Archive pour le 11 avril, 2015
MISÉRICORDE Hébreu : (rahamîm) Grec : (eleos) Latin : misericordia
11 avril, 2015http://www.interbible.org/interBible/ecritures/mots/2002/mots_020222.htm
MISÉRICORDE
Hébreu : (rahamîm)
Grec : (eleos)
Latin : misericordia
La notion de « miséricorde » a connu un développement, dans notre culture, qui voile la richesse qu’elle possède dans la tradition biblique. En effet, pour nous, la miséricorde signifie la sensibilité à la misère d’autrui ou la pitié par laquelle on pardonne au coupable. La notion biblique de « miséricorde » est beaucoup plus vaste.
Le mot hébreux rahamim est un pluriel qui signifie « entrailles ». Les hébreux considéraient que les entrailles, en tant que siège de tous les sentiments, pouvaient s’émouvoir sous le coup de la douleur ou d’une peine. C’est peut-être en ressentant des « papillons dans le ventre », comme on dit, qu’ils en étaient arrivés à considérer la miséricorde, comme un sentiment qui a son origine au sein même de la personne. La miséricorde apparaît alors comme l’attachement d’un être à un autre. Mais le terme rahamim désigne surtout l’attachement qui unit Dieu à l’être humain, comme si les « entrailles de Dieu » frémissaient en pensant à l’homme. Ainsi Dieu s’émeut avec tendresse comme un père ou une mère à l’égard de leurs enfants.
Un autre terme accompagne souvent la « miséricorde »: c’est hesed. Il s’agit de la relation qui unit deux personnes et implique la fidélité et l’obligation de venir en aide. La miséricorde unie à la fidélité devient une bonté consciente et voulue qui répond à un devoir intérieur. La personne qui agit avec miséricorde témoigne alors d’une grande fidélité à la relation qui l’unit à quelqu’un d’autre. Il en est ainsi de la miséricorde de Dieu.
Dieu manifeste sa miséricorde chaque fois qu’il vient en aide à son peuple ou à un individu. Il a alors une prédilection pour le pauvre, la veuve, l’orphelin. Ces personnes vivent habituellement dans la plus grande indigence, puisqu’elles ont perdu le soutien qui d’un mari, qui d’un père. Pour Israël, la manifestation par excellence de la miséricorde de Dieu fut l’exode. La libération de la servitude en Égypte est le modèle de toutes les autres manifestations de la miséricorde de Dieu.
Il n’y a pas que la misère ou les malheurs de l’homme qui bouleversent Dieu. Il y a surtout la condition de l’homme pécheur. La miséricorde dans ce cas, n’ignore pas la gravité de la rupture due au péché, mais elle se traduit par la patience, la volonté ferme d’amener les humains à la conversion et de leur accorder son pardon. En Israël, on en vient à penser que la miséricorde est un acte proprement divin. Elle est le signe de la toute-puissance de l’amour de Dieu. Seul le coeur endurci et rebelle peut limiter l’exercice de la miséricorde de Dieu. Les prophètes enseignent que la pratique de la miséricorde et de la tendresse entre les membres du peuple est préférable à tous les sacrifices où le coeur est absent. En raison des liens créés par l’Alliance, personne ne peut se dérober à son devoir d’amour envers le prochain.
Jésus reprendra cet enseignement des prophètes, en affirmant qu’il n’est pas venu pour les justes qui ne sentent aucun besoin de conversion, mais pour les pécheurs qui ont besoin de connaître la miséricorde de Dieu. Il ira cependant plus loin en invitant ses disciples à agir avec miséricorde à l’égard de tout être humain, même l’ennemi. Il faut être miséricordieux comme notre Père du ciel est miséricordieux. Comme lui, il faut que nos entrailles frémissent devant autrui.
C’est par la pratique de la miséricorde que les disciples de Jésus révèlent qu’ils sont en communion avec Dieu. C’est la condition essentielle pour entrer dans le Royaume.
Yves Guillemette, ptre
HOMÉLIE DU 2E DIMANCHE DE PÂQUES B
11 avril, 2015http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 2E DIMANCHE DE PÂQUES B
Ac 4, 32-35 ; 1 Jn 5, 1-6 ; Jn 20, 19-31
(Prononcée en 1997 en la cathédrale des SS. Michel et Gudule (Bruxelles), les événements cités sont de cette époque)
Thème : La foi n’est pas une évidence. Elle se nourrit de l’écoute de la Parole et des « actions parlantes »
Il était une fois, au seuil du 21e siècle, quelques dizaines de jeunes gens et jeunes filles qui voulaient bâtir leur existence sur le roc des Ecritures. Leur communauté fut baptisée « Source Supérieure ». Vivant comme des moines et des moniales, ils s’appelaient entre eux frères et sœurs et mettaient tout en commun. Ils s’étaient exilés du monde du péché, pour aspirer davantage à une autre vie, purifiée, joyeuse et définitive. A l’abri d’un refuge discret mais luxueux, ils vivaient dans l’impatience du grand jour. Celui du retour à la Source. Le grand passage, la pâque ultime. C’est au cours de leur « semaine sainte » 1997 qu’ils ont choisi de se débarrasser joyeusement et ensemble de leur enveloppe terrestre. Un suicide collectif pour rejoindre le paradis de leurs fantasmes.
C’est sur fond de cette actualité d’une liturgie morbide, née d’une dérive « religieuse » que nous avons vécu en Eglise le Saint jour de Pâques. La fête des fêtes. La fête de la foi. Dans l’allégresse, les prières et les chants, nous avons proclamé d’un même cœur et d’une seule voix : Je crois en Jésus le Christ, ressuscité des morts. Je crois à la résurrection de la chair et à la vie éternelle. Avant cela, le Verbe, qui est l’ »exégète de Dieu », avait ouvert nos esprits à l’intelligence des Ecritures, depuis la Genèse jusqu’au sépulcre vide, en passant par les prophètes et les psaumes, qui parlent du Christ en clair obscur.
Foi reçue. Foi proclamée. Foi célébrée. Mais l’adhésion au Christ ne peut se contenter des expressions doctrinales, liturgiques et rituelles. Il lui reste encore à descendre au plus profond de notre conscience et à se concrétiser dans le pas à pas quotidien pour y devenir foi vécue. C’est-à-dire rayonner en amour sans frontière, en impérieuse réconciliation et en victoire de la paix. Croire et aimer, c’est tout un. Même si nous sommes des témoins fragiles, souvent hésitants ou peureux, troublés et fragilisés par le doute. C’était il y a huit jours.
Aujourd’hui, comme tous les premiers jours de la semaine, nous faisons corps dans la foi. Nous faisons Eglise. Lourds de nos inquiétudes, de nos faiblesses, du poids de nos souffrances, peut-être aussi de nos angoisses. Comme Thomas et ses compagnons, un certain premier jour de la semaine.
Ce matin, les portes de la cathédrale ne sont pas fermées, mais celles de nos cœurs sont peut-être encore verrouillées. Il n’empêche ! Jésus est là au milieu de nous puisque nous sommes rassemblés en son nom. Il est là aussi « présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Eglise les Saintes Ecritures » (Constitution sur la liturgie, 7a).
Encore faut-il y croire. Et y croire vraiment. Mais croire n’est pas facile. Pour personne. Voyez les réactions de Thomas, lui qui était placé aux premières loges. Lisez le récit de Luc, là, ce sont tous les disciples sans exception qui sont « frappés de stupeur et de crainte ». Et lorsqu’ils auront pris conscience de l’authenticité de leur expérience spirituelle, et malgré leur joie, « ils n’osaient pas encore y croire et restaient saisis d’étonnement ».
Même après la résurrection, la foi des apôtres est restée difficile et elle était tout autre chose qu’une assurance donnée par une vision sensible de Jésus ressuscité. Or, nous sommes appelés à croire sans preuves. Si ce n’est la preuve des témoignages et des signes.
La foi chrétienne n’est pas une évidence. Elle est affaire d’amour, et donc de confiance et de liberté. Elle n’est pas non plus soumission aveugle à des formules pétrifiées dans la lettre des dogmes. Pas plus qu’elle ne se prouve par tous les faits, évoqués par les Evangiles. Comme s’ils étaient le résultat d’une enquête historique et scientifique ou le résumé d’évènements scrupuleusement filmés par des professionnels de la pellicule et du reportage. Les évangiles sont le témoignage d’une communauté chrétienne qui vit, dans la foi, l’expérience du Christ ressuscité.
Bien des croyants qui ont suivi les cinq émissions « Corpus Christi » programmées sur ARTE durant la Semaine Sainte, auront peut-être vécu « un douloureux décapage de leur foi ». C’est une purification bénéfique. Car la foi est toujours une libre décision prise par quelqu’un qui a été séduit par la personne de Jésus, sa Parole, son message et sa vie. La foi est un attachement vivant au Christ, dont la Parole est nourriture. Elle suppose un contact intime, admiratif et radicalement confiant avec Jésus, le Christ, le Vivant. Et vivant, parce que ressuscité, c’est-à-dire qu’il a « accès à la vie définitive ». « En Dieu, il continue d’exister » (1).
Pour les apôtres d’hier, Pierre en tête, comme pour ceux d’aujourd’hui, toute vie chrétienne est « faite de foi et d’incertitudes, de chutes et de re-départs ». Nous avons tous des étapes de questions et de doutes, voire même d’anxiété, confesse le cardinal Martini. Il n’y a qu’une solution, ajoute-t-il, tant pour les savants que pour les simples : donner foi aux paroles du Christ, comme paroles provenant de Dieu.
Pour devenir croyants et nourrir notre foi, nous avons davantage besoin des oreilles pour écouter que des yeux pour voir. Et cependant, la Parole n’est rien tant qu’elle n’est pas traduite en capacité d’aimer, tant qu’elle n’a pas pris corps. Et elle prend corps dans des comportements et des actions qui deviennent autant de signes de la résurrection. Des « actions parlantes ». On en découvre des traces chaque fois que des hommes et des femmes, à la suite du Christ, deviennent à leur tour des « créatures nouvelles » qui osent s’engager à « renouveler la face de la terre » ou du moins la petite parcelle de leur territoire. Nous sommes conviés, écrivait récemment l’évêque de Tournai, « à découvrir et à ouvrir des chemins de résurrection, à repérer (aussi) les premiers signes de la victoire pascale, comme le don de soi et l’amour désintéressé, le pardon des offenses, la volonté de réconciliation ».
C’est d’ailleurs ainsi que « les apôtres portaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus », nous disent les Actes. Partage de la Parole et du Pain eucharistique. Partage des services et partage des biens, « pour que personne ne soit dans la misère ». C’est alors que les yeux s’ouvrent et que, sans voir Jésus, on reconnaît qu’il est vivant. Ce n’est pas pour rien que la liturgie fait précéder aujourd’hui l’Evangile d’un flash sur la vie des premières communautés chrétiennes. Un récit certes idéalisé, mais qui indique le chemin à poursuivre et le signe à donner.
« La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi, avaient un seul cœur et une seule âme ». Autrement dit, des hommes et des femmes ordinaires, « quelle que soit leur origine ethnique, religieuse ou sociale, leur culture ou leur fortune », se comportaient en frères et sœurs pour le meilleur et pour le pire. Ils vivaient « en ressuscités ». Avec évidemment des conséquences directes sur la façon de comprendre et d’exercer l’autorité et le pouvoir, par exemple. Une véritable conversion également dans tout ce qui touche à l’usage des biens matériels, à la possession gourmande, à l’idolâtrie de la propriété et des droits acquis.
Il en va de même aujourd’hui. Le Christ ressuscité et sa Bonne Nouvelle seront reconnus à des signes qui ne trompent pas : ceux de chrétiens et de communautés chrétiennes qui « vivent en ressuscités », ici, aujourd’hui, d’une manière crédible et convaincante, par une solidarité effective, une manière de partager et de mettre en commun adaptée aux situations, aux problèmes et aux aspirations d’aujourd’hui. C’est ainsi que la foi se nourrit et se prouve par l’écoute de la Parole et le témoignage des actions « parlantes » de l’agir quotidien.
« Donne-nous envie de croire ! » Tel est le cri qui résume les 1.200 lettres adressées aux évêques de France par des jeunes de 15 à 30 ans. Ils nous disent que, pour eux, la foi est « avant tout une expérience authentique qui ouvre des horizons insoupçonnés. Elle conduit à une transformation intérieure qui change le regard sur les autres, sur le monde… C’est le bonheur à portée de main, dans la trame des relations quotidiennes ».
N’est-ce pas le signe et l’espérance de la naissance d’une société et d’un monde nouveaux ?
« Seigneur, donne-nous envie de croire ! ».
P. Fabien Deleclos, franciscain (T) – 1925 – 2008