Archive pour le 28 avril, 2015
MÉDITATIONS POUR LE TEMPS PASCAL, P. MICHEL HUBAUT, FRANCISCAIN
28 avril, 2015http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Paques/Meditations-pour-le-temps-pascal
MÉDITATIONS POUR LE TEMPS PASCAL
P. MICHEL HUBAUT, FRANCISCAIN
Pour approfondir le sens de la Résurrection dans nos vies, voici quelques textes de croyants contemporains.
Chaque fête de Pâques est l’occasion de se rappeler que la résurrection n’est pas ce qui doit arriver après notre mort, mais une réalité nouvelle qui commence aujourd’hui.
Chacun de nous façonne, jour après jour, son visage d’éternité. Comme pour le papillon qui sort de sa chrysalide, il faut du temps pour que l’homme ressuscite, émerge de sa gangue de terre et devienne un fils de Dieu, un enfant de lumière.
Maurice Zundel se demandait souvent combien d’hommes et de femmes émergent consciemment de leur « moi » biologique préfabriqué pour devenir réellement des hommes vivants, des personnes libres et responsables de leur destin. Sans doute, toutes leurs potentialités spirituelles arriveront-elles, un jour, à maturité, mais probablement pas sur terre ! Il est inutile de chercher à imaginer ce que nous devenons après notre mort, si, en accueillant le Christ pascal, nous ne commençons pas dès maintenant à devenir des vivants.
Rappelons-nous que dans la tradition chrétienne il y a deux naissances. La première, biologique, que nous n’avons pas choisie, qui nous est donnée. Et une « seconde naissance », celle dont parle le Christ, quand il nous dit qu’il nous faut « renaître d’en-haut » par l’accueil et la croissance de son Esprit.
La résurrection est une victoire quotidienne sur les forces de mort. L’au-delà est une réalité déjà présente, intérieure à nous-mêmes. Cette vie nouvelle du Christ ressuscité doit devenir « l’au-dedans » de notre vie quotidienne. Se convertir, c’est sans cesse passer du dehors, de l’écorce superficielle des choses au « dedans », rencontrer l’intimité de Dieu au plus intime de nous-mêmes, lui qui est la vie de notre vie.
Rencontrer le Christ de Pâques, c’est déjà re-naître, c’est s’affranchir de toutes nos servitudes. L’homme qui accueille, jour après jour son amour vivant et créateur, devient lui aussi un vivant et un créateur. Notre avenir se joue dans notre réponse à cet amour victorieux qui s’offre gratuitement à nous. C’est ce don de nous-mêmes qui nous construit, nous structure comme homme, nous ressuscite comme fils de Dieu.
La résurrection, l’au-delà, c’est Dieu intime à nous-mêmes qui nous intériorise et nous libère du moi préfabriqué. Devenir un homme, une personne, sortir de son moi infantile, biologique, égocentrique et mortel, c’est rencontrer le Dieu vivant. Naître, c’est centrer toutes ses énergies pour aimer comme lui, faire de toute son existence un don de soi-même.
La Résurrection de l’homme s’enracine dans ce dynamisme de l’amour qui « humanise » notre moi biologique, nous fait « passer » du moi possessif, fermé sur lui-même, au moi oblatif. Celui qui naît à l’amour, par l’amour, devient immortel puisque l’amour est l’être même de Dieu. Cet amour est notre devenir. C’est lui qui personnalise et divinise l’homme qui, comme saint François, n’est plus terrorisé par la mort biologique, car elle n’est plus qu’un « passage » de notre liberté d’aimer à un autre niveau, d’une ampleur nouvelle.
Dieu nous a créés pour devenir des créateurs. Nous devons nous libérer de la pesanteur des déterminismes pour devenir le sanctuaire de la lumière et de l’amour. Telle est le mystère de la transfiguration chrétienne, qui est un mystère d’intériorisation, de personnalisation, de divinisation. Il s’agit de devenir véritablement un « homme » dont l’espace intérieur est devenu assez grand pour accueillir la vie même de Dieu. Et accueillir Dieu, c’est devenir un vivant qui possède en lui tout l’univers. L’immortalité n’est pas ce qui arrive après la mort, elle advient, aujourd’hui et maintenant, chaque fois que l’homme se dépasse pour aimer. C’est chaque jour que nous « immortalisons » notre vie. C’est chaque jour que nous ressuscitons un peu plus.
Voilà la nouvelle naissance à laquelle le Christ nous invite quand on atteint sa maturité spirituelle. Maturité qui entraînera aussi notre corps, car les énergies de l’amour vont aussi transfigurer notre corps, comme celui du Christ, libéré des contraintes de notre univers, sans être pour autant désincarné. Notre mort n’est pas un anéantissement, mais un mûrissement, un accomplissement, un passage -une Pâque- vers notre véritable identité.
BENOÎT XVI – MERCREDI 4 MAI 2011 – (EXEMPLES DE PRIÈRE PRÉSENTS DANS LES CULTURES ANTIQUES)
28 avril, 2015http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110504.html
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
MERCREDI 4 MAI 2011 – ( EXEMPLES DE PRIÈRE PRÉSENTS DANS LES CULTURES ANTIQUES)
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, je voudrais entamer une nouvelle série de catéchèses. Après les catéchèses sur les Pères de l’Eglise, sur les grands théologiens du Moyen-âge, sur les grandes figures de femmes, je voudrais à présent choisir un thème qui nous tient tous très à cœur: le thème de la prière, de manière spécifique la prière chrétienne, la prière que nous a enseignée Jésus et que continue à nous enseigner l’Eglise. C’est en Jésus en effet que l’homme devient capable de s’approcher de Dieu avec la profondeur et l’intimité du rapport de paternité et de filiation. Avec les premiers disciples, avec une humble confiance, nous nous adressons alors au Maître et nous Lui demandons: «Seigneur, enseigne-nous à prier» (Lc 11, 1).
Lors des prochaines catéchèses, en nous approchant de la Sainte Ecriture, de la grande tradition des Pères de l’Eglise, des Maîtres de spiritualité, de la Liturgie, nous voulons apprendre à vivre encore plus intensément notre relation avec le Seigneur, dans une sorte d’«école de prière». Nous savons bien, en effet, que la prière ne doit pas être considérée comme allant de soi: il faut apprendre à prier, comme en acquérant toujours à nouveau cet art; même ceux qui sont très avant dans la vie spirituelle sentent toujours le besoin de se mettre à l’école de Jésus pour apprendre à prier avec authenticité. Nous recevons la première leçon du Seigneur à travers Son exemple. Les Evangiles nous décrivent Jésus en dialogue intime et constant avec le Père: c’est une communion profonde de celui qui est venu dans le monde non pour faire sa volonté, mais celle du Père qui l’a envoyé pour le salut de l’homme.
Dans cette première catéchèse, comme introduction, je voudrais proposer quelques exemples de prière présents dans les cultures antiques, pour relever comment, pratiquement toujours et partout celles-ci se sont adressées à Dieu.
Je commence par l’ancienne Egypte, par exemple. Ici, un homme aveugle, demandant à la divinité de lui rendre la vue, atteste quelque chose d’universellement humain, qui est la pure et simple prière de requête de la part de qui se trouve dans la souffrance, cet homme prie: «Mon cœur désire te voir… Toi qui m’as fait voir les ténèbres, crée pour moi la lumière. Fais que je te voie! Penche sur moi ton visage aimé» (A. Barucq – F. Daumas, Hymnes et prières de l’Egypte ancienne, Paris 1980). Fais que je te voie; c’est là le cœur de la prière!
Dans les religions de la Mésopotamie dominait un sentiment de culpabilité mystérieux et paralysant, mais sans qu’il soit privé pour autant de l’espérance de rachat et de libération de la part de Dieu. Ainsi pouvons-nous apprécier cette supplication de la part d’un croyant de ces anciens cultes, qui résonne ainsi: «Ô Dieu qui es indulgent même pour la faute la plus grave, absous mon péché…. Regarde Seigneur, ton esclave épuisé, et souffle sur lui ta brise: sans attendre pardonne-lui. Allège ta sévère punition. Libéré de mes liens, fais que je recommence à respirer; brise mes chaînes, défaits mes liens» (M.-J. Seux, Hymnes et prières aux Dieux de Babylone et d’Assyrie, Paris 1976). Autant d’expressions qui démontrent comment l’homme, dans sa recherche de Dieu, a eu l’intuition, même confusément, d’un côté de sa faute, de l’autre de l’aspect de la miséricorde et de la bonté divine.
Au sein de la religion païenne, dans la Grèce antique, on assiste à une évolution très significative: les prières, tout en continuant d’invoquer l’aide divine pour obtenir la faveur céleste dans toutes les circonstances de la vie quotidienne et pour obtenir des bénéfices matériels, s’orientent progressivement vers les requêtes les plus désintéressées, qui permettent à l’homme croyant d’approfondir sa relation avec Dieu et de devenir meilleur. Par exemple, le grand philosophe Platon cite une prière de son maître, Socrate, considéré à juste titre comme l’un des fondateurs de la pensée occidentale. Socrate priait ainsi: «… donnez-moi la beauté intérieure de l’âme! Quant à l’extérieur, je me contente de celui que j’ai, pourvu qu’il ne soit pas en contradiction avec l’intérieur, que le sage me paraisse riche, et que j’aie seulement autant, d’or qu’un sage peut en supporter, et en employer» (Œuvres i. Phèdre 279c). Il voudrait avant tout avoir une beauté intérieure et être sage, et non pas riche d’argent.
Dans ces superbes chefs-d’œuvre de la littérature de tous les temps que sont les tragédies grecques, aujourd’hui encore, après vingt-cinq siècles, lues, méditées et représentées, sont contenues des prières qui expriment le désir de connaître Dieu et d’adorer sa majesté. L’une de celles-ci dit: «Ô toi qui donnes le mouvement à la terre, et qui en même temps résides en elle, qui que tu sois, Jupiter, impénétrable à la vue des mortels, nécessité de la nature, ou intelligence des hommes, je te rends hommage; car, par des voies secrètes, tu gouvernes toutes les choses humaines selon la justice» (Euripide, Les Troyennes, 884-886). Dieu demeure un peu vague et toutefois, l’homme connaît ce Dieu inconnu et prie celui qui guide les destinées de la terre.
Chez les Romains également, qui constituèrent ce grand Empire dans lequel naquit et se diffusa en grande partie le christianisme des origines, la prière, même si elle est associée à une conception utilitariste et fondamentalement liée à la demande de protection divine sur la vie de la communauté civile, s’ouvre parfois à des invocations admirables en raison de la ferveur de la piété personnelle, qui se transforme en louange et en action de grâces. En est témoin un auteur de l’Afrique romaine du iie siècle après Jésus Christ, Apulée. Dans ses écrits, il manifeste l’insatisfaction de ses contemporains à l’égard de la religion traditionnelle et le désir d’un rapport plus authentique avec Dieu. Dans son chef-d’œuvre intitulé Les métamorphoses, un croyant s’adresse à une divinité féminine à travers ces paroles: «Divinité sainte, source éternelle de salut, protectrice adorable des mortels, qui leur prodigues dans leurs maux l’affection d’une tendre mère; pas un jour, pas une nuit, pas un moment ne s’écoule qui ne soit marqué par un de tes bienfaits» (Apulée de Madaure, Métamorphoses, xi, 25).
Pendant la même période, l’empereur Marc-Aurèle — qui était un philosophe qui réfléchissait sur la condition humaine — affirme la nécessité de prier pour établir une coopération fructueuse entre action divine et action humaine. Il écrit dans ses Souvenirs/Pensées: «Qui te dit que les dieux ne nous aident pas également en ce qui dépend de nous? Commence donc à les prier et tu verras» (Dictionnaire de Spiritualité XII/2, col. 2213). Ce conseil de l’empereur philosophe a été effectivement mis en pratique par d’innombrables générations d’hommes avant le Christ, démontrant ainsi que la vie humaine sans la prière, qui ouvre notre existence au mystère de Dieu, devient privée de sens et de référence. En effet, dans chaque prière s’exprime toujours la vérité de la créature humaine, qui d’une part fait l’expérience de la faiblesse et de l’indigence, et demande donc de l’aide au Ciel, et de l’autre est dotée d’une dignité extraordinaire, car, en se préparant à accueillir la Révélation divine, elle se découvre capable d’entrer en communion avec Dieu.
Chers amis, dans ces exemples de prières des différentes époques et civilisations apparaît la conscience que l’être humain a de sa condition de créature et de sa dépendance d’un Autre qui lui est supérieur et source de tout bien. L’homme de tous les temps prie car il ne peut faire à moins de se demander quel est le sens de son existence, qui reste obscur et décourageant, s’il n’est pas mis en relation avec le mystère de Dieu et de son dessein sur le monde. La vie humaine est un mélange de bien et de mal, de souffrance imméritée et de joie et de beauté, qui nous pousse spontanément et irrésistiblement à demander à Dieu cette lumière et cette force qui puisse nous secourir sur la terre et ouvrir une espérance qui aille au-delà des frontières de la mort. Les religions païennes demeurent une invocation qui, de la terre, attend une parole du Ciel. L’un des derniers grands philosophes païens, qui vécut à une époque déjà pleinement chrétienne Proclus de Constantinople, donne voix à cette attente, en disant: «Inconnaissable, personne ne te contient. Tout ce que nous pensons t’appartient. Nos maux et nos biens sont en toi, chacune de nos aspirations dépend de toi, ô Ineffable, que nos âmes sentent présent, en t’élevant un hymne de silence» (Hymnes).
Dans les exemples de prière des différentes cultures, que nous avons pris en considération, nous pouvons voir un témoignage de la dimension religieuse et du désir de Dieu inscrit dans le cœur de chaque homme, qui trouvent leur accomplissement et leur pleine expression dans l’ancien et dans le Nouveau Testament. La Révélation, en effet, purifie et porte à sa plénitude l’aspiration originelle de l’homme à Dieu, en lui offrant, dans la prière, la possibilité d’une relation plus profonde avec le père céleste.
Au début de notre chemin dans l’«Ecole de la prière» nous voulons alors demander au Seigneur qu’il illumine notre esprit et notre cœur pour que la relation avec Lui dans la prière soit toujours plus intense, affectueuse et constante. Encore une fois, nous lui disons: «Seigneur, apprends-nous à prier» (Lc 11, 1).