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J’ESPÈRE ÊTRE CHRÉTIEN

7 avril, 2015

http://www.culture-et-foi.com/texteliberateur/pierre_de_locht2.htm

J’ESPÈRE ÊTRE CHRÉTIEN

Pierre de Locht

Je suis né dans un univers où «la vérité» m’a été donnée toute entière en commençant. Une vérité d’autant plus satisfaisante qu’elle alliait le ciel et la terre. Que ce soit dans une famille agnostique ou «croyante», celui qui s’éveille à l’existence ne baigne-t-il pas dans la sécurité d’une sagesse de vie portée par le milieu où il grandit? Aux uns comme aux autres, une certaine philosophie de l’existence est offerte dès le départ, comme allant de soi, vécue par l’entourage, là au moins où l’enfant a le bonheur de naître dans un milieu doté d’une suffisante cohérence et stabilité.
Il me semble cependant avoir été marqué d’abord, non par des «vérités» ou des «principes», mais par des comportements, des manières d’être et de se conduire dans la vie de tous les jours. Valeurs morales nécessaires pour s’intégrer dans un monde déjà organisé par ceux qui nous ont précédés. Exigences de droiture, de justice, d’attention aux autres… probablement assez semblables dans un monde agnostique ou croyant. Avec toutefois une caractéristique propre aux milieux religieux, celle de référer à Dieu les normes et le sens de l’existence. Et dès lors d’attribuer aux principes moraux et vérités à croire un sceau d’absolu. Tout cela se situant en même temps dans un certain contexte de merveilleux, alimenté par l’Histoire Sainte (Noé sauvé des eaux, la tour de Babel, le passage de la mer Rouge, la manne dans le désert…), où se dessine l’image d’un Dieu qui, dans sa toute-puissance, nous entoure de son amour.
L’ absolu de Dieu a souvent été utilisé au service d’une morale culpabilisante. Je n’ai guère connu cela. Fait rarissime à l’époque, toute mon enfance s’est passée dans un collège catholique où il n’y avait pas de messe obligatoire.
En grandissant, c’est progressivement la figure de Jésus de Nazareth qui a été pour moi dominante: Jésus, Dieu incarné, comme le proclame notre Credo. Comment un long itinéraire m’a amené progressivement à fonder de plus en plus ma foi de chrétien, non sur la divinité du Christ, mais sur son humanité, c’est ce que je vais tenter de dire, et avant tout de m’expliciter à moi-même.

À l’épreuve du réel
Il me faut d’abord préciser comment une foi religieuse se déploie, ou en tout cas s’est déployée en moi au cours des événements toujours inédits de l’existence.
Si j’ai adhéré dès mon enfance aux pratiques religieuses et au Credo de l’Église catholique, si j’ai voulu m’engager à son service, j’ai été, assez vite au seuil de l’âge adulte, éveillé à une certaine intelligence de la foi. C’est-à-dire au souci d’essayer de comprendre, de décrypter de l’intérieur le contenu des pratiques imposées, des normes édictées, des dogmes établis. Attitude que je considérais comme allant de soi, qu’appelait aussi bien la recherche humaine que l’intériorisation de la foi reçue. Tout cela cependant dans un contexte de dépendance quasi filiale à mon évêque et d’adhésion spontanée à l’enseignement et aux directives de l’autorité religieuse.
Jeune prêtre, j’ai eu le privilège d’être mis en contact dès le début de mon ministère avec les réalités vécues par les jeunes ménages de l’immédiat après-guerre. C’est là que les premières questions se sont posées à moi, lorsque j’ai commencé à prendre conscience d’une distance entre ce que la hiérarchie enseignait et ce qu’il était possible de vivre concrètement dans le réalisme de l’existence quotidienne. Cette tension entre la vie et les principes enseignés, je n’ai nullement été tenté de l’attribuer, comme on le fait malheureusement trop souvent, au manque de foi ou de générosité, voire au laisser-aller ou à l’aveuglement de ces couples. Attitude trop facile de non-écoute, qui désamorce d’emblée toute interpellation déconcertante. Je percevais suffisamment leurs conditions et modalités de vie ; je connaissais aussi leur droiture, leur souci évangélique et leur fidélité à l’Église pour me rendre compte du bien fondé de leur désarroi.
Cette prise de distance critique à l’égard de l’enseignement du magistère n’est nullement née d’une opposition, mais d’une insertion dans la réalité vécue. En vivant l’enseignement reçu apparaissent des nuances, des prolongements, des éléments de réalité qui peuvent seuls conférer à ce qui est enseigné sa densité humaine. La mise en œuvre dans le concret de l’existence, loin d’être en soi une détérioration, confère aux principes théoriques et nécessairement abstraits, une indispensable dimension d’incarnation. Passage incontournable, qui apporte un surplus qu’aucune approche théorique ne peut atteindre.

Lorsqu’à travers les tâtonnements du quotidien s’élaborent ainsi des solutions de vie et qu’apparaissent certains élargissements, on s’aperçoit avec étonnement que ce qu’on vivait comme un approfondissement de l’enseignement reçu suscite l’opposition. C’est alors que devrait s’établir, entre l’autorité religieuse et les membres de la communauté, un dialogue ouvert et franc, dégagé de suspicion. Car il s’agit, non de détracteurs de l’ordre établi, mais d’artisans du quotidien et peut-être de pionniers.
Une telle ouverture à l’écoute et au dialogue suppose la conviction que l’enseignement donné, même s’il est entièrement valable, ne suffit pas à rejoindre la vie réelle dans toute sa complexité. Et par conséquent que les hommes et les femmes artisans d’incarnation ont une tâche irremplaçable dans l’élaboration de ce surplus que confère à l’enseignement donné la réalité vécue.
Comme bien d’autres, j’ai souffert parfois durement d’être considéré comme infidèle à ma tâche et aux responsabilités qui m’avaient été données, lorsque j’exprimais les interrogations nées du vécu de celles et ceux dont mon travail me rendait très proche.

La dynamique de la foi
Si ce fut d’abord à propos de la morale, et plus particulièrement de tout ce qui concerne la vie intime du couple, à l’époque lieu privilégié de l’enseignement magistériel et du zèle des confesseurs, c’est peu à peu le contenu du Credo qui a suscité en moi des interrogations concernant le message chrétien. Pourquoi faut-il que quiconque, en élaborant loyalement sa cohérence intérieure, soit perçu comme insoumis et destructeur alors que germent ces nuances propres à une foi personnelle? Est-ce au Credo officiel qu’il faut avant tout être fidèle, ou au cheminement intérieur de sa foi? À la condition que cette élaboration personnelle, forgée jour après jour à travers les méandres de l’existence, reste à l’écoute de la foi de la communauté, et dès lors en dialogue permanent.
Donner la priorité au mûrissement personnel de sa philosophie de l’existence, c’est se vouloir humain et non grégaire. C’est revendiquer – pour soi comme pour les autres – d’habiter sa vie. C’est forger pas à pas sa cohérence intérieure, indispensable pour que les orientations et choix que l’on donne à son existence émanent d’un être humain, c’est-à-dire d’un être personnel.

J’ai souvent été déconcerté, voire troublé, en découvrant en moi une distance entre ce que je pensais ou croyais devoir faire, et le discours officiel de mon Église. Devais-je pour autant renoncer à cette maturation intérieure ou accepter d’être vivant, d’une vie personnelle, animé d’une foi qui est mienne, au cœur d’une Église dont la vitalité tient en dernière analyse à la densité de toutes ces recherches et adhésions très personnalisées? Une communauté de foi ne peut être vivante sans cet apport du cheminement personnel des fidèles. Et pourquoi la foi de l’Église, qui s’est élaborée jadis au départ des convictions vécues par les chrétiens des premiers siècles, devrait-elle rester figée sur le passé, récusant la maturation du message de Jésus-Christ dans «l’aujourd’hui de Dieu»?
Pour que ma foi chrétienne colle à ma vie, je ne puis me contenter de répéter le Credo officiel. En présence de celui-ci, il me faut me situer de manière personnelle. N’est-ce d’ailleurs pas le meilleur service que je puis rendre à mon Église? Attitude difficile, risquée, seule digne pourtant d’un être humain. Mais il n’est pas aisé de se dégager de la culpabilité d’exister au-delà d’une conformité grégaire. Et cela, dans une Église qui fait de la soumission à l’autorité religieuse une vertu majeure, et qui identifie ses décisions et définitions à la pensée et au vouloir de Dieu.

Fils de l’humain
Tout en restant marqué par le mystère d’un au-delà de l’humain, par la perspective d’un Dieu en relation d’alliance avec nous, ma foi s’est de plus en plus centrée sur Jésus de Nazareth. Un contact plus direct avec la Bible en fut le point de départ. Je suis inséré dans plusieurs petites communautés de «partage d’Évangile». À ces ressourcements réguliers à la lumière de la Bible, s’ajoutent les nombreuses «Routes en Terre Sainte», à la découverte du terreau où Jésus a vécu et annoncé sa Bonne Nouvelle. Là où se perçoit mieux l’étroite connexion entre le Premier et le Second Testament, entre les racines juives et le message chrétien. Quel rafraîchissement, pour une foi un peu encombrée doctrinalement, de cheminer en devisant à travers la fraîcheur des récits évangéliques si proches des réalités de la vie commune.
Incarnés dans le quotidien, les récits bibliques nous font mieux prendre conscience que, ne sachant guère qui est Dieu, nous ne pouvons que projeter sur Lui nos perceptions de ce qu’il devrait être, de ce que nous souhaiterions qu’il soit. Projections qui ne sont pas sans significations, tant elles émanent du plus profond de nous-mêmes. Particulièrement impressionnante est, à travers toute l’histoire humaine, cette aspiration à chercher vers un au-delà de l’humain les sources du besoin de pérennité et d’infini qui nous taraude.
En même temps, les contacts et engagements en solidarité avec les laïques, pour qui l’attention porte exclusivement sur une condition humaine se suffisant à elle-même, m’ont montré l’importance de fonder tout questionnement et toute recherche ultérieure sur notre être en humanité, là où nous sommes situés et d’où part toute interrogation. J’ai dès lors mieux perçu combien il était regrettable de se construire et d’engager son existence au départ de ce qui nous sépare, «croyants» et agnostiques, et non avant tout sur cet extraordinaire patrimoine d’humanité, qui nous est commun. L’insécurité amène souvent à nous situer d’abord en nous opposant, alors que notre identité se forgerait de manière moins réactionnaire et plus constructive sur le fonds de réalité partagée. Nos différences peuvent alors être perçues, moins comme menace que comme enrichissement et apports mutuels. Cette prise de conscience, réalisée en moi assez tardivement, alors que j’étais déjà très largement engagé dans la vie adulte, m’aurait évité bien des méconnaissances et rejets factices.
Ce faisant, c’est ma foi chrétienne elle-même qui se déplaçait. Mon adhésion au message de Jésus Christ et à sa personne ne se fondait plus sur l’autorité de ceux qui en affirmaient la valeur, voire la nécessité, mais sur mon propre cheminement. La foi reçue, avec son ensemble de pratiques et de vérités, ne peut acquérir une réalité et une densité réellement humaines que si elle s’offre peu à peu comme un choix réellement ouvert, permettant soit un rejet motivé, soit une adhésion personnellement assumée. «Venez et voyez», disait Jésus à ceux qui, intrigués par son mode d’être, cherchaient à comprendre ce qui l’habitait, le faisait vivre et agir. C’est dans son comportement d’homme, incarné dans son milieu et les contingences de son époque, que je peux me découvrir en connivence avec lui. Entraîné d’abord par la foi de mon milieu, une adhésion personnelle s’est peu à peu éveillée en moi. Démarche indispensable, qui n’implique pas de s’isoler dans son monde intérieur. Au cours de ma vie, je n’ai guère été tenté de chercher en Dieu à échapper quelque peu à la rigueur et aux exigences de la vie concrète. Je crois cependant que le risque est réel, et que certains s’y laissent prendre, tant l’insertion dans l’humain, avec ses aléas et ses tragédies, dont nous prenons de plus en plus conscience, peut paraître menaçante.
Quoi qu’il en soit, ma foi est ce qu’elle est actuellement. Je ne puis me forcer, même comme prêtre, à croire autre chose que ce qui est parlant et vivifiant pour moi, au stade où j’en suis aujourd’hui. Inutile d’essayer à coup de volonté de croire autre chose que ce que je crois. Je cesserais d’être moi-même et de pouvoir, au départ de ce que je suis maintenant, continuer à être et à me construire. Cette élaboration de sens – que l’on soit agnostique ou croyant – est le centre vital de son être, à chaque étape de son cheminement. C’est à ce nœud crucial que je dois être fidèle pour exister personnellement aujourd’hui et continuer à me déployer. Pas de foi réellement intériorisée sans cette fidélité primordiale, qui conditionne toutes les autres.

La foi de l’Église
Toutefois, je n’existe que comme être en relation. Ma cohérence foncière est sans cesse alertée et stimulée par ce que sont et vivent les autres. La «foi de l’Église» m’est dès lors indispensable et précieuse.
Mais, quelle est donc cette «foi de l’Église», dont il est dit dans une prière adressée à Dieu au cours de la messe : «Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Église»? Est-ce le Credo officiel, cet ensemble doctrinal élaboré il y a de nombreux siècles, avec les mots et les approches culturels d’un autre âge, ou plutôt le dynamisme de foi qui anime, actuellement, la communauté chrétienne: cette adhésion à la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, telle qu’elle se concrétise aujourd’hui chez les chrétiens, à la base. C’est là que vit essentiellement l’Église. C’est de ce peuple en marche, de cette communauté qui essaie d’incarner l’Évangile dans sa vie concrète, que je me sens solidaire.
Le Credo doctrinal, en tant qu’expression théorique formulée dans le passé, peut constituer une référence et un garde-fou utiles. Est autrement plus stimulant ce que vivent les fidèles dans le monde présent; cette foi vécue qui incarne l’Évangile dans l’actualité; le dynamisme des diverses communautés chrétiennes, qui devrait contribuer à revivifier constamment l’expression, voire même le contenu du Credo doctrinal de l’Église.
Il me paraît dès lors important de distinguer trois niveaux de foi: celle qui anime de manière personnelle chacun de ceux qui se réfèrent à Jésus de Nazareth; celle au nom de laquelle se réunissent et que célèbrent les communautés chrétiennes; et enfin la formulation doctrinale des grands axes de l’Alliance entre Dieu et nous, telle qu’elle a été perçue au cours des siècles et transmise en des termes à revivifier constamment.

La foi d’un séparé
Ma formation cléricale m’a inculqué l’idée qu’on s’approchait davantage de Dieu en prenant de la hauteur, en s’isolant quelque peu des contingences terrestres. Le prêtre serait mieux apte à donner valeur et intériorité aux services et responsabilités d’Église parce qu’il est un séparé. Aussi, ai-je durant de longues années cultivé une spiritualité de mise à l’écart, pensant pouvoir ainsi remplir plus valablement les tâches qui m’étaient confiées.
Davantage mêlé aux réalités de la vie des jeunes en recherche, des conjoints et parents dans le bonheur comme dans l’épreuve, aux équipes de la Fraternité des veuves, aux couples en difficulté ou en crise, dans le cadre de la Pastorale du couple et de la famille dont j’étais chargé, j’ai perçu peu à peu à quel point la foi se vivait au départ des aléas multiples de l’existence. Il me fallait bien constater combien la place de la prière, le cri vers Dieu, la référence à l’Évangile, le recours aux sacrements… avaient une autre tonalité au cœur des situations heureuses et souvent poignantes, qui font le quotidien des femmes et des hommes au service desquels nous voulons être. Une autre tonalité… et probablement une autre densité?
Quant à moi, je me rends compte que, dans la mesure où ma vie s’incarnait davantage dans le réalisme de la condition humaine, ma foi religieuse s’en trouvait enrichie. En même temps, je prenais conscience que, comme être séparé, il m’était difficile, voire impossible, malgré ma proximité, de bien comprendre de l’intérieur certaines réalités fondamentales de l’existence humaine. Je pense en particulier au lien vital, viscéral, des parents avec les enfants qu’ils engendrent, à l’arrachement à eux-mêmes que constitue la mort d’un enfant, le décès d’un conjoint, au drame des êtres, nombreux, qui ne se sont jamais sentis aimés pour eux-mêmes…
Et j’en arrive à me demander si, de manière habituelle, la vie spirituelle d’un séparé permet d’être réellement présent à la condition commune, dans toute sa complexité. D’où la conviction qu’en réservant toutes les responsabilités d’Église uniquement à des séparés, et parmi ceux-ci à la seule catégorie masculine, on suscite inévitablement l’hiatus grandissant qui ronge l’Église romaine. Heureusement que commencent davantage à s’exprimer des hommes et des femmes du tout venant dans leurs recherches et approches de Dieu, nées du plus profond de leur insertion humaine.

La foi religieuse serait-elle une manière rétrograde d’assumer son humanité?
Si la rencontre avec Jésus «fils de l’humain», pleinement solidaire de notre condition, est primordiale dans ma foi de chrétien, je dois constater que cette humanité, que je découvre particulièrement affinée en Jésus, est en même temps ouverte sur une transcendance. La référence à Dieu, discrète mais indéniable, telle qu’elle est présentée par les Évangiles, inspire et anime indubitablement Jésus de Nazareth. Fait troublant, irritant peut-être, mais que je ne puis écarter sans plus.
Cette relation à Dieu, je ne l’aborde plus au départ d’une révélation transmise par le milieu dans lequel j’ai grandi, mais comme une interrogation qui colle à ma condition humaine. Car je ne puis nier cette tension de tout instant en moi, et que je pressens en chacun, entre l’infiniment petit et l’infiniment grand qui m’habite, comme elle habite chacun.
Ce désir de pérennité, d’infini, de plénitude un jour possible pour moi et pour tous, je puis m’en détourner comme d’un rêve trop beau qui m’empêcherait d’assumer un quotidien plus terre à terre. Je puis le laisser se détériorer par tant de mièvreries ou d’impératifs dont on l’a affublé: récompense qui fausserait l’authenticité des engagements présents, recours trop facile à l’intervention divine, crainte des tortures de l’enfer…
N’empêche que subsiste en moi le besoin de participer à la construction d’un mieux-être qu’aucune limite ne peut satisfaire; l’incapacité pour le vivant que je suis, doué de conscience, de consentir au néant, et même de le concevoir. À la lumière de ce que les humains sont et essaient de réaliser, nous pouvons entrevoir ce que serait un monde ayant enfin libéré tout ce possible dont il se sent porteur, et qui suscite son dynamisme. Comme la personne n’existe et ne se déploie que dans un réseau de relations qui lui donnent son ampleur et sa densité, un lien avec un au-delà de l’humain explique, seul peut-être, cet infini qui nous tiraille.

Ouvert sur le divin
Et voici qu’un des nôtres, Jésus de Nazareth, partageant entièrement avec nous la condition humaine, nous dévoile sa relation avec un être supérieur, force d’amour et de vie au-delà de l’humain. La parole et le mode d’être de Jésus en relation avec le divin ne me parlent et ne me touchent que parce qu’ils émanent d’un humain pleinement inséré dans notre condition. Être amené à l’écouter parce qu’il est Dieu, c’est être mû principalement par l’autorité hautement qualifiée de celui qui me parle. L’accompagner au nom de la condition humaine que nous partageons avec lui, c’est m’avancer en raison du contenu et de la densité humaine du mode d’être dont il témoigne. Plus que l’affirmation de sa divinité, dont nous sommes incapables de comprendre ce que cela veut dire, c’est l’affirmation de la totale et entière humanité de Jésus qui m’est indispensable.
Ce Dieu qui m’a été enseigné, j’ai dû progressivement le dépouiller de bien des scories inévitables, pour retrouver la sobriété de l’Évangile. Le libérer d’une toute puissance sans cesse mise en question par sa non-intervention dans nos drames humains, personnels et collectifs. Réajuster sa paternité, utilisée pour étayer les multiples paternalismes cléricaux. Accueillir autrement le Souffle de l’Esprit mis au service de tant d’impérialismes sur les consciences et d’atteintes à la liberté, pourtant essentielle à la personne humaine… Ces décantations s’opèrent, non à coup d’efforts et de déblaiements volontaristes, mais dans une simplification à laquelle nous convie la perspective évangélique.
Et l’on retrouve alors une espérance foncière; une confiance accrue dans l’homme et dans sa responsabilité, une sensibilisation affinée aux forces de vie et d’amour à l’œuvre discrètement jusque dans les situations les plus dramatiques; la conscience diffuse d’une présence mystérieuse et discrète; une foi inébranlable dans l’être humain, au cœur d’une béance. Les questions, les doutes, les interrogations restent entiers, mais sur un fond de confiance dans l’humain et dans son devenir.
Puisque je ne vois pas en quoi ma foi religieuse ampute quoi que ce soit de mon engagement et de ma responsabilité, comme elle ne m’isole pas de tous ceux qu’anime un égal respect de nos identités différentes, comme elle accroît ma confiance dans l’humain, comme elle situe mon cheminement dans un halo d’espérance, je reste attaché à l’option religieuse, combien bousculée, qui a traversé ma vie.

Puis-je être en recherche en tant que prêtre?
Voilà où j’en suis par rapport à ma foi! Cela étant, ai-je le droit, est-il opportun comme prêtre de m’exprimer tel que je suis, avec mes interrogations, mes doutes, mes découvertes, mes contestations? Ne devrais-je pas rester simplement le porte-parole de la foi immuable de l’Église, ou quitter le ministère?
J’ai peine à croire qu’une Église puisse rester vivante à travers un cadre presbytéral qui n’aurait d’autre tâche que de transmettre de manière impersonnelle ce qui se pense et se décide en haut-lieu, par un magistère seul habilité à actualiser et vivifier le message de Jésus Christ. J’ai également peine à croire que c’est cela qu’attend une part importante, et probablement la plus vivante, de la communauté chrétienne. Mais accepter un rôle créatif des cadres intermédiaires, eux-mêmes le reflet des mouvances et de la créativité du peuple, c’est s’engager dans le relatif.

Installés dans l’absolu
La crise profonde et probablement inédite qui taraude aujourd’hui l’Église catholique tient avant tout, me semble-t-il, au fait que le magistère romain s’est installé inconditionnellement dans l’absolu. Perdant dès lors de plus en plus contact avec les hommes et les femmes de la base, qui vivent nécessairement et heureusement au cœur du relatif. Absolu dont la hiérarchie veut non seulement être le porte-parole, mais auquel elle est même tentée de s’assimiler. Ce que Rome énonce, elle l’attribue à Dieu lui-même. Tel ce cardinal revenant du conclave qui avait élu Jean-Paul I et qui déclarait: «L’Esprit-Saint a choisi comme pape Albino Luciani».
Ainsi, s’identifiant entièrement à Dieu, ou même identifiant Dieu à ses propres choix et décisions, la distance qui sépare, qui distingue le fini de l’infini est comblée par un magistère doté de la plénitude de l’Esprit. L’infaillibilité se situe dans la pleine logique de cette fusion entre une caste consacrée et l’Éternel. Le pardon donné par le prêtre engage Dieu, de même que l’absolution refusée au pénitent jugé sans contrition. C’est Dieu lui-même qui, par la voix autorisée de ses représentants, écarte de la table de communion les divorcés remariés. Les prescriptions morales de l’Église deviennent intangibles, pour tous les temps, puisqu’elles sont l’expression de la volonté divine. Rien n’est discutable, aucun enseignement n’est modifiable ni perfectible, puisqu’il émane de Dieu lui-même par révélation directe ou inspiration privilégiée de l’Esprit-Saint. C’est dans cette même perspective qu’une prise de position vaticane est considérée comme irréformable, qu’un refus, tel celui du sacerdoce féminin, est déclaré définitif.
Ainsi donc, à l’absolu de Dieu on entend identifier l’absolu du Verbe, que son insertion dans l’humain ne modifierait en rien. Ce même absolu, on l’attribue à l’Église, «inséparablement unie à son Seigneur… Église du Christ qui continue à exister en plénitude dans la seule Église catholique» (Dominus Jesus, n.16). Ce qui justifiera que le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui peuvent à leur tour se mouvoir dans le même absolu. Aucune différence, aucun hiatus entre ces différents degrés d’appartenance à l’absolu de Dieu. En définitive, toute distance est franchie, sans altération aucune, voire abolie, entre le Pontife Romain et l’Absolu divin. Dans cette logique, il n’y a d’autre salut pour le chrétien catholique qu’une adhésion inconditionnelle au magistère. Si on n’adhère pas totalement, «on risque de transformer le Royaume en un objectif purement humain» (idem, n.18).
Cet absolu, par lequel la hiérarchie entend conférer une autorité incontestable à ses énoncés et prises de position, lui interdit tout dialogue réellement ouvert, celui-ci n’étant possible que dans la reconnaissance de ses propres limites. Limites qui sont aussi nos frontières, c’est-à-dire nos portes d’accès à la vérité de l’autre. L’absolu isole, en se situant dans la sphère de l’intouchable, de l’indiscutable. Le relatif ouvre à la rencontre, à l’écoute, à l’échange, à la relation ouverte.

Qu’est devenu le peuple de Dieu ?
Les gardiens de l’absolu deviennent peu à peu une tranche d’humanité mis à part, au-dessus du lot, détentrice de perceptions que la masse n’aurait pas. Leur emprise sur «les autres, non bien sûr comme privilège mais comme service», dépossède progressivement les fidèles de leur autonomie. C’est-à-dire de leur capacité de s’auto-gérer. L’obéissance-soumission, inculquée comme vertu majeure, sape la dignité de l’homme debout, responsable et solidaire.
Ainsi s’établit progressivement et se fige une distinction, une séparation, une différence déclarée même essentielle entre magistère et peuple fidèle, entre prêtres et laïcs, entre détenteurs de pouvoirs sacramentels et la masse des chrétiens. Masse que beaucoup désertent, car ces hommes et ces femmes, chargés de responsabilités multiples dans la vie courante, acceptent de moins en moins de n’être que des chrétiens de seconde zone, auxquels on dénie la capacité d’être adultes dans l’Église. La multiplication des rappels à l’ordre, comme les déclarations péremptoires du magistère, loin de rétablir la communion, ne font qu’accentuer la crise et écarter de l’Église officielle tant de bonnes volontés. Quel avenir à moyen terme pour une institution qui interpelle de moins en moins les forces vives d’un univers en pleine mutation?
La réaction d’une partie importante du peuple chrétien peut être interprétée comme la révolte adolescente de l’esprit moderne qui refuse tout ce qui est difficile et exigeant. N’exprimerait-elle pas, plus fondamentalement, l’exigence humaine de s’assumer, d’être créateur, d’oser être responsable, même à l’égard et vis-à-vis de Dieu? Exigence probablement autrement plus difficile, plus risquée, que la soumission inconditionnelle à une autorité sacralisée.
Est-ce l’homme debout, en dialogue avec son Dieu, que l’athée récuse? Peut-être. II refuse en tout cas tout ce qui dans la religion suppose l’homme prostré, téléguidé, soumis, «obéissant jusqu’à la mort». Personnellement, je suis tout autant enclin à le refuser au nom de ma dignité humaine, mais également au nom de ma foi de chrétien. Un des fils conducteurs du comportement de Jésus, tel que les évangiles le décrivent, est la manière dont à tout moment et à l’égard de chacun, si paralysé ou aveugle soit-il, il l’invite, il l’aide à se mettre debout. Se construire comme «fils» requiert de quitter l’obéissance-soumission. l’adhésion fusionnelle avec Dieu et, plus difficile encore, avec «ses représentants sur terre, le corps épiscopal».

La foi religieuse au cœur de l’humain
La dimension religieuse reste au centre de la quête de sens et de la cohérence qu’acquiert davantage ma vie, en avançant en âge. Une option religieuse, qui cependant ne tombe plus du ciel, ni a fortiori des hautes sphères de l’Église, mais qui émerge de notre condition humaine.
L’humanité a été de tout temps marquée d’une aspiration d’infini qui vient peut-être d’ailleurs, mais que je ne puis percevoir qu’au cœur de l’épaisseur de notre condition terrestre, et avec nos ressources humaines, toujours limitées. Donc, dans le relatif et le contingent.
Dans un univers dont on mesure de plus en plus l’avancée difficile et souvent dramatique, c’est en solidarité active avec tous, de quelques horizons soient-ils, que je me sens impliqué. Là où, au nom de ce qui nous distingue et grâce à nos apports différents, nous nous engageons dans cette tâche commune de nous rendre, et de rendre les hommes et les femmes un peu plus humains. C’est là que s’incarne authentiquement, me semble-t-il, l’aspiration religieuse. Insertion autrement plus difficile, car sans cesse mise en question par un univers aux multiples et diverses sagesses de vie, qu’en s’isolant dans une sphère religieuse quelque peu enfermée dans ses propres ressources.
Être présent, loyalement, activement, dans l’humain mais sans y être enfermé, est-ce possible? Par ailleurs, en cherchant à se suffire à elle-même, la condition humaine rend-elle compte de tout ce qu’elle porte en elle de possibilités et d’aspirations? Et s’il faut un monde laïque agnostique et athée pour nous ramener sans cesse à l’humain, ne faut-il pas tout autant des «croyants» apportant dans l’effort commun l’interrogation religieuse, voire même la saisie d’une béance, d’une présence autre, transcendante?
Cependant, il importe à tout prix que les religions cessent de vouloir régenter le monde au nom d’une autorité sur-naturelle, dont elles seraient les porte-parole patentés. Comment ne se rend-on pas compte de l’indécence, voire du ridicule qu’il y a à prétendre posséder seul toute la vérité, ou à se déclarer soi-même infaillible? Ce ne sont pas les proclamations auto-construites, mais la réalité vécue qui peut seule montrer ce qu’il en est. Les faits parlent d’eux-mêmes, et un simple regard sur l’histoire devrait rendre infiniment plus modeste.
J’attends certes de mon Église qu’elle ait, à l’occasion, une parole concernant les grandes interpellations éthiques de notre époque. À la condition que ce soit une parole émanant de l’Église, résultant d’une large confrontation à l’intérieur de la communauté des fidèles. Confrontation stimulée par un magistère conscient de l’apport indispensable des chrétiens insérés le plus intimement dans les situations concernées, les mieux aptes à porter un regard d’Évangile sur les questions en litige. Parole d’autant plus pertinente qu’elle est modeste, qu’elle approfondit le questionnement, plutôt que d’apporter des réponses catégoriques au nom d’une autorité venue d’ailleurs. Parole qui se situerait alors en dialogue véritable, sur pied d’égalité, avec les autres instances morales ayant tout autant voix au chapitre.
Cependant, bien au-delà des interventions morales, j’attends des religions, et en particulier de mon Église – et ce devrait être leur apport spécifique – une parole de foi. Une parole qui contribue à faire sens, qui donne du souffle, qui élargit l’horizon, qui étaye la confiance et l’espérance. Ici encore, ce ne sera une parole d’Église que si elle est faite, non de formules, mais de la densité de ce que vit la communauté fidèle, communauté de ceux qui tentent, dans leur existence concrète, de vivifier dans l’aujourd’hui la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

Extrait de Rue de la Pré-Voyance: Essais sur la pensée de Pierre de Locht, publié aux éditions Feuilles Familiales en 2003. Lorsqu’il a rédigé ce texte sur l’évolution de sa foi, Pierre de Locht n’avait pas connaissance des diverses contributions de ce livre collectif dont on trouvera une présentation détaillée sur le site de Couples et Familles.

 

Les femmes au tombeau de Jésus

6 avril, 2015

Les femmes au tombeau de Jésus dans images sacrée 10%20ENLUMINURE%20EVANGELIAIRE%20OTTON%20III%20B

http://www.artbible.net/3JC/-Mat-28,01_Women_Resurrection_Femmes/2nd_16th_Siecle/slides/10%20ENLUMINURE%20EVANGELIAIRE%20OTTON%20III%20B.html

BRUITS DE JÉRUSALEM

6 avril, 2015

http://www.revue-kephas.org/02/1/Venard67-73.html

BRUITS DE JÉRUSALEM

Janvier–Mars 2002

Fr. Olivier-Thomas Venard *

« – Vous restez quinze jours dans le pays et vous avez envie d’écrire un article; un mois et vous songez à un livre. Au bout d’un an vous hésitez à écrire une page… Et au bout de quarante ans – moi ça fait quarante ans que je suis là – vous ne comprenez plus rien ! ». Ces quelques mots d’une sœur du Carmel apostolique rencontrée récemment, révoltée par les attentats atroces qui viennent d’ensanglanter Jérusalem, suffisent à décrire ce que vous allez lire ici, chers amis de Kephas : non point une analyse, non pas même un témoignage, mais de simples impressions… Il paraît que toute connaissance commence par les sens; alors, il sortira peut-être quelque lumière de ces impressions diverses ? La vérité sortira de Sion et de Jérusalem la Parole du Seigneur, prophétisait jadis Isaïe…
Ce matin, j’étais à la Grotte où Jésus fut trahi – l’une des grottes, à en croire nos frères orientaux, où le Sauveur donnait à ses amis les plus proches un enseignement mystique que les foules plus nombreuses ne pouvaient comprendre, au pied du Mont des Oliviers, dans la Vallée du Cédron. C’est un des points les plus profondément enfouis de Jérusalem sans doute, la température y est constante et l’atmosphère maternelle; là, le frère Pacifique, un vieux franciscain levantin, vous réconcilie avec le Bon Dieu et vous parle doucement du ciel et de la joie de la Vierge immaculée, dont on vénère la Dormition dans une crypte voisine.
Ce matin, un vieux moine éthiopien, visage émacié et brun, dans ses amples habits de laines sombres, y discutait avec Jésus et avec Marie, prenant à témoins leurs images sur les fresques médiocres et pieuses qui ornent la grotte, et comptant avec l’index d’une main je ne sais quoi sur les doigts de son autre grande main ouverte. Comme un aveugle qui connaît en touchant, il passe la paume de sa main sur la partie de la fresque qui représente les apôtres en prière autour de la Vierge qui s’endort, et murmure des prières : dis, quand reviendras-tu ?
En remontant, dehors, je me retrouve dans la réverbération du soleil sur les tombes innombrables des pentes de la Vieille Ville, dans l’air bleu et froid, empuanti par une circulation dense et polluante. De nombreux cars aux standings divers déversent les musulmans par dizaines, qui viennent prier dans les mosquées de la Ville sainte, plus nombreux que d’habitude en ce jour de ramadan. Car nous sommes en ramadan. Impossible de dire « ils sont » en ramadan, car tout est fait pour vous y faire entrer, de gré ou de force.
Le muezzin de ramadan, de jour et de nuit, avec une voix nasillarde, vous inculque de longs versets comme une vrille cherche à percer un trou dans un mur.
Le muezzin qui parfois vous émeut – le muezzin de deuil qui accompagne de ses déplorations la souffrance de tout un peuple privé de ses droits.
Le muezzin, surtout, qui vous exaspère.
Le muezzin qui hurle, chat dans la gorge ou pas, voix juste ou pas, derrière son mégaphone, et dont les émissions sonores vous sont balancées par de puissants haut-parleurs braqués spécialement sur vous, malheureux chrétien qui avez bâti sur cette terre un couvent, une église (tous les lieux chrétiens, même les monastères isolés se voient ainsi dotés par l’islam de persécuteurs acoustiques, jusqu’au Saint-Sépulcre qui reçoit ses doses quotidiennes de Coran, expédiées des mégaphones fixés sur l’un des deux minarets qui le flanquent symétriquement, comme deux mauvais larrons glapissants).
Les muezzins, dont les phonations se relient en une chaîne inquiétante qui trouble votre sommeil, de quatre heures à quatre heures et demi du matin, – et qui enclosent la ville dans un cordon d’effets-Larsen délirant comme des djinns enivrés.
Appels à la prière, ces nuisances sonores ?
« Ils supportent bien tes cloches » me dit-on. Certes. Je crois pourtant que la comparaison n’est pas exacte : pas plus que le mugissement du shofar – début du shabbat, le vendredi après-midi –, le son abstrait des cloches et la brièveté de leurs sonneries ne sont comparables à cette voix qui cherche à faire effraction en votre âme. Il était beau, jadis, l’effort humain du croyant qui montait en son minaret, et de toute la force de son corps de chair, cherchait à entrer en relation avec vous, cherchait à vous persuader de l’écouter, vous qui habitiez un autre corps égal au sien ! Mais la beauté de ce dialogue idéal sous le regard de Dieu est désormais défigurée par la hideuse technique qui transforme la proposition en imposition, le chant en nuisance, l’offrande en violence…
La construction en cours d’une mosquée islamiste à Nazareth, dont on se scandalise aujourd’hui dans le monde chrétien, n’est qu’un cas parmi d’autres de la grossièreté des comportements communautaires de l’islamisme, ici, mais aussi de la lente régression nationaliste du judaïsme israélien.
Le machiavélisme politique du « diviser pour régner » semble offusquer toute intelligence profonde des faits religieux musulman et chrétien dans l’administration israélienne. Si rares sont les voix juives, en Terre sainte, qui osent encore s’élever, aujourd’hui, pour continuer la tradition humaniste universaliste héritée des prophètes anciens et illustrée avec éclat par Emmanuel Lévinas au siècle dernier. « Le peuple juif », écrivait-il jadis, « était avide de sa terre et de son État, non pas à cause de l’indépendance sans contenu qu’il en attendait, mais à cause de l’œuvre de sa vie qu’il pouvait enfin commencer. Jusqu’à présent il accomplissait des commandements; il s’est forgé plus tard un art et une littérature, mais toutes ces œuvres où il s’exprimait demeurent comme les essais d’une trop longue jeunesse. Enfin arrive l’heure du chef-d’œuvre. C’était tout de même horrible d’être le seul peuple qui se définisse par une doctrine de justice et le seul qui ne puisse l’appliquer » (Je trouve ces propos dans un article de l’édition française du Jerusalem Post, le 7 janvier 1997).
L’heure du chef d’œuvre ! La réalité sociale que vous découvrez dans l’Israël d’aujourd’hui, avec ses restrictions administratives larvées, plus ou moins programmées par tel parti juif intégriste, contre la présence chrétienne dans le pays, et l’apartheid de fait sinon de droit imposé aux Palestiniens, est un démenti formel de ces paroles. Le philosophe continuait ainsi : « la subordination de l’État à ses promesses sociales articule la signification religieuse de la résurrection d’Israël comme, aux temps anciens, la pratique de la justice justifiait la présence sur une terre. C’est par là que l’événement politique est déjà débordé ». Mort en 1995, Lévinas aura eu la consolation de ne pas connaître l’extraordinaire décrue de la justice dans ce pays où la terreur d’un État sans scrupule répond au terrorisme d’une population sans espoir…
L’air de Jérusalem est saturé de bruit. Êtes-vous à l’oraison, recueilli dans la chapelle du Saint-Sacrement ? De bon matin, le vieil air d’une ballade irlandaise (oui, irlandaise !), joué sur un timbre électronique, signale le début des cours dans la Schmidtschule voisine, une pension tenue par des religieuses allemandes, pour jeune filles arabes presque plus voilées qu’elles… Avec cette mélodie enfantine, des images de petits jouets musicaux pendus au ciel d’un berceau, des impressions très douces de toute petite enfance vous reviennent… Et puis soudain la vibration sourde d’une explosion vous traverse, suivie après quelques instants de silence d’un concert affolé de sirènes… C’est seulement quelques heures plus tard, en écoutant la radio, ou au cours d’une conversation, à table, que vous avez confirmation de votre sombre pressentiment.
Un attentat.
Urgence de prier pour tant d’innocents massacrés.
Alors tout bruit finit par vous donner un coup au cœur. Les coups de canon, les explosions de pétards ou de feu d’artifices en plein jour, qui font trembler vos vitres et qui indiquent la fin du jeûne un peu forcené des musulmans et le moment de se livrer à la nourriture et à la boisson. Mais aussi la porte d’un frère qui claque, au fond du couloir de la clôture, un livre qui s’effondre sur une de vos étagères ! Un de vos volets que le vent, parfois très fort à huit cent mètres d’altitude, fait claquer…
Le timbre violent des klaxons de la Police israélienne en véhicules blindés, les cris rauques et hautains des jeunes soldats chargés du maintien de l’ordre.
Les grondements des hélicoptères qui rassurent ou intimident, selon qu’elles portent résille ou tchador, kippah ou keffieh, les populations qui vivent ici.
Les marteaux piqueurs que la folie des grandeurs techniques, décidément planétaire, utilise ici, pour défoncer un sol jamais ouvert depuis des millénaires. Bruit en rafales du métal qui attaque le roc, que je confondais, les premiers jours, avec celui des armes automatiques, au loin, du côté de Gilo et de Bethléem…
Et les sirènes d’alarmes des automobiles, exaspérantes, qui se déclenchent à chaque fois qu’un des bruits sus-dits fait par trop vibrer la voiture…
Sinistres bruissements de la mort, qui s’ébroue ici chez elle depuis deux mille ans qu’elle s’imagine s’être débarrassé de l’Innocent.
Bruits de la vie aussi.
Baignés dans des mélopées arabes occidentalisées, entêtantes comme un musc de mauvaise qualité, des enfants, de jeunes adolescents, des vieillards édentés, porte de Damas, crient pour vendre les menues marchandises venues d’Extrême Orient par pleins containers, ainsi que toute une quincaillerie de première ou de deuxième main… Parmi ces vendeurs improvisés, des universitaires, des ingénieurs palestiniens bien sûr – dans une société où soixante personnes actives sur cent n’ont pas ou plus de travail, il faut survivre ! Certains, pour couvrir les autres, ont maintenant un mégaphone et leurs boniments rejoignent les fréquences sonores des imprécations policières. Plusieurs de ces marchands improvisés ont construit des placards métalliques contre les murs; « indics » à la petite semaine, ils sont finalement tolérés par la police et l’armée de l’État israélien…
Piaillerie grouillante du souk, demandes plaintives de ces dignes femmes palestiniennes dans leurs robes traditionnelles rebrodées au petit-point, voile léger sur la tête, tapies à même le sol derrière des tas de plantes aromatiques, décibels flasques et rythmés des petits marchands de musique, cris devant ou derrière des porteurs de marchandise, sur la tête ou dans leurs petits chariots de bois.
Bruits de la vie : un petit garçon hurlant sous la tondeuse du coiffeur à côté du Saint-Sépulcre, devant un écran de télévision où passe un sitcom arabe dans lequel la femme occidentale de l’Arabe richissime glapit, battue ou trompée par son mari…
Enfin, vous y êtes, vous entrez au Saint-Sépulcre.
En vous prosternant pour baiser la pierre de l’Onction, dans l’entrée, votre médaille ou votre croix tinte contre le marbre usé et, comme une conséquence de ce tintement, comme si ce bruit infime déclenchait dans ce sombre espace une réaction en chaîne, s’élève du fond de l’édifice une mélodie familière et pourtant intrigante : les Franciscains et quelques pèlerins intrépides ont commencé la procession quotidienne en l’honneur de la Passion de Jésus. Ils avancent de station en station, dans l’espace vaste et encombré de l’édifice. Le temps d’entrer dans l’édicule de la Tombe et d’y embrasser la couche où fut posée le précieux Corps, dans le froissement de sac plastique d’une dame qui sort des chapelets pour les poser sur le lieu béni, et déjà une deuxième rumeur commence, à un autre endroit dans l’édifice. Ce sont les petits-séminaristes Arméniens qui commencent leur procession.
Rapidement, une émulation lancinante s’empare des deux cortèges, et le volume sonore s’amplifie. Le grégorien méditerranéen des franciscains prend une allure de marche militaire, les mélopées arméniennes s’enflent comme les vagues de la mer, et le brouhaha emplit l’édifice; finalement, le bruit d’une porte qui claque et la vibration d’une soufflerie puissante en décident : l’orgue des franciscains lance ses premières notes, tandis que la procession des Frères mineurs approche de la chapelle où il trône, les Arméniens sont « enfoncés », provisoirement, le temps que se termine la première procession et que la leur retrouve ses droits musicaux… À d’autres heures du jour et de la nuit, semblables étranges joutes vocales se déroulent, où les Grecs Orthodoxes jouent une partition encore plus fournie… Émulation sonore, plutôt que musicale, des diverses confessions chrétiennes au Saint Sépulcre.
Un seul refuge, souvent : les deux « chapelles » superposées des Éthiopiens, dont le monastère de bric et de broc est blotti sur le toit du Saint-Sépulcre. Dans ces pauvres pièces, où l’accumulation de vilains objets pieux souvent d’origine occidentale vous donne étonnamment envie de prier, ces moines sans revendication hululent des polyphonies pleines de l’énergie tellurique de l’Afrique et de la certitude d’une espérance qui ne vient pas de ce monde. Alle…lu…ia… : Dieu… est… avec nous… Les syllabes entrecoupées de glossolalies vous convainquent de Sa Présence aussi évidente que discrète, dans les cœurs qui simplement le cherchent.
Jérusalem, Ville de la paix, lieu biblique. Jérusalem ville archaïque doucement patinée comme une vieille page de missel, comme une antienne grégorienne paisiblement chantée dans une abbatiale séculaire. Jérusalem ville mystique pour le cœur chrétien, lieu de la Pâque de Jésus, des mystères de notre salut ! Cité alanguie dans le soleil d’Orient et la poussière antique… Non. La première impression qui frappe, à Jérusalem est la masse sonore que la ville secrète. Vous pensiez qu’on se disputait la terre, seulement, à Jérusalem. Mais à Jérusalem, on se dispute même l’espace acoustique. On comprend alors l’attrait des Hashkénazes pour la musique classique, plus vivante dans ce pays violent que partout ailleurs : un peu d’harmonie, de grâce ! On comprend que les monastères bénédictins ou cisterciens de Latroun, d’Abu Gosh, ou du Mont des Oliviers intriguent et attirent tant d’israéliens, y compris les soirs de Noël ou de Pâques !
Pourquoi tant de bruit ?
L’idée me vient qu’ici comme ailleurs, ici plus qu’ailleurs, il y a un silence que l’homme veut s’empêcher d’entendre par tous les moyens. Un silence accusateur pour toute injustice.
Le silence de l’Agneau qui expire en un bruit de très fin silence et fait enfin naître, en qui Le regarde, la conscience !
Sa voix résonne encore, ici, que l’on veut à tout prix faire taire. Pourtant, depuis ses derniers mots, tout est accompli. À Jérusalem, l’histoire des hommes ressemble à un bégaiement séculaire.
L’humanité, bouche bée, attend le retour glorieux de son Dieu.

Jérusalem, Avent 2001

* Dominicain, ancien élève de l’E.N.S. (Saint-Cloud), agrégé de Lettres modernes. Étudie l’exégèse.

AU PLUS INTIME DE L’HOMME, LA PRIÈRE DE DIEU

6 avril, 2015

http://www.culture-et-foi.com/texteliberateur/jean_marie_kohler_priere_de_dieu.htm

AU PLUS INTIME DE L’HOMME, LA PRIÈRE DE DIEU

Jean-Marie Kohler

(Texte paru dans le n° 57 de la revue Les Réseaux des Parvis, en introduction d’un dossier intitulé Prier et Célébrer)

Que signifient au regard de l’évangile les prières qui montent de l’humanité depuis la nuit des temps, et l’inapaisable attente qui taraude le monde contemporain orphelin de Dieu ? Ne découlent-elles pas toutes d’une même source qu’aucune religion ne peut s’approprier ? De fait, la glaise qui nous constitue est animée par un souffle qui vient d’ailleurs : le désir d’amour et d’infini qui inspire l’être humain témoigne de la parole créatrice dont le monde est issu et dont il ne cesse de relever. Dieu habite le cœur des hommes et sa présence est prière pour qu’ils vivent pleinement, pour révéler à chacun sa part de vérité et l’inviter à la partager.

L’héritage de la prière originelle et ses dérives
L’homme a d’abord prié pour conjurer les périls face auxquels il se sentait impuissant – calamités naturelles et ravages des guerres, famines et misère, maladies des hommes et des bêtes, stérilité et mort. Les forces surnaturelles sollicitées étaient multiples, des génies locaux et des ancêtres familiaux à un Dieu unique en passant par une foule de divinités intermédiaires. À la façon des humains, ces dieux avaient leurs affects et leurs convoitises. Détourner leur colère ou obtenir leur secours passait par des contreparties sacrificielles généralement codifiées, sanglantes ou symboliques. Des sacrificateurs et des prêtres servaient de médiateurs. Mais la beauté de l’art religieux archaïque témoigne d’un dépassement ancien des rapports utilitaires plus ou moins magiques liés aux besoins primaires.
Le christianisme s’est très tôt greffé sur ces croyances premières et les a transformées, produisant des formes de piété sublimes ainsi que maintes superstitions. Des sources ont vu leurs vertus miraculeuses se pérenniser sous l’égide de l’Église, des hauts-lieux telluriques ont été surmontés de calvaires et de basiliques, et la liturgie s’est déployée avec le faste des cultes impériaux en lieu et place des religions païennes. Substituée aux puissances congédiées, la Trinité allait souverainement gouverner le cosmos et l’humanité, assistée par la cour céleste et relayée sur terre par le clergé. Proclamée « Mère de Dieu » et « Reine de la terre et du ciel », la Vierge Marie s’est trouvée investie d’un rôle d’intercession d’une considérable portée affective, entourée d’innombrables saints. Le ciel entendait toutes les prières, mais c’est toujours la sagesse divine qui avait le dernier mot et qui devait être louée pour cela.
Aujourd’hui, ces croyances concernant la prière ne se perpétuent plus guère que chez les pauvres où les catastrophes et la misère remplissent les églises, dans les milieux dont la religion est instrumentalisée à des fins politiques, et chez les traditionalistes. Rares sont en Europe les croyants qui prient encore pour obtenir le soleil ou la pluie, le succès à un examen ou un gain au loto. La médecine apparaît plus efficace que les dévotions. Et à la guerre, mieux vaut se fier aux armes qu’à l’appui des cieux. L’idéologie moderne considère que l’histoire du monde est largement autonome et qu’il est absurde de demander à Dieu d’intervenir contre le cours normal des choses. Abuser de la crédulité populaire est jugé indigne, de même que culpabiliser les plus faibles en leur reprochant de ne pas prier assez pour mériter de vivre humainement.
L’homme émancipé honnit le Dieu inquisiteur et pervers qui poursuit ses créatures pour comptabiliser leurs fautes et les punir sous le prétexte de vouloir les sauver par amour [1]. Et depuis les deux Guerres mondiales et la Shoah, le trône du Tout-Puissant n’est plus qu’une chaise vide surplombant des millions de cadavres innocents. La crédibilité de la prière de demande s’est effondrée en même temps que des pans entiers des attributs de la divinité. Mais loin de traduire un recul regrettable, cette évolution peut réveiller la spiritualité évangélique qui, grâce aux Églises et en dépit de leurs trahisons, a toujours survécu dans les profondeurs du christianisme. Ressurgit alors le visage du Dieu d’amour qui a pris chair pour délivrer les hommes de leurs maux, un Dieu qui se donne sans acception de religion et qui déteste d’être supplié et glorifié par des êtres humiliés et transis de crainte.

Libérer la prière dans le sillage du Christ
Quand Jésus se retirait pour prier, il situait Dieu dans les cieux selon les conceptions de son époque, croyait à la toute-puissance divine et pensait que la fin du monde était proche. Mais, en amont de ces déterminations culturelles, il se tournait vers la source de son être pour intérioriser les vues de celui qu’il appelait son Père et accomplir sa volonté. Il a déclaré inutile de multiplier les supplications puisque Dieu sait ce dont ses enfants ont besoin. Loin des louanges ampoulées et interminables qu’affectionnent les dévots, le « Notre Père » qu’il a enseigné à ses disciples représentait un exemple de prière courte allant droit à l’essentiel : qu’adviennent la miséricorde et le pardon du royaume de Dieu, et qu’il soit donné à chacun de manger à sa faim. Des choses toutes simples qui exprimaient l’absolue confiance que Jésus avait en son Père et en la vie émanant de lui.
L’heure est venue d’adorer Dieu « en esprit et en vérité » et non plus dans les sanctuaires, a dit Jésus à la Samaritaine. Reprenant à son compte cet oracle d’Osée : « C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice », il a chassé du Temple les marchands qui vendaient des bêtes pour les holocaustes. Un choix crucial qui l’a conduit à relativiser les sacro-saintes règles de la pureté rituelle pour rejoindre les exclus. Il a guéri les malades dont le mal était associé au péché, a fréquenté les lépreux, les prostituées et les publicains. À la pureté relevant du clivage entre le sacré et le profane, entre les élus et les autres, il a substitué, adressée à toute l’humanité par delà la religion, une invitation à transfigurer l’homme et le monde. Le récit de la déchirure du voile du Temple au moment de sa mort symbolise ce bouleversement radical.
L’évangile a constitué une révolution irréversible. Que le voile du Temple soit sans cesse raccommodé par des Églises tentées de restaurer la religion primitive n’y change rien. Le moindre acte de bonté contribuant à humaniser le monde anticipe le règne de Dieu, avec ou sans religion. Il n’existe pas d’autre prière que celle que Dieu lui-même exprime au plus profond de l’homme. Parole aussi vaste et ardente que l’amour, contemplation et jubilation aux heures de joie, espérance et consolation dans la détresse ou la révolte. Gratitude pour la beauté de la création, pour la fécondité des communions et la joie des béatitudes, cette parole est aussi acceptation sereine de la finitude, des blessures et de la mort. Aucune prière ne se perdra en fin de compte : tous les hommes qui rêvent de vivre pleinement leur humanité partagent le rêve de Dieu, sa prière et son action créatrice.

Si Jésus revenait…
On peut penser que le Christ ferait aujourd’hui à peu près la même chose qu’il y a deux mille ans. Fidèle à la prophétie d’Isaïe par laquelle il a inauguré son ministère, il s’efforcerait de contribuer à affranchir les hommes des esclavages religieux et profanes qui les aliènent. Sa vie et sa prière continueraient à être celles de Dieu au milieu des hommes. Mais la fin du monde que Jésus avait crue proche n’apparaissant plus imminente, il serait amené à expliciter davantage les implications politiques de son message libérateur. Confronté à la diversité des religions et à la sécularisation, se réclamerait-il du christianisme historique ? Nul ne peut l’affirmer. Seule certitude : il risquerait sa vie pour incarner l’amour. Et son aventure se terminerait sans doute comme précédemment : individu dérangeant et dangereux, il serait déclaré fou par sa famille et condamné de concert par les pouvoirs religieux et politiques.
N’ayant jamais cessé d’être présent, le Christ n’a pas à revenir. À la merci de l’humanité, il demeure vivant pour toujours, priant les hommes de le reconnaître et de l’accompagner au service des plus petits. Resituant l’évangile parmi les pauvres à partir de leurs aspirations matérielles et spirituelles, la théologie de la libération balise cette voie dans le monde contemporain – combat et prière. Partager le pain et le vin pour donner corps à la parole du Christ en nous engageant à sa suite, symbole de la prière évangélique, peut se vivre de mille façons selon les cultures et les circonstances. Ne comptent que la miséricorde, la justice et la paix, l’abondance de vie et de joie partagées qui en découlent, car le Dieu des béatitudes est au delà de tous les dieux et de tous les cultes, et c’est sa prière que l’humanité est appelée à exaucer.

Bonheur et illusions liturgiques
Pour s’accomplir et contribuer à humaniser le monde, l’homme a besoin de médiations symboliques vécues en communauté. Sauf à se cantonner dans une austérité solitaire et stérile, il a besoin de commémorations, de rites et de fêtes pour se ressourcer et prendre de nouveaux départs. Loin de n’être que des cérémonies formelles et répétitives, les célébrations liturgiques peuvent constituer des moments créatifs de vie et d’heureuse communion. Noël, Vendredi saint et Pâques ne peuvent se vivre chaque jour qu’en étant périodiquement réactualisés de manière solennelle et partagée.
Mais quand la liturgie revêt les attributs du sacré et se pare d’une esthétique figée à l’avenant, quand elle prétend garantir aux élus qui la pratiquent un accès immédiat au divin, elle n’est qu’illusion ou imposture menant à l’idolâtrie. N’est divin que l’amour vécu en notre monde : reconnaître et servir Dieu n’est possible qu’à travers le service d’autrui sous le signe du lavement des pieds. Plutôt que d’anticiper la contemplation de la face de Dieu et les célébrations célestes par delà les problèmes du monde, nous avons vocation à faire advenir un peu de ciel sur la terre en assumant le trivial et sublime quotidien des hommes.

[1] Se reporter à Maurice Bellet.

Joyeuses Pâques

4 avril, 2015

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Résurrection, Église Orthodoxe Grecque

4 avril, 2015

Résurrection, Église Orthodoxe Grecque dans images sacrée 21%20ICONES%20MYRRH%20BEARING%20WOMEN
http://www.artbible.net/3JC/-Mat-28,01_Women_Resurrection_Femmes/17th_21th_Siecle/slides/21%20ICONES%20MYRRH%20BEARING%20WOMEN.html

PAPE FRANÇOIS: N’AYONS PAS PEUR DE LA JOIE (Sanctae Marthae, 2014)

4 avril, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/cotidie/2014/documents/papa-francesco-cotidie_20140424.html

PAPE FRANÇOIS

MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE

Jeudi 24 avril 2014

(L’Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 20 du 15 mai 2014)

N’AYONS PAS PEUR DE LA JOIE

Il y a beaucoup de chrétiens qui ont « peur de la joie ». Des chrétiens « chauves-souris », comme les a qualifiés « avec un peu d’humour » le Pape François, qui ont toujours des « têtes d’enterrement » et se déplacent dans l’ombre au lieu de viser « à la lumière de la présence du Seigneur ». Le fil conducteur de la méditation proposée par le Pape a été justement le contraste des sentiments éprouvés par les apôtres après la résurrection du Seigneur : d’un côté, la joie de le penser ressuscité et, de l’autre, la peur de le voir à nouveau au milieu d’eux, d’entrer en contact réel avec le mystère. « Il y a un mot dans ce passage de l’Évangile (Luc 24, 35-48) qui nous explique bien ce qui s’était passé à ce moment-là ». En substance, les disciples « préféraient penser que Jésus était une idée, un fantôme, mais pas la réalité ». Et « tout le travail de Jésus était de faire comprendre qu’il était réalité : “Donnez-moi à manger, touchez-moi, c’est moi ! Un fantôme n’a pas de chair, n’a pas de corps, c’est moi !” ». En outre, « nous pensons que cela advient après que certains d’entre eux l’avaient vu pendant la journée : ils étaient sûrs qu’il était vivant. Que s’est-il passé ensuite, on ne sait pas… ». Le passage évangélique suggère, que « la peur de la joie est une maladie du chrétien ». Nous aussi « nous avons peur de la joie » et nous disons à nous-mêmes qu’« il vaut mieux penser : oui, Dieu existe, mais il est là-bas, Jésus est ressuscité, il est là-bas ! ». Comme pour dire : gardons « un peu de distance ». Et ainsi « nous avons peur de la proximité de Jésus, parce que cela nous donne de la joie ». Cette attitude explique aussi pourquoi il y a « tant de chrétiens d’enterrement », dont « la vie semble un enterrement continuel ». Des chrétiens qui « préfèrent la tristesse et non la joie ; ils se meuvent mieux non pas dans la lumière de la joie, mais dans les ombres ». Tout comme « ces animaux qui ne réussissent à sortir que la nuit mais qui à la lumière du jour ne voient rien. Comme les chauves-souris ! Et avec un peu de sens de l’humour, nous pouvons dire qu’il y a des “chrétiens chauves-souris”, qui préfèrent les ombres à la lumière de la présence du Seigneur ». « Nous avons peur de la joie et Jésus, avec sa résurrection, nous donne la joie : la joie d’être chrétien, la joie de le suivre de près, la joie d’aller sur les routes des béatitudes, la joie d’être avec lui ». C’est pourquoi il faut surmonter « la peur de la joie » et penser à combien de fois « nous ne sommes pas joyeux parce que nous avons peur ». Comme les disciples « avaient été battus par le mystère de la croix ». D’où leur peur. « Et là d’où je viens, il y a un proverbe qui dit : celui qui se brûle avec du lait bouillant, pleure quand il voit une vache ». Et ainsi, les disciples, « brûlés par le drame de la croix, ont dit : non, arrêtons-nous ici! Lui est au ciel, ça va très bien, il est ressuscité, mais qu’il ne vienne pas une autre fois ici parce que nous n’y arrivons pas ! ». Le Pape François a conclu sa méditation en invoquant le Seigneur afin qu’il « fasse avec nous tous ce qu’il a fait avec les disciples qui avaient peur de la joie: ouvrir notre esprit ». Et « qu’il nous fasse comprendre qu’il est une réalité vivante, qu’il a un corps, qu’il est avec nous et qu’il nous accompagne, qu’il a gagné : demandons au Seigneur la grâce de n’avoir pas peur de la joie ». 

ENVOIE TA LUMIÈRE SEIGNEUR! – (Église Orthodoxe Celtique)

4 avril, 2015

http://www.orthodoxie-celtique.net/meditation_pentecote.html

ENVOIE TA LUMIÈRE SEIGNEUR !

(Église Orthodoxe Celtique)

Envoie ta Lumière et ta Fidélité ! Qu’elles me guident, qu’elles me conduisent à ta montagne sainte et à tes demeures (Ps 42, 3) car eu égard au Divin, ténèbre est l’homme, inconstance est l’homme. Bénie es-tu Stabilité suprême et sempiternelle. L’homme contingent, limité, mouvant, perçoit par ta grâce tout le précaire de sa condition terrestre. Sans ton secours et ton intervention magistrale, il ne saurait avoir cette paix que le monde ne sait donner pas plus qu’aucun des habitants du monde, mais Toi seul Très-Haut et Immuable.
Envoie ta Lumière qui seule peut dissiper toutes ténèbres. Sans elle l’homme ne peut y voir clair ; sans Elle il ne saurait progresser vers Toi, sans elle il ne peut être que stagnation et pestilence.
Envoie ta Lumière au vagabond de la nuit terrestre afin qu’elle lui soit un repaire et une direction, autrement tous les pas de sa nuit resteront vains et ne l’approcheront pas de Toi. Seule ta Lumière peut le guider et lui rendre l’espérance, sans Elle il ne sait qu’errer et se morfondre.
Envoie ta Lumière, qu’Elle le guide et le conduise ; sans Elle l’homme ne sait rien, sans Elle l’homme ne sait plus où, ni comment, ni par où, ni vers où se diriger, sans Elle il patauge dans le marécage de la nuit et il titube dans les broussailles des ténèbres.
Envoie ta Lumière parce qu’Elle est une connaissance de Toi, un signe de Toi, une trace de Toi et, qu’en définitive, elle Te révèle, elle Te contient, elle est à Toi.
Envoie ta Lumière, cette connaissance primordiale, qui ne saurait tromper, ni égarer, autrement l’homme n’aura que les feux follets de la nuit de son ignorance pour s’égarer. Il se souvient l’homme, que c’est par ta Lumière que nous voyons ta Lumière, et c’est pourquoi son appel et son cri ne sauraient être que pressants, puisque sans Elle, il est livré à toute son impuissance dans la nuit sombre, il est réduit à grelotter dans la nuit glacée, il est emprisonné dans la nuit de l’angoisse et de la crainte, du doute et de l’effroi, du tremblement et de la peur.
Envoie ta Lumière, Seigneur et ta Fidélité. Que lui servira à l’homme si Tu lui envoies ta Lumière un instant et puis qu’elle se cache. Peut-être aura-t-il avancé quelque peu vers Toi, mais avec tout ce chemin et toute cette nuit, sans Elle il ne pourra absolument plus progresser d’un pas.
Envoie ta Lumière Seigneur, c’est capital, mais envoie La fidèlement, de cette fidélité qui seule est Tienne, ô Toi qui es Fidèle éternellement. À partir de cette pérennité de ta Lumière par une telle nuit, si lentement que ce soit, si difficilement que ce soit, l’homme ne saura plus que se diriger tôt ou tard vers elle.
Envoie ta Lumière et ta Fidélité Seigneur et l’homme viendra à Toi. Qu’Elles le guident et qu’Elles le conduisent, alors il ne risque nullement de s’attarder ou de se tromper de direction. Il parviendra ainsi à ta Montagne Sainte ou Tu trônes dans ta Lumière, il pénétrera dans tes demeures ou Tu sièges dans ta Fidélité.
Envoie ta Lumière et ta Fidélité Seigneur à l’homme ténébreux et faible, à l’homme obscur et chancelant, à l’homme de la nuit et du sable mouvant. Ta Lumière et ta Fidélité lui donneront des ailes d’ange, à l’homme, pour atteindre ta montagne ô Très-Haut et pour entrer dans tes demeures, ô Dieu caché.

Méditation de saint Tugdual, 27 juin 1961.

The Three Marys at the Tomb by Peter von Cornelius, c. 1820

3 avril, 2015

The Three Marys at the Tomb by Peter von Cornelius, c. 1820 dans images sacrée Peter_von_Cornelius_-_The_Three_Marys_at_the_Tomb_-_WGA05274

http://www.catholicvote.org/the-culture-of-life-is-a-culture-of-motherhood/

ÉPHREM DE NISIBE: QUATRIÈME HYMNE SUR LA RÉSURRECTION

3 avril, 2015

http://www.patristique.org/Ephrem-de-Nisibe-Resurrection.html

ÉPHREM DE NISIBE : RÉSURRECTION

QUATRIÈME HYMNE SUR LA RÉSURRECTION

par François Cassingena

Éphrem le Syrien (306-373) a composé de nombreuses hymnes doctrinales, polémiques et liturgiques. Les collections liturgiques célèbrent les grandes fêtes chrétiennes. À cette catégorie appartiennent les Hymnes pascales qui réunissent en réalité trois recueils distincts : les Hymnes sur les Azymes, les Hymnes sur la Crucifixion et les Hymnes sur la Résurrection. Vous découvrirez ci-dessous la quatrième hymne sur la Résurrection.
On sait peu de chose sur la vie d’Éphrem le Syrien (306-373). Son ministère d’allânâ (diacre ?) et d’hymnographe a eu d’abord pour cadre Nisibe, puis Édesse, deux villes de Mésopotamie, l’actuel Iraq. Il a composé un corpus considérable de pièces métriques (madrâ_é) dont la tradition manuscrite est loin de nous laisser, malheureusement, l’intégralité. La thématique de cette vaste activité littéraire est à la fois doctrinale, polémique et liturgique.
Éphrem est un champion de la théologie apophatique au IVe siècle, à la fois contre les gnostiques Marcion, Mani, Bardesane et contre les ariens qu’il appelle « scrutateurs », nous dirions volontiers « inquisiteurs » du mystère trinitaire.
Les collections liturgiques célèbrent les grandes fêtes chrétiennes. À cette catégorie appartiennent les hymnes éditées et traduites en allemand par Edmund Beck (CSCO fasc. 248-249) sous le titre générique d’ Hymnes pascales, collection qui réunit en réalité trois recueils distincts : les Hymnes sur les Azymes, les Hymnes sur la Crucifixion et les Hymnes sur la Résurrection. Pareille séquence ne doit pas donner l’illusion d’un triduum pascal rigoureux, tel qu’il se constituera plus tard. Ce qui se dégage surtout des Hymnes pascales, c’est une double célébration : celle de la Passion du Seigneur et celle du renouveau printanier.
La note anti-judaïque, très présente, s’explique par la préoccupation pastorale du poète : empêcher la communauté chrétienne de « judaïser » dans une région où la communauté juive jouissait d’un certain establishment auprès des autorités de l’Empire perse, régulièrement persécuteur de la première.

Sur la mélodie : « Voici le jeûne du Premier-né… »
Ô mon Seigneur béni, baille-nous un peu de la richesse d’Avril le tout-libéral !
En Avril Ta générosité s’étend sur tout :
De par elle les montagnes se parent de regain,
Les sillons de semences, la mer de riches nefs,
La terre de troupeaux ; là-haut des luminaires
Qui sourient ! En bas des fleurs ! Avril orne la terre
Et la fête d’Avril orne la sainte Église !

Avril, ce babillard, m’a soufflé la hardiesse :
J’ai demandé, j’ai dit : « Seigneur, si les bouches fermées
Du serpent meurtrier par Avril furent ouvertes,
- il a ouvert la bouche de ce maudit reptile qui ment et qui tue ! –
Ouvre, Seigneur, en Ta bonté la bouche de Ton serviteur ; fais-en
Une cithare de vérité ! Qu’elle chante un chant sain et plein de certitude,
Une bénédiction pour tous ceux qui l’écoutent !

Si l’air d’Avril bruit de chants et de tonnerres, sonore tout entier,
Quelle ne sera pas, au jour de Ta Pâque sonore, la liesse de l’Église volubile !
Tout entière elle résonne, vraie cithare, en cette Fête Tienne, la grande,
Compagne et jumelle de l’autre Fête
Qui, dedans Bethléem, mit les Veilleurs en liesse ;
Que l’Église en Avril Te tresse la louange
Qu’avaient tressée pour Toi les Anges de Janvier !

Oh ! regardez : Avril tisse à la terre un vêtement !
De toutes les couleurs la création s’atourne :
C’est tablier de fleurs, c’est sarrau de corolles !
La Mère d’Adam se pare, en la Fête d’Avril,
D’un habit que mains n’ont point tissé ; elle exulte :
Son Seigneur est descendu, faisant monter son fils ! Deux fêtes pour la terre,
Deux noces d’un seul coup, du Seigneur et du fils !

Sein maternel, giron que la terre pour tous les vivants,
Couverture pour les morts… Ô terre ! par tes soins sont habillés tous les nus,
Et personne n’est capable de te couvrir ! Avril a eu de la pudeur pour toi ;
Tu étais à découvert comme Noé : il a caché ta nudité.
Deux frères ont couvert d’un vêtement le Père universel,
Et la terre, Mère universelle,
Avril la vêt tout seul dans des livrées de fleurs !

La frêle-ailée aussi sort en ce mois des fleurs, elle s’empresse ;
Regardez cette toute-fragile, et comme elle empressez-vous !
Elle est porteuse de mystères et son pollen est de symboles ;
Sur toutes les fleurs elle ramasse sa provende ;
Son trésor bien caché ne paie guère de mine,
Mais quand on l’ouvre, ah ! c’est merveille de voir comme elle a travaillé :
Elle a construit, rempli. Béni, son Créateur !

La douceur se répand : sa bouche la recueille ;
Toute-pure, elle est le miroir de l’Église
Qui butine dans les Livres la douceur du Saint-Esprit ;
Au désert, le Ramassis récoltait la manne, la ramassait avec avidité,
Dans un esprit sordide. Venez ! Cueillez le pur amour
Au lieu de la manne jolie ! Une fois conservée, la manne se gâtait ;
Mais l’amour conservé, lui, n’en est que plus doux.

Les glaces de l’hiver, les dards piquants du froid,
Avril les a brisés ! Symbole de l’amour
Qu’Avril ! Ses ardeurs triomphent des rigoureux frimas ;
Voyez : ils dansent, les pieds qu’Hiver enchaînait !
Libres, les mains qu’engourdissait l’inertie !
Diligence est sortie pour décorer la terre : que l’âme regarde, rivalise,
Et qu’au lieu de la terre elle s’orne elle-même !

Sa Majesté Avril, semblable au Libérateur universel,
Élargit les marchands que l’hiver entravait ;
Sitôt devenu roi, il les a libérés : ils s’évadent, ils trépignent !
Ainsi son Seigneur avait-il libéré en Avril les détenus d’Enfers
Qui brisèrent leurs tombes. Ah ! que liberté se libère elle-même,
Elle qui s’est enchaînée ! Qui libérerait celui qui met
Ses liens, si grands soient-ils, dessous sa volonté ?

Aimable Avril, en Toi le Très-Haut modère Son fracas pour nos oreilles ;
Oui, en Avril, le Seigneur de l’Orage
Mitige Sa vigueur par amour : Il descend habiter dans le sein de Marie ;
En Avril derechef, revigoré,
Il habite le sein du Shéol et en remonte ;
En Avril mêmement, Il entre et prend une voix douce pour persuader
Ses ouailles sans espoir en Sa résurrection.

Ce glorieux Avril ouvre tous les dépôts : toute richesse en sort ;
…………………………………………………………………..
En ce mois le dépôt souterrain de l’En bas
restitue, quant à lui, le Corps tout-vivifiant.

Encensoir à senteurs que ce charmant Avril !
Il exhale tous les parfums ! Dieu est descendu pour marcher sur la terre :
Avril L’a vu, comme un grand prêtre il s’est fait beau ;
Il Lui a présenté l’encensoir à senteurs, le fumet des fragrances ;
Il a prophétisé : « Voici que le Grand Prêtre pour nous descend d’En Haut !
Son sacrifice : l’amour de la vérité ! Son encensoir : la miséricorde !
Et Son hysope encor : l’absoute des péchés !

C’est en Avril que d’En Haut Notre-Seigneur descend,
Que Marie le reçoit ; c’est encore en Avril
Qu’Il ressuscite et monte, que Marie Le revoit ;
Elle L’avait senti descendre : la première, elle Le voit Resurgi !
Voir l’En haut et l’En bas : c’est renom de Marie !
Heureux Avril ! Tu as vu la Conception
De ton Seigneur, Sa Mort et Sa Résurrection !

En Avril, l’Élu s’ébranle, Il descend de Là-haut, atourné de tendresse ;
Avril Le couronne de triomphes en foule ;
Il remonte d’En bas : les morts Te font une couronne de ressuscités,
Les disciples une couronne de consolés,
Les Anges une couronne de ravis, à la vue de Ton Duel.
À la place de la couronne d’épines,
C’est la gloire, en couronne, que le Créé Te tresse !

Intendant des symboles, Avril a couru vers Notre-Seigneur, à Sa venue ;
Car ce sont symboles cachés que, pour Avril,
Moïse emmi l’Égypte déposait ;
Avril a présenté ses symboles………………
………………………………………………
Heureux Avril ! Tu as vu les deux Pâques radieuses :
Et celle de Moïse et celle du Seigneur !

 

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