce spontané est la principale caractéristique du divin … Cette concentration donc n’est autre que celle de la véritable lumière divine en elle-même, et ne provient pas de la compréhension ou de l’intelligence de la lumière divine. [15].
Enfin le dernier degré de yehidah est :
…l’essence véritable qui s’élève dans le chant, chant simple essentiel [la mélodie avant qu’elle ne soit traduite dans la suite des notes, (n. Jacobs)], et non « chant double ». Car le « chant double » dont nous avons parlé est le ravissement essentiel qui se produit de manière détaillée … cela s’appelle aussi simple vouloir essentiel, qui n’est pas ressenti et ne se morcelle pas … le vouloir essentiel est un. Il comprend toutes les volontés, et celles-ci lui sont secondes. On peut en donner une illustration. Lorsqu’un homme lutte contre une mort toute proche, toute la pointe de la volonté essentielle de l’âme s’éveille en lui, car ce qui est enjeu est de la plus haute importance pour son essence véritable. Toutes ses autres volontés à propos d’autres sujets qui ne concernent pas son essence véritable, comme l’amour de la nourriture ou l’amour pour sa femme et ses enfants, sont toutes considérées comme rien, car elles sont toutes incluses dans sa volonté essentielle qui concerne son essence tout entière. C’est cela « l’extase de l’essence tout entière ». En d’autres termes, tout son être est si totalement absorbé que rien ne subsiste et qu’il n’a aucune conscience de soi. Tel est l’amour sans limite … Ce stade est radicalement plus élevé que la raison et la connaissance [16].
Ce qui touche le plus chez Dov Baer, c’est son souci de répondre à la tâche écrasante qui lui est confié auprès des « amis » qu’il corrige et réveille du sommeil provoqué par leurs soucis de la dure survie dans l’empire russe. En même temps est décrite avec vivacité la pesanteur de novices qu’il doit éveiller. Car le spirituel non accompli :
…paraît humble et méprisable à ses propres yeux et semble être parvenu à l’« anéantissement de soi », mais c’est en réalité le contraire : il a une haute idée de lui-même, c’est l’orgueil dans toute son ampleur. La preuve en est que lorsqu’on le réprimande vertement (on lui dit Shah !) , il est grandement troublé jusqu’à tomber malade. Il désirait parvenir au stade de l’« anéantissement », comme si c’était bien la seule chose qui manquait en lui. De là surgissent, chez de nombreux jeunes, les divers appétits de domination, le besoin d’influencer les autres, et cela n’est dû qu’à l’illusion que leur but est désintéressé. Cette maladie se rencontre fréquemment chez la majorité des « enfants », ces hommes jeunes et fragiles qui n’ont jamais vraiment goûté la saveur de la vraie amertume de la mélancolie naturelle [non la dépression mais celle du « cœur brisé » qui apprend à ne désirer rien pour lui-même], de la « brisure », et qui aspirent à atteindre trop rapidement la divine sagesse dans toute son ampleur. Cela est dû principalement à l’enchevêtrement (du bien et du mal) dans l’âme naturelle qui lui a été transmise par ses parents, – et le résultat en est qu’il est conscient de soi, et cela, comme on le sait, est le mal de nogah [excès de conscience de soi (n. J.)]. C’est pourquoi, dans tout ce qu’il entreprend, même à propos de sujets divins, il ne se débarrasse jamais [de la conscience de soi].
C’est là une des causes fondamentales. Tel homme possède peut-être une âme [parcelle de Dieu] plus haute que d’autres, et pourtant l’âme naturelle, quant à elle, peut provenir d’un « lieu » très bas. C’est pourquoi il possède un plus haut degré d’extase divine essentielle, mais, dans les vêtements de nogah dans le corps, elle est d’une grande conscience de soi. Réciproquement, tel autre aura l’âme divine humble et éloignée de l’extase divine, par comparaison à d’autres, mais son âme naturelle peut être très affinée, au niveau de l’ « anéantissement » et de l’absence de conscience de soi ; il n’a même pas le sens du bien qu’il fait, ignorant être parvenu à accomplir quelque chose. Et celui dont l’âme et le corps viennent tous deux d’un « lieu » élevé, le Seigneur est avec lui puisqu’il est un vase prêt à recevoir toute chose.
Ceux qui sont parvenus au degré le plus haut dans ce domaine, ce sont les plus anciens d’entre nous qui ont reçu en leur âme chaque goutte amère à l’âme même, et cela en rapport avec les paroles du Dieu vivant [par l’exercice du « cœur brisé » (n. J.)]. Lorsque même ils parviennent à l’extase de l’esprit, ce n’est pas dans l’intention d’atteindre un « degré », ni dans leur propre intérêt, mais, au fond d’eux-mêmes, ils désirent seulement la proximité de Dieu. Ce sont alors délices divines en intention droite. Là réside le Seigneur, en chacun selon le degré de pureté dans les profondeurs de la concentration divine. La preuve en est qu’ensuite, on parvient à l’humilité vraie, au « rien » ; on n’est rien, en essence et non de ce « rien » artificiel qui vient en considérant sa propre indignité [réfléchir à son néant serait attirer l’attention sur son moi (n. J.)] C’est pourquoi, il n’est nullement ému par une insulte (comme ce « chut ! ») et ne la sent même pas, car il est vraiment méprisable à ses propres yeux, puisqu’il ne possède rien en propre, et c’est là le contraire même de l’orgueil [17].
En conclusion il affirme avec autorité un pouvoir spirituel dont il est le canal :
Je veux également mentionner cette indulgence que l’on s’accorde en engageant tout son cœur dans la recherche de sa subsistance au point que tous les jours de l’homme sont gaspillés en vain. Car telle est la cause principale de l’effondrement pour la majorité de nos amis, grands et petits, anciens et nouveaux, jusqu’à ce que le Seigneur répande des Hauts Lieux Son esprit sur eux, et qu’ils s’éveillent de leur torpeur. … Mais, ô mes frères bien-aimés ! vous dont l’âme est attachée à la mienne, qui cherchez les paroles du Dieu vivant … vous me croirez lorsque je dis que toutes les paroles de ma bouche sortent en vérité de la pointe de mon cœur, telles qu’elles sont dans mon cœur et mon âme, en ma nature et mon être essentiels, telles que j’y ai été formé depuis ma jeunesse sous la direction de mon Maître et père, qui m’a enseigné et instruit – bénie est sa mémoire, jour après jour. On ne doit pas dire – Dieu nous en garde – qu’il y a ici des secrets à ne révéler qu’au « modeste » (c’est-à-dire : aux « initiés »), ou au contraire des choses qui ne s’adressent qu’à ceux qui n’ont pas encore été formés à la vérité … je jure, par ma vie, que pas même la moitié d’un mot, dans tous les sujets que je vous ai expliqués, ne vient d’ailleurs que de la pointe de mon cœur, et tous sont destinés à être découverts et compris par chacun de ceux qui ont goûté la saveur de l’engagement depuis sa jeunesse dans les paroles du Dieu vivant. Car toutes ces paroles que j’ai prononcées sont bâties sur l’expérience que j’ai acquise depuis ma jeunesse, depuis vingt années et plus, dans le saint temple de mon Maître et père qui m’a enseigné et guidé, – bénie est sa mémoire -. De lui, j’ai connu dans tous leurs détails les souffrances de nos amis, et j’ai examiné par moi-même le cœur de chacun et l’erreur de chacun, autant que l’a permis ma compréhension. C’est pourquoi, que celui qui le désire, obéisse. J’attends votre réponse de la main de notre distingué ami, le messager … Dov Baer, fils du Rabbi notre Maître et père, qui nous a enseignés et guidés, le vrai Gaon…[18].
Le hassidisme fut très présent dans toute l’Europe orientale. On connaît surtout ses beaux apologues [19]. Il a été cependant décrit de première main par un ami de Kafka [20]. La branche des « Loubavitch » a survécue à la shoah.
ÉTUDE BIBLIQUE – LE BONHEUR À TRAVERS LES LIVRES POÉTIQUES
25 juin, 2015http://www.promesses.org/arts/187p10.html
ÉTUDE BIBLIQUE – LE BONHEUR À TRAVERS LES LIVRES POÉTIQUES
Joël Prohin
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance, tout en s’impliquant activement dans son église locale, en région parisienne, et en collaborant à diverses revues ou commentaires bibliques.
La poursuite du bonheur est une aspiration fondamentale de l’être humain. Au fond, chacun cherche le bonheur, un état objectif et surtout subjectif de bien-être, de besoins satisfaits, de tranquillité, de joie, d’harmonie…
Les fondateurs des États-Unis d’Amérique avaient bien compris cet élan général vers le bonheur. La Déclaration d’indépendance de 1776 stipule que les trois droits inaliénables de tout homme sont « la vie, la liberté et la poursuite du bonheur ».
Si l’homme a cette aspiration innée vers le bonheur, il la puise dans l’image de Dieu qu’il possède — de ce « Dieu bienheureux » (1 Tim 1.11). Dans la perfection de son être trinitaire, « le Bienheureux » (1 Tim 6.15) n’a besoin de rien ni de personne pour être « heureux » ; dans un sens, son bonheur, préexistant à la création, ne dépend en rien de l’homme.
La poursuite du bonheur doit-elle être le but suprême du chrétien ? Dans un sens, le rechercher n’est pas illégitime : les premières paroles de Jésus lors du sermon sur la montagne ne sont-elles pas : « Bienheureux… » ? Le Dieu bienheureux veut fondamentalement le bien de sa créature : la perfection du cadre dans lequel il avait placé Adam et Ève en Éden le montre assez. Mais ce bonheur transcendait ce cadre idyllique et se puisait avant tout dans l’harmonie du dialogue entre Dieu et le premier couple et à l’intérieur du couple. La rupture des relations avec le Créateur induite par le péché originel introduisit un « malheur » que la beauté du jardin ne pouvait en rien compenser. Désormais le bonheur humain ne sera plus jamais complet tant qu’il ne passera pas par le rétablissement de ce lien entre Dieu et l’homme. Aussi, le chrétien, pour qui ce lien a été renoué par le pardon fondamental de ses péchés, dispose-t-il d’une « capacité de bonheur » unique parmi les hommes. Pour autant, c’est en renonçant à vivre de façon égoïste et autonome qu’il progressera sur la voie du vrai bonheur. Chercher la gloire de Dieu et le bien des autres (ce qui revient, dans une autre formulation, aux deux premiers commandements de la loi, aimer Dieu et son prochain) sont la voie directe vers le vrai bonheur et doivent constituer le but n° 1 de la vie chrétienne.
Bien qu’antérieurs à la plénitude de la révélation du N.T., les livres poétiques, dans la sensibilité que leur forme permet d’exprimer, parlent fréquemment du bonheur et peuvent nous aider à saisir concrètement ce qu’est vraiment le bonheur et comment le vivre.
L’Ecclésiaste ou les fausses sources du bonheur
Le début de l’Ecclésiaste dresse une liste de sources du bonheur que Salomon, le riche roi a explorées :
– la connaissance (1.13,16-18) : tout le savoir humain, à travers les sciences, la culture, la littérature, les arts, etc. ;
– les plaisirs (2.1-3) : les fêtes, la bonne chère, la boisson, etc. ;
– les possessions matérielles (2.4-8a) : qu’elles soient immobilières (maisons, jardins), liées à l’outil de travail (troupeaux, serviteurs) ou financières (or, trésors), etc. ;
– le sexe (2.8b) : « des femmes en grand nombre » ;
– le travail (2.10-11,17-19), en cherchant à se réaliser au travers des réussites de son activité ;
– la folie (2.12-16), en désespoir de cause, en explorant toute source irrationnelle possible de bonheur.
La conclusion fait écho au désespoir de notre génération : « vanité, poursuite du vent, grand mal » (2.20-26) ! Ce constat biblique est là pour nous éviter de faire par nous-mêmes les mêmes expériences ; celui qui les a explorées beaucoup plus loin que nous ne pourrons jamais le faire, et avec les immenses moyens qu’il avait à sa disposition, n’y a pas trouvé le bonheur. Ces pistes, dont beaucoup sont bonnes par elles-mêmes, ne sauraient jamais être la source de notre bonheur. Aussi ne nous laissons pas avoir et n’essayons pas à notre tour d’y chercher la satisfaction suprême : la conclusion serait la même…
L’Ecclésiaste ouvre cependant à la fin une première piste vers le bonheur : craindre Dieu et observer ses commandements, dans la perspective d’un jugement divin inévitable sur la vie de tout homme (12.13-14).
Les Proverbes ou le bonheur en écoutant la sagesse
Les Proverbes, quant à eux, ouvrent un chemin vers le bonheur par la pratique de la sagesse. Ils encouragent à une vie concrète de mesure, d’équilibre, de réflexion. Le bonheur trouvé dans l’expérimentation de la sagesse au quotidien est bien résumé au ch. 3, v. 13 à 18 : « Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse, et l’homme qui possède l’intelligence ! […] Elle est un arbre de vie pour ceux qui la saisissent, et ceux qui la possèdent sont heureux. » La sagesse n’est pas un ascétisme, mais une vie de plénitude marquée avant tout par la « crainte de l’Éternel », qui en est le commencement.
Les Proverbes nous permettent d’aller un cran plus loin. Au ch. 8, la sagesse devient personnifiée. Elle interpelle directement : « Et maintenant, mes fils, écoutez-moi, et heureux ceux qui observent mes voies ! Heureux l’homme qui m’écoute, qui veille chaque jour à mes portes, et qui en garde les poteaux ! » (8.32-34) La vraie sagesse se vit dans une relation avec une personne, à peine esquissée ici, mais que le N.T. présentera comme Jésus-Christ, notre sagesse (1 Cor 1.30). Le bonheur se trouvera dans la mesure où nous « l’écouterons ».
Les Psaumes ou les fondements du bonheur
À de nombreuses reprises, les psalmistes louent Dieu pour le bonheur qu’il donne aux fidèles. Comme presque toujours dans les Psaumes, cette louange est motivée. Parmi les 25 exclamations : « Heureux celui (ou ceux)… » qui parsèment les 150 Psaumes, retenons les 6 qui se trouvent au début d’un Psaume. Sous une forme concise, elles décrivent les fondements du bonheur :
• 1er fondement : se savoir sauvé. « Heureux celui à qui la transgression est remise, à qui le péché est pardonné ! Heureux l’homme à qui l’Éternel n’impute pas d’iniquité, et dans l’esprit duquel il n’y a point de fraude ! » (32.1-2) David — et nous à sa suite (cf. Rom 4) — se réjouit de ce que la question fondamentale de son péché a été réglée par son Dieu. Quelles que soient nos circonstances, nous pourrons toujours, chaque jour, trouver notre joie en nous souvenant que Dieu n’est plus en colère contre nous et que son pardon nous est définitivement acquis ! Quel bonheur !
• 2e fondement : marcher selon Dieu. « Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, qui ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs, Et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs. » (1.1-3). Se savoir sauvé sans le vivre dans une vie quotidienne qui plaît à Dieu est une incohérence qui rend forcément malheureux, au fond. En contraste, le premier Psaume présente le bonheur de celui qui choisit délibérément d’éviter le mauvais chemin et de prendre le bon.
• 3e fondement : écouter la Parole de Dieu. « Heureux ceux qui sont intègres dans leur voie, qui marchent selon la loi de l’Éternel ! Heureux ceux qui gardent ses préceptes, qui le cherchent de tout leur cœur (119.1-2) : le psalmiste trouvait son plaisir dans la méditation de la loi de l’Éternel (1.2). Comment marcher de façon à plaire à Dieu, sinon en connaissant sa pensée à travers l’Écriture ? Quel bonheur d’ouvrir quotidiennement la Bible pour y trouver toutes les instructions dont nous avons besoin — plus encore, pour y trouver une relation personnelle, de cœur à cœur, avec notre Dieu !
• 4e fondement : imiter Dieu. « Heureux l’homme qui craint l’Éternel, qui trouve un grand plaisir à ses commandements. […] Heureux l’homme qui exerce la miséricorde et qui prête. » (112.1,5) Connaître la pensée de Dieu par sa Parole va modeler notre action. Nous allons ainsi progressivement imiter notre Père, en montrant un peu de sa miséricorde et de sa générosité. Quel bonheur de pouvoir donner aux autres (112.9 ; cf. Act 20.35) !
• 5e fondement : savourer le bonheur dans la famille, le travail, l’église : « Heureux tout homme qui craint l’Éternel, qui marche dans ses voies ! » (128.1) Bâtir sur les quatre fondements précédents induit des conséquences positives dans divers domaines de la vie. Comme souvent dans les Proverbes, ce Psaume 128 énonce des vérités générales, et non absolues, qui souffrent de nombreuses exceptions en raison des conséquences du péché dans le monde et dans les êtres humains. Toutefois il reste vrai qu’un homme qui craint Dieu a plus de probabilités d’être béni dans son travail (v. 2), dans son couple (v. 3a), dans sa famille (v. 3b,6a) et dans son église (v. 5, pris métaphoriquement). Apprécions à leur juste valeur tous ces bonheurs, quand Dieu juge bon de nous les donner. Ils ne sont pas réservés aux chrétiens, mais notre privilège est de les recevoir avec reconnaissance de la main d’un Dieu généreux.
• 6e fondement : avoir le souci des autres. « Heureux celui qui s’intéresse au pauvre ! » (41.1) Le bonheur se trouve dans une juste relation avec Dieu, entretenue au quotidien, mais aussi dans l’attention portée à son prochain, en premier lieu le « pauvre » (au sens large de celui qui est abaissé, faible, nécessiteux — et pas seulement financièrement). Se centrer sur soi, sur ses propres besoins, sur son épanouissement personnel est un sûr moyen de ne pas être heureux. Par contre : « Heureux celui qui tourne ses regards / Vers son prochain, en s’oubliant soi-même ! / Il trouvera sa pleine part / Dans le bonheur de ce frère qu’il aime. »1
Job ou le bonheur au travers de la souffrance
Nous ne pensons pas à Job comme à un bienheureux, mais plutôt au malheureux par excellence… Pourtant son ami Éliphaz n’hésite pas à lui dire : « Heureux l’homme que Dieu châtie ! Ne méprise pas la correction du Tout-Puissant. » (5.17) Éliphaz a des paroles justes : d’ailleurs, le seul verset du livre cité explicitement dans le N.T. est de sa bouche, tiré du même chapitre (5.13 ; voir 1 Cor 3.19). Mais on peut bien penser que cette parole-là n’était vraiment pas à propos à ce moment (cf. la réaction de Job en 6.14).
Seuls ceux qui ont traversé la souffrance ont le droit de dire pour eux-mêmes : « Il est bon pour moi que j’aie été affligé, afin que j’apprenne tes statuts. » (Ps 119.71, Darby) L’épreuve est rarement un « sujet de joie complète » sur le moment (Jac 1.2) ; mais « plus tard », quand elle a produit son fruit (Héb 12.11), le malheureux peut constater que c’était pour son bonheur à « la fin » (Jac 5.11). Il peut connaître ainsi de façon spéciale la miséricorde et la compassion du Seigneur et il sait expérimentalement, comme l’ajoute heureusement Éliphaz, que Dieu « fait la plaie, et il la bande ; il blesse, et sa main guérit. » (5.18)
Le Cantique ou le bonheur de la communion
Le Cantique des cantiques peut être lu comme une hymne au bonheur. Bonheur du couple amoureux, en premier lieu, dans la joie du partage des sentiments et des corps que Dieu a prévue pour l’homme et la femme sur la terre. Bonheur aussi de la relation entre l’âme du fidèle (la bien-aimée) et celle de son Seigneur (le « Bien-aimé »), selon une lecture symbolique riche d’une longue tradition.
Ce bonheur n’a pas besoin d’être déclamé et le mot « bienheureux » ne s’y trouve pas. Pour autant, combien d’expressions imagées de ce livre le traduisent !
« Les jeunes filles la voient et la disent heureuse.2 » (6.9) Le bonheur de la bien-aimée est observé par les « jeunes filles » qui en parlent. De même, si nous entretenons vraiment une communion vivante avec notre Seigneur et Roi, si cette relation constitue le fondement inébranlable et objectif de notre bonheur présent, au-delà des circonstances plus ou moins favorables que nous pouvons connaître, si ce bonheur se traduit par une reconnaissance envers le riche Donateur de tout vrai bien, ceux qui nous entourent le verront et cela sera un témoignage puissant.
Quelque réelle que soit notre communion actuelle avec le Seigneur, elle n’en demeure pas moins partielle, intermittente, imparfaite ; notre bonheur est forcément assombri par les circonstances pénibles que nous pouvons traverser, par le comportement des autres, par le péché qui nous entoure et que nous déplorons encore en nous. Mais notre espérance est d’être un jour prochain dans le bonheur parfait, éternel, incomparable qui nous attend dans la maison du Père, le lieu de la communion ininterrompue.
1 Cantique d’Edmond Pidoux, « Que notre amour se montre en vérité », Reflets n° 73, str. 2.
2 Le mot « heureuse » n’est pas celui utilisé d’ordinaire et contient la nuance « d’être rendue heureuse ».