Archive pour avril, 2015

L’HISTOIRE DU RÊVE QUE DIEU RÊVA

18 avril, 2015

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L’HISTOIRE DU RÊVE QUE DIEU RÊVA

Écoute! je vais te conter le rêve que Dieu rêva.

Après la longue chaîne de siècles des patientes évolutions de sa Création “belle à voir”, Dieu “planta un jardin en Éden, à l’Orient”. Il y mit l’humanité naissante “faite à son image”. Il lui confia la gérance du grand Oeuvre inachevé. Et s’imagina y voir grandir une immense famille multipliée d’enfants beaux et joyeux, s’ébattant aux prés verts de sa création, et savourant les fruits du jardin, servis à profusion. Ainsi conçut-il le beau et unique Jardin-Terre, planté au coeur du vaste Univers des astres mouvants, et pourvu de tout ce qu’il fallait pour y réjouir le coeur de ses enfants. Il n’y voyait que du bonheur à vivre l’amour débordant de l’Éternel, amour revêtant toutes formes, goûts et couleurs de joie imaginables.
Or, un jour, Dieu décida de rendre visite à son petit monde d’enfants gâtés, saturés des bienfaits préparés dans le silence de ses longs siècles d’invention.
Le Récit des Origines, au Livre sacré, qui nous rapporte cette visite divine, nous dit que, “à la brise du jour” de l’humanité naissante, Dieu vint se promener au Jardin joli de sa Création. Il y voulait rencontrer ses petites créatures libres, fraîches émoulues de la Terre créatrice. Il se plaisait à l’idée de causer avec elles, presque d’égal à égal, les voyant heureuses de vivre le printemps de l’Histoire en présence de l’Éternel.
Dieu appela. Il appela et il appela! Sa Parole créatrice retentit dans le vide d’une brise matinale désertée. Car l’humanité, se sentant nue au regard du Maître de la vie, fut prise de peur et alla se cacher. Et Dieu ne rencontra que des pécheurs honteux. Ce qui lui gâta, tu penses bien, le plaisir de son oeuvre si longuement édifiée, si vite déchue.

Alors, Dieu pensa qu’il se rattraperait un jour – il en fit promesse à la gent d’Au-Delà. Il laisserait sa Voix résonner par les beaux et mauvais temps de l’Histoire. Sa Parole se fit pleine d’affection et d’invitation, et parfois un peu coléreuse pour rappeler à l’Ordre créateur. Mais, à longueur de temps, les petits d’humains ressemblaient toujours à leurs paternels de la terre esseulée. Ils avaient l’oreille endurcie par le vice de l’égoïsme contracté du Serpent venimeux.
Patiemment, Dieu leur donna de la corde, beaucoup de corde, des siècles de cordes, pour qu’ils fassent leur expérience et souhaitent timidement reprendre, un jour, le chemin du Bercail. Il avait semé dans leur coeur la nostalgie d’une origine lointaine qu’il n’avait pas connue. Peut-être qu’un jour ils goûteraient cette attirance irrésistible de la Maison paternelle. Ce fut une longue attente, un pénible cheminement arraché aux convoitises de la terre; un chemin qui ne mena pas toujours aux lieux de la Vie. L’humanité, comme tel“fils prodigue” dont parle le Livre, avait reçu l’héritage du Père afin d’en gérer la croissance. Et, comme le prodigue du Livre, elle gaspilla tout, ne pensant qu’à son plaisir.
Pourtant, il y avait parfois des lueurs d’espoir qui perçaient dans un ici ou un là lointain du firmament de Dieu. Car bien des gens sortaient hébétés des stérilités de leur vie. Ils retrouvaient péniblement leur coeur d’enfant et se mettaient à rêver – ô suprême victoire de la vie – comme le prodigue du Livre qui eut faim. Le Seigneur Dieu compta sur ces personnes singulières, renées à la vie, pour recommencer. Et il recommença, le pauvre, bien des fois: aux temps des Patriarches et de l’Israël au désert; aux temps des Juges et des Rois, des Prophètes et des Sages; et aux temps – plus avides d’écoute – des “pauvres de coeur”, un “petit reste” de rien, de fidèles enivrés de Parole, qui aspiraient à “connaître” Dieu. Il recommença ainsi, sans se lasser, au cours des siècles qui dévalèrent la pente du temps.
Le gros problème, vois-tu, c’est que Dieu est PAROLE , et que les humains ont L’OREILLE DURE. Je ne parle pas des mal-entendants de bonne volonté, mais de tous ceux qui ont l’ouïe du coeur endurcie par les bruits assourdissants de la vie, ou par leur raison raisonnante encombrante. Un petit prince fantaisiste, venu de l’astéroïde B 612, nous le rappela, lors de sa visite sur la Planète Terre (qui “a bonne réputation”, disait-il). “On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux”. Et bien avant lui, le vieil Isaïe avait dénoncé la surdité des gens de son temps: “Ils ont des oreilles pour entendre et ils n’entendent pas. Ils ont des yeux pour voir et ils ne voient pas”. Sourds d’oreille, on ne peut plus!
Puis vint la “plénitude des temps”, déterminée par le Créateur de l’Histoire. Et le Verbe de Dieu, Parole Éternelle, s’incarna dans le temps, en Jésus de Nazareth. Il y a de cela quelque 2000 ans.
Obsédé par son rêve originel, Dieu envoya son propre Fils restaurer le chemin de vie entre Lui et sa création. Avec son coeur d’enfant, Jésus nous parla du Dieu Abba, Papito. À son tour, communiant au coeur du Père, Jésus chercha à découvrir le monde rêvé du Créateur. Il aurait tant aimé contempler le jardin fleuri d’enfants qui s’aiment au lieu de se faire souffrir; d’humains qui se plaisent à vivre au lieu de peiner à la sueur de leur front, et qui chantent et dansent au lieu de pleurer, alors qu’ils ont tout à portée de main. Infiniment triste, Jésus pleura sur son peuple fatigué, abandonné comme troupeau sans pasteur. Il se fit “Bon Pasteur”, dans l’espoir d’amener l’humanité à reprendre le chemin du Père. Hélas, la masse des gens ne voulut pas de ce prétendu prodigue repenti: sa Parole cria dans le désert de l’indifférence et de la lassitude.
Un jour, n’en pouvant plus de cette tristesse désabusée, Jésus lança cette plainte furtive, criée comme invitation subtile du Ciel aux enfants de la Terre:

À qui donc puis-je comparer les hommes de cette génération?
À qui ressemblent-ils? Ils ressemblent à des gamins qui sont assis
sur une place et s’interpellent les uns les autres, en disant

‘Nous avons joué de la flûte,
et vous n’avez pas dansé!
Nous avons entonné des chants de deuil,
et vous n’avez pas pleuré’.

Tous les instruments de la création de Dieu se sont mis à l’unisson pour nous faire danser, et nous n’avons pas dansé. Tous les pleurs de Dieu se sont exprimés en souffrance de désertion, et nous n’avons pas pleuré.
L’enfance du monde obsédait Jésus. Il répétait, à l’adresse de ceux qui avaient des oreilles pour entendre:“Laissez venir à moi les petits enfants, car le Royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemblent”. Et plus encore: “Si vous ne redevenez comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu”. C’est une question de Parole et de coeur, avec des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. C’est une question de vie ou de mort!
Ami, tu te demandes peut-être: comment “redevenir comme un enfant” pour gagner le royaume de Dieu? Faut-il retourner au sein de sa mère pour naître à nouveau, comme l’imagina un instant le vieux Nicodème? Cela ne t’attire peut-être pas “redevenir enfant”, pour n’avoir pas que de beaux souvenirs de ton enfance. Et tu n’as certes pas plus que moi l’envie de “retomber en enfance”! Alors, comment vivre les paroles du Maître?
La réponse, c’est JÉSUS. Lui qui ne fut jamais autre que fils-enfant devant Dieu son Père. Certes, il ne s’agit de verser dans l’enfantillage spirituel. Mais, comme Jésus, notre frère aîné en Dieu, redevenir ce que nous sommes en toute réalité: les très petits enfants du Bon Dieu, perdus dans l’immense jardin de sa création… Des enfants qui devraient danser quand ils entendent jouer de la flûte et pleurer quand on entonne un chant de deuil. Ainsi Dieu nous voit, ainsi Dieu nous aime. Mais notre humanité a toujours eu l’oreille un peu dure; c’est un péché d’entendement!

Mais toi,
écoute la Parole créatrice,
la Parole révélatrice de sens,
et tu vivras à jamais
au lieu de mourir tous les jours.

Christ at Emmaus by Rembrandt, 1648, Louvre.

17 avril, 2015

Christ at Emmaus by Rembrandt, 1648, Louvre. dans images sacrée Rembrandt_Harmensz._van_Rijn_023

https://johnib.wordpress.com/tag/lk-2435-48/

LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR

17 avril, 2015

http://www.eleves.ens.fr/aumonerie/en_ligne/toussaint03/seneve006.html

LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR

David Gilbert

Dimanche après dimanche, quand nous confessons notre foi selon le symbole des Apôtres, nous affirmons croire à la résurrection de la chair. Il s’agit là pourtant, pour de nombreux chrétiens, de l’un des articles les plus mystérieux du Credo, sans doute à cause du réalisme surprenant de la formule. La résurrection des morts mentionnée dans le symbole de Nicée-Constantinople semble susciter moins de perplexité car l’expression, quoiqu’elle veuille dire la même chose, n’est pas aussi explicite sur la dimension corporelle de notre résurrection. Nous savons bien, en effet, qu’après la mort le corps humain se corrompt: nous n’allons pas conserver notre corps intact jusqu’au Dernier Jour. Comment pourrons-nous donc récupérer cette chair réduite en poussière ? Voilà qui heurte notre raison.
Le Catéchisme de l’Église catholique (CEC) affirme pourtant avec résolution l’importance capitale de cette vérité de la foi: «Le Credo chrétien — profession de notre foi en Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit, et dans son action créatrice, salvatrice et sanctificatrice — culmine en la proclamation de la résurrection des morts à la fin des temps, et de la vie éternelle» (988). Il nous faut donc accorder la plus grande attention à cette notion de résurrection de la chair, ce qui nous permettra de mieux saisir le mystère de la vocation de l’homme selon Dieu.
La nécessaire dimension corporelle de la résurrection
Pour comprendre la résurrection, nous devons d’abord méditer sur la création de
l’homme. Il est en effet créé par Dieu «corps et âme, mais vraiment un» (Gaudium et spes, 14, § 1). Le corps humain fait donc pleinement partie de cette Création dont Dieu vit qu’elle était très bonne (Gn 1,31). Les nombreuses faiblesses dont nous faisons tous l’expérience dans notre vie corporelle, la faim, la soif, la maladie, le vieillissement et la corruption, ne doivent pas nous faire oublier cette réalité primordiale que niait, par exemple, l’hérésie cathare en affirmant que le monde spirituel et donc l’âme humaine étaient créés par Dieu, tandis que le monde matériel et donc le corps humain étaient l’oeuvre du Mauvais.
Plusieurs passages de l’Écriture sainte expriment clairement la dignité du corps, en particulier dans les lettres de saint Paul: le plus connu est sans doute le discours sur le corps, «temple du Saint Esprit» (1 Co 6,12–20), où l’apôtre rappelle aux disciples de Corinthe qu’ils ne s’appartiennent plus et que, dans l’union au Christ, ils doivent glorifier Dieu par leur corps. Le CEC explicite: «Le corps et l’âme du croyant participent déjà à la dignité d’être « au Christ »; d’où l’exigence de respect envers son propre corps, mais aussi envers celui d’autrui, particulièrement lorsqu’il souffre» (1004). La blessure de la chute n’entame donc pas la dignité de notre corps, racheté par l’incarnation, la mort et la résurrection du Christ et appelé avec l’âme à la vie nouvelle en Lui.
Car le corps est le lieu de la communion de l’âme avec Dieu. La sublime vocation de l’homme s’éclaire tout spécialement quand on considère l’originalité de sa constitution, matérielle et spirituelle. C’est cette double nature qui lui permet d’être appelé à la communion avec Dieu, alors que les êtres uniquement matériels comme les animaux ou uniquement spirituels comme les anges ne le peuvent pas. La vocation des anges est en effet de contempler Dieu, de Le louer et de Le glorifier continuellement; mais dépourvus de corps, comment pourraient-ils communier avec Dieu, L’accueillir, Le laisser habiter en eux? Or le dessein de Dieu pour l’homme, c’est justement cela: Se donner, venir en lui, Se communiquer à lui, et c’est ce que nous vivons de la manière la plus intime dans l’Eucharistie. Un ange avait bien compris que Dieu avait réservé l’honneur suprême à l’homme dans son corps; c’est là l’origine de la révolte de Lucifer.
La résurrection finale que nous attendons (Et expecto resurrectionem mortuorum, selon le symbole de Nicée), achèvement de notre communion avec Dieu, ne peut donc pas concerner seulement une partie de notre être, autrement dit seulement notre âme: Dieu a béni l’homme corps et âme (Gn 1,28), Il l’appelle à Lui être uni corps et âme. Le terme même de résurrection ne s’applique d’ailleurs pas à proprement parler à l’âme, dont l’Église enseigne qu’elle est immortelle (CEC 366): ce n’est donc pas l’âme qui ressuscite, mais le corps qui par la résurrection est réuni à l’âme dont la mort l’avait séparé. La résurrection de la chair est donc l’accomplissement du dessein d’amour que Dieu a réalisé pour nous dans le Christ.

La résurrection du Christ et notre résurrection
Il nous faut en effet comprendre notre propre résurrection à la lumière de celle du Christ, auquel le Père veut nous conformer par la puissance de l’Esprit-Saint. Les évangiles insistent clairement sur la résurrection corporelle de Jésus: dans le récit de Matthieu, les saintes femmes Lui saisissent les pieds (Mt 28,9); dans celui de Luc, Il invite les apôtres à Le toucher car «un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai» (Lc 24,39), et Il mange avec eux (Lc 24,41–43); chez Jean, Jésus invite Thomas à enfoncer sa main dans Son côté (Jn 20,27) et mange avec les disciples au bord du lac (Jn 21,12–13). Ce n’est donc pas un être immatériel qui est apparu aux disciples. Ce corps, en un sens, est le même: il reste marqué par les stigmates de la Passion, aux mains, aux pieds et au côté (Lc 24,39–40; Jn 20,27). Mais en un sens, il est aussi différent: Jésus apparaît jusque dans le Cénacle, pourtant hermétiquement fermé (Jn 20,26); on ne Le voit pas venir, Il est comme brusquement présent (Lc 24,36). Son corps n’est donc plus comme le nôtre, il ne semble plus soumis aux mêmes lois physiques. L’attitude des disciples, qui reconnaissent Jésus tantôt immédiatement, tantôt au bout de quelque temps, montre à la fois la familiarité et l’étrangeté du corps de Jésus ressuscité.
À l’image du Christ, nous sommes donc nous aussi appelés à revêtir ce que la Tradition, à la suite de saint Paul, appelle le corps glorieux (Ph 3,21): vrai corps, le même que celui que nous avons en cette vie, et pourtant autre. Certes, il existe une différence évidente entre le corps du Christ et le nôtre: le premier n’a pas connu la corruption (Ac 13,35), alors que le nôtre se décompose. Ce peut être une occasion de doute. Aux Corinthiens qui remettaient en question la résurrection des morts, Paul répond vigoureusement que ce qu’il reste de notre corps, cette poussière à laquelle nous retournons (Gn 3,19) est comme le germe, la semence à laquelle «Dieu donne corps, comme il le veut» (1 Co 15,38). La mort est une étape nécessaire dans l’ordre des choses hérité de la chute, et Jésus, qui S’est soumis à cet ordre des choses par Son incarnation, l’enseigne Lui-même à Son propre sujet, quoique dans une perspective différente: «Si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance» (Jn 12,24). La mort corporelle acquiert donc une valeur positive que l’horreur de la corruption ne peut annuler: certes, pour l’âme humaine, c’est un état douloureux et même anormal, dans le plan de Dieu, que d’être séparée du corps; mais de ce mal, Dieu le Créateur fait naître un plus grand bien en préparant pour l’âme du défunt, à partir de la poussière, un corps de gloire qui ne sera plus soumis au péché et qui, effectivement, sera bien glorieux dans la mesure où il sera pour l’âme le lieu de la béatitude et du repos en Dieu pour l’éternité.

Le corps des défunts: amour et espérance
C’est pourquoi l’Église attache une grande importance au corps des défunts. Même si ce corps, séparé de l’âme, n’est plus qu’une dépouille mortelle, une enveloppe qu’a quittée l’âme, il n’en demeure pas moins que cette séparation est provisoire et que c’est à partir de cette peau morte que nous ressusciterons dans la gloire. À ce titre, le corps du défunt mérite notre amour et notre sollicitude. C’est pourquoi le CEC recommande l’ensevelissement comme une «oeuvre de miséricorde corporelle» (2300), alors que l’incinération est tolérée si elle n’exprime pas une mise en cause de la résurrection de la chair (2301 et Code de droit canon, can. 1176, § 3). Car il est clair que la crémation peut effectivement être comprise, dans certains cas, comme un manque d’amour pour le corps: on s’empresse de le brûler comme pour se débarrasser de cette enveloppe encombrante qui, de toute manière, est destinée à finir en poussière. Toutefois, ce n’est pas la crémation elle-même qui est condamnée, mais seulement l’esprit qui l’anime parfois.
Nos pratiques funéraires témoignent du respect évangélique pour le corps du défunt: la toilette, l’exposition, la veillée dans le recueillement et la prière, la présence d’un crucifix, image du Christ mort sur la croix pour que nous ayons la vie, et de cierges dont la lumière symbolise l’espérance chrétienne dans la venue du Royaume où resplendira une autre lumière, éternelle celle-là.
Plus encore, la liturgie des funérailles, par ses paroles et par ses gestes, exprime avec une belle sérénité la «miséricorde corporelle» des chrétiens. Le prêtre bénit le corps qui repose dans le cercueil, c’est-à-dire qu’il en dit du bien et qu’il appelle le bien sur lui. L’encensement est un signe de vénération: le corps y a droit comme le Saint Sacrement, l’autel, les reliques, le crucifix, les ministres ordonnés et le peuple de Dieu; ce geste liturgique nous invite également à entourer fidèlement le défunt de notre prière, selon l’analogie qui trouve sa source dans le psaume 141 (140), verset 2. L’eau bénite enfin, dont on asperge le cercueil au cimetière lors de la cérémonie appelée absoute, fait référence au Baptême qui était déjà, du vivant de la personne, mort au monde et au péché et nouvelle naissance dans le Christ; ainsi est soulignée la continuité entre le Baptême et la mort chrétienne qui l’accomplit. Le signe de la croix rappelle la mort du Christ et symbolise la conformation du chrétien au Christ dans la mort.
Après ce dernier adieu, le corps peut donc reposer en paix: parents et amis du défunt pourront continuer de manifester par leurs visites leur amour pour ce corps — amour fondé sur l’espérance de la résurrection finale où tous seront réunis dans le Christ pour goûter la joie éternelle.

 

HOMÉLIE DU 3ÈME DIMANCHE DE PÂQUES 19/04/2015

17 avril, 2015

http://preparonsdimanche.puiseralasource.org/

HOMÉLIE DU 3ÈME DIMANCHE DE PÂQUES 19/04/2015

Les lectures du jour

ENVOYÉS POUR ANNONCER L’ÉVANGILE

Tout au long de ce temps de Pâques, nous célébrons le Christ ressuscité, vainqueur de la mort et du péché. La haine et la violence des hommes n’ont pas eu de prise sur lui. C’est l’amour qui a triomphé. Aujourd’hui, nous entendons des témoignages qui nous parlent de lui. Pour les apôtres, Jésus était mort. Il n’y avait plus d’espérance possible. Mais voilà qu’au premier jour de la semaine, il les rejoint. Pour eux, c’est le commencement d’une grande aventure.
Dans le livre des Actes des Apôtres (1ère lecture), Saint Luc nous donne leur témoignage. Aujourd’hui, c’est Pierre qui vient de guérir un infirme de naissance. Il s’adresse la foule stupéfaite de ce qui vient de se passer. Il explique à tous que ce n’est pas par ses propres forces qu’il a pu opérer cette guérison. C’est Jésus mort et ressuscité qui en est le principal acteur. Pour comprendre ce miracle, il faut passer par l’annonce de la résurrection et la foi en Jésus Christ. Ce témoignage a été transmis de génération en génération. Il nous appartient de transmettre ce flambeau, pas seulement aux croyants mais aussi à tous ceux et celles qui croient organiser leur vie sans Dieu. Jésus veut que la bonne nouvelle soit annoncée à tous.
La lettre de saint Jean (2ème lecture) va dans le même sens. La résurrection et l’exaltation de Jésus sont une richesse extraordinaire pour les croyants. Saint Jean nous exhorte à ne pas pécher. Ce péché qu’il dénonce, c’est quand nous vivons en dehors de l’amour de Dieu. Mais avec Jésus, il n’y a pas de situation désespérée. Il est notre « avocat », notre « défenseur ». En lui, le monde est réconcilié. Il devient proche de Dieu. Voilà une bonne nouvelle de la plus haute importance. Il nous faut tout faire pour qu’elle soit proclamée partout dans le monde. Le Christ ressuscité n’a jamais cessé de vouloir ramener tous les hommes à Dieu.
L’Évangile nous rapporte comment les disciples d’Emmaüs ont reconnu le Christ ressuscité à la fraction du pain. Ils repartent aussitôt à Jérusalem (à deux heures de marche) pour annoncer la bonne nouvelle aux disciples. Quand on a reconnu et accueilli le Christ vivant, on ne peut pas le garder pour soi-même ; on a envie de le crier au monde. Nous sommes tous envoyés pour témoigner de la foi qui nous anime. Ce qui nous est demandé ce n’est pas de rester entre chrétiens à l’intérieur de l’Eglise. Notre témoignage doit rejoindre tous les hommes, en particulier ceux qui sont des « périphéries ».
Annoncer l’Évangile, ce n’est pas seulement proclamer des formules. Nous ne pouvons pas nous contenter de belles paroles. Jésus ne nous a pas envoyés pour cela. Le plus important c’est de tout faire pour que ces paroles se traduisent en actes dans nos vies. Il faut que nous soyons de plus en plus ajustés à cet amour qui est en Dieu. En y regardant de près, nous reconnaissons que nous sommes loin du compte. Mais le Seigneur n’a jamais cessé de nous aimer. S’il nous offre don pardon, c’est pour que nous puissions devenir de vrais témoins de la foi.
Pour être de vrais messagers du Christ, nous avons besoin d’être complètement imprégnés et habités par sa présence. C’est SA lumière, SON amour que nous avons à communiquer au monde d’aujourd’hui. Si nous ne prenons pas le temps de l’accueillir dans notre vie, rien ne se passera. Nous serons comme le sel affadi qui n’est plus bon à rien. L’Évangile de ce dimanche nous rappelle que les disciples d’Emmaüs ont vécu deux moments importants : l’accueil de la Parole (Moïse et les prophètes), puis la Fraction du Pain (C’est le nom qui était donné à l’Eucharistie). C’est là que nous sommes invités à puiser en vue de la mission que le Seigneur nous confie.
Lire les Écritures, prier les psaumes, prendre le temps d’approfondir sa foi, c’est entrer dans le plan de Dieu. C’est se préparer à recevoir le Christ. Dans certains pays, les chrétiens sont obligés de se cacher pour lire la Bible. À travers l’histoire, certains ont voulu la détruire en la brûlant, d’autres entraient dans les maisons pour la confisquer et la détruire. Mais dans sa fidélité Dieu veillait sur sa Parole de sorte que nous l’avons encore aujourd’hui ! Profitons de cette chance qui nous est offerte ; le pape François nous dit que « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. »
Nous te prions, Seigneur, ouvre-nous à cette joie de l’Évangile. Que ta Parole soit notre nourriture et notre trésor chaque jour. A qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la Vie éternelle.

Sources : Revues Feu Nouveau et Signes – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes (Jean-Pierre Bagot) – lectures d’Evangile d’un vieux prêtre de Montpellier – Homélies pour l’année B (Amédée Brunot)

Jean Compazieu, prêtre de l’Aveyron ( 19/04/2015)

Aujourd’hui ce est l’anniversaire du Pape Benoît, 88, souhaite cher Pape et cher Père

16 avril, 2015

Aujourd'hui ce est l'anniversaire du Pape Benoît, 88, souhaite cher Pape et cher Père dans images Benedict+XVI+Pope+John+Paul+II+Pope+John+XXIII+0C8aU_Lil3Ul

Pope Emeritus Benedict XVI arrives at the Canonisation Mass in which John Paul II and John XXIII are to be declared saints on April 27, 2014 in Vatican City, Vatican.

http://www.zimbio.com/pictures/dqDCRNQ5bbV/Pope+John+Paul+II+Pope+John+XXIII+Declared/0C8aU_Lil3U/Benedict+XVI

BENOÎT XVI (SUR LA PRIÈRE) (2012)

16 avril, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20120627.html

BENOÎT XVI (SUR LA PRIÈRE)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 27 juin 2012

Chers frères et sœurs,

Notre prière est faite, comme nous l’avons vu lors des mercredis passés, de silences et de mots, de chants et de gestes qui font participer la personne tout entière : de la bouche à l’esprit, du cœur au corps entier. C’est une caractéristique que nous retrouvons dans la prière juive, en particulier dans les Psaumes. Je voudrais aujourd’hui parler de l’un des chants ou hymnes les plus anciens de la tradition chrétienne, que saint Paul nous présente dans ce qui est, d’une certaine manière, son testament spirituel : la Lettre aux Philippiens. En effet, il s’agit d’une Lettre que l’Apôtre dicte alors qu’il est en prison, peut-être à Rome. Il sent sa mort prochaine, car il affirme que sa vie sera offerte en sacrifice (cf. Ph 2, 17).
Malgré cette situation de grave danger pour son intégrité physique, saint Paul, dans tout ce texte, exprime la joie d’être un disciple du Christ, de pouvoir aller à sa rencontre, au point de voir la mort non comme une perte, mais comme un gain. Dans le dernier chapitre de la Lettre, il y a une invitation pressante à la joie, caractéristique fondamentale de la condition du chrétien et de la prière. Saint Paul écrit : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur; laissez-moi vous le redire: soyez dans la joie » (Ph 4, 4). Mais comment peut-on se réjouir face à une condamnation à mort désormais imminente ? D’où, ou plutôt de qui, saint Paul tire-t-il la sérénité, la force, le courage d’aller à la rencontre du martyre et de l’effusion de sang ?
Nous trouvons la réponse au cœur de la Lettre aux Philippiens, dans ce que la tradition chrétienne appelle carmen Christo, le chant au Christ, ou plus communément « hymne christologique » ; un chant dans lequel toute l’attention est centrée sur les « sentiments » du Christ, c’est-à-dire sur sa façon de penser et sur son attitude concrète et vécue. Cette prière commence par une exhortation : « Ayez entre vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5). Ces sentiments sont présentés dans les versets qui suivent: l’amour, la générosité, l’humilité, l’obéissance à Dieu, le don de soi. Il s’agit non seulement et pas simplement de suivre l’exemple de Jésus, comme quelque chose de moral, mais de faire participer toute l’existence à sa manière de penser et d’agir. La prière doit conduire à une connaissance et à une union dans l’amour toujours plus profondes avec le Seigneur, pour pouvoir penser, agir et aimer comme Lui, en Lui et pour Lui. Exercer cela, apprendre les sentiments de Jésus, représente la voie de la vie chrétienne.
Je voudrais à présent m’arrêter brièvement sur plusieurs éléments de ce chant riche, qui résume tout l’itinéraire divin et humain du Fils de Dieu et qui englobe toute l’histoire humaine : du fait d’être dans la condition de Dieu, à l’incarnation, à la mort en croix et à l’exaltation dans la gloire du Père est également implicite le comportement d’Adam, de l’homme depuis le début. Cet hymne au Christ part de son être « en morphe tou Theou », dit le texte grec, c’est-à-dire d’être « sous la forme de Dieu », ou mieux dans la condition de Dieu. Jésus, vrai Dieu et vrai homme, ne vit pas son « être comme Dieu » pour triompher ou pour imposer sa suprématie, il ne le considère pas une possession, un privilège, un trésor à garder jalousement. Au contraire, « il se dépouilla », il se vida lui-même en assumant, dit le texte grec, la « morphe doulos », la « forme d’esclave », la réalité humaine marquée par la souffrance, par la pauvreté, par la mort; il s’est pleinement assimilé aux hommes, en dehors du péché, de manière à se comporter comme un serviteur complètement dévoué au service des autres. À cet égard, Eusèbe de Césarée — ive siècle — affirme : « Il a pris sur lui la fatigue des membres qui souffrent. Il a faites siennes nos humbles maladies. Il a souffert et pâti pour notre cause : et cela en conformité avec son grand amour pour l’humanité » (La démonstration évangélique, 10, 1, 22). Saint Paul poursuit en traçant le cadre historique dans lequel s’est réalisé cet abaissement de Jésus : « il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir » (Ph 2, 8). Le Fils de Dieu est devenu vraiment homme et il a accompli un chemin dans la complète obéissance et fidélité à la volonté du Père, jusqu’au sacrifice suprême de sa propre vie. Plus encore, l’apôtre spécifie « jusqu’à mourir et à mourir sur une croix ». Sur la croix Jésus Christ a atteint le plus haut degré de l’humiliation, car la crucifixion était la peine réservée aux esclaves et non aux personnes libres : « mors turpissima crucis », écrit Cicéron (cf. In Verrem, v, 64, 16).
Dans la Croix du Christ l’homme est racheté et l’expérience d’Adam est renversée : Adam, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, prétendit être comme Dieu par ses propres forces, se mettre à la place de Dieu, et il perdit ainsi la dignité originelle qui lui avait été donnée. Jésus, en revanche, était « dans la condition de Dieu », mais il s’est abaissé, il s’est plongé dans la condition humaine, dans la fidélité totale au Père, pour racheter l’Adam qui est en nous et redonner à l’homme la dignité qu’il avait perdue. Les Pères soulignent qu’Il s’est fait obéissant, en restituant à la nature humaine, à travers son humanité et son obéissance, ce qui avait été perdu par la désobéissance d’Adam.
Dans la prière, dans la relation avec Dieu, nous ouvrons notre esprit, notre cœur, notre volonté à l’action de l’Esprit Saint pour entrer dans cette même dynamique de vie, comme l’affirme saint Cyrille d’Alexandrie, dont nous célébrons aujourd’hui la fête : « L’œuvre de l’Esprit cherche à nous transformer par l’intermédiaire de la grâce dans la copie parfaite de son humiliation » (Lettres Festales 10, 4). La logique humaine, en revanche, recherche souvent la réalisation de soi-même dans le pouvoir, dans la domination, dans des moyens puissants. L’homme continue à vouloir construire avec ses propres forces la tour de Babel pour atteindre par lui-même la hauteur de Dieu, pour être comme Dieu. L’Incarnation et la Croix nous rappellent que la pleine réalisation se trouve dans la conformation de notre volonté humaine à celle du Père, dans le fait de se vider de notre égoïsme, pour nous remplir de l’amour, de la charité de Dieu et ainsi devenir vraiment capables d’aimer les autres. L’homme ne se trouve pas lui-même en restant enfermé en lui-même, en s’affirmant lui-même. L’homme ne se retrouve qu’en sortant de lui-même; ce n’est qu’en sortant de nous-mêmes que nous nous retrouvons. Et si Adam voulait imiter Dieu, cela n’est pas un mal en soi, mais il s’est trompé sur l’idée de Dieu. Dieu n’est pas un être qui veut uniquement la grandeur. Dieu est amour qui se donne déjà dans la Trinité, puis dans la création. Et imiter Dieu veut dire sortir de soi-même, se donner dans l’amour.
Dans la seconde partie de cet « hymne christologique » de la Lettre aux Philippiens, le sujet change ; ce n’est plus le Christ, mais Dieu le Père. Saint Paul souligne que c’est justement par l’obéissance à la volonté du Père que « Dieu l’a élevé au-dessus de tout; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms » (Ph 2, 9). Celui qui s’est profondément abaissé en prenant la condition d’esclave, est exalté, élevé au-dessus de toute chose par le Père, qui lui donne le nom de « Kyrios », « Seigneur », la suprême dignité et seigneurie. Face à ce nom nouveau, en effet, qui est le nom même de Dieu dans l’Ancien Testament, « qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : “Jésus Christ est le Seigneur”, pour la gloire de Dieu le Père » (vv. 10-11). Le Jésus qui est exalté est celui de la Dernière Cène, qui dépose ses vêtements, se ceint d’une serviette, se penche pour laver les pieds des Apôtres et leur demande: « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13, 12-14). C’est de cela qu’il est important de toujours nous souvenir dans notre prière et dans notre vie : « l’ascension à Dieu advient précisément dans la descente de l’humble service, dans la descente de l’amour, qui est l’essence de Dieu et donc la force vraiment purificatrice, qui rend l’homme capable de percevoir et de voir Dieu » (Jésus de Nazareth, 2007).
L’hymne de la Lettre aux Philippiens nous offre ici deux indications importantes pour notre prière. La première est l’invocation « Seigneur » adressée à Jésus Christ, assis à la droite du Père : il est l’unique Seigneur de notre vie, au milieu de tant de « dominateurs » qui veulent l’orienter et la guider. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir une échelle de valeurs où le primat revient à Dieu, pour affirmer avec saint Paul : « Je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur » (Ph 3, 8). La rencontre avec le Ressuscité lui a fait comprendre qu’il est l’unique trésor pour lequel il vaille la peine de consacrer sa propre existence.
La deuxième indication est la prostration, « tous les genoux se plient » sur la terre comme aux cieux, ce qui rappelle une expression du Prophète Isaïe, où il indique l’adoration que toutes les créatures doivent à Dieu (cf. 45, 23). La génuflexion devant le Très Saint Sacrement, ou le fait de se mettre à genoux dans la prière, expriment justement l’attitude d’adoration devant Dieu, également avec le corps. D’où l’importance d’accomplir ce geste non par habitude et en hâte, mais avec une profonde conscience. Lorsque nous nous agenouillons devant le Seigneur, nous confessons notre foi en Lui, nous reconnaissons qu’il est l’unique Seigneur de notre vie.
Chers frères et sœurs, dans notre prière, fixons notre regard sur le Crucifié, arrêtons-nous plus souvent en adoration devant l’Eucharistie, pour faire entrer notre vie dans l’amour de Dieu, qui s’est abaissé avec humilité pour nous élever jusqu’à Lui. Au début de la catéchèse, nous nous sommes demandé comment saint Paul pouvait se réjouir face au risque imminent du martyre et de son effusion de sang. Cela n’est possible que parce que l’Apôtre n’a jamais éloigné son regard du Christ jusqu’à se configurer à lui dans la mort, « dans l’espoir de parvenir à ressusciter d’entre les morts » (Ph 3, 11). Comme saint François devant le crucifix, disons nous aussi: Très Haut, Dieu de gloire, illumine les ténèbres de mon cœur, donne-moi une foi droite, une espérance certaine, sens et discernement pour accomplir ta vraie et sainte volonté. Amen (cf. Prière devant le crucifix : FF [276]).

LA SYMBOLIQUE DE LA MER DANS LA BIBLE

16 avril, 2015

http://www.portstnicolas.org/phare/etudes-specialisees/article/la-symbolique-de-la-mer-dans-la-bible

LA SYMBOLIQUE DE LA MER DANS LA BIBLE

Pour initier à la lecture et la priere biblique, le parcours spirituel des camps Vie en mer, entrée en prière et retraites Prier et naviguer privilégie tout naturellement des textes qui parlent de la mer. Les passages médités, assis sur la plage ou le pont du bateau, face à l’horizon marin, favorisent la composition de lieu proposée dans l’oraison à la manière ignatienne. Ils prennent spontanement beaucoup de relief et font souvent écho à ce qui est en train de se vivre. L’épisode de la tempête apaisée devient, par exemple, facile à imaginer après un fort coup de vent et une navigation de nuit.

Dans l’Ancien Testament

Que dit la Bible de la mer ? Si le peuple d’lsraël n’était pas particulièrement un peuple de navigateurs, il connaissait et se référait à l’expérience de la mer : un certain nombre de textes de l’Ancien Testament l’évoque. Et l’étude de ces passages [1] nous montre combien la mer a un rôle symbolique puissant pour l’homme biblique. Car elle lui permet d’exprimer très profondément ce qu’il découvre de son attitude devant Dieu. Elle lui donne de formuler des vérites importantes du mystère du Dieu de vie qui le conduit hors de l’enfermement dans la mort. Parce que l’élément marin, aujourd’hui comme hier, est d’abord celui de l’effroi. Comme le dit l’adage « Celui qui n’a pas peur en mer n’est pas un marin, celui qui a peur de tout et de rien ne l’est pas non plus ». En effet, celui qui s’avance sur mer est confronté en permanence à l’éventualité de la mort, – en particulier dans l’Antiquité où les conditions de navigation étaient difficiles et précaires. L’élément marin fournit donc à l’homme l’image la plus parlante du péril mortel. Mais, si « les Hébreux ne s’attardent pas à décrire la terreur que leur inspirent les eaux, ils voient dans la mer, à cause de l’effroi qu’elle suscite, le Symbole de la détresse et de la mort à laquelle l’homme ne peut s’arracher lui-meme » [2]. Aussi, ces eaux de la mort et de l’abandon qui, pour les païens évoquent les forces les plus maléfiques sont lieu d’un salut possible pour qui croit que Dieu est créateur, et donc à même de limiter et dominer les éléments de la nature, comme l’affirme le verset 9 du chapitre 1 du livre de la Genèse : « ’Que les eaux qui sont sous le ciel sa’amassent en un seul endroit et qu’apparaisse le continent’ et il en fut ainsi ». Le psaume 103 le rappelle également : « les eaux couvraient même les montagnes, à ta menace, elles prennent la fuite… ». Même dans les plus terribles situations d’angoisse et de naufrage, le psalmiste peut se tourner vers un Autre pour lui crier sa détresse et son engloulissement : « Et ils criaient vers le Seigneur dans la détresse, de leur angoisse, il les a délivrés. Il ramena la bourrasque au silence et les flots se turent. Ils se réjouirent de les voir s’apaiser, il les mena jusqu’au port de leui desir » [3]. C’est en traversant la Mer rouge que les Hebreux ont fait l’expérience, constitutive de leur identité, d’êtres sauvés et liberés par Dieu, capable d’ouvrir un passage dans les eaux de la mort et de maîtriser le vent : « On vit la terre sèche émerger de ce qui était l’eau, la Mer rouge devenir un libre passage, les flots impétueux une plaine verdoyante » [4]’. Du coup, la mer devient le lieu de reconnaissance de la puissance salvifique de Dieu. Maître des éléments, Yahve est, en conséquence, le protecteur de l’homme au sein de la nature, le garant de sa viabilité dans l’univers. Sa création est remise à l’homme en toute liberté et à son bénéfice. Il peut alors l’accueillir comme le fruit heureux d’un dessein créateur. La domination de Dieu sur les éléments, en particulier la mer et le vent, est, en fait, une manifestation de son amour. Ainsi la confrontation à la mer peut-elle devenir moment privilegié du retournement de la plainte à la louange. Après l’évocation de la tempête apaisée, le psaume 106 se poursuit ainsi : « Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour, de ses merveilles pour les fils d’Adam ! Qu’ils l’exaltent dans l’assemblée du peuple, au conseil des anciens qu’ils le louent ! ». Louange née de cette expérience de fragilité et de vulnérabilité d’une créature marquée par la profusion d’une création immense et majestueuse qui reflète, pour elle, la beauté et la bonté d’un Créateur Sauveur.

Dans l’évangile de Marc

Jésus a lui aussi fréquenté la mer, ou plutôt le lac de Galilée. Et il n’est sans doute pas neutre que ses premiers disciples soient des pêcheurs habitués aux navigations en barque sur le lac de Tibériade. Le Maître les rejoint et les appelle sur le lieu même de leur gagne-pain, de leur labeur quotidien. Leur travail est difficile, marqué par les longues nuits de veille, mais il crée une solidarité très intense entre tous ceux qui exercent ce métier dangereux et aléatoire (car les poissons ne sont pas toujours au rendez-vous et les campagnes de pêche sont souvent éprouvantes [5]. L’évangile de Marc est celui qui donne le plus de place à la mer. Elle y joue même un rôle central dans les chapitres 1 à 14. On relève, en effet, plus de quarante occurrences de ce mot et du vocabulaire marin [6]. On peut ainsi noter que le lac de Galilée est toujours appelé thalassa et non pas limmne (lac), reprenant par là l’hébreu de l’Ancien Testament qui utilise un seul mot yam pour désigner la mer et le lac, et même le fleuve. Et, comme Marc fait un lien explicite avec l’Ancien Testament dès le premier verset de son Évangile en citant Isaïe, on peut considérer que l’emploi du mot thalassa est porteur de toutes les connotations qu’il revêt dans l’Ancien Testament. La mer a une valeur métaphorique claire : eile signifie au plus haut point les forces obscures qui s’opposent au Dieu de la vie. Un lien très visible est établi entre Jesus et la mer : tous les deux portent le même qualificatif « de Galilée ». On peut aussi noter que toutes les scènes d’appel des disciples [7], la majeure partie de son enseignement en paraboles [8], ainsi que de nombreuses guérisons, se passent au bord de la mer.

Enfin, trois récits de traversée relatent ce qui survient sur la mer, lors de ces voyages en barque : 4,37.41 : la tempête apaisée ; 6,47-52 : Jesus marche sur les eaux ; 8,14-21 : le levain des pharisiens et d’Hérode. Ceux-ci se prolongent toujours d’ailleurs par un récit de guérison (celle du démoniaque gérasénien en 5,1-20 ; nombreuses guérisons au pays de Génésaret en 6,53-56 ; guérison d’un aveugle à Bethsaïde en 8,22-26). Ces trois passages d’une rive à l’autre font de la mer un lieu théophanique : s’y dévoile l’identité divine de Jésus en lien avec son enseignement (précédant la traversée) et ses guérisons (suivant la traversée). En 6,50, au milieu de la mer, Jésus réutilise les mots mêmes de la révélation faite par Dieu à Moïse au Buisson ardent « ego eimi » (Ex 3,14). La mer est l’endroit où se manifeste, comme en plein jour, le pouvoir divin de Jésus qui, comme Yahvé, peut dominer les éléments. Vent et vagues se taisent sur sa parole « Silence, tais-toi ! » (4,38). Est déjà symbolisée par là sa victoire pascale sur le chaos et les puissances du mal. C’est donc en ce lieu d’épreuve et d’effroi qu’il est donné aux disciples la possibilité de découvrir qui est vraiment Jésus de Galilée, Fils de Dieu : un sauveur créateur investi de la puissance de Yahvé. Reconnu à ses effets, semblables à ceux qui sont rapportés dans les grandes théophanies de l’Ancien Testament : « Alors ils furent saisis d’une grande crainte » (4,41) ; « Et ils étaient intérieurement au comble de la stupeur » (6,51). Ainsi est figurée l’experience de rencontre déroutante avec un Jésus victorieux sur les forces démoniaques, que Pierre pourra nommer Christ à l’issue du troisième et ultime voyage en barque (8,27-30).

Trois voyages pour entrer dans cette connaissance intérieure de la foi ; comme trois jours pour découvrir le Ressuscité et sortir du tombeau. Le temps de rouler la pierre de la peur et du doute… Le temps d’accueillir le bouleversement opéré, et d’habiter l’attitude même du Christ sur la mer, celle d’une totale confiance. Elle dévoile en négatif la lenteur à croire des disciples, leur enfermement dans l’emprise de la peur. « Pourquoi avez-vous peur ainsi ? Comment n’avez-vous pas la foi ? » (4,40) ; « Ceux-ci le voyant marcher sur la mer, crurent que c’était un fantôme et poussèrent des cris » (6,49) ; « Ne comprenez-vous pas encore ? » (8,20). Aussi, en même temps que se révèle la véritable identité de Jésus, nouveau Moïse, se déploie dans un contraste frappant la distance entre les disciples et lui-même. La foi de ceux qui embarquent sur sa parole est éprouvée au plus haut point, mise à nu de nuit sur la mer. Ébranlée en son extrême par la confrontation avec les elements déchaînés, figurant les mêmes forces d’opposition et de mort que celles représentées par l’armée des Égyptiens à l’assaut des Israéliens. Ces voyages en mer, comme une traversée de noir obscur, transforment l’identité des disciples, plongés ici dans une proximité mystérieuse et déroutante avec Celui qui les fait passer d’une rive à l’autre pour les unir toujours plus étroitement à sa mission.

La barque : lieu de formation pour les disciples

La relation entre Jésus et ses disciples est particulièrement associée à la mer qui apparaît comme le lieu central de leur formation et de leur apprentissage de la mission. Mission jusqu’en territoire païen, au-delà des frontières traditionnelles de la synagogue et des villes juives. L’enseignement en paraboles se fait dehors, au bord de la mer, comme pour signifier qu’il dépasse les limites de l’enseignement traditionnel. Se crée une opposition entre la mer, qui signifie chaos, menace, danger, et la terre, symbole de la promesse qui évoque plutôt l’ordre et la sécurite. Dans cette perspective, les disciples sont ceux qui suivent Jésus jusque sur la mer en montant dans la barque qui lui sert de lieu d’enseignement. Cet endroit leur est réservé, les foules n’y viennent pas. Il se présente comme l’intermédiaire entre la terre et la mer, une rive et l’autre, les juifs et les païens. Jésus y fait accéder uniquement les disciples. Comme si la traversée était constitutive de leur identité. Ces hommes choisis, l’Évangile les montre pourtant faillibles et la tempête symbolise leur résistance. La barque sur la mer prend alors une signification symbolique : elle révèle que Jésus a une identité de médiateur entre Dieu et l’homme, parce qu’il reproduit l’acte créateur et salvateur de Yahvé. Et elle dit en même temps – parce qu’elle est un objet instable sur un lieu mouvant – que cette identité ne peut être saisie et figée. La symbolique de la barque, qui sera plus tard celle de l’Église du Christ, nous dit combien l’identité de Jésus, Fils de Dieu, est une identité d’itinérance, une identité mystérieuse qui ne cesse de se dérober. Elle exprime en une image forte cette christologie du secret souvent mise en évidence par les commentateurs de Marc. Jésus le Christ se découvre en sa dimension de Sauveur, dans l’épreuve de l’affrontement aux forces du mal et de la mort. Quelque chose d’une nouvelle confrontation au chaos originel à partir duquel Dieu crée en séparant, un retour dans la Galilée premiere… La mer qui sépare les deux rives – comme les eaux du baptême qui introduisent à la vie nouvelle – devient alors ce lieu médiateur qui ouvre à une recréation, une libération, une résurrection… de l’ordre d’une nouvelle naissance. La traversée de la mer préfigure et signifie la future et déjà présente traversée pascale… Par l’emploi répété des images de l’eau et de la mer, Marc tente de nous faire saisir symboliquement que la suite du Christ est de l’ordre d’un commencement, d’un recommencement toujours à faire… Les femmes au tombeau à la Résurrection sont renvoyées dans leur Galilée de départ : « Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez comme il vous l’a dit » (16,7). Commencement qui ne peut faire l’économie de la traversée de la nuit de la peur dans l’effondrement de toute certitude et image du Christ. Les disciples mis en scène, aussi proches de Jésus soient-il, ne peuvent s’appuyer sur un savoir stable et sont en permanence désorientés. La mer, en tant qu’espace mouvant par excellence, présente donc un intérêt narratif certain pour contribuer à structurer un évangile dont la logique réside entièrement dans le déplacement. Dans les dix premiers chapitres, on peut relever plus de cinquante changements de lieux ! La mobilité est ici la marque la plus importante du personnage de Jésus. Les disciples, à son appel, passent du statut de sédentaires à celui d’itinérants… D’un rôle social figé, pêcheurs comme leur père, à un style de vie qui s’invente dans le plein vent du monde…

« Departure of the Israelites », by David Roberts, 1829

15 avril, 2015


http://en.wikipedia.org/wiki/The_Exodus#/media/File:David_Roberts-IsraelitesLeavingEgypt_1828.jpg

ENCORE UNE FOIS LE PÉCHÉ ORIGINEL, Frédéric Manns

15 avril, 2015

http://www.christusrex.org/www1/ofm/sbf/dialogue/peche.html

ENCORE UNE FOIS LE PÉCHÉ ORIGINEL

Frédéric Manns

L’anthropologie juive, affirment certains, voit l’homme comme un être irréductible, accompli dès sa création. Au joug de la loi juive l’Eglise semble avoir substitué celui du péché originel, lui-même constitutif d’une culpabilité généralisée à toute l’humanité
C’est au Ve siècle, que l’Eglise, avec saint Augustin, a instauré le péché originel comme constitutif de la condition humaine, s’éloignant en cela de la conception judaïque de l’homme. Qu’en est-il de la théologie du péché originel due à Saint Augustin ? Il convient d’examiner les choses de près.
Le judaïsme ancien avait maintes fois mis le Messie en rapport avec Adam. Le Testament de Lévi 18 avait prophétisé que le Messie ouvrirait la porte du Paradis et qu’il enlèverait le glaive menaçant Adam. Le midrash Genèse Rabbah 12,6 rapportait une ancienne tradition selon laquelle le Messie restituerait les six objets qui furent enlevés à l’humanité à cause de la faute d’Adam . L’apôtre Paul s’insérait dans cette tradition lorsqu’il traçait un parallèle entre Jésus et Adam et affirmait que Jésus, le nouvel Adam, était venu pour sauver le premier Adam . Les conséquences que Paul tirait de cette affirmation devaient surprendre ses anciens collègues pharisiens et ses condisciples de la yeshiba de Rabban Gamaliel. Si le Christ était la plénitude de la loi, celle-ci n’avait plus de raison d’être. Son rôle de pédagogue étant terminé, la loi devenait source de malédiction .
La réponse juive donnée aux affirmations de Paul se vérifie en trois domaines: celui de la désobéissance d’Adam, celui de la pénitence d’Adam et celui de la sépulture d’Adam. Il nous suffira d’examiner ici le premier domaine.
Gen 3 présente la désobéissance d’Adam comme l’origine de la mort: “Tu es glaise et tu retourneras à la glaise” (3,19). Le mythe de la chute forme un épisode isolé dans l’Écriture . Le premier écho à ce texte se trouve en Ben Sira 25,23: “C’est avec la femme qu’a commencé le péché, et c’est à cause d’elle que nous mourons tous”. L’auteur du livre de la Sagesse donne une autre explication du phénomène de la mort: “Dieu n’a pas créé la mort et il ne prend pas plaisir au trépas des justes” (1,13). “C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde” (2,24). Formé à la philosophie platonicienne, l’auteur du livre de la Sagesse introduit le principe de l’immortalité de l’âme dans son texte. La condamnation d’Adam devenait une exhortation à vivre dans la justice, car “la justice est immortelle et l’injustice conduit à la mort” (1,15).
Dans les milieux apocalyptiques le péché d’Adam est à peine mentionné. Le livre d’Hénoch éthiopien, au livre des veilleurs (1-36), y fait une brève allusion lorsque Raphaël montre à Hénoch l’arbre de la sagesse du Paradis: “C’est pour avoir mangé de son fruit qu’Adam et Eve connurent la vérité et furent chassés du Paradis” (32,6). L’auteur du livre des veilleurs souligne par contre la responsabilité des anges qui se sont unis aux filles des hommes et ont introduit ainsi le mal dans le monde. Par contre l’auteur de 4 Esdras attache à nouveau une importance plus grande au péché d’Adam. C’est parce qu’il a désobéi à l’ordre de Dieu qu’Adam a été condamné à mort et dans sa condamnation il a entraîné tous ses descendants (3,7). Affligé d’un mauvais coeur, il fut puni, lui et tous ceux qui naquirent de lui (3,21). Même le don de la loi au Sinaï n’a pu arracher le coeur mauvais (3,20). Puisque la création entière a été frappée les difficultés s’amoncellent partout (7,11-12).
Dans les milieux piétistes l’accent est mis également sur le péché d’Adam. La Vie d’Adam et d’Eve en témoigne. Adam reproche à Eve de n’avoir pas été capable de faire pénitence dans l’eau du Jourdain après la chute. C’est par la jalousie du diable, qui a refusé d’adorer l’image de Dieu en Adam, que le péché est entré dans le monde (12-15). Et le péché d’Adam aura comme conséquence le péché de Caïn (22-24).
Les rabbins connaissent l’idée que la mort est entrée dans le monde à cause du péché d’Adam. Le midrash Genèse Rabbah 17,8 rapporte une tradition du maître tannaïte R. José affirmant que les femmes doivent se couvrir la tête, parce que celui qui a commis une faute a honte d’être vu. De plus, les femmes suivent le cercueil lors des funérailles pour indiquer que ce sont elles qui ont amené la mort dans le monde. Le midrash Sifre Dt 6,4 orchestre la croyance en la corruption des hommes due au péché d’Adam: Jacob craint qu’il ait un fils indigne, car d’Abraham naquit l’impur Ismaël et d’Isaac naquit l’impur Esaü. La liturgie juive répète cette tradition dans le Targum Néofiti Gen 49,2. Au troisième siècle les maîtres amoraim conservent encore des traces de cette croyance. Le Talmud, au traité Sabbat 55b, rapporte la tradition suivante de R. Johanan: “Quand le serpent eut raison d’Eve, il lui infligea une souillure qui disparut pour les Israélites lorsqu’ils se tinrent devant le Sinaï”. En d’autres termes, R. Johanan reconnaît qu’Eve fut souillée après le péché. Il s’agit probablement d’une souillure morale dont les Israélites furent lavés lorsqu’ils acceptèrent la loi. Mais leur innocence retrouvée fut de brève durée, puisqu’en fabriquant le veau d’or, ils redonnèrent autorité à l’ange de la mort sur eux. Le Talmud, au traité Jebamot 103b, fait état de cette tradition.
Un second témoin de l’existence d’une souillure dans l’humanité après la chute d’Adam se trouve dans le traité Aboda Zara 22b du Talmud de Babylone. Abba bar Kahana, un maître amora, affirme: “Jusqu’à la troisième génération des Patriarches, la souillure ne leur fut pas enlevée, car Abraham eut pour fils Ismaël et Isaac eut pour fils Esaü. C’est Jacob qui le premier engendra douze fils exempts de défauts”. Le traité Pesahim 56a attribue une tradition semblable à R. Simon ben Laqish .
Il semble donc que les maîtres tannaïtes et amoraim aient connu la thèse d’une transmission du péché à la postérité d’Adam. Bientôt, par réaction contre Paul qui orchestrait la même affirmation, la chute d’Adam allait perdre sa place centrale pour n’être considérée que comme un péché à côté d’autres péchés. Lorsque les rabbins affirment que la Shekinah remonte au premier ciel après le péché d’Adam, puis au second ciel après le péché de Caïn et ainsi de suite après les fautes de la génération d’Enosh et de celle du déluge, ils réduisent implicitement la faute d’Adam à n’être qu’une faute à côté d’autres. Cette conviction est répétée en Genèse Rabbah 19,7 et Nombres Rabbah 13,2. Mais il y a plus. R. Méir semble contredire le texte de Gen 3 et considère la mort comme nécessaire dans le plan du monde. Commentant Gen 1,31 “Et Dieu vit que cela était très bon” (twb m’wd), il s’exprime ainsi: “Le terme m’wd (très) signifie la mort (mwt). Ainsi le verset signifie que Dieu vit que la mort était très bonne” . Le problème de la mort trouve donc une explication différente de celle de la Bible. Dans d’autres textes les rabbins n’hésiteront pas à présenter la foi d’Abraham comme l’antidote de la chute d’Adam. L’auteur de Genèse Rabbah 14,6 émet l’hypothèse suivante: “C’est Abraham qui devait être créé le premier, mais Dieu se dit: Peut-être péchera-t-il et n’y aura-t-il personne pour réparer son oeuvre? En créant Adam, je suis sûr que s’il se pervertit, Abraham viendra et remettra les choses en ordre”.
Généralement les rabbins verront un correctif à la chute d’Adam dans l’acte de foi par lequel Israël accepte d’obéir à la loi de façon inconditionnée. Lorsque Dieu descendit sur le Sinaï, il était escorté de myriades d’anges; ceux-ci ornèrent les Israélites de couronnes et les pourvoyèrent d’armes qui les rendirent invulnérables contre la mort . Ces armes devaient faire contrepoids à l’épée des chérubins postés à la porte du Paradis pour en garder l’entrée. La loi devint ainsi un moyen de libération et d’affranchissement.
Pour éviter de trop mettre en évidence le péché d’Adam les rabbins souligneront toujours plus une autre cause du mal: la tendance au mal présente dans le coeur de l’homme. En effet Dieu avait créé Adam avec deux penchants . Quand Dieu dit que tout était bon, il embrassait du même regard le mauvais et le bon penchant . Comment le mauvais penchant pouvait-il être bon? C’est que sans lui l’homme ne bâtirait pas de maison, ne prendrait pas de femme et n’engendrerait pas d’enfants. La présence en l’homme de cet ennemi intérieur n’entache en rien sa pureté originelle et ne compromet pas sa vertu . Une telle conception s’éloignait des affirmations des rabbins tannaïtes et des maîtres chrétiens qui soulignaient le “péché originel” d’Adam .
Il faut relire les sources juives avant de faire des affirmations à l’emporte-pièce concernant le christianisme. Le judaïsme a connu bel et bien une affirmation de la souillure dans l’humanité après le péché d’Adam.

MORT ET RÉSURRECTION (Ph 2, 6-11)

15 avril, 2015

http://www.spiritains.org/pub/esprit/archives/art1941.htm

MORT ET RÉSURRECTION

P. Lucien Deiss

Nous entrons dans la contemplation du mystère pascal par une grande porte que nous ouvre le Père Lucien Deiss, l’hymne de Saint Paul dans l’Epitre aux Philippiens :  » Jésus, de condition divine…  » Ph 2, 6-11

Grégorien et Parole de Dieu
Jadis, avant la réforme liturgique de Vatican 11, un des sommets de l’Office de la semaine Sainte. culminait dans le chant de l’antienne  » Christus factus est pro nobis « . Quelques 120 voix jeunes, entre 20 et 25 ans, chantant le grégorien dans notre scolasticat avec une virile beauté: célébration d’une intense splendeur! La première partie de l’antienne, dans une mélodie grave et solennelle, invite à la contemplation du Christ  » obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la croix.  » La seconde partie, dans une envolée exultante et jubilante célèbre sa résurrection et sa seigneurie universelle:  » C’est pourquoi Dieu l’a exalté…  » Le grégorien se mettait au service du mystère, les neumes acclamaient la Parole de Dieu selon l’hymne aux Philippiens 2, 6-11.
Certaines communautés, depuis la réforme liturgique, n’ont pas pu sauvegarder la richesse de leur grégorien. En retour, elles ont récupéré un trésor d’une incomparable beauté celui de la Parole de Dieu dans son intégralité. Le texte en effet, d’une émouvante splendeur, est une hymne que Paul cite dans sa lettre aux Philippiens 2, 6-11. L’exégèse allemande l’appelle « Christuslied », chant du Christ . On la divise tout naturellement en deux parties, et les commentateurs subdivisent ordinairement chaque partie en trois strophes. La voici dans une traduction qui veut imiter autant que possible la superbe splendeur de l’original grec que cite Paul :
Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais lui-même s’anéantit prenant condition d’esclave, devenant semblable aux hommes.
Et s’étant comporté comme un homme il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, la mort sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom
Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au plus haut des cieux
sur la terre et dans les enfers,
Et que toute langue proclame : le Seigneur, c’est Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père.
Parole de Dieu et grégorien soulignent donc, chacun à sa manière, la révélation du mystère de Jésus.
Une des premières professions de foi
La lettre aux Philippiens date des années 53. La mort même de Jésus remonte aux années 30. Cette lettre fut donc rédigée quelques 23 années après la mort de Jésus. L’hymne représente ainsi une des premières professions de foi de la communauté primitive. C’est une merveille de simplicité et de force:  » Le Seigneur, c’est Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père  » .
« Tel est le caractère fascinant et énigmatique de ce joyau de la foi chrétienne primitive qu’il n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. » L’une des sources les plus proches semble être le quatrième chant du Serviteur de Yahvé selon Is 52,13 à 53,12. Ce chant célèbre le Serviteur, homme de douleur écrasé par la souffrance pour les péchés de son peuple, exalté ensuite comme son Fils pour son sacrifice (Is 53,10-12). On peut ajouter à cette source le thème du Nouvel Adam . Jésus est « de condition divine », littéralement « dans la forme de Dieu » (2,6). Or dans le vocabulaire biblique grec, le mot « forme » équivaut à « image ». Adam, créé à l’image de Dieu (Gn 1,27) cherche à devenir son égal. D’où sa chute. Jésus, lui qui est Fils de Dieu, n’a pas gardé jalousement le rang qui l’égalait à son Père . Il a choisi l’humilité et l’obéissance. D’où son exaltation.
En suivant le texte mot à mot
Le texte de l’hymne est particulièrement riche et dense. On donne ici, comme pour toucher le texte primitif, la transposition littérale de l’original grec.
Première partie ( 2,6-8)
Verset 6 :  » Lui (= le Christ) se trouvant en forme de Dieu, ne retint pas comme une proie d’être égal à Dieu « .
La lourdeur de la phrase s’explique par le désir d’évoquer l’image du Christ en tant nouvel Adam. Le premier Adam en effet se laissa séduire précisément par la tentation de devenir égal à Dieu:  » Vous serez comme des dieux  » (Gn 3,5), lui avait promis le démon. Le Christ , lui, réalise l’égalité avec Adam, mais au coeur même de son humilité. Nouvel Adam, il restaure ainsi l’image de Dieu en toute l’humanité.
Verset 7.  » Mais lui-même s’anéantit ( littéralement : se vida)  » prenant forme d’esclave, devenant semblable aux hommes . Quant à son aspect, il fut reconnu comme un homme.
 » Il s’anéantit  » nous comprenons : il renonça à ce qui lui appartenait en tant que Dieu, c’est-à-dire l’infinie splendeur de sa divinité. « Prenant forme d’esclave »: le mot  » esclave  » y rend servilement le grec  » doulos  » mais peut paraître trop fort dans le contexte. Il semble préférable de le rendre par le terme de  » serviteur  » On se souviendra que dans le vocabulaire de l’Ancien Testament, le serviteur peut resplendir d’une certaine noblesse en tant apparaît comme l’image et le remplaçant de son maître. C’est bien dans cette noblesse d’amour entre serviteur et maître qu’il faut comprendre la relation entre Jésus et son Père. C’est aussi dans cette noblesse d’amour que nous sommes nous-mêmes serviteurs du Père .
L’hymne affirme avec force la réalité de l’humanité de Jésus. Elle barre ainsi la route à tout docétisme. Cette hérésie, à l’oeuvre dès les premiers temps de l’Eglise, prétendait que Jésus n’était pas vraiment homme mais n’avait que la ressemblance humaine (dokein, ressembler). Elle pensait ainsi enlever le caractère scandaleux à l’incarnation et sauvegarder en même temps l’impassibilité divine: Dieu ne peut pas souffrir. Mais elle ruinait en même temps le mystère de l’incarnation de Dieu au milieu de la pauvreté humaine. Telle est la distance abyssale entre l’humilité de la condition humaine et l’infinie splendeur de la divinité. Telle est justement aussi l’infini de l’amour de Dieu pour nous.
Verset 8.  » il s’abaissa lui-même, devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort de la croix. « 
Cette troisième strophe proclame l’humiliation extrême de Jésus et son obéissance parfaite dans sa mort sur la croix. Elle évoque l’image émouvante du Serviteur de Yahvé, homme de douleurs , familier de la souffrance (Is 53,43), portant le poids de nos péchés et souffrant pour nos fautes. L’affirmation fondamentale dans la théologie paulinienne selon laquelle c’est par le péché que souffrance et mort sont entrées dans le monde (Rm 5,12) n’est pas niée dans l’hymne, elle n’est simplement pas reprise. Il y a donc possibilité dans le message chrétien d’évoquer souffrance et mort simplement comme liées à la condition humaine.
Relevons enfin la beauté de l’adjectif hypèkoos, obéissant, du verbe
hypakouein obéir et du substantif hypakoè, obéissance. Ces mots sont formés du verbe akouein, du préfixe hypo, dessous, d’où  » écouter en penchant la tête  » (Bailly). L’obéissance de Jésus, comme l’obéissance chrétienne , n’est pas l’exécution servile de la volonté d’un maître intraitable, mais bien l’humble écoute de la Parole de Dieu en penchant la tête en signe de vénération et d’amour. Au coeur de sa souffrance, dans l’agonie de sa mort, cette obéissance d’amour fut la seule réponse de Jésus à son Père. Elle est aussi pour nous aujourd’hui notre seule réponse.

Deuxième partie ( 2, 9-11)
Verset 9 : « C’est pourquoi aussi Dieu l’a exalté et lui (a donné) par grâce le nom celui au-dessus de tout nom. »
La première partie présentait Jésus comme sujet de la phrase, on s’attendait donc à ce que la seconde partie proclamât sa résurrection. En fait, la résurrection, toujours présente, n’est même pas mentionnée ici. L’hymne préfère parler plutôt de l’exaltation de Jésus. Elle célèbre donc non pas simplement le retour à la vie du Seigneur , mais bien son entrée dans la gloire du Père. Elle souligne non pas un mérite du Christ, mais un don gratuit, une grâce (echarisato) du Père. Elle s’enracine dans l’amour merveilleux du Père. C’est lui, le Père, qui est au centre de sa louange.
Verset 10:  » Afin que dans le nom de Jésus tout genou fléchisse (dans ) les cieux, et les terres et sous les terres. « 
Dans l’univers biblique le nom n’est pas d’abord indication de l’identité de la personne, mais bien la révélation de ce qu’est sa personne devant Dieu. On peut donc affirmer ainsi que le nom de Dieu, comprenons : Dieu lui-même, habitait le Temple ( Dt 12,5). C’est pour cela que le fidèle de la Première Alliance évitait de prononcer le nom de Dieu pour ne pas se trouver comme par surprise devant le Dieu d’infinie majesté. Il remplaçait ce nom par des équivalences comme « Tout-Puissant » ou  » Très Haut « . Le nom « Yahvé » lui-même fut révélé a Moïse au Sinaï ( Ex 3,14) . Il représentait au coeur de l’Ancien Testament la richesse de son amour.
Le fidèle de la Nouvelle Alliance au contraire aime prononcer le nom de Jésus . Ce nom est proclamation de son salut. Il signifie en effet selon l’hébreu « Yéhoshua » : Yahvé sauve . C’est ce que l’ange avait expliqué à Joseph quand il lui avait demandé d’accueillir chez lui l’enfant de son épouse Marie :  » Tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés  » (Mt 15, 21).
Verset 11 : « Et que toute langue proclame que Seigneur (est) Jésus Christ pour la gloire de Dieu le Père
Le texte reprend l’acclamation de l’Eglise primitive qui est en même temps sa profession de foi: « Jésus Christ (est) Seigneur! » On notera l’inversion des mots  » Seigneur (est) Jésus Christ » pour souligner avec puissance la seigneurie de Jésus. Elle devait être familière à la communauté primitive ( cf. Col 2,9)
Cette finale renvoie à l’hymne citée en Is 45, 20-25. Dans cette hymne Dieu apparaît comme Dieu unique, juste et sauveur » devant qui se rassemblent toutes les nations et devant qui tout genou doit fléchir. Telle est bien la seigneurie de Dieu le Père, telle est également la seigneurie de Jésus.
Au coeur de la foi chrétienne se trouve donc la profession de foi en la seigneurie de Jésus « à la gloire de Dieu le Père ». Cette gloire du Père, c’est d’être reconnu et aimé , d’abord et essentiellement en tant que Père de Jésus, puis, à travers lui, de toute la création, donc de toute beauté, de tout amour, de toute joie.
En conclusion nous voyons là une hymne unique dans la littérature du Nouveau Testament, éblouissante de simplicité et d’optimisme théologique, parfaitement adaptée à notre époque ! Elle évite même de mentionner le péché de l’homme et du rachat de ce péché par la croix et préfère célébrer plutôt l’invitation de toute l’humanité, par le Christ, à la louange du Père. La résurrection ellemême de Jésus n’est pas décrite comme sa levée du séjour des morts après l’ignominie de la croix, mais bien comme son exaltation  » à la gloire de Dieu le Père.  » Aucune invitation non plus n’est faite pour présenter une prière de demande ni non plus une louange ou une action de grâce, mais il est évident que la seule réponse qui puisse être faite est cette louange ou cette action de grâce. Dieu est infinité d’amour. Toute son action dans le monde ne peut être qu’expression de son amour. Notre vie elle-même ne peut être que réalisation de ce à quoi nous avons été prédestinés, c’est-à-dire à être des vivantes  » louanges de sa gloire  » (Ep 1,5).
Nous réalisons cet idéal en marchant à la suite de Jésus, en vivant dans l’humilité devant le Père, en lui obéissant « jusqu’à la mort », c’est-à-dire en acceptant chaque instant de notre vie comme une offrande à son amour. Ainsi cette hymne s’incarne-t-elle au coeur de notre vie.

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