Archive pour le 16 avril, 2015

Aujourd’hui ce est l’anniversaire du Pape Benoît, 88, souhaite cher Pape et cher Père

16 avril, 2015

Aujourd'hui ce est l'anniversaire du Pape Benoît, 88, souhaite cher Pape et cher Père dans images Benedict+XVI+Pope+John+Paul+II+Pope+John+XXIII+0C8aU_Lil3Ul

Pope Emeritus Benedict XVI arrives at the Canonisation Mass in which John Paul II and John XXIII are to be declared saints on April 27, 2014 in Vatican City, Vatican.

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BENOÎT XVI (SUR LA PRIÈRE) (2012)

16 avril, 2015

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20120627.html

BENOÎT XVI (SUR LA PRIÈRE)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 27 juin 2012

Chers frères et sœurs,

Notre prière est faite, comme nous l’avons vu lors des mercredis passés, de silences et de mots, de chants et de gestes qui font participer la personne tout entière : de la bouche à l’esprit, du cœur au corps entier. C’est une caractéristique que nous retrouvons dans la prière juive, en particulier dans les Psaumes. Je voudrais aujourd’hui parler de l’un des chants ou hymnes les plus anciens de la tradition chrétienne, que saint Paul nous présente dans ce qui est, d’une certaine manière, son testament spirituel : la Lettre aux Philippiens. En effet, il s’agit d’une Lettre que l’Apôtre dicte alors qu’il est en prison, peut-être à Rome. Il sent sa mort prochaine, car il affirme que sa vie sera offerte en sacrifice (cf. Ph 2, 17).
Malgré cette situation de grave danger pour son intégrité physique, saint Paul, dans tout ce texte, exprime la joie d’être un disciple du Christ, de pouvoir aller à sa rencontre, au point de voir la mort non comme une perte, mais comme un gain. Dans le dernier chapitre de la Lettre, il y a une invitation pressante à la joie, caractéristique fondamentale de la condition du chrétien et de la prière. Saint Paul écrit : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur; laissez-moi vous le redire: soyez dans la joie » (Ph 4, 4). Mais comment peut-on se réjouir face à une condamnation à mort désormais imminente ? D’où, ou plutôt de qui, saint Paul tire-t-il la sérénité, la force, le courage d’aller à la rencontre du martyre et de l’effusion de sang ?
Nous trouvons la réponse au cœur de la Lettre aux Philippiens, dans ce que la tradition chrétienne appelle carmen Christo, le chant au Christ, ou plus communément « hymne christologique » ; un chant dans lequel toute l’attention est centrée sur les « sentiments » du Christ, c’est-à-dire sur sa façon de penser et sur son attitude concrète et vécue. Cette prière commence par une exhortation : « Ayez entre vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5). Ces sentiments sont présentés dans les versets qui suivent: l’amour, la générosité, l’humilité, l’obéissance à Dieu, le don de soi. Il s’agit non seulement et pas simplement de suivre l’exemple de Jésus, comme quelque chose de moral, mais de faire participer toute l’existence à sa manière de penser et d’agir. La prière doit conduire à une connaissance et à une union dans l’amour toujours plus profondes avec le Seigneur, pour pouvoir penser, agir et aimer comme Lui, en Lui et pour Lui. Exercer cela, apprendre les sentiments de Jésus, représente la voie de la vie chrétienne.
Je voudrais à présent m’arrêter brièvement sur plusieurs éléments de ce chant riche, qui résume tout l’itinéraire divin et humain du Fils de Dieu et qui englobe toute l’histoire humaine : du fait d’être dans la condition de Dieu, à l’incarnation, à la mort en croix et à l’exaltation dans la gloire du Père est également implicite le comportement d’Adam, de l’homme depuis le début. Cet hymne au Christ part de son être « en morphe tou Theou », dit le texte grec, c’est-à-dire d’être « sous la forme de Dieu », ou mieux dans la condition de Dieu. Jésus, vrai Dieu et vrai homme, ne vit pas son « être comme Dieu » pour triompher ou pour imposer sa suprématie, il ne le considère pas une possession, un privilège, un trésor à garder jalousement. Au contraire, « il se dépouilla », il se vida lui-même en assumant, dit le texte grec, la « morphe doulos », la « forme d’esclave », la réalité humaine marquée par la souffrance, par la pauvreté, par la mort; il s’est pleinement assimilé aux hommes, en dehors du péché, de manière à se comporter comme un serviteur complètement dévoué au service des autres. À cet égard, Eusèbe de Césarée — ive siècle — affirme : « Il a pris sur lui la fatigue des membres qui souffrent. Il a faites siennes nos humbles maladies. Il a souffert et pâti pour notre cause : et cela en conformité avec son grand amour pour l’humanité » (La démonstration évangélique, 10, 1, 22). Saint Paul poursuit en traçant le cadre historique dans lequel s’est réalisé cet abaissement de Jésus : « il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir » (Ph 2, 8). Le Fils de Dieu est devenu vraiment homme et il a accompli un chemin dans la complète obéissance et fidélité à la volonté du Père, jusqu’au sacrifice suprême de sa propre vie. Plus encore, l’apôtre spécifie « jusqu’à mourir et à mourir sur une croix ». Sur la croix Jésus Christ a atteint le plus haut degré de l’humiliation, car la crucifixion était la peine réservée aux esclaves et non aux personnes libres : « mors turpissima crucis », écrit Cicéron (cf. In Verrem, v, 64, 16).
Dans la Croix du Christ l’homme est racheté et l’expérience d’Adam est renversée : Adam, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, prétendit être comme Dieu par ses propres forces, se mettre à la place de Dieu, et il perdit ainsi la dignité originelle qui lui avait été donnée. Jésus, en revanche, était « dans la condition de Dieu », mais il s’est abaissé, il s’est plongé dans la condition humaine, dans la fidélité totale au Père, pour racheter l’Adam qui est en nous et redonner à l’homme la dignité qu’il avait perdue. Les Pères soulignent qu’Il s’est fait obéissant, en restituant à la nature humaine, à travers son humanité et son obéissance, ce qui avait été perdu par la désobéissance d’Adam.
Dans la prière, dans la relation avec Dieu, nous ouvrons notre esprit, notre cœur, notre volonté à l’action de l’Esprit Saint pour entrer dans cette même dynamique de vie, comme l’affirme saint Cyrille d’Alexandrie, dont nous célébrons aujourd’hui la fête : « L’œuvre de l’Esprit cherche à nous transformer par l’intermédiaire de la grâce dans la copie parfaite de son humiliation » (Lettres Festales 10, 4). La logique humaine, en revanche, recherche souvent la réalisation de soi-même dans le pouvoir, dans la domination, dans des moyens puissants. L’homme continue à vouloir construire avec ses propres forces la tour de Babel pour atteindre par lui-même la hauteur de Dieu, pour être comme Dieu. L’Incarnation et la Croix nous rappellent que la pleine réalisation se trouve dans la conformation de notre volonté humaine à celle du Père, dans le fait de se vider de notre égoïsme, pour nous remplir de l’amour, de la charité de Dieu et ainsi devenir vraiment capables d’aimer les autres. L’homme ne se trouve pas lui-même en restant enfermé en lui-même, en s’affirmant lui-même. L’homme ne se retrouve qu’en sortant de lui-même; ce n’est qu’en sortant de nous-mêmes que nous nous retrouvons. Et si Adam voulait imiter Dieu, cela n’est pas un mal en soi, mais il s’est trompé sur l’idée de Dieu. Dieu n’est pas un être qui veut uniquement la grandeur. Dieu est amour qui se donne déjà dans la Trinité, puis dans la création. Et imiter Dieu veut dire sortir de soi-même, se donner dans l’amour.
Dans la seconde partie de cet « hymne christologique » de la Lettre aux Philippiens, le sujet change ; ce n’est plus le Christ, mais Dieu le Père. Saint Paul souligne que c’est justement par l’obéissance à la volonté du Père que « Dieu l’a élevé au-dessus de tout; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms » (Ph 2, 9). Celui qui s’est profondément abaissé en prenant la condition d’esclave, est exalté, élevé au-dessus de toute chose par le Père, qui lui donne le nom de « Kyrios », « Seigneur », la suprême dignité et seigneurie. Face à ce nom nouveau, en effet, qui est le nom même de Dieu dans l’Ancien Testament, « qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : “Jésus Christ est le Seigneur”, pour la gloire de Dieu le Père » (vv. 10-11). Le Jésus qui est exalté est celui de la Dernière Cène, qui dépose ses vêtements, se ceint d’une serviette, se penche pour laver les pieds des Apôtres et leur demande: « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13, 12-14). C’est de cela qu’il est important de toujours nous souvenir dans notre prière et dans notre vie : « l’ascension à Dieu advient précisément dans la descente de l’humble service, dans la descente de l’amour, qui est l’essence de Dieu et donc la force vraiment purificatrice, qui rend l’homme capable de percevoir et de voir Dieu » (Jésus de Nazareth, 2007).
L’hymne de la Lettre aux Philippiens nous offre ici deux indications importantes pour notre prière. La première est l’invocation « Seigneur » adressée à Jésus Christ, assis à la droite du Père : il est l’unique Seigneur de notre vie, au milieu de tant de « dominateurs » qui veulent l’orienter et la guider. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir une échelle de valeurs où le primat revient à Dieu, pour affirmer avec saint Paul : « Je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur » (Ph 3, 8). La rencontre avec le Ressuscité lui a fait comprendre qu’il est l’unique trésor pour lequel il vaille la peine de consacrer sa propre existence.
La deuxième indication est la prostration, « tous les genoux se plient » sur la terre comme aux cieux, ce qui rappelle une expression du Prophète Isaïe, où il indique l’adoration que toutes les créatures doivent à Dieu (cf. 45, 23). La génuflexion devant le Très Saint Sacrement, ou le fait de se mettre à genoux dans la prière, expriment justement l’attitude d’adoration devant Dieu, également avec le corps. D’où l’importance d’accomplir ce geste non par habitude et en hâte, mais avec une profonde conscience. Lorsque nous nous agenouillons devant le Seigneur, nous confessons notre foi en Lui, nous reconnaissons qu’il est l’unique Seigneur de notre vie.
Chers frères et sœurs, dans notre prière, fixons notre regard sur le Crucifié, arrêtons-nous plus souvent en adoration devant l’Eucharistie, pour faire entrer notre vie dans l’amour de Dieu, qui s’est abaissé avec humilité pour nous élever jusqu’à Lui. Au début de la catéchèse, nous nous sommes demandé comment saint Paul pouvait se réjouir face au risque imminent du martyre et de son effusion de sang. Cela n’est possible que parce que l’Apôtre n’a jamais éloigné son regard du Christ jusqu’à se configurer à lui dans la mort, « dans l’espoir de parvenir à ressusciter d’entre les morts » (Ph 3, 11). Comme saint François devant le crucifix, disons nous aussi: Très Haut, Dieu de gloire, illumine les ténèbres de mon cœur, donne-moi une foi droite, une espérance certaine, sens et discernement pour accomplir ta vraie et sainte volonté. Amen (cf. Prière devant le crucifix : FF [276]).

LA SYMBOLIQUE DE LA MER DANS LA BIBLE

16 avril, 2015

http://www.portstnicolas.org/phare/etudes-specialisees/article/la-symbolique-de-la-mer-dans-la-bible

LA SYMBOLIQUE DE LA MER DANS LA BIBLE

Pour initier à la lecture et la priere biblique, le parcours spirituel des camps Vie en mer, entrée en prière et retraites Prier et naviguer privilégie tout naturellement des textes qui parlent de la mer. Les passages médités, assis sur la plage ou le pont du bateau, face à l’horizon marin, favorisent la composition de lieu proposée dans l’oraison à la manière ignatienne. Ils prennent spontanement beaucoup de relief et font souvent écho à ce qui est en train de se vivre. L’épisode de la tempête apaisée devient, par exemple, facile à imaginer après un fort coup de vent et une navigation de nuit.

Dans l’Ancien Testament

Que dit la Bible de la mer ? Si le peuple d’lsraël n’était pas particulièrement un peuple de navigateurs, il connaissait et se référait à l’expérience de la mer : un certain nombre de textes de l’Ancien Testament l’évoque. Et l’étude de ces passages [1] nous montre combien la mer a un rôle symbolique puissant pour l’homme biblique. Car elle lui permet d’exprimer très profondément ce qu’il découvre de son attitude devant Dieu. Elle lui donne de formuler des vérites importantes du mystère du Dieu de vie qui le conduit hors de l’enfermement dans la mort. Parce que l’élément marin, aujourd’hui comme hier, est d’abord celui de l’effroi. Comme le dit l’adage « Celui qui n’a pas peur en mer n’est pas un marin, celui qui a peur de tout et de rien ne l’est pas non plus ». En effet, celui qui s’avance sur mer est confronté en permanence à l’éventualité de la mort, – en particulier dans l’Antiquité où les conditions de navigation étaient difficiles et précaires. L’élément marin fournit donc à l’homme l’image la plus parlante du péril mortel. Mais, si « les Hébreux ne s’attardent pas à décrire la terreur que leur inspirent les eaux, ils voient dans la mer, à cause de l’effroi qu’elle suscite, le Symbole de la détresse et de la mort à laquelle l’homme ne peut s’arracher lui-meme » [2]. Aussi, ces eaux de la mort et de l’abandon qui, pour les païens évoquent les forces les plus maléfiques sont lieu d’un salut possible pour qui croit que Dieu est créateur, et donc à même de limiter et dominer les éléments de la nature, comme l’affirme le verset 9 du chapitre 1 du livre de la Genèse : « ’Que les eaux qui sont sous le ciel sa’amassent en un seul endroit et qu’apparaisse le continent’ et il en fut ainsi ». Le psaume 103 le rappelle également : « les eaux couvraient même les montagnes, à ta menace, elles prennent la fuite… ». Même dans les plus terribles situations d’angoisse et de naufrage, le psalmiste peut se tourner vers un Autre pour lui crier sa détresse et son engloulissement : « Et ils criaient vers le Seigneur dans la détresse, de leur angoisse, il les a délivrés. Il ramena la bourrasque au silence et les flots se turent. Ils se réjouirent de les voir s’apaiser, il les mena jusqu’au port de leui desir » [3]. C’est en traversant la Mer rouge que les Hebreux ont fait l’expérience, constitutive de leur identité, d’êtres sauvés et liberés par Dieu, capable d’ouvrir un passage dans les eaux de la mort et de maîtriser le vent : « On vit la terre sèche émerger de ce qui était l’eau, la Mer rouge devenir un libre passage, les flots impétueux une plaine verdoyante » [4]’. Du coup, la mer devient le lieu de reconnaissance de la puissance salvifique de Dieu. Maître des éléments, Yahve est, en conséquence, le protecteur de l’homme au sein de la nature, le garant de sa viabilité dans l’univers. Sa création est remise à l’homme en toute liberté et à son bénéfice. Il peut alors l’accueillir comme le fruit heureux d’un dessein créateur. La domination de Dieu sur les éléments, en particulier la mer et le vent, est, en fait, une manifestation de son amour. Ainsi la confrontation à la mer peut-elle devenir moment privilegié du retournement de la plainte à la louange. Après l’évocation de la tempête apaisée, le psaume 106 se poursuit ainsi : « Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour, de ses merveilles pour les fils d’Adam ! Qu’ils l’exaltent dans l’assemblée du peuple, au conseil des anciens qu’ils le louent ! ». Louange née de cette expérience de fragilité et de vulnérabilité d’une créature marquée par la profusion d’une création immense et majestueuse qui reflète, pour elle, la beauté et la bonté d’un Créateur Sauveur.

Dans l’évangile de Marc

Jésus a lui aussi fréquenté la mer, ou plutôt le lac de Galilée. Et il n’est sans doute pas neutre que ses premiers disciples soient des pêcheurs habitués aux navigations en barque sur le lac de Tibériade. Le Maître les rejoint et les appelle sur le lieu même de leur gagne-pain, de leur labeur quotidien. Leur travail est difficile, marqué par les longues nuits de veille, mais il crée une solidarité très intense entre tous ceux qui exercent ce métier dangereux et aléatoire (car les poissons ne sont pas toujours au rendez-vous et les campagnes de pêche sont souvent éprouvantes [5]. L’évangile de Marc est celui qui donne le plus de place à la mer. Elle y joue même un rôle central dans les chapitres 1 à 14. On relève, en effet, plus de quarante occurrences de ce mot et du vocabulaire marin [6]. On peut ainsi noter que le lac de Galilée est toujours appelé thalassa et non pas limmne (lac), reprenant par là l’hébreu de l’Ancien Testament qui utilise un seul mot yam pour désigner la mer et le lac, et même le fleuve. Et, comme Marc fait un lien explicite avec l’Ancien Testament dès le premier verset de son Évangile en citant Isaïe, on peut considérer que l’emploi du mot thalassa est porteur de toutes les connotations qu’il revêt dans l’Ancien Testament. La mer a une valeur métaphorique claire : eile signifie au plus haut point les forces obscures qui s’opposent au Dieu de la vie. Un lien très visible est établi entre Jesus et la mer : tous les deux portent le même qualificatif « de Galilée ». On peut aussi noter que toutes les scènes d’appel des disciples [7], la majeure partie de son enseignement en paraboles [8], ainsi que de nombreuses guérisons, se passent au bord de la mer.

Enfin, trois récits de traversée relatent ce qui survient sur la mer, lors de ces voyages en barque : 4,37.41 : la tempête apaisée ; 6,47-52 : Jesus marche sur les eaux ; 8,14-21 : le levain des pharisiens et d’Hérode. Ceux-ci se prolongent toujours d’ailleurs par un récit de guérison (celle du démoniaque gérasénien en 5,1-20 ; nombreuses guérisons au pays de Génésaret en 6,53-56 ; guérison d’un aveugle à Bethsaïde en 8,22-26). Ces trois passages d’une rive à l’autre font de la mer un lieu théophanique : s’y dévoile l’identité divine de Jésus en lien avec son enseignement (précédant la traversée) et ses guérisons (suivant la traversée). En 6,50, au milieu de la mer, Jésus réutilise les mots mêmes de la révélation faite par Dieu à Moïse au Buisson ardent « ego eimi » (Ex 3,14). La mer est l’endroit où se manifeste, comme en plein jour, le pouvoir divin de Jésus qui, comme Yahvé, peut dominer les éléments. Vent et vagues se taisent sur sa parole « Silence, tais-toi ! » (4,38). Est déjà symbolisée par là sa victoire pascale sur le chaos et les puissances du mal. C’est donc en ce lieu d’épreuve et d’effroi qu’il est donné aux disciples la possibilité de découvrir qui est vraiment Jésus de Galilée, Fils de Dieu : un sauveur créateur investi de la puissance de Yahvé. Reconnu à ses effets, semblables à ceux qui sont rapportés dans les grandes théophanies de l’Ancien Testament : « Alors ils furent saisis d’une grande crainte » (4,41) ; « Et ils étaient intérieurement au comble de la stupeur » (6,51). Ainsi est figurée l’experience de rencontre déroutante avec un Jésus victorieux sur les forces démoniaques, que Pierre pourra nommer Christ à l’issue du troisième et ultime voyage en barque (8,27-30).

Trois voyages pour entrer dans cette connaissance intérieure de la foi ; comme trois jours pour découvrir le Ressuscité et sortir du tombeau. Le temps de rouler la pierre de la peur et du doute… Le temps d’accueillir le bouleversement opéré, et d’habiter l’attitude même du Christ sur la mer, celle d’une totale confiance. Elle dévoile en négatif la lenteur à croire des disciples, leur enfermement dans l’emprise de la peur. « Pourquoi avez-vous peur ainsi ? Comment n’avez-vous pas la foi ? » (4,40) ; « Ceux-ci le voyant marcher sur la mer, crurent que c’était un fantôme et poussèrent des cris » (6,49) ; « Ne comprenez-vous pas encore ? » (8,20). Aussi, en même temps que se révèle la véritable identité de Jésus, nouveau Moïse, se déploie dans un contraste frappant la distance entre les disciples et lui-même. La foi de ceux qui embarquent sur sa parole est éprouvée au plus haut point, mise à nu de nuit sur la mer. Ébranlée en son extrême par la confrontation avec les elements déchaînés, figurant les mêmes forces d’opposition et de mort que celles représentées par l’armée des Égyptiens à l’assaut des Israéliens. Ces voyages en mer, comme une traversée de noir obscur, transforment l’identité des disciples, plongés ici dans une proximité mystérieuse et déroutante avec Celui qui les fait passer d’une rive à l’autre pour les unir toujours plus étroitement à sa mission.

La barque : lieu de formation pour les disciples

La relation entre Jésus et ses disciples est particulièrement associée à la mer qui apparaît comme le lieu central de leur formation et de leur apprentissage de la mission. Mission jusqu’en territoire païen, au-delà des frontières traditionnelles de la synagogue et des villes juives. L’enseignement en paraboles se fait dehors, au bord de la mer, comme pour signifier qu’il dépasse les limites de l’enseignement traditionnel. Se crée une opposition entre la mer, qui signifie chaos, menace, danger, et la terre, symbole de la promesse qui évoque plutôt l’ordre et la sécurite. Dans cette perspective, les disciples sont ceux qui suivent Jésus jusque sur la mer en montant dans la barque qui lui sert de lieu d’enseignement. Cet endroit leur est réservé, les foules n’y viennent pas. Il se présente comme l’intermédiaire entre la terre et la mer, une rive et l’autre, les juifs et les païens. Jésus y fait accéder uniquement les disciples. Comme si la traversée était constitutive de leur identité. Ces hommes choisis, l’Évangile les montre pourtant faillibles et la tempête symbolise leur résistance. La barque sur la mer prend alors une signification symbolique : elle révèle que Jésus a une identité de médiateur entre Dieu et l’homme, parce qu’il reproduit l’acte créateur et salvateur de Yahvé. Et elle dit en même temps – parce qu’elle est un objet instable sur un lieu mouvant – que cette identité ne peut être saisie et figée. La symbolique de la barque, qui sera plus tard celle de l’Église du Christ, nous dit combien l’identité de Jésus, Fils de Dieu, est une identité d’itinérance, une identité mystérieuse qui ne cesse de se dérober. Elle exprime en une image forte cette christologie du secret souvent mise en évidence par les commentateurs de Marc. Jésus le Christ se découvre en sa dimension de Sauveur, dans l’épreuve de l’affrontement aux forces du mal et de la mort. Quelque chose d’une nouvelle confrontation au chaos originel à partir duquel Dieu crée en séparant, un retour dans la Galilée premiere… La mer qui sépare les deux rives – comme les eaux du baptême qui introduisent à la vie nouvelle – devient alors ce lieu médiateur qui ouvre à une recréation, une libération, une résurrection… de l’ordre d’une nouvelle naissance. La traversée de la mer préfigure et signifie la future et déjà présente traversée pascale… Par l’emploi répété des images de l’eau et de la mer, Marc tente de nous faire saisir symboliquement que la suite du Christ est de l’ordre d’un commencement, d’un recommencement toujours à faire… Les femmes au tombeau à la Résurrection sont renvoyées dans leur Galilée de départ : « Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez comme il vous l’a dit » (16,7). Commencement qui ne peut faire l’économie de la traversée de la nuit de la peur dans l’effondrement de toute certitude et image du Christ. Les disciples mis en scène, aussi proches de Jésus soient-il, ne peuvent s’appuyer sur un savoir stable et sont en permanence désorientés. La mer, en tant qu’espace mouvant par excellence, présente donc un intérêt narratif certain pour contribuer à structurer un évangile dont la logique réside entièrement dans le déplacement. Dans les dix premiers chapitres, on peut relever plus de cinquante changements de lieux ! La mobilité est ici la marque la plus importante du personnage de Jésus. Les disciples, à son appel, passent du statut de sédentaires à celui d’itinérants… D’un rôle social figé, pêcheurs comme leur père, à un style de vie qui s’invente dans le plein vent du monde…