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Notre-Dame du Puits

22 avril, 2015

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ÉCRIRE L’HISTOIRE DES ORIGINES DU CHRISTIANISME

22 avril, 2015

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ÉCRIRE L’HISTOIRE DES ORIGINES DU CHRISTIANISME

MATTHIEU CASSIN

Il y a plusieurs dénominations possibles, aux délimitations variables, pour le sujet qui nous intéresse : origines de l’Église, origines du christianisme, Église primitive, communauté primitive, temps apostoliques, etc. Cependant, la référence aux ‘origines’ est la plus souvent retenue, car elle permet d’établir cette période comme référence [1]. Se pose donc d’emblée une question de définition : définition chronologique de la période, que l’on fait couvrir en général le premier siècle, et définition de l’objet étudié, Église, communauté, doctrines, figures des apôtres, prédication transmise, etc. En effet, il faut rappeler, en reprenant les mots de W. Kasper : « Christlicher Glaube und Theologie gründen auf dem geschichtlich ein für allemal ergangenen Wort Gottes in seinem Handeln in der Geschichte. Die geschichtliche Argumentation ist deshalb grundlegend für jede Theologie. » [2] Ceci est considéré comme une différence fondamentale du christianisme par rapport aux autres religions, du moins par rapport à certaines religions…
Pour tenter de comprendre les élaborations successives de l’histoire des origines, il faut distinguer, me semble-t-il, deux aspects, au moins en préambule, car ils sont toujours indissociablement liés et mêlés dans les faits :
L’évolution des positions et des enjeux ecclésiaux, ainsi que des polémiques et des adversaires, qui modifie sensiblement la perception des origines et la nécessité de sa prise en considération.
L’évolution des méthodes historiques, en particulier lorsqu’elles sont appliquées à l’histoire de l’Église.
C’est de l’entrecroisement de ces deux facteurs que naît l’histoire des origines de l’Église. Je ne prétends pas débrouiller ici cette question, mais simplement attirer l’attention sur ce point, comme une clef de déchiffrement toujours nécessaire.
Je prendrai par la suite quelques exemples, en différents moments du temps, pour essayer de mettre en valeur les principaux courants qui ont traversé l’histoire de l’Église, ce qui pourra me conduire parfois à m’écarter de l’histoire des origines proprement dites, car celle-ci n’a pas toujours été traitée séparément du reste de l’histoire de l’Église.

Origines de l’histoire des origines
On présente en général Eusèbe de Césarée comme le premier historien de l’Église, ce qui n’est que partiellement vrai. Chez lui, cependant, on trouve déjà une imbrication de la théologie et de l’histoire qui donne forme à son ouvrage ; les quatre premiers chapitres du premier livre sont uniquement théologiques et portent sur la manifestation du Christ. Et l’on trouve déjà en son œuvre la notion de clôture de l’âge apostolique : « Ce qui est venu à notre connaissance sur les apôtres et les temps apostoliques, sur les écrits sacrés qu’ils nous ont laissés, sur les livres contestés, bien qu’ils soient lus publiquement par beaucoup dans un très grand nombre d’Églises, sur ceux qui sont complètement apocryphes et étrangers à l’orthodoxie catholique, voilà ce que nous avons exposé dans ce qui précède [3]. » Il faut noter toutefois que cette courte conclusion laisse nettement apparaître que cette période n’est pas conçue par Eusèbe comme un âge infaillible et parfait, bien qu’elle soit l’époque de référence malgré tout.
Il est même possible, en prenant les précautions nécessaires, de remonter plus haut ; un autre auteur a droit au qualificatif de « père de l’histoire de l’Église », c’est le rédacteur des Actes, qui se présente comme le continuateur de l’évangile lucanien. Précisons tout de suite qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une histoire de la communauté primitive, mais bien plutôt de la vision que cette communauté bâtit à propos d’elle-même ou de ses ancêtres immédiats. Cependant, on trouve bien là le processus même que nous évoquions, qui est celui de la construction d’une référence originaire : si l’histoire de la communauté apostolique et des missions pauliniennes est écrite, c’est bien parce qu’elle est perçue comme fondement de la foi des communautés qui les suivent [4].
Je passerai rapidement sur la période médiévale, non qu’il n’y ait pas à dire, mais parce que les questions qui nous intéressent y sont sans doute plus diffuses et moins nettement saisissables. On peut dire rapidement que la présentation théologique et/ou apocalyptique de l’histoire de l’Église l’emporte souvent, comme chez Joachim de Flore ou Jean Olivi.

Réformes, contre-réformes et polémiques
Nous nous arrêterons ici sur deux histoires, celle des Centuries de Magdebourg (1559-1574) du côté protestant, et celle des Annales (1588sq.) de Baronius (Cesare Baronio), pour le côté catholique [5].
Les Centuries sont rédigées en milieu protestant allemand, et constituent la première grande entreprise d’histoire de l’Église du côté de la Réforme. La thèse principale est la suivante : ce qui est central dans l’histoire de l’Église, c’est la doctrine (non la vie des communautés), et cette histoire se caractérise par un déclin progressif depuis les origines. Voici comment Flacius Illyricus, l’initiateur du projet – qui en est ensuite écarté – en définit le principe : « démontrer sur la seule base des anciens documents que la première doctrine ou religion de l’Église n’était pas celle du pape mais la nôtre », et que les erreurs ont commencé à s’introduire dès après les temps apostoliques. La communauté primitive n’est pas vraiment mise en avant – rien n’est dit, par exemple, sur la communauté des biens, telle qu’elle est décrite dans les Actes – au profit de la seule doctrine.
D’autre part, l’Église est toujours traitée sous le mode de l’Église visible, au détriment de l’Église invisible, ce qui est assez inévitable dans une histoire, mais écarte quelque peu les centuriateurs des positions de Luther et les rapproche de Melanchthon sur ce point.
La première centurie isole le premier siècle, décrit comme l’ « âge apostolique » ; c’est celui de la fondation, des origines incontestables, qui servent de point de référence pour l’examen et l’évaluation de toute la suite de l’histoire de l’Église ; c’est à partir de cet âge qu’est jugée la valeur des siècles suivants, caractérisés par leur écart croissant à la doctrine apostolique. Cette perspective n’est pas totalement originale, mais le retour à l’origine est ici caractéristique de l’entreprise en ce qu’il est un retour à la doctrine des origines, ce qui l’éloigne quelque peu de la perspective humaniste traditionnelle. Le préjugé favorable est accordé non pas à l’ancienneté, mais à l’apostolicité, par l’identification du message du Christ et de celui qui a été annoncé immédiatement après lui.
Baronius, au contraire, se place dans une ligne plus usuelle, celle des controverses menées depuis le début du XVIe siècle : la question est celle du fondement de l’Église, qui est rapportée à Mt 16, 18, où le roc est Pierre ; le fondement absolu est certes le Christ, mais celui-ci a établi un pouvoir monarchique sur terre pour son Église, en la lignée de Pierre et de ses successeurs. La référence, chez lui, est moins à l’Église primitive qu’à la continuité de la tradition (Pères, conciles, saints), et plus précisément encore à l’Église de Rome comme héritière du privilège de Pierre et témoin privilégié de cette tradition. De même, en expliquant Jn 20, 22-23, il montre que le pouvoir de pardonner s’est transmis depuis les apôtres à leurs successeurs. À la ligne de décadence continue depuis l’origine, qui est la thèse des centuriateurs, Baronius oppose celle de la continuité de la tradition véritable, incarnée dans le siège romain. Il rapproche cela de la transmission, orale dès l’origine, mettant en avant la tradition orale comme premier vecteur de ce qui fut ensuite l’Écriture ; cette tradition est conservée dans l’Église romaine, et toute tentative de jugement porté sur les origines hors de cette tradition est faussée et incomplète.

De l’histoire de combat à l’érudition critique du XVIIe
Après ces deux œuvres majeures, et au milieu des nombreux travaux d’édition érudite du XVIIe siècle, il faut mentionner ici l’œuvre monumentale de Sébastien Lenain de Tillemont [6]. Dans sa préface, Lenain donne plusieurs éléments d’importance sur son projet, qui vise à rassembler et fournir les éléments nécessaires à une histoire ecclésiastique : « Une histoire générale de l’Église eût même obligé de traiter avec quelque exactitude ce qui en regarde les dogmes et la discipline, et il eût fallu pour cela étudier à fond ces matières, étant fâcheux et même dangereux de parler de choses si importantes sans en avoir une connaissance parfaite : et l’auteur n’a jamais fait d’étude particulière sur cela, ayant cru qu’il lui suffisait pour son dessein de marquer ces choses autant qu’elles entraient dans la narration, sans avancer au-delà de ce qu’il trouvait dans les auteurs originaux. » (p. V-VI). C’est donc s’écarter assez nettement des perspectives que nous avons évoquées plus haut, en mettant de côté d’emblée les questions de doctrines et la justification de la position de l’Église.
Le projet, s’il se place certes dans une perspective chrétienne, chez ce fervent disciple de Port-Royal qu’est Tillemont, n’est pas avant tout apologétique :
« Il ne se croira pas tout à fait inutile à l’Église s’il peut représenter la vérité toute simple de ce qui s’est passé dans les premiers siècles, et l’établir autant que cela lui est possible par le témoignage des auteurs les plus anciens. Il laisse à chacun d’y faire les réflexions que sa piété lui suggèrera, se contentant de marquer quelques-unes de celles que les Pères y ont faites, lorsqu’il les a rencontrées dans leurs ouvrages.
« Il ne s’engage point non plus à examiner les conséquences que l’on pourrait tirer des faits qu’il trouve établis par de bons auteurs, ni à répondre aux objections que l’on y a faites, ou que l’on pourrait y faire ; ce qui demanderait une étude toute différente de la sienne. Il se contente de chercher la vérité des faits : et pourvu qu’il la trouve, il ne craint pas que l’on en abuse ; étant certain que la vérité ne peut être contraire à la vérité, ni par conséquent à la piété, qui doit être fondée sur la vérité. » (p. VIII-IX).
La dimension apologétique passe, non pas au second plan des préoccupations, mais au second plan de la méthode. Elle n’en est pas moins présente, et la conception de l’Église qui est celle de Tillemont n’en oriente pas moins son œuvre ; cependant, ce n’est plus cet aspect qui est mis en avant comme guide et raison de l’écriture de l’histoire. La question de la décadence n’est pas reprise sous la forme qu’elle avait dans l’historiographie protestante, mais comme un trait de la transmission humaine naturelle ; ainsi Tillemont écarte-t-il d’emblée les versions des vies de saints que donne Siméon Métaphraste ou d’autres versions tardives, car leur éloignement à la source les disqualifie d’emblée [7].
Il est un peu facile d’opposer ces traits de méthode historique à des passages de la préface de l’ouvrage de l’abbé Fleury [8] : « C’est la matière de l’histoire ecclésiastique : cette heureuse succession de doctrine, de discipline, de bonnes mœurs. » (p. VII). « Rien n’est plus propre à nous confirmer dans la foi que de voir la même doctrine que nous enseignons aujourd’hui, enseignée dès le commencement par les martyrs et confirmée par tant de miracles. Plus la discipline est ancienne, plus est elle vénérable. »
On voit bien là que ce n’est pas une distinction absolue des temps dans une perspective de progrès continu de la science historique qui l’emporte, mais des approches qui diffèrent suivant les projets d’écriture. Fleury, qui sera longtemps lu comme référence, jusqu’à la fin du XIXe siècle dans les milieux catholiques français, se place dans une perspective d’histoire apologétique, ce qui est beaucoup moins le cas pour Tillemont, bien qu’il dise lui-même dans sa préface avoir plus souvent accordé à l’autorité qu’à la critique.

La critique allemande des XVIIIe et XIXe siècles : bref aperçu et perspectives [9]
La critique historique, telle qu’elle s’est élaborée aux XVIIe et XVIIIe siècles, est peu à peu mise en œuvre dans le domaine de l’histoire de l’Église. Cependant, c’est surtout le fait de l’école protestante allemande, et l’approche suivie en subit les traits principaux. Ainsi chez Gottfried Arnold (1666-1714), qui remet en question tout l’appareil institutionnel, tout ce qui relève de la cléricature, et plus seulement la papauté ; ne reste à ses yeux que la communauté ecclésiale. Mosheim (1694-1755) traite à sa suite de l’Église comme communauté de personnes, communauté étudiée comme le serait un État ou toute autre collectivité.
Le temps nous manque pour évoquer les différentes figures et perspectives de la critique allemande du XIXe siècle, malgré leur importance. Je m’arrêterai simplement à un aspect de l’œuvre d’Adolf von Harnack, tel qu’il est présenté dans la série de cours-conférences donnée au semestre d’hiver 1899-1900 à la Friedrich-Wilhelms Universität de Berlin [10].
Son ouvrage se place dans la perspective de la wissenschaftliche Theologie, (« théologie scientifique ») qui cherche la vérité du christianisme dans la recherche historique. Dans cette perspective, ce sont les origines du christianisme qui sont interrogées en priorité, et la suite de son histoire est étudiée à partir de l’image qui a été reconstruite pour cette origine. Le but de son étude est de présenter l’essence du christianisme, ce à quoi la Réforme a voulu se conformer, en la séparant de sa gangue culturelle surajoutée, en particulier de l’héritage grec, tout spécialement sous sa forme philosophique. Il utilise une formulation imagée de cette dichotomie, celle de l’aubier, c’est-à-dire l’essence, et de l’écorce, c’est-à-dire la forme historique. Son étude se place donc dans la perspective d’une distinction de l’essence et de la réalisation historique, de l’idée et de la forme réalisée dans le temps humain.
C’est Paul qui est pour lui l’instrument et l’occasion de la rupture, conduisant par son œuvre à la séparation de l’Église et de la synagogue, et à l’introduction de l’Église dans le monde gréco-romain, donc dans l’histoire universelle. Il est l’artisan, selon Harnack, de la première transformation par rapport à l’essence originelle, qui est réduite à la considération des seuls évangiles. Il se distingue, en cette radicalité de l’exemple, des centuriateurs de Magdeburg, et de bien d’autres, pour qui la limite de l’Église idéale se situait à la fin de l’âge apostolique, soit une génération plus tard [11]. On a là un exemple net et typique de l’impasse à laquelle conduit, lorsqu’elle est appliquée trop fortement, la théorie de la pureté originelle et de la décadence ; en introduisant ces distinctions dans l’histoire primitive du christianisme, même si elles ne visent pas à rejeter l’héritage paulinien en son ensemble, Harnack pose les jalons de la séparation de l’hellénisme comme ajout étranger au cœur du message évangélique (voir ses travaux sur Marcion, en particulier).
On en trouverait d’autres exemples dans l’étude de la production exégétique et historique des XIXe et XXe siècles, qui cherche à délimiter la partie pure et non contaminée du christianisme (que l’on pense par exemple aux tentatives de reconstructions du Jésus historique, aux recherches sur les logia de Jésus quand elles visent à les extraire de la matière évangélique, etc.).

Conclusion
Il semble donc que l’on puisse retrouver, augmentées, les réserves que nous formulions au début de notre exposé : cette brève présentation historiographique visait à attirer l’attention sur l’influence des présupposés théoriques et théologiques des auteurs, tout particulièrement sur une matière comme celle-ci. Ce que nous disons ne serait qu’un truisme appliqué à l’histoire en général ; appliquées à l’histoire de l’Église, ces remarques prennent davantage de poids, puisqu’elles concernent des investigations qui portent sur une religion et une institution qui se présentent comme un cadre de salut. Lorsqu’il s’agit des origines de l’Église, le biais introduit dans l’histoire est plus grand encore : en effet, la plupart des auteurs considérés, et cela reste largement vrai pour les auteurs contemporains, trouvent dans l’étude des origines un moyen de prendre position par rapport aux institutions et options ecclésiales actuelles, en s’attaquant à leurs fondements et fondations. Qui dit ‘origine’ dit ‘tradition’ : si l’on remet en cause le fondement, les gens qui s’en réclament sont disqualifiés et les positions théoriques et théologiques qui s’appuient sur cet héritage en sont invalidées. Cependant, cette invalidation se fait par le biais d’une enquête – ou d’une pseudo-enquête – portant sur l’histoire, ce qui rend plus difficilement discernables les motifs qui soutiennent et sous-tendent ces remises en cause et plus difficiles à réfuter ces entreprises : lorsque le débat reste au niveau du débat théologique, les preuves peuvent être théologiques, et le grand public s’en tient le plus souvent écarté ; lorsque c’est une reconstruction historique qui sert de moyen de transmission des positions, la réfutation oblige à descendre dans l’arène de la critique historique, et de telles positions sont reçues par le plus grand nombre, lorsqu’elles sont affirmées avec force, comme vérité scientifique invariante. Puissent les quelques exemples envisagés ici permettre de mieux discerner dans les reconstructions des origines de l’Église les présupposés et les partis pris qui les orientent, et nous rendre plus attentifs en nos formulations comme à celles des autres.

Matthieu Cassin, Né en 1980, élève de l’Ecole Normale Supérieure.

UN MOT BIBLIQUE – LA MISÉRICORDE (TAIZÉ)

22 avril, 2015

http://www.taize.fr/fr_article6823.html

UN MOT BIBLIQUE – LA MISÉRICORDE (TAIZÉ)

« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Matthieu 5, 7). Aux miséricordieux, Jésus ne promet rien d’autre que ce qu’ils vivent déjà : la miséricorde. Dans toutes les autres béatitudes, la promesse contient un plus, mène plus loin : ceux qui pleurent seront consolés, les cœurs limpides verront Dieu. Mais qu’est-ce que Dieu pourrait donner de plus aux miséricordieux ? La miséricorde est plénitude de Dieu et des humains. Les miséricordieux vivent déjà de la vie même de Dieu.
« Miséricorde » est un vieux mot. Au cours de sa longue histoire, il a pris un sens très riche. En grec, langue du Nouveau Testament, miséricorde se dit éléos. Ce mot nous est familier dans la prière Kyrie eleison, qui est un appel à la miséricorde du Seigneur. Éléos est la traduction habituelle, dans la version grecque de l’Ancien Testament, du mot hébreu hésèd. C’est un des plus beaux mots bibliques. Souvent, on le traduit tout simplement par amour.
Hésèd, miséricorde ou amour, fait partie du vocabulaire de l’alliance. Du côté de Dieu, il désigne un amour inébranlable, capable de maintenir une communion pour toujours, quoi qu’il arrive : « Mon amour ne s’écartera pas de toi » (Isaïe 54, 10). Mais comme l’alliance de Dieu avec son peuple est une histoire de ruptures et de recommencements dès le départ (Exode 32 – 34), il est évident qu’un tel amour inconditionnel suppose le pardon, il ne peut être que miséricorde.
Éléos traduit encore un autre mot hébreu, celui de rahamîm. Ce mot va souvent de pair avec hésèd mais est plus chargé d’émotions. Littéralement, il signifie les entrailles, c’est une forme plurielle de réhèm, le sein maternel. La miséricorde, ou la compassion, est ici l’amour ressenti, l’affection d’une mère pour son petit enfant (Isaïe 49, 15), la tendresse d’un père pour ses fils (Psaume 103, 13), un amour fraternel intense (Genèse 43, 30).
La miséricorde, au sens biblique, est bien plus qu’un aspect de l’amour de Dieu. La miséricorde est comme l’être même de Dieu. Par trois fois devant Moïse, Dieu prononce son nom. La première fois, il dit : « Je suis qui je suis » (Exode 3, 14). La deuxième fois : « Je fais grâce à qui je fais grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde » (Exode 33, 19). Le rythme de la phrase est le même mais la grâce et la miséricorde se substituent à l’être. Pour Dieu, être qui il est, c’est faire grâce et miséricorde. Ce que confirme la troisième proclamation du nom de Dieu : « Le Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en miséricorde et en fidélité » (Exode 34, 6).
Cette dernière formule a été reprise dans les prophètes et dans les psaumes, en particulier dans le psaume 103 (verset 8). Dans sa partie centrale, (versets 11 à 13), ce psaume s’émerveille de l’envergure inouïe de la miséricorde de Dieu. « Comme est la hauteur des cieux sur la terre, sa miséricorde… » : elle est la hauteur de Dieu, sa transcendance. Mais elle est aussi son humanité, si l’on ose dire : « Comme est la tendresse d’un père pour ses fils… ». Si transcendante et si proche à la fois, elle est capable d’enlever tout mal : « Comme est loin l’orient de l’occident, il éloigne de nous nos péchés. »
La miséricorde est ce qu’il y a de plus divin en Dieu, elle est aussi ce qu’il y a de plus accompli en l’homme. « Il te couronne de miséricorde et de tendresse », dit encore le psaume 103. Il faut lire ce verset à la lumière d’un autre verset du psaume 8 où il est dit que Dieu couronne l’être humain « de gloire et de beauté ». Créés à son image, les humains sont appelés à partager la gloire et la beauté de Dieu. Mais c’est la miséricorde et la tendresse qui nous font réellement participer à la vie même de Dieu.
La parole de Jésus : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Luc 6, 36) fait écho à l’ancien commandement : « Soyez saints comme moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lévitique 19, 2). À la sainteté, Jésus a donné le visage de la miséricorde. C’est la miséricorde qui est le plus pur reflet de Dieu dans une vie humaine. « Par la miséricorde envers le prochain tu ressembles à Dieu » (Basile le Grand). La miséricorde est l’humanité de Dieu. Elle est aussi l’avenir divin de l’homme.

SAINT ANSELME

21 avril, 2015

SAINT ANSELME dans images sacrée

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BENOÎT XVI : SAINT ANSELME, 21 AVRIL

21 avril, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2009/documents/hf_ben-xvi_aud_20090923.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 23 septembre 2009aprile

SAINT ANSELME, 21 AVRIL

Chers frères et sœurs,

A Rome, sur la colline de l’Aventin, se trouve l’abbaye bénédictine de Saint-Anselme. En tant que siège d’un institut d’études supérieures et de l’abbé primat des Bénédictins confédérés, c’est un lieu qui unit la prière, l’étude et le gouvernement, qui sont précisément les trois activités qui caractérisent la vie du saint auquel elle est dédiée: Anselme d’Aoste, dont nous célébrons cette année le ix centenaire de la mort. Les multiples initiatives, promues spécialement par le diocèse d’Aoste pour cette heureuse occasion, ont souligné l’intérêt que continue de susciter ce penseur médiéval. Il est connu également comme Anselme du Bec et Anselme de Canterbury en raison des villes auxquelles il est lié. Qui est ce personnage auquel trois localités, éloignées entre elles et situées dans trois nations différentes – Italie, France, Angleterre – se sentent particulièrement liées? Moine à la vie spirituelle intense, excellent éducateur de jeunes, théologien possédant une extraordinaire capacité spéculative, sage homme de gouvernement et défenseur intransigeant de la libertas Ecclesiae, de la liberté de l’Eglise, Anselme est l’une des personnalités éminentes du Moyen-âge, qui sut harmoniser toutes ces qualités grâce à une profonde expérience mystique, qui en guida toujours la pensée et l’action.

Saint Anselme naquit en 1033 (ou au début de 1034), à Aoste, premier-né d’une famille noble. Son père était un homme rude, dédié aux plaisirs de la vie et dépensant tous ses biens; sa mère, en revanche, était une femme d’une conduite exemplaire et d’une profonde religiosité (cf. Eadmero, Vita s. Anselmi, PL 159, col. 49). Ce fut elle qui prit soin de la formation humaine et religieuse initiale de son fils, qu’elle confia ensuite aux bénédictins d’un prieuré d’Aoste. Anselme qui, enfant – comme l’écrit son biographe -, imaginait la demeure du bon Dieu entre les cimes élevées et enneigées des Alpes, rêva une nuit d’être invité dans cette demeure splendide par Dieu lui-même, qui s’entretint longuement et aimablement avec lui, et à la fin, lui offrit à manger « un morceau de pain très blanc » (ibid., col. 51). Ce rêve suscita en lui la conviction d’être appelé à accomplir une haute mission. A l’âge de quinze ans, il demanda à être admis dans l’ordre bénédictin, mais son père s’opposa de toute son autorité et ne céda pas même lorsque son fils gravement malade, se sentant proche de la mort, implora l’habit religieux comme suprême réconfort. Après la guérison et la disparition prématurée de sa mère, Anselme traversa une période de débauche morale: il négligea ses études et, emporté par les passions terrestres, devint sourd à l’appel de Dieu. Il quitta le foyer familial et commença à errer à travers la France à la recherche de nouvelles expériences. Après trois ans, arrivé en Normandie, il se rendit à l’abbaye bénédictine du Bec, attiré par la renommée de Lanfranc de Pavie, prieur du monastère. Ce fut pour lui une rencontre providentielle et décisive pour le reste de sa vie. Sous la direction de Lanfranc, Anselme reprit en effet avec vigueur ses études, et, en peu de temps, devint non seulement l’élève préféré, mais également le confident du maître. Sa vocation monastique se raviva et, après un examen attentif, à l’âge de 27 ans, il entra dans l’Ordre monastique et fut ordonné prêtre. L’ascèse et l’étude lui ouvrirent de nouveaux horizons, lui faisant retrouver, à un degré bien plus élevé, la proximité avec Dieu qu’il avait eue enfant.

Lorsqu’en 1063, Lanfranc devint abbé de Caen, Anselme, après seulement trois ans de vie monastique, fut nommé prieur du monastère du Bec et maître de l’école claustrale, révélant des dons de brillant éducateur. Il n’aimait pas les méthodes autoritaires; il comparait les jeunes à de petites plantes qui se développent mieux si elles ne sont pas enfermées dans des serres et il leur accordait une « saine » liberté. Il était très exigeant avec lui-même et avec les autres dans l’observance monastique, mais plutôt que d’imposer la discipline il s’efforçait de la faire suivre par la persuasion. A la mort de l’abbé Herluin, fondateur de l’abbaye du Bec, Anselme fut élu à l’unanimité à sa succession: c’était en février 1079. Entretemps, de nombreux moines avaient été appelés à Canterbury pour apporter aux frères d’outre-Manche le renouveau en cours sur le continent. Leur œuvre fut bien acceptée, au point que Lanfranc de Pavie, abbé de Caen, devint le nouvel archevêque de Canterbury et il demanda à Anselme de passer un certain temps avec lui pour instruire les moines et l’aider dans la situation difficile où se trouvait sa communauté ecclésiale après l’invasion des Normands. Le séjour d’Anselme se révéla très fructueux; il gagna la sympathie et l’estime générale, si bien qu’à la mort de Lanfranc, il fut choisi pour lui succéder sur le siège archiépiscopal de Canterbury. Il reçut la consécration épiscopale solennelle en décembre 1093.

Anselme s’engagea immédiatement dans une lutte énergique pour la liberté de l’Eglise, soutenant avec courage l’indépendance du pouvoir spirituel par rapport au pouvoir temporel. Il défendit l’Eglise des ingérences indues des autorités politiques, en particulier des rois Guillaume le Rouge et Henri I, trouvant encouragement et appui chez le Pontife Romain, auquel Anselme démontra toujours une adhésion courageuse et cordiale. Cette fidélité lui coûta également, en 1103, l’amertume de l’exil de son siège de Canterbury. Et c’est seulement en 1106, lorsque le roi Henri I renonça à la prétention de conférer les investitures ecclésiastiques, ainsi qu’au prélèvement des taxes et à la confiscation des biens de l’Eglise, qu’Anselme put revenir en Angleterre, accueilli dans la joie par le clergé et par le peuple. Ainsi s’était heureusement conclue la longue lutte qu’il avait menée avec les armes de la persévérance, de la fierté et de la bonté. Ce saint archevêque qui suscitait une telle admiration autour de lui, où qu’il se rende, consacra les dernières années de sa vie en particulier à la formation morale du clergé et à la recherche intellectuelle sur des sujets théologiques. Il mourut le 21 avril 1109, accompagné par les paroles de l’Evangile proclamé lors de la Messe de ce jour: « Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves; et moi je dispose pour vous du Royaume comme mon Père en a disposé pour moi: vous mangerez à ma table en mon Royaume » (Lc 22, 28-30). Le songe de ce mystérieux banquet, qu’il avait fait enfant tout au début de son chemin spirituel, trouvait ainsi sa réalisation. Jésus, qui l’avait invité à s’asseoir à sa table, accueillit saint Anselme, à sa mort, dans le royaume éternel du Père.

« Dieu, je t’en prie, je veux te connaître, je veux t’aimer et pouvoir profiter de toi. Et si, en cette vie, je ne suis pas pleinement capable de cela, que je puisse au moins progresser chaque jour jusqu’à parvenir à la plénitude » (Proslogion, chap. 14). Cette prière permet de comprendre l’âme mystique de ce grand saint de l’époque médiévale, fondateur de la théologie scolastique, à qui la tradition chrétienne a donné le titre de « Docteur Magnifique », car il cultiva un intense désir d’approfondir les Mystères divins, tout en étant cependant pleinement conscient que le chemin de recherche de Dieu n’est jamais terminé, tout au moins sur cette terre. La clarté et la rigueur logique de sa pensée ont toujours eu comme fin d’ »élever l’esprit à la contemplation de Dieu » (ibid., Proemium). Il affirme clairement que celui qui entend faire de la théologie ne peut pas compter seulement sur son intelligence, mais qu’il doit cultiver dans le même temps une profonde expérience de foi. L’activité du théologien, selon saint Anselme, se développe ainsi en trois stades: la foi, don gratuit de Dieu qu’il faut accueillir avec humilité; l’expérience, qui consiste à incarner la parole de Dieu dans sa propre existence quotidienne; et ensuite la véritable connaissance, qui n’est jamais le fruit de raisonnements aseptisés, mais bien d’une intuition contemplative. A ce propos, restent plus que jamais utiles également aujourd’hui, pour une saine recherche théologique et pour quiconque désire approfondir la vérité de la foi, ses paroles célèbres: « Je ne tente pas, Seigneur, de pénétrer ta profondeur, car je ne peux pas, même de loin, comparer avec elle mon intellect; mais je désire comprendre, au moins jusqu’à un certain point, ta vérité, que mon cœur croit et aime. Je ne cherche pas, en effet, à comprendre pour croire, mais je crois pour comprendre » (ibid., 1).

PÈRE CANTALAMESSA :L’HUMILITÉ COMME VERITÉ ET COMME SERVICE CHEZ FRANCOIS D’ASSISE

21 avril, 2015

http://www.cantalamessa.org/?p=2267&lang=fr

PÈRE CANTALAMESSA :L’HUMILITÉ COMME VERITÉ ET COMME SERVICE CHEZ FRANCOIS D’ASSISE

Avent : seconde prédication
1. Humilité objective et humilité subjective
François d’Assise, nous l’avons vu la fois passée, est la démonstration vivante que la réforme la plus utile pour l’Eglise est celle par voie de sainteté, que celle-ci consiste à chaque fois en un courageux retour à l’Evangile et doit commencer par soi-meme. Dans cette deuxième mèditation je voudrais approfondir un aspect de ce retour à l’Evangile, vertu de François. Selon Dante Alighieri, toute la gloire de François repose sur son « se faire petit »[1], c’est-à-dire sur son humilité. Mais en quoi consiste la proverbiale humilité de saint François?
Dans toutes les langues, par lesquelles la Bible est passée pour arriver jusqu’à nous, soit l’hébreu, le grec, le latin et l’italien, le mot « humilité » possède deux significations fondamentales: un sens objectif qui indique un état de fait – bassesse, petitesse ou misère – et un sens subjectif qui indique le sentiment et la reconnaissance de sa propre petitesse. Ce dernier est ce que nous entendons pas vertu de l’humilité.
Quand dans le Magnificat Marie dit : « Il a regardé l’humilité (tapeinosis) de sa servante », elle le dit dans un sens objectif et non subjectif ! C’est pourquoi très opportunément dans diverses langues, par exemple en allemand, ce terme est traduit par « petitesse » (Niedrigkeit). Comment peut-on d’ailleurs penser que Marie exalte son humilité et attribue à celle-ci le choix de Dieu sans la détruire en même temps ? Il est pourtant arrivé que l’on écrive maladroitement que Marie ne se reconnaissait aucune autre vertu que celle de l’humilité, comme si on faisait, de cette façon, un grand honneur et non un grand tort, à telle vertu.
La vertu de l’humilité a un statut spécial : le possède celui qui croit ne pas l’avoir, ne l’a pas celui qui croit l’avoir. Seul Jésus peut se dire « humble de cœur » et l’être vraiment; c’est, comme nous le verrons, la caractéristique unique de l’humilité de l’homme-Dieu. Marie n’avait-elle donc pas cette vertu de l’humilité ? Bien entendu qu’elle l’avait et à un niveau supérieur, mais seul Dieu le savait, pas elle. Et c’est qui fait toute la valeur de la vraie humilité : son parfum n’est senti que par Dieu, pas par celui qui l’émane. Saint Bernard écrit: « Celui qui est vraiment humble veut être estimé vil et abject, non pas humble »[2].
L’humilité de François s’inscrit dans cette ligne. Ses Fioretti y font allusion dans un épisode significatif, et au fond, certainement historique.
Un jour que saint François revenait du bois où il avait prié et qu’il était à l’orée du bois, ledit frère Massée voulut éprouver son humilité, alla ò sa rencontre et lui dit comme en plaisantant : « Pourquoi à toi ? Pourquoi à toi ? Pourquoi à toi ? » Saint François répondit : Qu’est-ce que tu veux dire ? » Frère Massée dit : « Je dis : pourquoi tout le monde court-il après toi et pourquoi chacun semble-t-il désirer te voir, et t’entendre, et t’obéir ? De corps, tu n’est pas bel homme, tu n’as pas grande science, tu n’es pas noble ; d’où te vient-il donc que tout le monde après toi ? » Entendant cela, saint François, tout réjoui en esprit […], se tourna vers frère Massée et dit : « Tu veux savoir pourquoi à moi ? Tu veux savoir pourquoi à moi, tout le monde me court après ? Cela je tiens de ces yeux de Dieu très haut, qui en tous lieux contemplent les bons et les méchants : car ces yeux très saints n’ont vu parmi les pécheurs que moi » [3]
2. L’humilité comme vérité
L’humilité de François a deux sources lumineuses, une de nature théologique et une de nature christologique. Réfléchissons à la première. Dans la Bible nous trouvons des actes d’humilité qui ne partent pas de l’homme, de la considération de sa propre misère ou de son propre péché, mais qui a pour unique cause Dieu et sa sainteté. Telle est l’exclamation d’Isaïe « je suis un homme aux lèvres impures », face à la manifestation inattendue de la gloire et de la sainteté de Dieu dans le temple (Is 6, 5 s); mais aussi le cri de Pierre après la pêche miraculeuse : « Eloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur ! » (Lc 5,8).
Nous voici devant l’humilité essentielle, celle de la créature qui prend conscience d’elle-même aux côtés de Dieu. Tant que la personne se mesure à soi-même, aux autres, à la société, elle n’aura jamais l’idée exacte de ce qu’elle est; il lui manque la mesure. « Quel accent infini Dieune donne-t-ilaumoien devenant samesure! »[4]. François possédait cette humilité de manière remarquable. Une de ses grandes maximes était : « tant vaut l’homme devant Dieu, tant vaut-il en réalité, sans plus. »[5].
Les Fioretti racontent qu’une nuit, frère Léon voulut épier de loin ce que faisait François durant sa prière nocturne dans le bois d’Alverne et qu’il l’entendait de loin murmurer longtemps certaines paroles. Le lendemain, le saint l’appela et, après l’avoir aimablement réprimandé d’avoir enfreint son ordre, lui révéla le contenu de sa prière:
« Sache, frère brebis de Jésus-Christ, que quand je disais ces paroles que tu ouïs, alors étaient montrées à mon âme deux lumières l’une de l’intelligence et connaissance de moi-même, l’autre de l’intelligence et connaissance du Créateur. Quand je disais : Qui es-tu, ô Dieu mien très doux ? Alors j’étais en une lumière de contemplation, en laquelle je voyais l’abîme de l’infinie bonté et sagesse et puissance de Dieu; et quand je disais : Qui suis-je, j’étais en une lumière de contemplation, en laquelle je voyais la profondeur déplorable de ma vileté et misère ? »[6]
C’était ce que saint Augustin demandait à Dieu et qui était pour lui le summum de toute la sagesse: « Noverim me, noverim te. Que je me connaisse et que je te connaisse ; et que je me connaisse pour m’humilier et que je te connaisse pour t’aimer »[7].
L’épisode de frère Léon est certainement embelli, comme toujours dans les Fioretti, mais le contenu correspond parfaitement à l’idée que François se faisait de lui-même et de Dieu. En est la preuve le début du Cantique des créatures et la distance infinie qu’il met entre Dieu « Très-Haut, Tout puissant, Tout Bon Seigneur », à qui l’on doit « louanges, gloire, honneur et toute bénédiction », et que nul homme, même le plus miséreux des mortels, n’est digne de « nommer », soit de prononcer son nom.
Altissimu, onnipotente, bon Signore,
Tue so’ le laude, la gloria e l’honore et onne benedictione.
Ad Te solo, Altissimo, se konfane,
et nullu homo ène dignu Te mentovare.
Cette source lumineuse, que j’ai appelée théologique, nous montre que l’humilité est vérité. « Je me demandais un jour, écrit sainte Thérèse d’Avila, pour quelle raison le Seigneur aime tant l’humilité et subitement, sans aucune réflexion de ma part, il me vint à l’esprit que ce doit être parce qu’Il est la suprême Vérité et que l’humilité est vérité »[8].
C’est une lumière qui n’humilie pas, mais donne au contraire une joie immense et exalte. En effet, être humble ne veut pas dire être mécontent de soi, ni même reconnaître sa propre misère, ou, sous certains côtés, sa petitesse. C’est regarder Dieu avant de se regarder soi-même et prendre la mesure du fossé qui sépare le fini de l’infini. Plus on se rend compte de cela, plus on devient humble. Et l’on finit alors par se réjouir de son propre néant, car c’est grâce à lui que l’on peut offrir à Dieu un visage dont la petitesse, la misère, a fasciné le cœur de la Trinité dès d’éternité.
Une grande disciple du Poverello, que le pape François a proclamée sainte récemment, Angela da Foligno, juste avant de mourir, déclara : « O néant inconnu, o néant inconnu! L’âme ne peut avoir meilleure vision dans ce monde que contempler son propre néant et habiter en lui comme dans la cellule d’une prison »[9].Il y a un secret dans ce conseil, une vérité qui s’expérimente en essayant. On découvre alors que cette cellule existe vraiment et que l’on peut y entrer vraiment à chaque fois qu’on le veut. Celle-ci consiste en un calme et tranquille sentiment d’être « un rien » devant Dieu, mais « un rien » aimé par lui!
Quand on est à l’intérieur de cette prison lumineuse, on ne voit plus les défauts de notre prochain, ou bien on les voit sous une autre lumière. On comprend qu’il est possible, avec la grâce et en le pratiquant, de réaliser ce que dit l’Apôtre et qui paraît à première vue excessif, soit « estimer les autres supérieurs à soi-même » (cf. Phi 2, 3), ou du moins on comprend comment cela a pu être possible pour les saints.
S’enfermer dans cette prison n’est donc pas s’enfermer en soi-même, absolument pas : c’est au contraire s’ouvrir aux autres, à l’être, à l’objectivité des choses. Le contraire de ce que les ennemis de l’humilité chrétienne ont toujours pensé. C’est se fermer à l’égoïsme, et non dans l’égoïsme. C’est la victoire contre un des maux que la psychologie moderne estime d’ailleurs elle aussi funeste pour la personne humaine: le narcissisme. D’autre part, dans cette cellule, l’ennemi n’entre pas. Un jour, Antoine Le Grand eut une vision ; il vit, en un instant, tous les filets de l’ennemi déployés sur la terre et il dit en gémissant: « Qui donc passe outre ces pièges ? ». Et il entendit une voix lui répondre : « Antoine, l’humilité! »[10]. « Rien, écrit l’auteur de l’Imitation du Christ, ne portera à l’orgueil celui qui est fondé et affermi en Dieu »[11].
3. L’humilité comme service d’amour
Nous avons parlé de l’humilité comme vérité de la créature devant Dieu, mais paradoxalement, ce qui surprend le plus l’âme de François n’est pas tant la gloire de Dieu, mais son humilité. Dans les Louanges à Dieu le Très-Haut, écrites de sa main et conservées à Assise, à un certain moment François, au milieu des perfections de Dieu – « Tu es saint. Tu es Fort. Tu es Trine et Un, Tu es Amour, Charité. Tu es Sagesse… »-, en glisse une autre, insolite: « Tu es humilité ! ». Ce titre n’est pas mis là par hasard. François a saisi une vérité très profonde sur Dieu qui devrait nous remplir, nous aussi, de stupeur.
Dieu est humilité parce qu’il est Amour. Face aux créatures humaines, Dieu se trouve dépourvu de toute capacité non seulement créatrice mais aussi défensive. Si les êtres humains choisissent, comme ils l’ont fait, de refuser son amour, il ne peut intervenir de manière autoritaire pour s’imposer à eux. Il ne peut que respecter le libre choix des hommes. On pourra le rejeter, l’éliminer : lui ne se défendra pas, il laissera faire. Ou mieux, sa manière de se défendre et de défendre les hommes contre leur propre destruction, sera d’aimer encore et toujours, éternellement. L’amour crée, de par sa nature même, de la dépendance et la dépendance crée l’humilité. Il en est ainsi, mystérieusement, aussi pour Dieu.
L’amour fournit donc la clef pour comprendre l’humilité de Dieu: se faire remarquer ne demande pas beaucoup d’efforts, il en faut par contre beaucoup pour se mettre de côté, pour s’effacer. Dieu possède en lui cette force illimitée d’effacement et comme tel il se révèle dans l’incarnation. La manifestation visible de l’humilité de Dieu passe par la contemplation du Christ qui se met à genou devant ses disciples pour leur laver les pieds – et c’était, on peut l’imaginer, des pieds sales -, et plus encore, lorsque, réduit à la plus radicale impuissance sur la croix, il continue à aimer, sans jamais condamner.
François a saisi ce lien très étroit entre l’humilité de Dieu et l’incarnation. Voici quelques unes de ses paroles enflammées :
« Voyez: chaque jour il s’abaisse, exactement comme à l’heure où, quittant son palais royal, il s’est incarné dans le sein de la Vierge; chaque jour c’est lui-même qui vient à nous, et sous les dehors les plus humbles; chaque jour il descend du sein du Père sur l’autel entre les mains du prêtre. [12] » . « O humilité sublime, ô humble sublimité ! Le maître de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie pour notre salut, au point de se cacher sous une petite hostie de pain ! Voyez, frères, l’humilité de Dieu, et faites lui l’hommage de vos cœurs. »[13].
Nous connaissons maintenant le deuxième mobile de l’humilité de François: l’exemple du Christ. C’est le même que celui indiqué par Paul aux Philippiens, quand il leur recommandait d’être dans les mêmes dispositions que le Christ Jésus qui « s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir » (Phil 2, 5.8). Avant Paul, c’était Jésus en personne qui avait invité les disciples à imiter son humilité: « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de Cœur ! » (Mt 11, 29).
En quoi, pourrions-nous nous demander, Jésus nous dit il d’imiter son humilité ? En quoi Jésus a-t-il été humble ? En feuilletant les Evangiles, nous ne trouvons pas la moindre admission de faute dans la bouche de Jésus, ni quand il converse avec les hommes, ni quand il converse avec le Père. Cela dit en passant, c’est une des preuves à la fois les plus cachées et les plus convaincantes de la divinité du Christ et de l’absolue unicité de sa conscience. Chez aucun saint, chez aucun grand de l’histoire et chez aucun fondateur de religion, on ne trouve une telle conscience d’innocence.
Tous reconnaissent, plus ou moins, d’avoir commis quelque faute et d’avoir quelque chose à se faire pardonner, du moins par Dieu. Gandhi, par exemple, avait bien conscience d’avoir pris, en certaines circonstances, des positions erronées ; il avait lui aussi ses remords. Jésus jamais. Il peut dire en s’adressant à ses adversaires: « Qui d’entre vous peut m’accuser de péché ? » (Jn 8, 46). Jésus proclame qu’il est « Maître et Seigneur » (cf. Jn 13, 13), plus qu’Abraham, plus que Moïse, que Jonas, que Salomon. Où est donc l’humilité de Jésus, pour pouvoir dire: « Prenez sur vous mon joug car je suis humble de cœur » ?
Nous découvrons ici une chose importante. L’humilité ne consiste pas essentiellement à être petits, car on peut être petits, sans être humbles; cela ne consiste pas essentiellement à se sentir petits, car on peut se sentir petit et l’être réellement, mais cela serait de l’objectivité et pas encore de l’humilité; sans compter que se sentir petits et insignifiants peut naître aussi d’un complexe d’infériorité et porter au repliement sur soi, au désespoir, plutôt qu’à l’humilité. Donc l’humilité, pour soi, au degré le plus parfait, ne réside pas dans « l’être petit », dans le « se sentir petit », ou se proclamer petit. Mais dans le « se faire » petit, et non pour une quelconque nécessité ou utilité personnelle, mais par amour, pour « élever » les autres.
C’était ça l’humilité de Jésus ; lui s’est fait si petit qu’il est allé jusqu’à s’ « annuler » pour nous. L’humilité de Jésus est celle qui descend de Dieu et qui a son modèle suprême en Dieu, et non dans l’homme. Dieu se trouve dans une position où il ne peut pas « s’élever » ; il n’y a rien au-dessus de Lui. Si Dieu sort de lui-même et fait quelque chose en dehors de la Trinité, cela ne pourra être qu’un abaissement : s’abaisser et se faire petit; il ne pourra être, autrement dit, qu’humilité, ou, comme disaient les Pères grecs, synkatabasis, c’est-à-dire condescendance.
Saint François fait de « sœur eau » le symbole de l’humilité, la définissant comme « utile, humble, précieuse et chaste ». En effet l’eau ne « s’élève » jamais, elle ne « monte » pas, mais « descend » toujours, jusqu’à atteindre son point le plus bas. La vapeur monte et c’est pourquoi elle est le symbole traditionnel de l’orgueil et de la vanité ; l’eau descend, et donc symbole d’humilité.
Maintenant nous savons ce que veut dire la parole de Jésus : « Prenez sur vous mon joug car je suis humble de cœur ». C’est une invitation à se faire petits par amour, à laver comme lui les pieds de nos frères. Mais Jésus nous montre aussi qu’il s’agit d’un choix sérieux. Il n’est en effet pas question de descendre et de se faire petit de temps en temps, comme un roi qui, dans sa générosité, se daigne de temps à autre, à descendre au milieu du peuple et, pourquoi pas, de le servir aussi en quelque chose. Jésus se fit « petit », comme il « se fit chair », c’est-à-dire de manière stable, jusqu’au fond. Il a choisi d’appartenir à la catégorie des petits et des humbles.
Ce nouveau visage de l’humilité se résume en un mot: service. Un jour – lit-on dans l’Evangile – les disciples discutaient entre eux pour savoir qui était « le plus grand » ; alors Jésus, « s’étant assis » – comme pour donner plus de solennité à la leçon qu’il allait donner –, appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous” (Mc 9, 35). Qui veut être le « premier » soit « le dernier », c’est-à-dire qu’il descende, s’abaisse. Mais il explique aussitôt après ce qu’il entend par « dernier »: qu’il soit le « serviteur » de tous. L’humilité proclamée par Jésus est donc un service. Dans l’Évangile de Matthieu, cette leçon de Jésus s’accompagne d’un exemple: « Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28).
4. Une Eglise humble
Quelque considération concrète sur la vertu de l’humilité, prise dans toutes ses manifestations, c’est-à-dire, tant vis-à-vis de Dieu que vis-à-vis des hommes. Il ne faut pas croire qu’on arrive à l’humilité uniquement parce que la parole de Dieu nous a conduits à découvrir notre néant et nous a montré que celui-ci doit se traduire en service fraternel. En fait d’humilité, on voit qu’on y est arrivé quand l’initiative passe de nous aux autres, soit quand ce n’est plus nous qui reconnaissons nos défauts et nos torts, mais d’autres ; quand nous ne sommes pas uniquement capables de nous dire la vérité, mais aussi de nous la laisser dire, de plein gré, par d’autres. Avant de se reconnaitre devant frère Matthieu comme le plus vil des hommes, François avait accepté, de plein gré et pendant longtemps, d’être raillé, considéré par ses amis, parents et par tout le village d’Assise comme un ingrat, un exalté, comme quelqu’un qui n’aurait jamais rien fait de bon dans la vie.
Autrement dit, dans notre lutte contre l’orgueil, le niveau que l’on atteint dépend de comment nous réagissons, extérieurement ou intérieurement, quand nous sommes contredits, corrigés, critiqués ou laissés de côté. Prétendre de tuer son orgueil en le frappant tout seul, sans que personne n’intervienne de l’extérieur, est comme utiliser son propre bras pour se punir soi-même: on ne se fera jamais vraiment mal. C’est comme si un médecin voulait s’extraire tout seul une tumeur.
Quand je cherche à recevoir la gloire d’un homme pour quelque chose que je dis ou je fais, il est pratiquement certain que celui qui est devant moi, dans sa manière d’écouter et de répondre, recherche lui aussi la gloire de moi. Il arrive donc que chacun recherche sa propre gloire et personne ne l’obtient, et si par hasard il l’obtenait ce n’est que « vaine gloire », c’est-à-dire une gloire vide, destinée à partir en fumée avec la mort. Mais l’effet est tout aussi terrible; Jésus allait jusqu’à attribuer à cette recherche de gloire l’impossibilité de croire. Il disait aux pharisiens: « Comment pourriez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ! » (Jn 5, 44).
Quand on se retrouve enlisés dans des pensées et des aspirations de gloire humaine, nous jetons dans la mêlée de telles pensées, comme une torche ardente, la parole que Jésus lui-même utilisa et qu’il nous a laissée: « Ce n’est pas moi qui recherche ma gloire ! » (Jn 8, 50). Cette lutte de l’humilité est une lutte qui dure toute la vie et s’étend à chacun de ses aspects. L’orgueil est capable de se nourrir du mal comme du bien; même plus, contrairement à ce qui se passe pour tout autre vice, le bien, non le mal, est le terrain de culture préféré de ce terrible « virus ». Le philosophe Pascal nous éclaire en disant ceci :
« La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme qu’un soldat, un gougeât, un cuisinier, un crocheteur, se vante et veut avoir des admirateurs : et les philosophes mêmes· en veulent ; et ceux qui écrivent contre veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit; et moi qui écris ceci, ai peut-être cette envie; et peut-être que ceux qui le liront l’auront aussi. »[14].
Pour que l’homme « ne se surestime pas », Dieu le fixe généralement au sol comme une sorte d’ancre; il méta ses côtés, comme pour Paul, un « envoyé de Satan qui le gifle », « une écharde dans la chair » (2 Cor 12,7). Nous ne savons pas ce que fut exactement pour l’Apôtre cette « écharde dans la chair », mais nous savons bien ce qu’elle est pour nous! Tous ceux qui veulent suivre le Seigneur et servir l’Eglise l’ont. Ce sont des situations humiliantes qui nous renvoient constamment, parfois nuit et jour, à la dure réalité de ce que nous sommes. Cela peut être un défaut, une maladie, une faiblesse, une impuissance, que le Seigneur nous laisse, malgré toutes les suppliques ; une tentation persistante et humiliante, voire une tentation à se surestimer; une personne avec laquelle ont est obligé de vivre et qui, malgré la rectitude des deux parties, a le pouvoir de mettre à nu notre fragilité, de démolir notre présomption.
L’humilité n’est néanmoins pas qu’une vertu privée. Il existe une humilité qui doit briller dans l’Eglise comme institution et peuple de Dieu. Si Dieu est humilité, l’Eglise aussi doit être humilité; si le Christ a servi, l’Eglise aussi doit servir, et servir par amour. Pendant trop longtemps l’Eglise, dans son ensemble, a représenté devant le monde la vérité du Christ, mais peut-être pas assez l’humilité du Christ. Pourtant c’est avec elle, mieux qu’avec toute apologétique, que s’apaisent les hostilités et les préjugés à son égard et que s’aplanit le chemin qui amène à accueillir l’Evangile.
Il y a un épisode des « Promessi Sposi » (Les fiancés) d’Alessandro Manzoni qui renferme une profonde vérité psychologique et évangélique. Frère Christophe, après avoir terminé son noviciat, décide de demander publiquement pardon aux parents de l’homme qu’il a tué en duel avant de devenir frère. La famille s’aligne d’un côté, formant une sorte de fourches caudines, de manière ce que le geste soit le plus humiliant possible pour le frère et source de plus grande satisfaction pour l’orgueil de la famille. Mais quand ils voient le jeune frère avancer la tête basse, s’agenouiller aux pieds du frère de l’homme qu’il a tué et demander pardon, leur morgue retombe et ils se sentent à leur tour confus, s’excusent auprès de lui, et tous finissent par l’entourer et lui baiser la main, à se recommander à ses prières[15]. Ce sont les miracles de l’humilité.
Dans le livre du prophète Sophonie Dieu affirme : « Je ne laisserai subsister au milieu de toi qu’un peuple petit et pauvre, qui aura pour refuge le nom du Seigneur » (Soph. 3,12). Cette parole est encore d’actualité et c’est peut-être d’elle que dépendra le succès de l’évangélisation dans laquelle l’Eglise est engagée.
Maintenant c’est moi qui, avant de terminer, dois rappeler à moi-même une maxime chère à saint François. Celui-ci avait l’habitude de répéter : « L’empereur Charles, Roland, Olivier, et tous les grands héros, ont fini par emporter une glorieuse et mémorable victoire … Mais aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui veulent se gagner de la gloire et des louanges auprès des hommes »[16]. François utilisait cet exemple pour dire que les saints ont pratiqué les vertus et que d’autres recherchent la gloire dans le seul fait de les raconter[17].
Pour ne pas compter moi aussi parmi eux, je m’efforce de mettre en pratique le conseil qu’un ancien Père du désert, Isaac de Ninive, donnait à celui qui s’était plié au devoir de parler de choses spirituelles, auxquelles il n’était pas encore arrivés par sa vie: « Parle comme quelqu’un qui appartient à la classe des disciples et non avec [ton] autorité, après avoir humilié ton âme et t’être fait le plus petit de tous tes auditeurs ». C’est dans cet esprit, Saint-Père, Vénérables Pères, frères et sœurs, que j’ai osé vous parler d’humilité.

Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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NOTES SUR LE SITE

È mort l’ancien Grand Rabbin de Rome Elio Toaff, lien vers un article

20 avril, 2015

È mort l'ancien Grand Rabbin de Rome Elio Toaff, lien vers un article  dans † RAV ELIO TOAFF Toaff-86

http://www.chiourim.com/l%E2%80%99ancien_grand_rabbin_de_rome_d%C3%A9c%C3%A8de_%C3%A0_99_ans9162.html

http://www.casapreghiera.it/engdoc/presentation.htm

PAPE PAUL VI «JOURNÉE DE LA PAIX» 1971

20 avril, 2015

http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/messages/peace/documents/hf_p-vi_mes_19701114_iv-world-day-for-peace.html

MESSAGE DE SA SAINTETÉ LE PAPE PAUL VI POUR LA CÉLÉBRATION DE LA «JOURNÉE DE LA PAIX»

Ier JANVIER 1971

HOMMES DE 1971!

Sur le cadran de l’Histoire du Monde,
l’aiguille du temps,
de notre temps,
marque le début d’une année nouvelle: celle-ci,
que Nous Nous proposons, tout comme les années
précédentes, d’inaugurer
de nos voeux affectueux,
de notre message de Paix:
Paix à vous, Paix au monde.

Ecoutez-Nous. Cela en vaut la peine. Oui, c’est Notre message habituel: Paix. Mais c’est de ce mot que le monde a besoin et il en a un besoin si urgent que cela le rend nouveau. Ouvrons les yeux sur l’aube de cette nouvelle année et observons deux ordres de faits généraux qui marquent de leur empreinte le monde, les peuples, les familles, les individus. Ces faits, à ce qu’il Nous semble, influencent profondément et directement nos destins. Chacun de nous peut en faire l’horoscope.
Observez un premier ordre de faits. A vrai dire, ce n’est pas un ordre, mais un désordre. Parce que les faits que nous comprenons en cette catégorie marquent tous un retour à des pensées et à des actes que l’expérience tragique de la guerre semblait avoir annulés – ou aurait dû annuler.
A la fin de la guerre, tous avaient dit: assez. Assez de quoi? assez de tout ce qui avait été à l’origine du carnage humain et de l’épouvantable ruine. Immédiatement après la guerre, au début de cette génération, l’humanité eut un éclair de conscience : il fallait, non seulement s’occuper des tombes, soigner les blessures, réparer les désastres, redonner à la terre un visage nouveau et meilleur, mais encore supprimer les causes de la conflagration subie. Les causes: voilà quelle fut l’idée pleine de sagesse: les chercher, les éliminer. Le monde respira. Il sembla vraiment que dût naître une nouvelle époque, celle de la paix universelle. Nous semblèrent prêts à des changements radicaux, afin d’éviter de nouveaux conflits. A partir des structures politiques, sociales, économiques, l’on arriva à envisager un horizon de magnifiques innovations morales et sociales; l’on parla de justice, des droits de l’homme, de promotion des faibles, de vie commune ordonnée, de collaboration organisée, d’union mondiale. De grands gestes ont été posés; les vainqueurs, par exemple, se sont portés au secours des vaincus; de grandes institutions ont été fondées; le monde commença de s’organiser à partir de principes de solidarité et de bien-être commun. La marche vers la paix, condition normale et statutaire de la vie du monde, sembla définitivement tracée.
Or, que voyons-nous, après vingt-cinq ans de ce progrès réel et idyllique? Nous voyons, avant tout, que les guerres, de part et d’autre, sévissent encore et semblent d’inguérissables plaies qui menacent de s’élargir et de s’aggraver. Nous voyons continuer et s’étendre, ici et là, les discriminations sociales, raciales, religieuses. Nous voyons renaître la mentalité d’autrefois; l’homme semble, à nouveau, s’arrêter à des positions, psychologiques d’abord, politiques ensuite, du temps passé. Resurgissent les démons d’hier. Revient la suprématie des intérêts économiques avec l’exploitation facile des faibles;(2) réapparaît l’habitude de la haine (3) et de la lutte des classes, et renaît ainsi, à l’état endémique, une guerre internationale et civile; c’est le retour aux luttes pour le prestige national et le pouvoir politique; c’est, à nouveau, le bras de fer des ambitions opposées, des particularismes clôs et irréductibles des races et des systèmes idéologiques; l’on recourt au délit et à la violence, comme à un feu idéal, sans penser à l’incendie qui en peut naître; l’on pense, à nouveau, à la paix, comme à un pur équilibre de forces puissantes et d’épouvantables armements; l’on ressent le frisson de la crainte que quelque fatale imprudence ne fasse éclater d’inconcevables et d’inextinguibles conflagrations. Que se passe-t-il? Où va-t-on? En quoi a-t-on failli? Ou bien que nous a-t-il manqué? Nous faut-il nous résigner, doutant de la capacité humaine à réaliser une paix juste et sûre et renonçant à marquer l’éducation des nouvelles générations du sceau de l’espérance et de l’esprit de paix? (4)
Heureusement, un autre diagramme d’idées et de faits apparaît à notre observation; et c’est celui de la paix progressive. Parce que, malgré tout, la paix chemine. Avec des discontinuités, avec des incohérences et des difficultés; mais, cependant, la paix chemine et s’affirme dans le monde avec un caractère d’invincibilité. Tous le sentent: la paix est nécessaire. Joue en sa faveur le progrès moral de l’humanité, décidément orientée vers l’unité. Unité et paix, quand la liberté les rattache l’une à l’autre, sont soeurs. La paix, quant à elle, profite de la faveur croissante d’une opinion publique convaincue de l’absurdité d’une guerre poursuivie pour elle-même et considérée comme le moyen unique et fatal de mettre fin aux controverses entre les hommes. Elle se prévaut du réseau de plus en plus serré des rapports humains: culturels, économiques, commerciaux, sportifs, touristiques; il faut vivre ensemble, et il est beau de se connaître, de s’estimer, de s’aider. Une solidarité fondamentale se forme peu à peu dans le monde; elle favorise la paix. Et les relations internationales se développent de plus en plus et créent les prémisses – et également la garantie – d’une certaine concorde. Les grandes institutions internationales – et supranationales – se révèlent providentielles, tant au départ qu’au couronnement d’une commune vie pacifique de l’humanité.
Face à ce double tableau qui superpose des phénomènes
d’ordre contraire au but qui nous est le plus à coeur, c’est-à-dire à la paix, il nous semble qu’une observation unique, ambivalente, peut en être tirée. Posons une double question, corrélative à deux aspects de l’ambiguité du monde actuel:
- comment, aujourd’hui, s’affaiblit la paix?
- comment, aujourd’hui, progresse la paix?

Quel est l’élément qui émerge, au sens négatif aussi bien qu’au sens positif, de cette simple analyse? L’élément est toujours l’homme. L’homme, dévalué, dans le premier cas; l’homme, valorisé, dans le second cas. Risquons un terme qui peut paraître ambigu, lui aussi, mais considérons-le dans l’exigence de sa profondeur. C’est le terme, toujours flamboyant et suprême, d’amour: amour de l’homme, première valeur de l’ordre terrestre. Amour et paix sont des entités corrélatives. La paix, la véritable paix, la paix humaine, est un effet de l’amour.(5) La paix suppose une certaine «identité de choix». C’est ce qu’on appelle l’amitié. Si nous voulons la paix, nous devons reconnaître la nécessité de la fonder sur des bases plus solides que celle ou du manque de rapports (car les rapports entre les hommes sont inévitables, ils croissent et s’affirment), ou de l’exigence de rapports d’intérêt égoïste (ils sont précaires et souvent trompeurs), ou bien du tissu de rapports purement culturels ou accidentels (ils peuvent être à double tranchant, pour la paix ou pour la lutte).
La véritable paix doit être fondée sur la justice, sur le sentiment d’une intangible dignité humaine, sur la reconnaissance d’une ineffaçable et heureuse égalité entre les hommes, sur le dogme fondamental de la fraternité humaine. C’est à dire du respect et de l’amour dûs à tout homme en sa qualité d’homme. Explose le mot victorieux: en sa qualité de frère. Mon frère, notre frère.

C’est également cette conscience de la fraternité humaine
universelle qui s’affirme heureusement dans notre monde, du moins en principe. Ceux qui travaillent à éduquer les nouvelles générations dans la conviction que tout homme est notre frère construisent à partir des fondations mêmes l’édifice de la paix. Ceux qui introduisent dans l’opinion publique le sentiment d’une fraternité humaine sans frontière préparent au monde des jours meilleurs. Ceux qui conçoivent la protection des intérêts politiques sans la poussée de la haine ou de la lutte entre les hommes, comme une nécessité dialectique et organique de la vie sociale, ouvrent la société humaine à un progrès toujours actif du bien commun. Ceux qui contribuent à découvrir en tout homme, par delà les caractéristiques somatiques, ethniques, raciaux, l’existence d’un être égal à soi, transforment la terre, d’épicentre de divisions, d’antagonismes, d’embûches et de vengeances, en un lieu de travail organisé sur la base d’une collaboration civilisée. En effet, là où la fraternité entre les hommes est fondamentalement méconnue, c’est la paix qui est ruinée en sa base même. Car, la paix est, au contraire, le miroir de l’humanité véritable, authentique, moderne, victorieuse de toute autodétérioration anachronique. La paix est la grande idée célébrant l’amour entre les hommes qui se découvrent frères et se décident à vivre tels.
Voici donc quel est notre message pour l’année 1971. Il fait écho, voix nouvelle née de la conscience civilisée, à la Déclaration des Droits de l’Homme: «Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits; ils sont doués de raison et de conscience et doivent se comporter les uns envers les autres comme des frères». A ce sommet est arrivée la doctrine de la civilisation. Ne retournons pas en arrière. Ne perdons pas les trésors de cette conquête axiomatique. Donnons plutôt une application, logique et courageuse, à cette formule, ligne d’arrivée du progrès humain: «tout homme est mon frère». La paix, en essence et en devenir, c’est cela. Et cela vaut pour tous.

Cela vaut, frères dans la foi au Christ, tout spécialement pour nous. A la sagesse humaine qui, en un effort immense, est arrivée à une si haute et si difficile conclusion, nous pouvons, nous, croyants, fournir un soutien indispensable. Celui, avant tout, de la certitude (car des doutes de tout genre peuvent la guetter, l’affaiblir, l’annuler). Notre certitude en la parole divine de notre maître, le Christ, gravée dans son Evangile: «Vous êtes tous frères» (Mt 23 , 8). Nous pouvons aussi offrir le réconfort d’une possibilité d’application (dans la vie pratique, en effet, comme il est difficile de se comporter tout à fait fraternellement envers tout homme!); nous le pouvons grâce au recours, comme à une règle pratique et normale d’action, à un autre enseignement, fondamental, du Christ: «Ainsi, tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faîtes-le vous-mêmes pour eux: voilà la loi et les prophètes» (Mt 7, 12). Philosophes et saints, comme ils ont médité sur cette maxime qui insère l’universalité de la loi de fraternité dans l’action singulière et concrète de la moralité sociale! C’est encore nous, enfin, qui sommes en mesure de fournir l’argument suprême: celui de la Paternité divine, commune à tous les hommes, proclamée à tous les croyants. Une

véritable fraternité, entre les hommes, pour être authentique et contraignante, suppose et exige une Paternité transcendante et pleine d’amour métaphysique, de charité surnaturelle. Nous pouvons, quant à nous, enseigner la fraternité humaine, c’est-à-dire la paix, en enseignant à reconnaître, à aimer, à invoquer Notre Père qui est aux cieux. Nous savons, nous, que nous sera barré l’accès à l’autel de Dieu si nous n’avons, d’abord, nous-mêmes enlevé l’obstacle à la réconciliation avec l’homme-frère (Mt 5, 23 passim; 6, 14-15). Et nous savons que, si nous devenons des promoteurs de paix, alors nous pourrons être appelés fils de Dieu, et nous serons parmi ceux que l’Evangile proclame bienheureux (Mt 5, 9).
Quelle force, quelle fécondité, quelle confiance la religion chrétienne confère à l’équation de fraternité et de paix! Et quelle joie pour nous de rencontrer, à la coïncidence des termes de ce binôme, le carrefour des sentiers de notre foi croisant les chemins des espérances de l’humanité et des civilisations.

14 Novembre 1970.

PAULUS PP. VI

ISRAËL AU TEMPS DE JÉSUS

20 avril, 2015

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ISRAËL AU TEMPS DE JÉSUS

« Israël » est le nom donné au peuple hébreu qui vivait en Palestine au temps de Jésus. Tout l’Ancien Testament raconte la genèse et la longue histoire du peuple hébreu et surtout son histoire en terre d’Israël.
Situé entre le Liban et la Mer Rouge, comme en position de « nombril du monde » là où Orient et Occident se rencontrent, la terre d’Israël n’est autre que ce « pays de Canaan » selon la Bible, cette terre promise par Dieu à son peuple qui pérégrinait dans le désert et vers lequel Moïse a conduit, après l’exode, les siens sortis d’Egypte.
C’est à près de 1000 km de là, à Ur, en Chaldée (en Irak actuelle) qu’a commencé, il y a quatre mille ans l’histoire du Salut du monde avec le départ d’Abraham, à l’appel de Dieu. C’est là, en terre de Palestine, que l’attente du Messie s’est achevée, avec la naissance, à Bethléem de Judée, du Messie, Jésus, fils de Marie et de Joseph venus de Nazareth jusqu’en Judée, à cause d’un recensement ordonné par Rome.
Au Ier siècle, Israël est sous domination romaine
En effet, au Ier siècle de notre ère la Palestine est sous le contrôle de l’Empire romain. Une partie plus ou moins grande de la Palestine est dirigée par un roi juif, désigné par Rome. Le roi en place à la naissance de Jésus se nomme Hérode ; il a un royaume couvrant la plus grande partie de la Palestine mais qui sera divisé à sa mort entre ses fils, sauf la partie autour de Jérusalem sous la domination directe de Rome.
De nombreux Hébreux sont alors dans l’attente du Messie promis par Dieu à Israël.
Lorsque Jésus est mort sous Ponce Pilate (le procurateur romain chargé d’administrer la Judée dont dépendait la ville de Jérusalem à l’époque), il y avait plus de 90 ans que la Palestine était tombée sous une domination romaine plus ou moins étroite.
Pour autant, on n’y parlait pas latin, car dans la partie orientale de cet immense Empire, la langue administrative la plus commune était le grec.
La langue des habitants était l’araméen depuis la déportation à Babylone, l’hébreu n’étant plus parlé que par les prêtres et les juristes et par quelques personnes, sous forme d’un dialecte populaire très déformé près de Jérusalem.
Si la Palestine avait été absorbée dans les royaumes héllénistiques, le grec aurait laissé une empreinte culturelle, architecturale très superficielle ; dans un milieu culturel sémite, toutes les coutumes, la vie quotidienne, les relations commerciales et la vie religieuse nous sont bien connues par les traditions orientales hébraïques ou mésopotamiennes.
A lire l’Evangile, on voit bien que la Palestine était une sorte d’enclave culturelle aux confins de l’Empire romain, entretenant un particularisme farouche qui défiait les siècles et la civilisation dominante. L’historien Josèphe nous confirme que très peu d’Hébreux connaissaient bien une langue autre que l’Araméen oriental.
Les Romains gouvernaient par des personnes interposées à travers des procurateurs (comme Pilate) ou des tétrarques comme Hérode. Jusqu’à 1’an 6 après J. C., c’est le fils aîné d’Hérode, Archelaüs (aussi sanglant que son père Hérode) qui reçoit de l’empereur le titre d’ethnarque pour gouverner la Judée, la Samarie et l’Idumée (régions de la Palestine). Aussi, la Sainte Famille s’établit-elle à Nazareth au retour d’Egypte.
Il y avait, en fait, deux types de provinces dans l’Empire romain : – celles qui, pacifiées, pouvaient être administrées par un membre choisi par le Sénat – c’était le cas de celles d »Asie. – et celles qui, parce qu’elles présentaient encore des problèmes, étaient administrées directement par l’empereur qui choisissait lui-même le gouverneur, c’était le cas de la Judée et de la Samarie.
Le procurateur romain de l’époque de la vie publique de Jésus est cité plusieurs fois dans l’Evangile (dans les récits de la Passion en particulier) s’appelle Ponce Pilate : c’est lui qui condamnera Jésus à mort. Il était ignoré des historiens. On a eu confirmation directe de son historicité et de son pouvoir par une inscription récemment découverte.
Dans la même période, alors que la Judée est province romaine, la Galilée relève de l’autorité d’un tétrarque. Ce titre, qui signifie étymologiquement  » quatre « , revient au frère d’Archelaüs, Antipas, qui fait précéder son nom de celui de son père. Hérode-Antipas administre le « quart « du royaume selon la répartition testamentaire d’Hérode le Grand.
Le procurateur Ponce Pilate dont parle l’évangéliste saint Luc
Le Nouveau Testament qui fait peu de cas des procurateurs de Judée de cette période, à l’exception de Ponce Pilate, accorde une certaine place au tétrarque Hérode Antipas (Mt 14, 1; Lc 3, 1-20; 9, 7; Ac 13,I). Il rappelle que la prédication de Jean Baptiste se déroule sous son gouvernement. Lc 3, 1-2 l’affirme non sans solennité :
“ L’an 15 du gouvernement de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée, Hérode, tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque du pays d’Iturée et de Trachonitide, Lysanias tétrarque d’Abilene, sous le pontificat dAnne et de Caïphe, la Parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. »
Le récit de la Passion selon saint Luc, en mettant en scène Hérode, confirme à quel point celui-ci était une menace pour Jésus, ce que le reste de l’évangile n’avait cessé de suggérer (Lc 13, 31-33).
Plus encore, Hérode Antipas, dans l’Evangile ainsi que dans les écrits de Flavius Josèphe (Antiquités judaïques, XVIII, 116-119), est présenté comme le responsable de l’arrestation et de l’exécution de Jean Baptiste (Mt 14, 1-12; Mc 6, 17-29; Le 3, 19-20).
Jean Baptiste en effet dénonce la vie dissolue de ce ‘ renard « ‘ selon les termes rapportés par Lc 13, 32. Il interpelle le roi à propos de son second mariage. En 27, épousant sa belle-soeur Hérodiade en secondes noces, Hérode répudiait sa première épouse, la fille d’Arétas IV, un roi nabatéen.
L’arrestation et l’exécution de Jean Baptiste ne sont pas étrangères aux complications familiales à peine descriptibles de la famille d’Hérode. D’après les évangiles, c’est Hérodiade qui, à l’occasion d’une des multiples fêtes organisées par son mari pour flatter les autorités romaines, mit à profit le pouvoir de séduction exercé par Salomé sur Hérode et réussit à obtenir la tête du prophète.
Les Romains ont généralement respecté les religions ou les coutumes locales, si diverses fussent-elles, des peuples qu’ils avaient conquis. Le respect des religions était fondé sur la reconnaissance du culte des ancêtres.
En raison de cette conviction, les Romains s’accommodèrent en Judée de la religion juive, qu’ils avaient d’ailleurs rencontrée bien avant sur d’autres territoires de l’Empire, y compris à Rome. Pour certains historiens, cette attitude relève plus du calcul politique que d’une volonté religieuse de tolérance. Mais elle impliquait une reconnaissance de la valeur juridique de la Torah pour les fautes ne mettant pas en cause la supprématie politique romaine.
De 6 à 66, à l’exception de la période 41 à 44, la monnaie juive est remplacée par la monnaie émise par les gouverneurs romains, qui d’ordinaire est frappée à l’effigie de l’empereur. Sans doute, en Judée, les Romains évitent de frapper monnaie à l’effigie de l’empereur pour ne pas choquer les Juifs qui refusaient toute représentation humaine. Pourtant des pièces frappées à l’effigie de l’empereur durent circuler si l’on en croit la discussion entre Jésus et les Juifs en Mt 22, 15-22.
Les juifs se révoltent en 66
Si, en règle générale, les Romains respectaient les coutumes juives, ils ignorèrent souvent ce qui pouvait heurter les juifs, jusque et y compris dans le détail de leur vie quotidienne.
Tout finalement pouvait devenir source de tension et dégénérer facilement en émeute et en répression. Une affaire aussi banale que l’adduction d’eau à Jérusalem finit par un massacre car, pour mettre en route pareil chantier alimentant entre autres les besoins du Temple et des pélerins, Pilate avait puisé dans le trésor du Temple ( Flavius Josèphe (T.Il p.175-177). Il en ira de même lorsque le gouverneur Florus prendra dix-sept talents dans le trésor pour le service de l’empereur.
Ce n’est pas la somme qui scandalise les Juifs mais l’affectation de cette somme. Cet événement déclenchera la révolte juive de 66. Les heurts, les émeutes, les tentatives de révolte se déroulent constamment sur fond de religion. Les Romains semblent respecter la Loi juive mais leurs actes, toujours interprétés par les juifs sous l’angle religieux, sont souvent reçus comme des provocations. Cependant jamais les Romains n’ont cherché à éliminer les Juifs en tant que Juifs.
Aux yeux des juifs, leur terre est une terre qui leur a été promise et qu’ils ne garderont qu’en étant fidèles à l’alliance préparée par Dieu pour le peuple qu’il s’est choisi au milieu des nations. Les Romains qui occupent cet espace sont donc des ennemis dès qu’ils portent atteinte à ce qui lie les Hébreux à leur terre.
La Terre Promise, enjeu constant des convoitises des hommes
Si certains Juifs, comme les Sadducéens -les principaux desservants du Temple- sont prêts à collaborer avec l’occupant et trouvent, au moins jusqu’en 50, leur avantage dans la paix romaine, sa maîtrise des routes entretenues et la libre circulation des pélerins qu’elle permet grâce à la présence des soldats romains, d’autres plus radicaux (sicaires et zélotes) souhaitent la purification de leur territoire soit par l’expulsion de ses occupants indésirables, soit par le massacre pur et simple des ennemis, ou encore en devenant eux-mêmes des conquérants. C’est le sens du mouvement terroriste qui prend de plus en plus d’ampleur dans les années 50 …
Comme on le voit, la terre d’Israël, cette Terre promise à Moïse par Dieu pour son peuple élu, n’a jamais cessé, au cours de sa longue histoire temporelle, de souffrir à cause des passions et des divisions des politiques humaines…
Comme si sur la terre que le Christ a foulée et sur les lieux historiques où s’est déroulé l’Evangile de la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu pour les hommes, nulle tiédeur humaine ne pouvait tenir:
« Que ton oui soit oui , dit le Seigneur »,
lit-on dans l’Evangile, et encore:
« je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive »…
Un tel glaive n’est autre que celui de la Parole de Vérité qui ne souffre pas le mensonge.
Or aujourd’hui encore et toujours, la Terre Sainte est au coeur des violences des hommes, et encore et toujours, le prince du mensonge se sert des passions politiques humaines pour semer la division là même où Jésus, Prince de la paix, est venu acheter de Son propre sang et une fois pour toutes, le salut du monde, sur la Croix du Golgotha.
Ce salut, Dieu le propose à tous les hommes de bonne volonté, depuis que sur le mont des Oliviers, à Jérusalem de Judée, en terre d’Israël et pour l’éternité, l’Amour a vaincu la haine, parce que Dieu est venu racheter le monde, en Son Fils, Jésus-Christ, livré librement sur la Croix, mort et ressuscité le Troisième Jour…
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Jour 2 Les eaux sont divisées

18 avril, 2015

Jour 2 Les eaux sont divisées dans images sacrée 14%20LIVRE%20D%20HEUIRES%20FRANCISCAIN%20JOUR%202

http://www.artbible.net/1T/Gen0106_2waters_divided/pages/14%20LIVRE%20D%20HEUIRES%20FRANCISCAIN%20JOUR%202.htm

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