Archive pour le 14 avril, 2015
LE RÉALISME DE LA CROIX
14 avril, 2015http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Huan/lereali.html
LE RÉALISME DE LA CROIX
«Les juifs demandent des
miracles et les Grecs cherchent
la sagesse ; nous, nous prê-
chons le Christ crucifié »
(I Cor., I. 22)
Vous rappelez-vous la saisissante description qu’a faite Huysmans, dans Là-Bas, du Christ en croix peint par Mathaeus Grûnewald au Musée de Cassel ?
« Démanchés, presque arrachés des épaules, les bras du Christ paraissaient garrottés dans toute leur longueur par les courroies enroulées des muscles. L’aisselle éclamée craquait ; les mains grandes ouvertes brandissaient des doigts hagards « qui bénissaient quand même, dans un geste confus de prières et de reproches ; les pectoraux tremblaient, beurrés par les sueurs le torse était rayé de cercles de douves par la cage divulguée des côtes ; les chairs gonflaient, salpêtrées et bleuies, persillées de morsures de puces, mouchetées comme de coups d’aiguilles par les pointes des verges qui, brisées sous la peau, la lardaient encore, çà et là, d’échardes
L’heure des sanies était venue la, plaie fluviale du flanc ruisselait plus épaisse, inondait la hanche d’un sang pareil au jus foncé des mûres ; des sérosités rosâtres, des petits laits, des eaux, semblables à des vins de Moselle gris suintaient de la poitrine, trempaient le ventre au-dessous duquel ondulait le panneau bouillonné d’un linge ; puis, les genoux rapprochés de force, heurtaient leurs rotules et les jambes tordues s’évidaient jusqu’aux pieds qui, ramenés l’un sur l’autre, s’allongeaient, poussaient en pleine putréfaction, verdissaient dans des flots de sang les pieds spongieux et caillés étaient horribles la chair bourgeonnait, remontait sur la tête du clou et leurs doigts crispés contredisaient le geste implorant des mains, maudissaient, griffaient presque avec la corne bleue de leurs ongles l’ocre du sol, chargé de fer, pareil aux terres empourprées de la Thuringe.
Au-dessus de ce cadavre en éruption, la tête apparaissait tumultueuse et énorme ; cerclée d’une couronne désordonnée d’épines, elle pendait, exténuée, entrouvrait à peine un oeil hâve où frissonnait encore un regard de douleur et d’effroi ; la face était montueuse, le front démantelé, les joues taries ; tous les traits renversés pleuraient, tandis que la bouche descellée riait avec sa mâchoire contractée par des secousses tétaniques, atroces.
Le supplice avait été épouvantable, l’agonie avait terrifié l’allégresse des bourreaux en fuite. »
Le voilà le réalisme de la Croix ! Sans doute, l’Homme que l’on cloua sur le gibet d’infamie était Dieu par sa Personne incréée ; mais il était bien aussi, et en toute plénitude, par son âme et par son corps, un homme comme l’un quelconque d’entre nous ; aurait-il pu souffrir et mourir, s’il n’avait eu de la chair que l’on peut transpercer, et du sang que l’on peut répandre ? Et, s’il n’avait pas souffert, s’il n’était pas mort, la rédemption eût-elle été vraiment accomplie ? Ce ne fut donc pas un vain simulacre que la crucifixion de Jésus, mais une oeuvre de douleurs et d’angoisses où « l’Homme-Dieu reçut de telles meurtrissures que son corps exténué ne put retenir l’âme sainte qui l’animait et expira.
Que vient-on nous parler, à ce propos, de symbolisme, comme si la Croix de Jésus, par l’intersection de ses deux lignes horizontale et verticale, avait simplement pour objet de représenter par des signes géométriques une certaine doctrine cosmologique ? (1). En vérité, il s’agit ici de tout autre chose que de conceptions métaphysiques. Ce qui s’est accompli sur le Calvaire, c’est un sacrifice et un sacrifice sanglant : un Homme a été cloué sur une croix, et quel Homme ! Le Fils de Dieu, le Verbe, qui ne s’est fait chair qu’afin de donner sa vie pour le salut du monde. Si la Croix est un signe, c’est le signe de notre Rédemption. Aussi, dans la contemplation de Jésus crucifié, attachons-nous bien moins nos regards à l’instrument de bois qui a servi au supplice qu’à l’être humano-divin qui y est suspendu.
Avez-vous noté le fait remarquable de la destruction du Temple de Jérusalem quelques années après .la mort du Sauveur ? Cette destruction a eu pour effet de mettre un terme aux rites sacrificiels qui y étaient célébrés et par suite, à l’institution même du sacerdoce juif. Il semble bien, à ne constater que la succession historique des événements, que la mort de Jésus sur la Croix ait été un accomplissement, la réalisation de figures qui devaient prendre fin à sa venue et qui, de fait, ont pris fin lorsqu’il eut achevé sa mission rédemptrice. S’il est vrai, comme le rappelle l’Épître aux Hébreux, que l’effusion du sang des victimes consacrées à la divinité ait été, chez tous les peuples, la condition et le signe de la rémission des péchés, pourquoi les sacrifices sanglants ont-ils cessé, tout d’abord dans le culte juif, puis peu à peu sur toute la terre, si ce n’est précisément parce que l’Agneau de Dieu, se substituant à toutes les victimes, a payé pour tous les coupables et que par sa seule médiation l’humanité est désormais rentrée en grâce auprès du Créateur ? Le sacrifice du Golgotha est donc à la fois une oeuvre de rachat, dont la portée est universelle, puisqu’elle s’étend à tous les pécheurs et s’applique à tous les temps, et une oeuvre de substitution, puisque les fruits de la passion du Christ ont une telle vertu qu’ils suffisent, sans mérite de notre part, à nous, ouvrir tous les trésors de la miséricorde divine. Ainsi la mort du Christ met fin à la longue coulée de sang qui, depuis le meurtre d’Abel, n’avait cessé d’inonder le monde, sans réussir à laver l’humanité de ses iniquités et de ses turpitudes.
Devant ce spectacle de Jésus en croix, dont la tragique grandeur est faite de justice et d’amour, quel est celui d’entre nous qui oserait dire: cela ne me regarde pas ! Comme s’il n’était pour rien dans la passion du Christ ! Comme si Celui qui fut sans péché n’avait souffert et n’était mort que pour son propre salut ! Le grand-prêtre juif aspergeait lui-même de sang l’autel de Yahvé devant tout le peuple, au grand jour de l’Expiation ; mais, en le marquant ainsi du sang des taureaux, ce n’est pas seulement pour la rémission des péchés du peuple qu’il offrait le sacrifice, C’était aussi pour la rémission de ses propres péchés. Le Saint de Dieu, qui est notre grand-prêtre pour l’éternité, n’offre pas à son Père le sang des taureaux : il offre son sang à lui et il l’offre pour le salut du monde, c’est-à-dire pour la rédemption de chacun de nous en particulier. « Le Fils de Dieu, parce qu’il m’a aimé, s’est livré lui-même à la mort pour moi ». (Galat.II, 20).
Comprend-on maintenant ce qu’est pour nous Jésus en Croix ?
Jésus en croix, c’est le don infini de l’Amour divin à tout coeur qui veut aimer !
Jésus en croix, c’est la miséricorde et le pardon de Dieu, s’inclinant vers tous les hommes de bonne volonté !
Jésus en croix, c’est l’Agneau sans tâche qui porte sur lui les péchés du monde !
Jésus en croix, c’est le bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis !
Jésus en croix, c’est le Roi des rois, couronné d’épines pour payer la rançon de son peuple !
Jésus en croix, c’est la Vigne mystique qui étend ses rameaux sur l’humanité coupable pour la couvrir de son abri tutélaire !
Jésus en croix, c’est la Lumière du Ciel venant éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort !
Jésus en croix, c’est la sainte et pure Victime d’amour inondant toute la terre de son sang, afin qu’elle fût lavée de toutes ses iniquités, de toutes ses turpitudes, de toutes ses forfaitures !
Jésus en croix, c’est le souverain Maître de l’Univers livré à toutes les puissances du Mal et de la Haine pour nous mériter la liberté des enfants de Dieu ;
Jésus en croix, c’est l’appel de l’Amour compatissant à toutes les âmes affligées qui plient sous le poids de leurs misères et de leurs fautes !
Jésus en croix, c’est le Dieu qui meurt pour que tous les hommes, ses créatures aient la vie et la vie éternelle
Jésus en croix, c’est notre guérison, notre lumière., notre, force, notre justice, c’est notre sanctification et notre rédemption, notre Salut et notre Paix.
«Mon âme approche de la Croix avec la plus profonde humilité, la plus grave attention et la plus entière confiance. Baise cet autel où meurt ton Bien-aimé Sauveur : mets-toi sous ses pieds et courbe la tête pour recevoir le sang divin. Dis, comme les Juifs mais avec un tout autre sentiment : que son sang soit sur moi ! Oui, Seigneur, que votre précieux sang descende sur nous et nous lave de nos péchés ! Non, le sang de Jésus-Christ, le sang du Sauveur mort pour nous, ce sang ne crie pas vengeance comme celui d’Abel. Il ne demande pour nous que grâce et miséricorde (2).»
JÉSUS EN CROIX ! VOUS QUI EFFACEZ LES PÉCHÉS DU MONDE, AYEZ PITIÉ DE NOUS
Gabriel HUAN.
« GÉOGRAPHIE DE LA BIBLE » ET NON »GÉOGRAPHIE BIBLIQUE’ »
14 avril, 2015http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/421.html
« GÉOGRAPHIE DE LA BIBLE » ET NON »GÉOGRAPHIE BIBLIQUE’ »
Approfondir
Le titre de ce Cahier, « La géographie de la Bible », indique que son propos dépasse les limites de l’ancien concept de « géographie biblique ».
Le titre de ce Cahier, La géographie de la Bible, veut indiquer que son propos dépasse les limites de l’ancien concept de « géographie biblique », une telle désignation pouvant laisser croire que la géographie appliquée aux données bibliques se serait constituée en discipline spécifique. La géographie est une science autonome, et c’est en tant que telle qu’elle peut fournir au lecteur des textes bibliques des instruments susceptibles d’en améliorer la compréhension. Science autonome, la géographie est également une science aux multiples facettes, auxquelles correspondent les différents angles d’approche que nous nous proposons d’adopter dans ce Cahier.
Tout d’abord, nous nous intéresserons à la géographie physique du pays, ou mieux, des pays bibliques : cet intitulé recouvre aussi bien la géologie’, que l’étude du relief, celle de l’hydrologie ou enfin celle du climat. Les données de la géographie physique conduisent à délimiter les principales régions qui constituent
les pays bibliques, et à en préciser les caractéristiques propres. Elles permettent donc d’élaborer une véritable géographie régionale. La définition géographique des principales régions ira de pair avec une enquête permettant de mettre au jour la manière dont le texte biblique se réfère aux différentes entités géographiques, et de préciser le vocabulaire spécifique auquel il recourt pour les désigner.
Puis, notre enquête aura pour objet la géographie humaine. Ce terme veut désigner tout à la fois la géographie économique (agriculture, industrie, communications et commerce) et la géographie politique : l’entité politique « Israël », quelles que soient ses désignations successives. Israël a toujours été tributaire de l’histoire des grandes puissances qui l’entouraient : au sud l’Égypte, au nord-est les empires qui se sont succédé dans l’espace mésopotamien. C’est dans ce contexte régional qu’il convient de comprendre le développement puis la chute des royaumes de Samarie et de Juda, le destin politique de la fragile province de Judée, dans le cadre de l’Empire perse, la naissance et le développement du royaume hasmonéen. A ces différentes époques, comme à la Palestine du Nouveau Testament, correspondent des caractéristiques géographiques propres que nous présenterons brièvement.
Signalons ici que les données récentes de l’archéologie des pays de la Bible mettent parfois en question les résultats communément admis de la critique socio-historique des textes bibliques, particulièrement pour ce qui concerne la période pré-exilique : des datations se révèlent contestables, des entités politiques (tel le royaume de David et de Salomon) semblent devoir faire l’objet d’une nouvelle évaluation critique. Nous tenterons de mettre en perspective les résultats récents des études archéologiques et les données de l’exégèse critique des textes bibliques.
Enfin, se pencher sur le thème « géographie et Bible », c’est aussi s’intéresser à la manière dont le texte biblique recourt aux données géographiques. A côté de récits où les notions géographiques, souvent sobrement exposées, ont pour but de préciser le cadre de l’action, ou encore de compléter l’information du lecteur, plusieurs textes ou ensembles littéraires recourent à la géographie comme lieu « théologal »: l’organisation, la structuration de certains récits à l’aide d’une géographie symbolique est l’un des vecteurs choisis par leurs auteurs pour délivrer au lecteur ou à l’auditeur un message théologique. Dans la dernière partie de ce Cahier, nous chercherons à mettre au jour la géographie symbolique du Tétrateuque sacerdotal (Gn-Nb), celle du cycle de Jacob, celle du livre du Deutéronome, et enfin, dans le Nouveau Testament, celles des Évangiles synoptiques ( les itinéraires des voyages de Paul sont délibérément laissés en dehors de la perspective de ce Cahier).
Olivier Artus, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 122 (décembre 2002), « La géographie de la Bible » (p. 5-6)