Archive pour le 2 avril, 2015
Ô JÉSUS TA CROIX DOMINE
2 avril, 2015http://www.eretoile.org/Archives-Reflexions/o-jesus-ta-croix-domine.html
Ô JÉSUS TA CROIX DOMINE
(par L’Église protestante unie)
Annonce Pâques en tension avec l’évènement de la croix.
Ce cantique nous rappelle que nous proclamons trop vite la résurrection, en oubliant de nous arrêter sur la croix. Cette croix, objet de torture et d’humiliation, est devenue le symbole par excellence des chrétiens. Les artiste ne s’y sont pas trompés. En effet, passion et crucifixion ont inspirés de nombreux chefs-d’oeuvre picturaux, littéraire, musicaux. L’expérience de la croix, expérience de la souffrance et de la mort, est si profondément humaine que les artistes ne pouvaient que s’y engouffrer.
Le thème principal de ce cantique est la contemplation de la croix, thème rare chez les protestants français. Les paroles de Ruben Saillens sur la musique de Bach, nous invitent à nous tourner vers cette croix. Il est tout à fait adéquat de chanter la grandeur de la croix et de proclammer la Résurrection. C’est une donnée incontournable, indissociable du message de Pâques. Rien d’etonnant puisque la mélodie est de Jean-Sébastien Bach et que pour Martin Luther, la croix est la clé de voute qui assure la cohérence de l’édifice théologique dans son ensemble. C’est d’ailleurs à cette époque que va s’opérer une petite révolution en manière de représentation du Christ en croix. Jusque là le Christ en croix montrait, si ce n’est une certaine puissance, tout du moins une maîtrise. Il subit en silence le supplice de la mort, son corps presque athlétique semble indemne. Lucas Cranach, à l’aube du XVI° siècle, va oser peindre un Christ décharné, supplicié, un corps martyrisé. A la sortie du Moyen-Âge, où la mort rôde, il est devenu impossible d’annoncer Pâques sans que cette annonce soit en tension avec l’évènement de la croix. Tout est en place pour que Luther puisse explorer cette « théologie de la croix », radicalisée par l’apôtre Paul.
La croix est notre seule théologie (Martin Luther)
Lorque Luther exprime cela, il est en parfaite harmone avec Paul. Paul, qui ne retient rien de la vie, ni de l’enseignement de Jésus, mais qui proclamme : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié ». (1 Cor. 2, 2). C’est le langage du paradoxe et de l’évènement inattendu : Dieu se révèle là où nul ne songe à le chercher, c’est à dire sous les traits d’un homme mis en croix, faible et méprisé, qui singulièrement est puissance de salut ! Dans les Evangiles, les gestes et la prédication de Jésus n’ont de cesse de bousculer les idées reçues, de s’opposer aux pratiques vides de sens, de questionner notre relation au Père. Ses actions, sa prédication sont déjà folie, préfigurant et éclairant l’aberration de la croix, la théologie de la croix a pour objet de radicaliser ce message, elle nous coupe de la prétention de connaître Dieu à partir de ses oeuvres et des attributs de son être, un Dieu forgé par l’imagination humaine. La croix coupe l’être humain de la tentation de connaître Dieu par ses propres moyens, ni par notre foi si grande soit-elle, ni par notre raison si indispensable soit-elle. La croix est l’écueil sur lequel vient se briser la sagesse des Grecs, la piété des Juifs. Le corps du crucifié est une folie qui ne saurait entrer dans un système rationnel, le corps du crucifié est un scandale qui met en échec toutes les représentations de Dieu que le croyant traditionnel peut se forger. La croix nous ouvre une brèche, elle s’oppose à une compréhension de la puissance divine, elle esquisse la possibilité d’une réponse au problème du mal. Pourtant elle n’est jamais un point final.
Car la croix n’est pas la négation de la Résurrection
Au contraire la lecture de la croix se fait à partir de la Résurrection. Si tout au long des Evangiles Jésus renverse les valeurs, et s’il annonce sa mort, il dit également la victoire sur la mort. Il vit et proclame que toute sa puissance s’exerce dans l’amour. Personne ne le comprend. Pourtant il nous prépare à déchiffrer le Christ dans cette figure paradoxale du crucifié, à la lumière de la Résurrection. Chez Paul également, la croix est toujours en référence avec le Réssuscité. La parole de la croix n’est jamais négativité, elle s’inbscrit dans un cpontexte d’amour, de réconciliation, de paix. C’est dans la faiblesse et la pauvreté des situations, dans l’exercice de la compassion, que la puissance de Dieu peut donner toute sa mesure, c’est ce qui fonde une manière particulière d’habiter notre condition humaine. « Aimer jusqu’au bout » (Jean 13, 1) c’est ce qu’accomplit le Christ, et c’est à quoi il nous appelle. Mais en offrant cette certitude, l’amour est plus fort que la souffrance et le mal, l’amour est plus fort que la mort. Le couple croix-résurrection nous tourne vers la dimension de l’amour. L’amour qui peut venir à bout de la mort, l’amour qui abolit la mort et nous met en chemin vers la vie.
A la croix l’amour a étendu les bras,
et à Pâques la mort a baissé les bras.
BENOÎT XVI (…DE LA PRIÈRE DE JÉSUS À GETHSÉMANI)
2 avril, 2015http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20120201.html
BENOÎT XVI (…DE LA PRIÈRE DE JÉSUS À GETHSÉMANI)
AUDIENCE GÉNÉRALE
Salle Paul VI
Mercredi 1er février 2012
Chers frères et sœurs,
aujourd’hui, je voudrais parler de la prière de Jésus à Gethsémani, au jardins des Oliviers. Le cadre du récit évangélique de cette prière est particulièrement significatif. Jésus se met en route vers le mont des Oliviers, après la Cène, tandis qu’il prie avec les disciples. L’évangéliste Marc raconte : «Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers» (14, 26). Il est fait probablement allusion au chant de certains Psaumes de l’hallèl à travers lesquels on rend grâce à Dieu pour avoir libéré le peuple de l’esclavage et l’on demande son aide pour les difficultés et les menaces toujours nouvelles du présent. Le parcours jusqu’à Gethsémani est constellé d’expressions de Jésus qui expriment son destin de mort qui se prépare et annoncent l’imminente dispersion des disciples.
Arrivés au domaine sur le Mont des Oliviers, cette nuit-là également, Jésus se prépare à la prière personnelle. Mais cette fois, a lieu quelque chose de nouveau: il semble qu’il ne veuille pas rester seul. Jésus se retirait souvent à l’écart de la foule et de ses disciples eux-mêmes, s’arrêtant dans « des lieux déserts » (cf. Mc 1, 35) ou gravissant « le mont » dit saint Marc (cf. Mc 6, 46). A Gethsémani, en revanche, il invite Pierre, Jacques et Jean à être plus proches de lui. Ce sont les disciples qu’il a appelés à être avec Lui sur le mont de la Transfiguration (cf. Mc 9, 2-13). Cette proximité des trois hommes lors de la prière à Gethsémani est significative. Cette nuit-là aussi, Jésus priera le Père « seul », car sa relation avec Lui est véritablement unique et particulier : c’est la relation du Fils unique. On dirait même que, surtout cette nuit-là, personne ne puisse véritablement s’approcher du Fils, qui se présente au Père dans son identité absolument unique, exclusive. Mais Jésus, bien qu’arrivant « seul » à l’endroit où il s’arrêtera pour prier, veut que trois disciples au moins demeurent non loin, dans une relation plus étroite avec Lui. Il s’agit d’une proximité physique, d’une demande de solidarité au moment où il sent s’approcher la mort, mais il s’agit surtout d’une proximité dans la prière pour exprimer d’une certaine façon l’harmonie avec Lui, au moment où il s’apprête à accomplir jusqu’au bout la volonté du Père, et il s’agit d’une invitation pour tous les disciples à le suivre sur le chemin de la Croix. L’Evangéliste Marc raconte : « Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : “Mon âme est triste à mourir. Demeurez ici et veillez” » (14, 33-34).
Dans la parole qu’il adresse aux trois disciples, Jésus, une fois de plus, s’exprime à travers le langage des Psaumes : « Mon âme est triste », une expression du Psaume 43 (cf. Ps 43, 5). La ferme détermination « jusqu’à la mort » rappelle ensuite une situation vécue par un grand nombre des envoyés de Dieu dans l’Ancien Testament et exprimée dans leur prière. En, effet, suivre la mission qui leur est confiée signifie souvent se heurter à l’hostilité, au refus, et à la persécution. Moïse ressent de façon dramatique l’épreuve qu’il subit tandis qu’il guide le peuple dans le désert, et dit à Dieu : « Je ne puis, à moi seul, porter tout ce peuple: c’est un fardeau trop lourd pour moi. Si c’est ainsi que tu me traites, fais-moi plutôt mourir ! Ah! Si je pouvais trouver grâce à tes yeux et voir la fin de mon malheur !» (Nm 11, 14-15). Pour le prophète Elie non plus, il n’est pas facile d’accomplir le service à Dieu et à son peuple. Dans le premier Livre des Rois, il est écrit : « Quant à lui, il marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : “Maintenant, Seigneur, c’en est trop! Reprends ma vie: je ne vaux pas mieux que mes pères” » (19, 4).
Les paroles de Jésus aux trois disciples qu’il veut près de lui au cours de sa prière à Gethsémani, révèlent qu’Il éprouve frayeur et angoisse en cette « Heure », qu’il fait l’expérience pour la dernière fois de la solitude profonde, précisément alors que le dessein de Dieu se réalise. Et dans cette frayeur et cette angoisse de Jésus est concentrée toute l’horreur de l’homme face à sa propre mort, la certitude de son caractère inexorable et la perception du poids du mal qui pèse sur notre vie.
Après l’invitation à demeurer et à veiller dans la prière adressée aux trois disciples, Jésus s’adresse « seul » au Père. L’évangéliste Marc raconte que, « s’écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui » (14, 35). Jésus tombe face contre terre : c’est une position de prière qui exprime l’obéissance à la volonté du Père, l’abandon confiant à Lui. C’est un geste qui se répète au début de la célébration de la Passion, le Vendredi Saint, ainsi que dans la profession monastique et dans les ordinations diaconale, sacerdotale et épiscopale, pour exprimer, dans la prière, également de façon physique, l’abandon total à Dieu, la confiance en Lui. Puis, Jésus demande au Père que, si cela était possible, cette heure s’éloigne de lui. Ce n’est pas seulement la frayeur et l’angoisse de l’homme face à la mort, mais c’est le bouleversement du Fils de Dieu qui voit le poids terrible du mal qu’il devra prendre sur Lui pour le surmonter, pour le priver de son pouvoir.
Chers amis, nous aussi dans la prière nous devons être capables d’apporter devant Dieu nos difficultés, la souffrance de certaines situations, de certaines journées, l’engagement quotidien à le suivre, à être chrétiens, ainsi aussi que le poids de mal que nous voyons en nous et autour de nous, pour qu’il nous donne espoir, qu’il nous fasse sentir qu’il est proche, qu’il nous offre un peu de lumière sur le chemin de la vie.
Jésus poursuit sa prière : « Abba… Père, tout est possible pour toi. Eloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36). Dans cette invocation il y a trois passages révélateurs. Au début, nous avons le redoublement du terme avec lequel Jésus s’adresse à Dieu : « Abba ! Père ! » (Mc 14, 36a). Nous savons que le mot araméen Abba est celui qui était utilisé par l’enfant pour s’adresser à son père et exprime ainsi la relation de Jésus avec Dieu le Père, une relation de tendresse, d’affection, de confiance, d’abandon. Dans la partie centrale de l’invocation, il y a un deuxième élément : la conscience de la toute-puissance du Père — « tout est possible pour toi » —, qui introduit une demande où, encore une fois, apparaît le drame de la volonté humaine de Jésus devant la mort et le mal : « Eloigne de moi cette coupe ». Mais il y a la troisième expression de la prière de Jésus et c’est elle qui est décisive, là où la volonté humaine adhère pleinement à la volonté divine. Jésus, en effet, conclut en disant avec force : « Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36c). Dans l’unité de la personne divine du Fils, la volonté humaine trouve sa pleine réalisation dans l’abandon total du Moi au Toi du Père, appelé Abba. Saint Maxime le Confesseur affirme qu’à partir du moment de la création de l’homme et de la femme, la volonté humaine est orientée par la volonté divine et c’est précisément dans le « oui » à Dieu que la volonté humaine est pleinement libre et trouve sa réalisation. Malheureusement, à cause du péché, ce « oui » à Dieu s’est transformé en opposition : Adam et Eve ont pensé que le « non » à Dieu était le sommet de la liberté, signifiait être pleinement soi-même. Jésus sur le Mont des Oliviers ramène la volonté humaine au « oui » total à Dieu ; en Lui la volonté naturelle est pleinement intégrée dans l’orientation que lui donne la Personne Divine. Jésus vit son existence selon le centre de sa Personne : le fait d’être Fils de Dieu. Sa volonté humaine est attirée dans le Moi du Fils, qui s’abandonne totalement au Père. Ainsi, Jésus nous dit que ce n’est que dans la conformation de sa propre volonté à celle de Dieu, que l’être humain arrive à sa hauteur véritable, devient « divin » ; ce n’est qu’en sortant de lui, ce n’est que dans le «oui» à Dieu que se réalise le désir d’Adam, de nous tous, celui d’être complètement libres. C’est ce que Jésus accomplit au Gethsémani : en transférant la volonté humaine dans la volonté divine naît l’homme véritable, et nous sommes rachetés.
Le Compendium du catéchisme de l’Eglise catholique l’enseigne de manière synthétique: « Pendant l’agonie au Jardin de Gethsémani, ainsi que par les dernières paroles sur la Croix, la prière de Jésus révèle la profondeur de sa prière filiale. Jésus porte à son achèvement le dessein d’amour du Père et prend sur lui toutes les angoisses de l’humanité, toutes les demandes et les intercessions de l’histoire du salut. Il les présente au Père qui les accueille et les exauce au-delà de toute espérance, en le ressuscitant des morts » (n. 543). Véritablement « en aucun autre lieu de l’Ecriture Sainte nous ne pouvons scruter aussi profondément le mystère intérieur de Jésus comme dans la prière sur le Mont des Oliviers » (Jésus de Nazareth ii, p. 183).
Chers frères et sœurs, chaque jour dans la prière du Notre-Père nous demandons au Seigneur: « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6, 10). C’est-à-dire que nous reconnaissons qu’il y a une volonté de Dieu avec nous et pour nous, une volonté de Dieu sur notre vie, qui doit devenir chaque jour davantage la référence de notre volonté et de notre être ; et nous reconnaissons que c’est au «ciel» que se fait la volonté de Dieu et que la « terre » devient « ciel », lieu de la présence de l’amour, de la bonté, de la vérité, de la beauté divine, uniquement si en elle est faite la volonté de Dieu. Dans la prière de Jésus au Père, dans cette nuit terrible et extraordinaire du Gethsémani, la « terre » est devenue « ciel », la « terre » de sa volonté humaine, mue par la peur et par l’angoisse, a été assumée par sa volonté divine, si bien que la volonté de Dieu s’est accomplie sur la terre. Et cela est important aussi dans notre prière : nous devons apprendre à nous en remettre davantage à la Providence divine, demander à Dieu la force de sortir de nous-même pour lui renouveler notre « oui », pour lui répéter « que ta volonté soit faite », pour conformer notre volonté à la sienne. C’est une prière que nous devons faire quotidiennement, parce qu’il n’est pas toujours facile de nous en remettre à la volonté de Dieu, répéter le « oui » de Jésus, le « oui » de Marie. Les récits évangéliques du Gethsémani montre douloureusement que les trois disciples, choisis par Jésus pour être à ses côtés, ne furent pas capables de veiller avec Lui, de partager sa prière, son adhésion au Père et furent emportés par le sommeil. Chers amis demandez au Seigneur d’être capables de veiller avec Lui en prière, de suivre la volonté de Dieu chaque jour même s’il parle de la Croix, de vivre dans une intimité toujours plus grande avec le Seigneur, pour apporter sur cette « terre » un peu de « ciel » de Dieu. Merci.